Petia S.: Le malaise ressenti au sein de l'archevêché des églises russes du patriarcat de Constantinople

l'équipe de rédaction

Ce texte nous a été adressé par Petia S. en tant que commentaire. Nous avons préféré en faire un post.

Chère Marie,

Le malaise ressenti dans votre paroisse et dans d'autres paroisses ou communautés de l'archevêché est le reflet à petite échelle de ce qui se passe dans le diocèse en général à grande échelle. Le statut de cathédrale, qui se veut le centre et le chœur de l’entité ecclésiale, exacerbe également ce malaise.

Les questions que vous soulevez sont de tout premier ordre mais la principale d'entre elle concerne l'avenir. En ne se voilant pas la face, à court terme, les tensions auxquelles nous assistons ne feront que s'accroitre, la partie de l'archevêché cherchant à assoir son autorité et manipulant l'archevêque comme garantie, sous prétexte d’une Orthodoxie ultra-œcuménique, et l'autre partie cherchant à conserver, cultiver et transmettre l'âme et la tradition ecclésiale slave, le tout dans un contexte judiciaire plus qu’intense qui n’est pas près de se calmer.


A moyen et long terme, la situation est simple et catastrophique à mon sens ; à cela une seule et simple raison : l’archevêque Gabriel n'a pas de successeur et il n'y a à ce jour aucun moine (hiéromoine, archimandrite ou hégoumène) capable d'assurer la fonction d'archevêque des églises russes en Europe occidentale telle que défini par les statuts du dit archevêché, et du tomos de 1999.

Ne voyez pas dans mes propos une quelconque spéculation sur la santé de Mgr Gabriel, loin de là. Dans la tradition orthodoxe, les garants des dogmes, des traditions sont les moines et l’ordre monastique, d’où sont normalement issus les futurs évêques. Or dans notre diocèse l’ordre monastique excepté 2 ou 3 couvents ou monastères mixte est inexistant. Jamais l’archevêché n’a su fonder un monastère tel que celui de Jordanville par exemple, ni développer une tradition monacale spécifique lui servant de vivier ou de source. Les causes doivent être à mon sens cherchées dans ce qu’on appelle « l’école de Paris » ou dans le « schmémanisme », philosophies élevées aujourd’hui au rang de dogme par l’élite dirigeante de l’archevêché privilégiant un monachisme dans le monde plutôt qu’un monachisme contemplatif.

Mais comment et pourquoi le Saint Synode de Constantinople n’a-t-il pas confirmé l’élection de l’archimandrite Johannes Johanson comme évêque vicaire il y a quelques années ? Le dernier d’entre eux, Mgr Michel s’étant fait remercié comme un malpropre sous prétexte d’un âge trop avancé. La situation est tristement banale, et l’avenir tracé avec un évêque grec, célébrant en grecque ou dans le meilleur des cas en français à la rue Daru et un archevêché totalement intégré à la métropole grecque de France perdant de fait, toute indépendance : la fin de 90 ans d’histoire.

Sauf miracle, votre résignation chère Marie, est légitime quand au fait de quitter l’archevêché et si Mgr Gabriel n’aime pas une partie de son troupeau, il faut aller chercher un autre pasteur ailleurs. Mais naïvement, je suis persuadé que notre église mère suit avec attention les élucubrations de nos dirigeants et à un moment donné, qui n’est peut être pas si loin que cela, le soleil, comme toujours reviendra par l’est.


Commentaires (10)
1. Anna Rotnov le 13/04/2010 13:57
Puis - je juste intervenir juste sur un point ? Le Miracle est la base de notre religion , de notre Foi . Lorsque nous disons ; " A la volonté de Dieu " il s' agit bien d' un miracle que nous attendons de Lui . A mon point de vue il ne s' agit pas de désespérer ou de baisser les bras , mais juste d' attendre ; Dieu se chargera de tout et ce au moment qu' Il jugera nécessaire . C' est juste une épreuve pour nous tous . Il faut la traverser avec patience .
2. vinika le 13/04/2010 16:05
oui, mais pour que Dieu puisse faire un miracle, il faudrait que les hommes soient attentifs et désireux d'un vrai changement dans les coeurs et l'homme même l'homme de clergé, est soumis à la platitude du pouvoir et à la détermination de vaincre et de dominer...
"l'enfer c'est les autres " ! sans vouloir être ironique ou mordante mais je trouve toutes ces intestines querelles usantes et peu appropriées à faire aimer l'orthodoxie ou à la faire connaître... Lutte de pouvoirs, temps primitifs, primauté du siège, juridiction, etc... Publicains, pharisiens, Chrétiens, etc
3. Marie Genko le 14/04/2010 09:08

Cher Pétia,

Il y a plus de moines disponibles que vous ne le craignez.

Chez nous, nous avons le Père Johannes Johanson, le Père Nicolas Molinier et le Père Elysée.
Il y en a certainement plusieurs autres que je ne connais pas.

Mais le plus vraisemblable est que le Saint Synode choisira le Père Job Guetcha qui est un proche de Sa Sainteté le Patriarche Bartholomé.

Personnellement je souhaite de longues années à Mgr Gabriel, après tout ce qu'il a enduré, il mérite pour le moins notre affection et notre respect!

4. Marie Genko le 20/04/2010 13:26

Cher Pétia,

Vous avez dit très justement très justement que nous manquons de moines!
Et je vous ai répondu que nous en avons encore tout de même quelques uns, dont le Père Job Guetcha qui a longtemps été membre de l'Institut saint Serge.
Comme le regain de querelles semble dramatiquement s'intensifier dans notre diaspora, je veux donner en réflexion à tous, tant aux tenants d'une application immédiate de l'ecclésiologie orthodoxe sur la diaspora (Daniel, Irénée et certainement le Père Job) qu'à ceux qui souhaitent rester unis à leur Église mère, la correspondance suivante qui m'a été envoyée par "Wormwood" et que je reproduis ici avec sa permission:


"Marie,
J'ai participé à divers Blogs, mais j'en suis venu aujourd'hui à la conclusion que je m'en abstiendrai désormais pour les raisons suivantes : les querelles par Internet interposé ne font qu'embrouiller les choses davantage, car on y trouve de tout, depuis le rappel pertinent de la doctrine et de la discipline ecclésiastique jusqu'aux argumentations les plus spécieuses. Deux propos antagonistes se mêlent sur les différents sites : Certains désirent approfondir la doctrine de l'Eglise pour se faire une idée plus juste des enjeux des situations dans lesquelles, volens-nolens, ils se retrouvent embarqués. D'autres, prenant occasion de cette louable intention, ont pour objectif premier la promotion partisane de thèses justificatives des politiques ecclésiastiques contradictoires en présence, et usent de tous les artifices que l'esprit du monde leur suggère pour parvenir à leurs fins.
Les fidèles (animés du "sens de l'Église" qui est leur charisme propre) sentent bien que quelque chose ne va pas en Orthodoxie, sans pouvoir l'expliciter, et ils connaissent un désarroi que personne ne vient éclairer. C'est ce désarroi qui les pousse, malgré leur manque de culture théologique, canonique, disciplinaire, à trouver par eux-mêmes la voie de la Vérité et à tenter ces dialogues risqués où, malheureusement pour eux, ils se réfèrent trop souvent à un "bon sens" dévoyé, ou encore au sentiment qu'ils ont instinctivement, perdant de vue l'infirmité (due au péché) qui affecte nos intelligences, nos volontés et nos mémoires.
Ils échapperaient à ce piège si leur confiance était entière en ceux dont c'est le rôle de dispenser fidèlement la parole de la Vérité. Hélas, ceux-ci apparaissent trop souvent comme les propagandistes de thèses faussées dans la ligne du parti ecclésiastique qu'ils sont requis de servir inconditionnellement, ou comme les représentants d'une camarilla d'idéologues qui les soutiennent comme la corde soutient le pendu, ou comme les fils soutiennent la marionnette. Cette défiance est une maladie de la conciliarité à l'intérieur du corps ecclésial, et cette maladie le transforme soit en organisation partisane de type mondain, soit en secte.
Dans ces conditions, je m'abstiens de participer davantage aux faux débats qui s'instaurent sur le Net, me souvenant du fait que

le diable ne promeut pas l'erreur, mais le mélange de la vérité et de l'erreur, non pas l'infidélité mais la foi droite mise en œuvre dans une perspective faussée. Il peut aussi promouvoir des vérités, mais il le fait de façon sèche, clinique, sans amour ... et ceux dont cette vérité froide pointe les insuffisances se retrouvent épinglés comme des insectes et cruellement disséqués. Il le fait aussi de façon plate : je veux dire qu'il ne met aucune hiérarchie entre les choses qu'il dénonce, il ignore volontairement la bienveillance, la longanimité. Son propos n'est pas de faire comprendre mais de faire discréditer, à tout prix et tout de suite, ceux qu'il fait considérer comme "le camp d'en face".
J'en viens enfin à penser que dans la situation fausse et bloquée dans laquelle nous nous trouvons - et sur laquelle nous n'avons aucune prise - il est peut-être meilleur de mettre en Dieu sa confiance, de nous rendre disponibles à sa volonté au quotidien, espérant qu'une solution vivifiante surgira par surcroît de notre effort de conversion, lorsque l'iniquité sera allée au bout de sa logique.

Je comprends ce qui est écrit ci-dessus par Wormwood comme un appel à la "CHARITÉ"!
Pour moi il n'est pas bon de se servir de l'ecclésiologie orthodoxe pour écraser ceux qui se veulent fidèles à leur Église mère!
Le temps n'est pas venu pour mettre en application sans "bienveillance et longanimité", comme l'écrit Wormwood, une ecclésiologie applicables aux territoires canoniques orthodoxes.
Je n'en veux pour preuve que les dramatiques situations juridiques que nous subissons et qui souillent notre religion!
Pour conclure, je ne peux que répéter que :

LES DESCENDANTS DE L'ÉMIGRATION RUSSE N'AURAIENT JAMAIS DU SE SÉPARER EN DEUX JURIDICTIONS DISTINCTES, CAR C'EST LA UNE DES CAUSES PREMIÈRES DE NOS SOUFFRANCES D'AUJOURD'HUI!
5. Daniel le 20/04/2010 16:09
Je suis d'accord sur le manque de moines. Mais encore faut-il de vrais moines. Quand on lit la la vie des sainst moines, on voit qu'ils entraient au monastère, y passaient bien de longues années (4-5) avant de devenir hiérodiacre, hiréomoines, attendaient encore avant de devenir archimandrite puis évêque. Aujourd'hui, sans avoir mis les pieds dans un monastère, en étant célibataire, j'exagère à peine, vous êtes tonsurés moines lundi, fait hiérodiacre mardi, hiéromoine mercredi, archimandrite jeudi et évêque vicaire vendredi... Je m'interroge sur ces moines promus rapidement qui n'ont pas une véritable expérience de la vie monacale, soit érémitique soit cénobitique... Et qui, une fois moines voire évêque, se rencontrent plus dans des fonctions diplomatiques... Ils me rappellent les abbés de cour.
6. Cathortho le 20/04/2010 18:26

" Quelque chose ne va pas en orthodoxie. " Il fallait le dire, c'est dit. Merci Wormwood de l'avoir dit. Mais maintenant que c'est dit, reste à poser la question, la question qui fait peur, la question donc que personne n'ose poser et qui pourtant devrait l'être de toute urgence face à la crise de l'orthodoxie, crise qui ne cesse de s'accentuer : quelle est la nature exacte de ce " Quelque chose " qui ne vas pas en orthodoxie ?
Dans la seconde moitié du XIXème siècle un penseur russe exceptionnel se l'est posée et a proposé quelques réponses. Réponses refusées, occultées, car trop dérangeantes. Et faute d'avoir pris en compte ces réponses avec le sérieux qu'elles méritaient, l'orthodoxie se trouve confrontée aujourd'hui à ce qui est sans doute sa plus grande crise, crise provoquée par ce qu'on appele globalisation ou mondialisation, à savoir la lente mise en place, de gré ou de force, d'une oîkoumenè unique financiaro-centrée, libérale-libertaire, dont les fondements mensongers que l'on pourrait synthétiser par la formule " Le Marché vous rendra libres " sont l'exact opposé de la bonne nouvelle apportée par le Christ : " La Vérité vous rendra libres " . Face à cette uniformisation planétaire l'orthodoxie, atomisée, s' atomise toujours plus en " camps d'en face " mettant à mal le désir du Christ " Qu'ils soient Un "... faute, comme le disait le penseur russe auquel j'ai fait allusion, d'avoir un Centre.
7. Daniel le 20/04/2010 21:06
La plus grande crise dans l'orthodoxie a été le joug communiste et une partie de ce que nous vivons en est une conséquence indirecte ou pas.Comparé au joug communiste, la crise actuelle est un jeu d'enfant, de la petite bière.

Les réponses aux problèmes se retrouvent dans un retour à la tradition de l'église, aux saints pères, à la sainteté plutot que dans les élucubrations d'un philosophe. Les vrais philosophe sont ceux qui aiment la Sagesse, celle-ci étant le Christ. Ce sont les saints : que les Saints parlent et que les philosophes se taisent
8. Cathortho le 20/04/2010 22:56
@ Daniel

Magnifique ! Nul doute que s'il ne devait en rester qu'un (vrai orthodoxe) vous serez celui-là.
9. Daniel le 21/04/2010 12:38
@ Cathortho

Merci pour cette intéressante contribution qui apporte une touche polémique au débat et que je ne relèverai donc pas. (message n°8).

Je crains que vous ne réfléchissiez selon des catégories mondaines en mettant sur un piédestal, les penseurs, philosophes et autres intellectuels en lieu et place des Saints. Peut-être faudrait-il chercher des modèles du 19e siècle auprès de Saint Théophane le Reclus, de Saint Ignace Briantachaninov et bien d'autres saints... Et laisser Soloviev à ses rêves...

Pour redevenir sérieux, l'église a un centre qui est le Christ dont une sorte d'image pour chaque diocèse, est l'évêque du lieu. Mais si vous voulez absolument un vicaire du Christ sur terre, voyez du côté de Rome...
10. Cathortho le 21/04/2010 14:55
@ Daniel

Vous craignez dites-vous que je ne réfléchisse " selon des catégories mondaines ". Pour ma part, je crains que vous réflichissiez pas du tout. Je ne mets pas bien entendu en cause votre capacité à réfléchir. Je pense tout simplement que vous ne prenez pas le temps de réfléchir et ce à cause de votre fatuité qui vous fait réagir selon ce que l'on appelle des réflexes de Pavlov.
Une fatuité qui ne se rend pas compte qu'elle frise le ridicule en enfonçant sans cesse des portes ouvertes.
Une fatuité qui se drape à bon compte dans les plus excellentes vertus en ne craignant pas d'invoquer sans cesse l'orthodoxie la plus pure, la tradition, les pères de l'Eglise, les saints, ce qui est une excellente chose lorsque cela est fait dans l'humilité, mais qui l'est beaucoup moins lorsque cela est fait dans l'autostisfaction comme c'est le cas avec vous, vous qui oubliez qu'à trop vouloir faire l'ange on prend le risque de faire la bête.
Une fatuité qui vous amène à épouser le rôle peu sympatique d'un inquisiteur traquant l'hérésie de manière obsessionnelle dans les moindres recoins.
Une fatuité qui vous aveugle à tel point que lorsqu'il a été rappelé sur ce blog le martyr subi par le père Popieluszko, le seul commentaire qu'il a suscité de la part de votre grande âme chrétienne a été : " Quel rapport avec l'orthodoxie ? ". (Archives octobre 2009)
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