1.
Vladimir.G
le 14/10/2013 22:54
Merci aux illustrateurs pour cette intéressante juxtaposition de l'icône de l'École de Novgorod (1401-1425 Galerie Tretiakov, Moscou , Wikimedia CC) avec cette icône (Ukraine XVIIe? je ne trouve pas de références précises...) qui rappelle surtout l'image catholique de la Vierge de Miséricorde immortalisée en particulier par Domenico Ghirlandaio, (vers 1472, Florence, église d’Ognissanti. http://aparences.net/wp-content/uploads/ghirlandaio_vierge_miser.png) ou Piero della Francesca (1445-55, Museo Civico di Sansepolcro. http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Misericorde.jpg) et très présente en particulier en Italie...
2.
Vladimir.G
le 15/10/2013 19:58
Suite...
Je trouve que ce rapprochement permet une intéressante réflexion sur les objectifs respectif de l'icône et de l'image religieuse. La première nous donne une représentation de l’indicible incarné. Ici, elle représente un évènement réel, avec tous les attributs réels de l'évènement: l'église, l'apparition, le témoin et le peuple, les anges et les saints... Mais sans prétendre à un réalisme visuel. La seconde, par contre, montre un phénomène symbolique, qui ne s'est jamais réellement produit, mais l'habille de tous les éléments réalistes: couleurs et formes (modelé des visage), perspective, ombres... Je serais très intéressé si quelqu'un pouvait mieux expliquer ces deux approches
3.
Françoise
le 23/10/2014 11:18
Réponse (tardive) à Vladimir
En prolongement de votre réflexion, il me semble que les deux images accentuent deux aspects de la protection de Marie, relative à la vision de St André :
L'icône du Pokrov met l'accent sur la Mère de Dieu dans sa prière pour le monde. Elle montre Marie dans l'église de l'apparition, dont les murs sont matérialisés. Elle étend son manteau sur ses enfants et prie le Christ. Tout cela fait référence à la grande place qu'elle tient dans l'Eglise. L'icône renvoie à Marie dans la gloire.
Dans la deuxième, l'évènement a disparu, mais il en reste l'élément du manteau. La protection de Marie a un aspect plus humain, elle protège ses enfants qu'elle recouvre de son manteau et les assure de sa tendresse. C'est une peinture plus tardive, d'aspect pictural occidental et qui pourrait renvoyer également à un thème qui s'est développé plutôt en Occident, Marie, mère des humains.
Françoise
4.
Vladimir G: ICONOGRAPHIE
le 14/10/2016 17:00
L’icône du Pokrov représente la Mère de Dieu debout en orante les bras levés, dans un décor d’église byzantine, et accompagnée par les saints. Dans les représentations anciennes c'est la Vierge Marie qui déploie largement son voile; placée au dessus de l'assistance, elle est clairement la médiatrice entre la terre et le ciel qui protège et intercède pour l'humanité. Dans les icônes postérieures au XVIIe ce sont deux anges qui étendent le voile sur le peuple et au dessus du voile étendu se tient le Christ en buste à qui s’adresse la prière de sa Mère, placée au milieu des humains. La représentation du père Krug revient aux canons traditionnels mais ne garde que la figure de la Vierge.
En Occident, la sollicitude de la Vierge Marie est clairement plus maternelle, comme l'écrit Françoise; elle est consolatrice, "terrestre", ce qui correspond bien à la tendance de la peinture religieuse occidentale de rapprocher le divin de la condition humaine. Marie devient plus mère des humains que Mère de Dieu... Cette évocation de la Vierge Marie au manteau protecteur vient Césaire de Heisterbach (Dialogus Miraculorum, entre 1217 et 1222) qui relate la vision d'un moine cistercien: il se désolait auprès de la Vierge Marie de ne trouver aucun membre de son ordre au ciel; celle-ci ouvrit alors son manteau où se trouvait une multitude de frères de nonnes et de son ordre. Ce récit connu un franc succès, les représentations se propageant à partir du XIVe siècle, notamment grâce à la dévotion du rosaire qui s'appuya beaucoup sur la représentation de la Vierge de Miséricorde. On trouve souvent cette représentation dans les sculptures des petits oratoires, en particulier dans les rues de Venise.
L'icône ukrainienne du XVIIe siècle montre la pénétration de ce type dans l'iconographie orthodoxe, mais elle est restée très limitée…
5.
justine
le 15/10/2016 12:23
Pourquoi voulez-vous induire les gens en erreur au lieu de les conduire aux sources de la verite? Ou avez-vous ete chercher votre affirmation? Les Orthodoxes donc venereraient moins que les Occidentaux la Mere de Dieu comme mere des Chretiens? Le theme meme de cette icone de la Protection de la Mere de Dieu est d'origine orientale. Lisez-en le detail au 28 mai, fete de St Andre le Fou pour le Christ qui vecut au 10e siecle a Constantinople. Quant a la veneration de la Mere de Dieu comme mere et protectrice des Chretiens, elle remonte aux debuts meme du christianisme, comme nous le montre l'iconographie paleo-chretienne notamment. Le Christ Lui-meme en est la source, par ces paroles que du haut de la Croix Il dit au disciple bien-aime: "Voici ta mere" (Jn 19,27).
6.
Vladimir G: ICONOGRAPHIE
le 17/10/2016 08:30
Je suis très surpris, bien chère Justine, que vous sembliez ne pas percevoir la différence doctrinale entre Catholiques et Orthodoxes concernant la représentation de la Vierge Marie dans l'iconographie. Pour nous, comme le montre nos icônes, la Vierge Marie est notre Mère céleste, intercédant pour l'humanité auprès de son Fils. Elle est l'instrument de l'Incarnation en concevant le Fils de Dieu (Theotokos) et Mère de Dieu. Ses icônes transmettent ce message en rendant visible l’indicible, le transcendant. Leur langage est liturgique, complémentaire de la Parole.
Dans l'art religieux catholique après la Renaissance le message est tout autre: la Vierge Marie, comme tous les autres sujets d'ailleurs, est avant tout un personnage humain, terrestre. Même dans les représentations de la Vierge de Miséricorde, si elle est plus grande que les humains agenouillés sous son manteau, elle est néanmoins représentée comme une jeune mère gentille et compatissante, sans aucune transcendance.
C'est cette différence qu'il me semble important de souligner actuellement, quand l'imagerie occidentalisante envahit l'iconographie populaire...
NB: les 5 illustrations de mon texte sont visibles sur: https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1606451969651468&id=100008600417897
7.
Clovis
le 18/10/2016 15:04
Disons que depuis la renaissance la peinture occidentale s'était engagée dans une voie naturaliste, mimétique et donc immanente, mais dès lors qu'il s'est git de représenter l’irreprésentable, la transcendance etc..; force est de constater l'échec de ce mode de représentation.
Le meilleur exemple est sans doute la Transfiguration de Raphaël, où le peintre, sans doute à court d'artifice représente le christ en "lévitation" au dessus du sol, fait fi de la tradition et de la réalité, pour représenter le caractère surnaturel de l'événement. Il en va de même pour l'extase de Sainte Thérèse par le cavalier Bernin. Les artifices ne peuvent représenter cela sans avoir recours à certains codes, les codes de la peinture occidentale sont sous le joug de l'immanence, toute représentation y sera mensongère.
L'icône fait appel à un autre langage et n'est pas régie par l'immanence, puisque c'est la transcendance qui l'anime.
Ainsi les catholiques qui ont presque divinisé la Sainte Vierge ne peuvent que la représenter comme une mère, une "maman" qui console etc... Mais pour la représenter dans sa gloire et dans son rôle, à part en la coiffant d'une couronne et en l'asseyant sur un trône terrestre même sur un nuage, il n'y a que des moyens détournés.
Il n'y a plus de lien entre la prière, la théologie et l'image, que le côté illustratif, il n'y a pas de participation de l'image au mystère de la foi. Alors qu'une icône de la mère de Dieu telle l'Hodigitria en montre et en annonce cent fois plus qu'une simple image d'une mère et son enfant, sur l'Incarnation, le Salut, le Chemin.
8.
Noël Ruffieux
le 14/10/2017 10:54
Plutôt que d’entrer en polémique avec certains commentaires précédents, affirmations parfois erronées, mal informées, sur la piété des catholiques envers Marie, je vous propose ce qui est probablement la plus ancienne prière à Marie (vers 250-280), commune à la plupart des Eglises de ce temps, à une époque où l’iconographie mariale n’était pas encore un thème de dispute. Bien avant le Concile d’Ephèse (431), les chrétiens avaient recours à Marie Mère de Dieu (Theotokos ou Genitrix). Cette prière est probablement une source lointaine du thème de la Protection de la Mère de Dieu (le Voile de Marie) ou du Manteau de Marie couvrant les affligés. Dans les versions grecque et latine, elle est très proche :
« Sous ta compassion (ou Sous ta protection) nous nous réfugions, Mère de Dieu !
Nos prières, ne les méprise pas dans les nécessités,
mais des dangers délivre-nous,
seule pure, seule bénie. »
Dans la Liturgie des heures de l’Eglise de Rome, cette prière Sub tuum praesidium est proposée à la fin des complies. Elle est aussi pratiquée dans la dévotion personnelle. Dans l’Horologion orthodoxe, elle est dite à la fin des vêpres en Carême. Mais elle est aussi présente dans la dévotion personnelle. C’est une brève et belle prière à dire le soir avant de s’endormir. N’est-elle pas – si j’ose une remarque que certains diront plus affective que théologique – comme le regard de l’enfant vers sa mère, à son coucher, à qui répond le baiser maternel ? Mais si mon regard est aussi théologique que cette sobre et riche prière, je ne risque rien !
On peut trouver une étude d’Henri de Villiers sur cette prière en cherchant sur internet :
Henri de Villiers, Sub tuum præsidium : la plus ancienne prière à la Très-Sainte Vierge Marie