Prière pour les suicidés

Vladimir GOLOVANOW

Le Saint-Synode de l'Eglise orthodoxe russe a approuvé le 27 juillet dernier un "rite de la prière de consolation pour les parents de ceux qui ont volontairement mis fin à leur vie".
Lire ici le texte de ce rite (en russe) et voici la traduction du préambule:

Les saint canons de l'Eglise interdisent de prier pour les suicides (Timothy 14) puisqu'ils ont délibérément rompu la communion avec Dieu. La justesse de cette règle est confirmée par l'expérience spirituelle des confesseurs qui eurent à supporter un poids insupportable et des tentations démoniaques après avoir osé prier pour des suicidés.
Cette règle de saint Timothée d'Alexandrie s'adressait aux membres déchus de l'Eglise. Toutefois, à l'heure actuelle, la plupart des suicidés sont des gens baptisés, mais n'ayant reçu aucune éducation religieuse ni aucune enseignement pastoral.

Ils mettent fin à leur vie non pas en s'opposant consciemment à Dieu et à l'Eglise, mais en "état de démence", même si celle-ci n'est pas médicalement diagnostiqué. Le prêtre, qui n'a pas connu le défunt durant sa vie, n'est pas en mesure de décider comment réagir face à un tel décès, mais les parents et proches du suicidé, face au refus du prêtre de célébrer les obsèques (otpevanie), s'éloignent encore plus de l'Eglise qui ne leur procure aucune consolation.

Dans ces circonstances, pour assurer la nourriture spirituelle des fidèles et uniformiser la pratique pastorale, le Saint Synode de l'Eglise orthodoxe russe bénit et propose, sans effectuer les obsèques et les commémorations des suicidés, d'apprendre aux proches et parents de tels défunts les prières réconfortantes suivantes.

En plus de dire les prières proposées, les parents et proches peuvent prendre sur eux, avec la bénédiction du prêtre, de dire personnellement la prière du saint starets Léon (Lev) d'Optina. Mais ce qui aide surtout de tels défunts, c'est la distribution d'aumônes en leur nom et la vie pieuse de leurs parents et proches.

Traduction V. Golovanow


Commentaires (14)
1. Tchetnik le 06/08/2011 16:43
Il y a quelques exceptions notables inspirées de Sainte Pélagie (8 Octobre), à savoir ceux qui ont mis fin à leur vie comme un acte de confession et de pureté.

C'est le cas à Lienz où l'Église prie toujours pour le salut de l'âme de certains Vlassovtsi qui se sont suicidés alors que l'armée Britannique les livrait à Staline.
2. Daniel le 07/08/2011 10:10
Pourriez-vous détailler cette histoire de Sainte Pélagie. Dans son histoire résumé dont je dispose, je n'ai aucune mention de suicide.
3. Tchetnik le 07/08/2011 14:25
Je vous mets ce bref résumé en anglais (OCA) en attendant d'avoir le temps de trouver un peu mieux:

The holy Virgin Martyr Pelagia was a fifteen-year-old girl when she suffered martyrdom in Antioch during the Diocletian persecution.

When soldiers came to her home to seize her, St Pelagia jumped out the window in order to avoid defilement.

4. vladimir le 07/08/2011 16:47
Il y a plusieurs Pélagies. Voici celle dont parles Tchetnik:
Nous avons le récit de sa mort grâce à saint Jean Chrysostome. Au début de la persécution de Dioclétien vers 302, les policiers se présentent au domicile de sainte Pélagie qui n'a que 15 ans. Elle est seule et ils viennent l'emmener car elle est chrétienne. Devant leur attitude dont elle sait que cela risque de se terminer par un viol avant d'être menée au tribunal, "Pélagie, écrit saint Jean Chrysostome, imagina une ruse si habile que les soldats n'en sont pas encore revenus. D'un air calme et gai, feignant d'avoir changé d'avis, elle les prie de la laisser se retirer un moment, juste le temps de revêtir la parure qui convient à une nouvelle épousée. Ils n'y voient aucun inconvénient. Quant à elle elle sort posément de la chambre, monte en courant sur le toit de la maison et se précipite dans le vide. C'est ainsi que Pélagie déroba son corps à la souillure, qu'elle délivra son âme pour lui permettre de monter au ciel et qu'elle abandonna sa dépouille mortelle à un ennemi désormais inoffensif."

Martyrologe romain: http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1978/Sainte-Pelagie-la-Penitente.html

Et d'autre qui ne se suicident pas ici: http://calendrier.egliseorthodoxe.com/sts/stsoctobre/oct08.html et là http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1096/Sainte-Pelagie.html
5. Tchetnik le 07/08/2011 18:23
Consultez le Synaxaire de Père Macaire de Simonos-Petras. La mention qu'il en fait reprend aussi les mêmes élémemts.

Je reproduis ici celle des Prologues d'Ohrid, qui est un peu plus vague:

""3. The Holy Martyr Pelagia
Pelagia was a maiden from an eminent family in Antioch. During the reign of Emperor Numerian, the
governor of Antioch sent soldiers to bring Pelagia to trial as a known Christian. The soldiers surrounded
the house and called the holy maiden to come to the door. She greeted them, and when she heard that
they were taking her before the judge, she pretended to be happy, and told the soldiers to wait for a
moment while she went back into the house to change clothes. Then she climbed to the roof of the
house, raised her hands to heaven and prayed to God for a long time that He receive her soul and not
permit her virginal purity be defiled. God received her soul, and her body fell dead before the soldiers.
St. John Chrysostom wrote: ``Her death came about not by natural causes but rather by the command
of God.'' And he continues: ``Thus, this virginal body, more pure than any gold, lay on the ground;
angels surrounded it, archangels honored it and Christ Himself was beside her.''"

6. Daniel le 07/08/2011 20:14
Je suis un peu embêté avec cette Sainte Pélagie qui se suicide pour ne pas être violée. Par exemple, dans le cas de Sainte Lucie (de mémoire), elle fut protégé du viol (on l'avait enfermé dans une maison close à cette fin) par Dieu qui paralysa les agresseurs...
7. vladimir le 07/08/2011 22:20
Ce qui serait intéressant, c'est ce serait de voir ce qu'en dit saint Jean Chrysostome... mais je n'ai pas trouvé.
8. Daniel le 07/08/2011 22:35
Merci en effet pour cette précision. Elle ne s'est pas suicidée en fait...
9. Tchetnik le 08/08/2011 22:39
Voilà le texte que l'on peut trouver en ligne à son sujet:

http://homepage.mac.com/thm72/orthodoxievco/ecrits/vies/synaxair/juin/pelagie.pdf

Les dires de Saint Jean Chrysostome à son sujet semblent y être rapportés correctement.

10. Tchetnik le 08/08/2011 22:41
Voici une version plus facile à consulter:


HOMÉLIES SUR SAINTE PÉLAGIE
DEUXIEME HOMÉLIE ATTRIBUEE A JEAN CHRYSOSTOME
Cette deuxième homélie consacrée à la martyre Pélagie n'est connue que par une traduction latine
conservée par Surins et son attribution au prêtre antiochien est loin d'être assurée.
Pélagie, cette vierge sainte, mériterait un plus grand nombre de spectateurs , car ses combats
furent grands, et demandent des spectateurs à flots plus abondants. Cependant il lui suffit du Christ,
dont la présence est le seul ornement du discours et de la fête que nous lui décernons ; et, en effet,
où est le Christ, là se trouve en même temps tout le choeur des anges. Il est vrai aussi de dire que
tous les martyrs ont montré des membres plus puissants que les tortures, et, par là, se sont conquis,
pour les opposer au démon, un grand nombre de spectateurs ; on les a vus, avec un corps, surpasser
les esprits sans corps, et montrer l'énergie de leur chair en lutte avec le fer des bourreaux. Mais
quand nous voyons jusqu'à des jeunes filles impatientes de mourir pour le Christ crucifié, alors je
trouve encore plus ridicule l'irréflexion du démon : il sut inventer les moyens de répandre en foule
ses oracles de tous côtés ; il s'est donné comme annonçant l'avenir par avance, et il n'a pas prévu, il
a oublié de prophétiser toute l'étendue de la confusion et du ridicule qu'il encourrait aujourd'hui.
Essayez de comprendre quelque sujet de dérision plus burlesque que ce qui est arrivé aujourd'hui au
démon ! Il avait la vierge prise dans ses filets, et il perd sa proie ; il tenait la jeune fille, il n'a pas pu
la garder ; on eût dit que c'était une ombre, non une vierge qu'il avait saisie.
C'est qu'elle unissait, à la simplicité de la colombe, la prudence du serpent ; la simple
colombe s'est laissée prendre, mais le serpent, plein de prudence, a échappé ; quoiqu'elle se vît
prise, elle ne désespéra pas de la victoire; elle ne laissa surprendre ni son coeur ni sa pensée, quoique
sa personne fût captive ; elle imagina un expédient, une sage combinaison, pour déjouer l'esprit
inconsidéré des soldats, et les frapper pour ainsi dire de stupidité. Quelle fut cette combinaison ? La
jeune fille fit semblant d'avoir changé d'avis ; et, pour qu'on se fiât à son air, malgré la tempête qui
grondait sur elle, malgré le naufrage qui l'entourait de si grands périls, elle montrait un visage calme
et gai. Les soldats, dupes de cette ruse, trompés par la sérénité de la jeune fille, commencèrent à lui
témoigner quelques égards. Elle leur avait demandé de lui permettre de se retirer tout le temps qui
lui serait nécessaire pour revêtir le costume d'une nouvelle épouse ; les soldats la laissèrent libre de
s'éloigner. Non seulement ils voulaient lui être agréable, mais ils se promettaient aussi les
compliments du juge, à qui ils auraient amené une jeune fille ornée et parée. Celle-ci, maîtresse de
ce qu'elle désirait, se hâta de revêtir ce qui est la vraie beauté, c'est-à-dire la force d'âme, la riche et
ferme espérance de la résurrection ;. et aussitôt elle monta en courant sur le toit de sa maison, et de
là se précipita. Elle accomplit résolument cette gymnastique hardie que le démon ne craignit pas
autrefois de proposer au Seigneur lui-même : Si vous êtes le Fils de Dieu, précipitez-vous (Mt 4,
6) . Je ne puis considérer la foi, la grandeur d'âme de cette jeune fille sans être stupéfait.
Que n'aurait pas pensé en ce moment une autre jeune fille ? Elle aurait certes dit : je me
précipite, puisque j'y suis forcée par la crainte du déshonneur. La pensée est louable, pourvu que la
chute détermine la mort ; les ennemis auront beau s'acharner sur mon corps privé de vie, je ne
sentirai rien, je n'aurai pas conscience de ce qu'ils feront. Maintenant, si je me brise les membres sur
la terre, mais sans mourir, déformée, tourmentée par la douleur, je n'en serai pas moins conduite
devant le juge ; et alors je souffrirai ce que j'ai toujours craint; ils exerceront leur infâme brutalité
sur mon corps meurtri, ils me dépouilleront de l'honneur que je veux garder pur, et ainsi je subirai
un double malheur : mes membres fracassés, ma virginité perdue. C'était assez de pareilles
réflexions pour bouleverser toute autre jeune fille. Mais Pélagie avait confiance; elle sentait sans
doute qu'il y avait quelqu'un qui lui garantissait l'événement; et voilà pourquoi elle montra un
courage si prompt à se précipiter.
Ainsi une jeune fille, une vierge, t'a vaincu par son énergie, par son courage, ô démon ! Le
défi que tu as jadis proposé au Seigneur, une jeune fille, sa servante, l'a retourné contre toi-même,
et, courant sur le faîte du toit, de là, elle s'est élancée ; le juge l'a appelée ; c'est toi qui as suggéré
tout cela; elle ne t'a pas obéi, elle n'a pas accepté un combat plein de ruses ; elle connaissait bien la
malice de tes pensées ; c'est ton habitude d'appeler les vierges devant les juges, comme pour les
faire battre de verges, et bientôt, sans combat, de précipiter dans les abîmes, bien plus tristement
captives, celles qui n'ont pas craint le combat. Si tu n'as pas d'arrière-pensée, quand tu appelles une
jeune fille au combat, dans le stade, mesure-toi désormais avec elle; quand elle se jette du haut d'un
toit, soutiens-la dans sa chute; ose donc l'affronter; ne recule pas devant les luttes de ce genre.
Donne l'essor que tu voudras à ton astuce. Tu as la terre pour champ de bataille ; pousse désormais
vivement les glaives, pour donner la mort; prépare, pour tuer les hommes , les durs instruments de
meurtre; apprête-toi à briser la jeune fille qui tombe. Tous tes artifices, si retors, si profonds qu'ils
soient, se sont trouvés sans aucune puissance; la vierge les a vaincus ; et, ce qui est plus
remarquable, elle n'a pas réclamé de Dieu ce qui est écrit : Commandez à vos anges, Seigneur, que
je ne heurte pas mon corps contre la pierre (Lc 4, 10-11) ; mais ce qu'elle lui demanda, c'est de
prescrire à son âme, aussitôt après sa chute, de quitter son corps. O jeune fille, femme par ton sexe,
mais d'un courage digne de l'homme ! Ô vierge, qui mérites d'être célébrée à double titre, et parce
que tu fais partie de la troupe des vierges, et parce que tu as été inscrite au nombre des martyrs ! Ô
jeune fille, chaste jusqu'à ne pas permettre aux regards libertins d'un juge de jouir de ton aspect !
Imitons donc, nous aussi, sa modestie, sa continence, et dressons des trophées de nos victoires sur
les voluptés; réprimons la fougue de nos désirs déréglés, effrénés ; animons-nous à la piété,
fortifions-nous dans la ferveur ; délivrons, même nos juges, des tentations, et, quand il le faut,
remplaçons l'humilité par de l'audace ; enfin, sur cette terre, mortifions nos membres, afin que le
Seigneur, s'emparant de notre corps humilié, l'exalte, le rende digne de la communication de son
propre corps et de sa forme divine; à lui la gloire, à lui la domination, dans les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.
11. genovieva le 12/08/2011 13:03

"Prière pour les suicidés": le titre de la note est quelque peu trompeur, car comme la suite le précise bien, il ne s'agit aucunement d'une prière pour les suicidés, mais d'une prière de demande de consolation pour leurs proches. Après tout, pourquoi pas, l'Eglise a l'habitude depuis longtemps des offices de consolation des affligés, et les orthodoxes proches d'un suicidé sont des affligés parmi d'autres.

Ce qui est plus étrange, c'est pourquoi la déclaration s'embarrasse de telles précautions pour un office au texte aussi anodin. Pourquoi préciser, par exemple, que "à l'heure actuelle, la plupart des suicidés sont des gens baptisés, mais n'ayant reçu aucune éducation religieuse", s'il s'agit seulement d'un office de consolation pour les proches? A ce compte, je ne vois pas d'objection à prier pour les proches orthodoxes d'un kamikaze ayant perpétré son suicide en pleine connaissance de cause (s'il y en a).

En revanche, si l'on considère effectivement que le suicide n'implique pas nécessairement une "opposition consciente à Dieu et à l'église", raison pour laquelle l'Eglise refuse la prière liturgique pour les suicidés, il me semble que ce genre d'office ne répond aucunement au problème.

Pourtant, le texte soulève des questions intéressantes. On sait qu'en pratique, si le suicidé était considéré comme "en état de démence", un office peut tout de même être célébré. Ne pourrait-on pas approfondir ce point? Evidemment, la réponse ne peut pas être purement formelle, sur la base d'un certificat médical ou d'un autre formulaire administratif de ce genre. J'ai connu un prêtre qui disait que tout suicidé, pour lui, avait commis son acte en état de démence, car comment pourrait-on choisir en pleine connaissance de cause de s'ôter la vie? Sans doute cette position est-elle extrême. Mais il est vrai que la pratique pastorale, qui le nierait, est très diverse. Mais après tout, le principe d'économie ne veut-il pas que le prêtre, s'il connaissait personnellement le défunt, prenne la responsabilité le cas échéant de ne pas appliquer à la lettre les canons? Subsiste malgré tout le problème des suicidés trop éloignés de l'Eglise pour qu'on puisse adopter cette approche.

En tout cas, je pense que les parents et les proches d'un suicidé cherchent bien autre chose, auprès de l'Eglise, qu'un office où ils viendraient prier pour eux-mêmes (c'est bien de cela qu'il s'agit si l'on lit le texte de l'office).

Je serais très intéressée de lire d'autres réactions, peut-être certains ont-ils compris la déclaration d'une façon différente, et j'attends leurs éclairages.
12. vladimir le 12/08/2011 18:11
Bien chère Genovieva,

Je pense qu'il faut d'abord situer le contexte: l'Eglise considère que le suicidé a commis l'un des pêcher les plus importants "en s'opposant consciemment à Dieu et à l'Eglise". Prier pour le repos de son âme est donc un pêcher et ceux qui osent le faire subissent "un poids insupportable et des tentations démoniaques".

Par économie et considérant les circonstances actuelles, l'Eglise ouvre la porte à une pratique unifiée: les proches pourront prier individuellement pour le suicidé (dans la prière de Léon d'Optina il s'agit bien de son âme) et dire avec le prêtre l'office les délivrant eux du pêché de cette prière. l'Eglise participe ainsi au deuil et apporte sa consolation mais, comme cela va clairement à l'encontre de la Tradition, il faut bien expliquer les raison de cette entorse aux canons.

Voici du moins mon interprétation. Je suis heureux que vous réagissiez à cette innovation qui essaye de mettre de l'ordre et de l'humanité dans ces situations: le refus et l'interdiction totales des prières par les prêtres rigoureux ne peut qu'être très douloureux pour des croyants et lorsqu'on apprend que dans une autre paroisse le prêtre dit des panihides comme vous le décrivez cela fait désordre et jette la suspicion sur la pertinence des règles de l'Eglise...
13. genovieva le 17/08/2011 19:00
Cher Vladimir,

tout d'abord, je vous souhaite une belle après-fête de la Dormition si vous suivez le nouveau style, et une bonne persévérance dans ce Carême si vous suivez l'ancien. Puisse la Mère de Dieu intercéder pour nous tous et demander pour nous "une fin chrétienne, sans douleur, sans honte".

Merci pour votre message. Votre explication a le mérite de la cohérence, même si je ne suis pas sûre d'être tout à fait d'accord.

Si je comprends bien, selon vous, le raisonnement est le suivant (corrigez-moi si j'ai mal compris) :
1. le suicidé s'est, par son suicide, volontairement et consciemment exclu de la communion de l'Eglise. C'est un péché des plus graves.
2. Prier pour lui est donc un péché.
3. Par économie, l'Eglise propose aux fidèles de prier chez eux pour les suicidés avec la prière de saint Léon d'Optino.
4. Comme cette prière est malgré tout un péché, l'Eglise prévoit un office de repentance, célébré à l'église par un prêtre, où l'on prie pour les proches.

Voici mes remarques à chacun de ces points.

1. Si un suicide peut signifier une opposition consciente à Dieu est à l'Eglise, est-ce systématiquement le cas? La déclaration accompagnant le texte de l'office semblait justement faire quelques concessions en soulignant le manque d'éducation religieuse des suicidés, et en reconnaissant même qu'ils ont pu commettre leur acte "non pas en s'opposant consciemment à Dieu et à l'Eglise (...) mais en état de démence, même non diagnostiqué médicalement". C'est pourquoi j'étais surprise qu'on ne tire pas les conséquences d'une telle affirmation.
Mais plus généralement, je ressens une certaine contradiction : d'une part, la riche Tradition orthodoxe décrit avec une grande finesse le processus par lequel l'homme, suivant la pente des passions, se retrouve peu à peu leur esclave (comme dirait Saint Paul, le mal que je ne veux pas faire, je le fais), sans que sa responsabilité soit pour autant dégagée (l'approche est tout en nuance), mais d'autre part, lorsqu'il s'agit du suicidé, on a l'image d'un homme maître de lui-même qui décide, en pleine connaissance de cause, de s'opposer consciemment à Dieu et à l'Eglise?

2. Si le suicide est un péché grave, il me semble rapide d'en déduire que prier pour le repos de l'âme d'un suicidé est un péché grave. Je sais qu'il y a des témoignages de saints comme ceux que vous mentionnez. Personnellement, j'atteins ici mes limites, je ne vois vraiment pas comment une prière d'intercession pour ceux qu'on aime, pour le salut de leur âme, pourrait être vue par Dieu comme un péché...

3. Remarque mineure :en cohérence avec le point 2, dans la prière recommandée par saint Léon d'Optino pour un usage individuel, on trouve déjà une prière de repentir demandant à Dieu de ne pas la compter comme péché. Avait-on alors besoin, plus d'un siècle après, de rajouter un office de repentir célébré par un prêtre?

4. En fait, j'avais compris différemment le contenu du repentir exprimé dans la prière du rite proposé : "преступихом спасительныя Твоя заповеди и любве евангельския отчаявшемуся брату нашему не явихом." Pour moi, il s'agit du repentir de n'avoir pas su empêcher l'irréparable, de n'avoir pas su consoler, raffermir notre frère désespéré. C'est à mes yeux la seule innovation de cet office, et je reconnais qu'elle répond certainement au sentiment des proches.

Enfin, pour finir, un point qui n'a pas été abordé et sur lequel, n'ayant pas de formation théologique, je n'ai que des questions. Il me semble qu'on trace une distinction entre les prières qui peuvent être dites par les fidèles individuellement (keleïnaya molitva) et celles qui peuvent être prononcées en église. Qu'est-ce qui fonde une telle différence, sur quel raisonnement s'appuie la ligne de partage? Merci d'avance à qui pourra m'éclairer...
14. Daniel le 17/08/2011 23:20
@ Genovieva

Je peux essayer de répondre à la question : " Il me semble qu'on trace une distinction entre les prières qui peuvent être dites par les fidèles individuellement (keleïnaya molitva) et celles qui peuvent être prononcées en église. Qu'est-ce qui fonde une telle différence, sur quel raisonnement s'appuie la ligne de partage?"

Typiquement, les prières en église concernent les orthodoxes uniquement. On peut prier dans sa prière personnelle pour un non orthodoxe mais on ne peut pas donner son nom pour la proscomédie, ni lui donner l'antidoron (malgré la pratique laxiste de certaines paroisses), célébrer une pannychide pour lui (n'en dépaise à ceux qui disent le contraire) ou le commémorer lors des ecténies par son nom (chose qu'il faudrait rappeler à certains; j'ai même entendu lors de raout oecuménique des prions pour le curé (catholique de telle église) alors qu'on ne comméore jamais un prêtre mais un évêque). Cela dit, quend l'éhétrodoxe est vivant, on peut dire des paraclésis pour lui... Il semble que ce qui est lié de près ou de loin à la communion (et donc qui a lieu à l'église) est réservé aux orthodoxes et donc peut être dit dans l'église.

Voici en anglais le canon 14 de Timothée avec son commentaire de Saint Nicodème l'Agiorithe qui traite du suicide. La célébration est possible pour les personnes ayant perdu leur esprit (typiquement les fous et les possédés).


14. Question: If anyone having no control of himself lays violent hands on himself or hurls himself to destruction, whether an offering ought to be made for him or not?

Answer: The Clergyman ought to discern in his behalf whether he was actually and truly out of his mind when he did it. For oftentimes those who are interested in the victim and want to have him accorded an offering and a prayer in his behalf will deliberately lie and assert that he had no control of himself. Some¬times, however, he did it as a result of influence exercised by other men, or somehow otherwise as a result of paying too little attention to circumstances, and no offering ought to be made in his behalf. It is incumbent, therefore, upon the Clergyman in any case to investigate the matter accurately, in order to avoid incurring judgment.

Interpretation (Saint Nicodème)

This divine Father has been asked whether liturgical and memorial services ought to be held for a man who has killed him-self, by hurling him¬self down from a height, or by drowning himself, or by hanging himself, or by putting himself to death in any other manner, when he is not of sound mind, whether it be as a result of a demon or of an ailment of some sort; and the Father replies in the present Canon by stating that if any priest or any other clergyman be invited to celebrate memorial services for him, he ought to investigate well and with due accuracy whether such a man was in truth and reality out of his wits when he put himself to death. For it often happens that relatives and intimates of such a man, wishing to have him be given a memorial service and to be chanted over by the priests, and to have a liturgy held for the remission of his sins, tell lies and assert falsely that he was out of his wits, and that it was on this account that he put himself to death. Sometimes, though, one puts oneself to death either as a result of some injury or annoyance which he has received from other men, or as a result of faint-heartedness and excessive grief, or some other cause, voluntarily and while in his right mind; and for such a man no liturgical or memorial services ought to be held, since he murdered himself deliberately.
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