St Grégoire Palamas: "bien avant Marie-Madeleine, la Mère de Dieu vit Celui qui pour notre salut a souffert, a été enseveli, et s'est relevé dans la chair"

Vladimir GOLOVANOW

Après le sabbat, à l'aube du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie allèrent voir le sépulcre. Et voici, il y eut un grand tremblement de terre; car un ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre, et s'assit dessus. Son aspect était comme l'éclair, et son vêtement blanc comme la neige. Les gardes tremblèrent de peur, et devinrent comme morts. Mais l'ange prit la parole, et dit aux femmes: Pour vous, ne craignez pas; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. Il n'est point ici; il est ressuscité, comme il l'avait dit. Venez, voyez le lieu où il était couché, et allez promptement dire à ses disciples qu'il est ressuscité des morts. Et voici, il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez. Voici, je vous l'ai dit. Elles s'éloignèrent promptement du sépulcre, avec crainte et avec une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle aux disciples. (Mt. XXVIII, 1-8).

L’Ange du Seigneur dit à la Vierge pleine de grâce : * Vierge sainte, réjouis-toi ; * ne pleure plus, réjouis-toi, * car ton Fils est ressuscité * du tombeau, le troisième jour. * Peuples, réjouissez-vous ! (Matines de la Résurection, Ode 9)

Extrait du synaxaire des Matines de la Résurection

Voici comment eut lieu la résurrection du Seigneur : alors que les soldats gardaient le sépulcre, au milieu de la nuit se produisit un tremblement de terre. Car un Ange était descendu pour ôter la pierre du tombeau. Saisis d’effroi, les gardes s’enfuirent, ce qui permit aux Femmes d’y accéder, le soir du sabbat ou au milieu de la nuit. La Résurrection fut d’abord connue de la Mère de Dieu, qui avec Madeleine se tenait devant le sépulcre, comme le dit Matthieu. Mais, pour que la résurrection du Christ ne fût pas mise en doute, à cause de l’affinité avec sa Mère, les évangéliste disent : D’abord il apparut à Marie Madeleine. C’est elle qui a vu l’Ange sur la pierre et qui, s’étant avancée, aperçut les autres Anges qui se trouvaient à l’intérieur ; et ils lui annoncèrent la résurrection du Seigneur : il n’est plus ici, car il est ressuscité, dirent-ils, voici le lieu où on l’avait déposé. Entendant cela, elle courut donc et s’en alla vers les plus fervents des Disciples, Pierre et Jean, leur annoncer la Résurrection. Alors qu’elle s’en retournait vers l’autre Marie, le Christ vint à leur rencontre et leur dit : “Réjouissez-vous !” Il convenait en effet que le genre féminin, qui le premier avait entendu “Tu enfanteras dans les douleurs", fût aussi le premier à entendre l’annonce de la joie. Assujetties par l’affection, elles s’approchent donc du Christ et se prosternent jusqu’à toucher ses pieds immaculés, désireuses d’une plus exacte perception. Puis les Apôtres furent au sépulcre : Jean se pencha seulement vers le sépulcre, puis il se retira ; Pierre entra et, regardant de plus près, il toucha le suaire et le linceul.

Sur les Myrrhophores. Homélie de st Grégoire Palamas (No 18)*

La résurrection du Seigneur est le renouvellement de la nature humaine et le remodelage du premier Adam absorbé par la mort dans le péché, et retourné, par la mort, à la terre dont il avait été modelé; elle est le retour à la vie immortelle. Aucun être humain, au commencement, n'a vu Adam être modelé et vivifié, car à cette heure il n'y avait pas encore d'hommes; mais après qu'il eut reçu le souffle de vie par l'insufflation divine, le premier de tous les êtres humains qui le vit fut une femme: Ève fut la première à venir, après lui, parmi les êtres humains; de même, nul ne vit le deuxième Adam, c'est-à-dire le Seigneur, ressuscitant d'entre les morts; aucun de Ses proches n'était présent, et les soldats qui gardaient le tombeau, terrassés par la peur, étaient comme morts; or ce fut une femme, qui, la première, Le vit après la résurrection comme nous l'avons entendu lire dans l'Evangile de Marc aujourd'hui (Mc. XVI, 1-9), « car ressuscité, est-il dit, le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d'abord à Marie-Madeleine ». L'Evangéliste semblerait donc affirmer clairement qu'au moment où le Seigneur ressuscita il était tôt, que celle qui Le vit la première était Marie-Madeleine, et que cela se produisit à l'heure même de la résurrection: or ce n'est pas ce qu'il dit, comme il vous sera révélé, si vous montrez quelque patience car un peu plus haut, Marc dit, en accord avec tous les autres Evangélistes, que cette Marie était venue auparavant au tombeau, avec les autres femmes myrrhophores, qu'elles virent ensemble qu'il était vide, et qu'elles s'en retournèrent, de sorte que bien avant le matin, et l'heure du matin où elle le vit, le Seigneur était déjà ressuscité. Et pour signifier ce moment, Marc ne dit pas seulement « le matin », comme plus bas, mais: « très tôt dans le matin ». Aussi s'agit-il du moment où la pénombre précède le lever du soleil à l'horizon, comme Jean le révèle également quand il dit que Marie-Madeleine, tôt le matin, alors qu'il faisait encore sombre, vint au sépulcre et vit la pierre roulée du sépulcre (Jn. XX, 1).

Or non seulement elle est venue au tombeau à ce moment, selon Jean, mais elle en est aussi repartie sans avoir vu le Seigneur. Car elle court trouver Pierre et Jean, et leur annonce, non point que le Seigneur est ressuscité, mais qu'on L'a enlevé du tombeau, ce qui prouve qu'elle n'avait pas encore connaissance de la résurrection. Il reste que ce n'est pas simplement à la première heure que le Seigneur apparut à Marie, mais après l'heure du plein jour. Cependant, les Évangélistes ont obscurément annoncé ce que je vais révéler à votre charité; car la première à avoir reçu la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur, entre tous les êtres humains, c'est, comme il convenait, et à juste titre, la Mère de Dieu; et elle la reçut du Seigneur. Avant tous elle sut qu'Il était ressuscité, elle jouit de Sa divine parole, et ne se bornant pas à Le voir de ses yeux, ni à L'entendre de ses oreilles, elle fut la première, et la seule à toucher de ses mains Ses pieds immaculés, bien que les Evangélistes ne disent pas tout cela clairement, ne voulant invoquer le témoignage de Sa mère, pour ne pas éveiller des soupçons chez les incroyants. Et puisque aujourd'hui il nous faut faire un discours, avec la grâce de Celui qui est ressuscité, pour les croyants, et que le motif de la fête nous enjoint d'examiner tout ce qui concerne les femmes myrrhophores, sous l'inspiration de Celui qui a dit: « il n'est rien de caché qui ne deviendra manifeste » (cf. Lc. VIII, 17), cela aussi sera rendu manifeste.

Les myrrhophores, donc, sont les femmes qui suivirent la Mère du Seigneur, et restèrent avec elle au temps de la passion salutaire, et qui s'étaient empressées d'embaumer le corps du Seigneur. Car lorsque Joseph et Nicodème eurent demandé à Pilate, et reçu de lui, le corps du Maître, qu'ils l'eurent descendu de la croix, entouré d'un tissu de lin, imprégné d'aromates, mis dans un sépulcre taillé dans le roc, et placé une grande pierre à l'entrée du sépulcre, contemplant tout cela, nous dit l'Evangéliste Marc, Marie-Madeleine et l'autre Marie étaient là, assises devant le tombeau. En disant « et l'autre Marie » (Mc. XV, 47) c'est évidemment la Mère de Dieu qu'il désignait. Et si elle était appelée Mère de Jacques et de Joseph, c'est que ceux-ci étaient les fils de Joseph, son mari. Or elles n'étaient pas les seules présentes à contempler l'ensevelissement du Seigneur: il y avait aussi d'autres femmes, comme Luc l'a rapporté: « les femmes qui l'accompagnaient, qui étaient venues avec Lui de Galilée, regardèrent le sépulcre, et comment Son corps avait été placé... Il y avait là Marie-Madeleine, Jeanne et Marie, mère de Jacques, et les autres femmes qui étaient avec elles » (Lc. XXIII, 55 et XXIV, 1). Celles-ci, est-il dit, s'en retournèrent acheter des aromates et de la myrrhe: car elles n'avaient pas encore connu avec précision que Lui, Jésus, était le véritable parfum de la vie pour ceux qui vont à Lui, dans la foi, tout comme l'odeur de la mort sera destinée à ceux qui demeurent infidèles jusqu'à la fin: et l'odeur de Ses vêtements, c'est-à-dire de Son corps, est au-dessus de tout aromate; et Son nom est une myrrhe répandue, avec laquelle Il a rempli la terre des hommes de divins parfums. Cependant, si les femmes préparent la myrrhe et les aromates, c'est d'abord pour honorer Celui qui gît là, et ensuite pour compenser la puanteur du corps qui devait se décomposer; car elles pensaient qu'ainsi, grâce à leur onction, ceux qui le voudraient pourraient s'approcher du corps. SUITE Source: Paroisse orthodoxe de Compiègne Bulletin n° 5 Mai 2008

* Les soixante homélies de saint Grégoire Palamas, dont une quinzaine seulement a été traduites en français – par Jérôme Cler, « Douze homélies pour les fêtes », Oeil et Ymca press, Paris, 1987, et dans la revue La lumière du Thabor (éditions L’Age d’Homme) –, ont été prononcées par leur auteur à la fin de sa vie, lorsqu’il était archevêque de Thessalonique. Composées dans une langue simple à l’intention d’un public populaire, elles reflètent néanmoins, à propos des nombreux thèmes qu’elles abordent, la théologie et la spiritualité profondes du docteur hésychaste.
Jean-Claude Larchet










Commentaires (0)
1. Vladimir le 22/05/2013 21:03
J'ai proposé à nouveau cette homélie de saint Grégoire car je la trouve remarquable à plus d'un titre et j'espère que nos lecteurs ont fait l'effort de la lire en entier (merci aux modérateurs d'avoir corrigé l'adresse; il faut bien aller chercher ce texte en .pdf sur "Mai 2008". Il est aussi disponible directement sur http://www.crypte.fr/homelies/myrrhophorespalamas.html)

Ce texte comprend en fait deux parties très intéressantes, ce qui fait qu'il est rarement cité en entier.

1. LE PREMIER PARAGRAPHE RAPPELLE QUELQUES POINTS DE LA DOCTRINE DE LA RÉSURRECTION

- Le Christ est le Nouvel Adam que nul ne vit ressusciter comme "aucun être humain, au commencement, n'a vu Adam être modelé et vivifié". Ce thème du Christ - nouvel Adam permettant une nouvelle naissance de l'humanité, est mentionné dans certains hymnes de la Semaine Sainte et de Pâques: "Tu es béni, Sauveur qui es venu dans le monde sauver Adam de l'ancienne malédiction et qui voulus devenir dans Ton Amour de l'homme par l'Esprit le nouvel Adam, Verbe qui mènes tout vers le bien, gloire à Toi." (Apolytikion des vêpres du Dimanche des rameaux); "La jalousie autrefois fit mourir Adam * Mais par ta mort Tu le ramènes à la vie * Sauveur, Tu es dans la chair le nouvel Adam" (Les Louanges, 1ère stance, mâtines de Samedi Saint), "… en toi l’Emmanuel, portant l’entière nature d’Adam, hormis le péché, … " (Triode de Théodore Studite, complies du dimanche de Pâques); mais saint Grégoire l'exprime d'une façon particulièrement limpide.

- La première à le voir ressusciter fut une femme, comme "le premier de tous les êtres humains qui vit /Adam/ fut une femme", thème exceptionnel dont je ne trouve pas de référence et que saint Grégoire ne développe pas plus.

2. LA MÈRE DE DIEU FUT LE PREMIÈRE A VOIR LE RESSUSCITE

Cette affirmation de saint Grégoire est assez exceptionnelle; si elle est corroborée par l'ode 9 citée elle apparait en contradiction avec le synaxaire et, de fait, elle est rarement mise en avant. Les événements du dimanche matin, avec les différentes visites au tombeau et les apparitions du Christ, ne sont pas racontés de manière linéaire et concordante par les évangélistes. Saint Grégoire fait une exégèse rigoureuse des passages correspondants des Evangiles de Mathieu (28, 1-9) et Jean (20, 1-17), en essayant de donner une chronologie précise des évènements "bien que les Evangélistes ne disent pas tout cela clairement", et cette analyse est reprise pas à pas sur le site http://www.mariedenazareth.com/14776.0.html?&L=0.

Mais saint Grégoire n'est pas totalement affirmatif dans ses déductions: " Et IL ME SEMBLE que c'est pour elle… Il ME SEMBLE AUSSI que Marie-Madeleine … pour la raison que j'ai alléguée au début … " sont des expressions qui montrent une opinion incertaine et non une certitude. Il ne cache pas non plus ses contradictions avec les évangélistes: "les Évangélistes ont obscurément annoncé… les Evangélistes ne disent pas tout cela …bien que Matthieu étende ce fait aux autres femmes … ".

Et de fait on ne peut dire que l'affirmation de saint Grégoire ait été "reçue" par les Orthodoxes: c'est très généralement Marie Madeleine qui est reconnue comme première à avoir vu le Ressuscité. Le synaxaire cité le proclame et l'ikos 10 de son akathist – " Темже едина видела еси прежде инех Живота нашего, из гроба возставша (Toi qui seule a vue avant tout autre notre Sauveur relevé du tombeau).

Cette homélie reste en tout cas passionnante et ouvre matière à bien des réflexion dont les timides tentatives ci-dessus ne sauraient être qu’une esquisse. Si l'uun de nos érudits commentateurs pouvait donner une autre source je lui en serait très reconnaissant.
2. Christian Paul le 22/05/2013 23:43
Christ est ressuscité! Vraiment il est ressuscité!

Dans la résurrection du Christ commence la nouvelle création où le nouvel Adam est établit à jamais comme père d'une multitude de fils. La semence de la foi plantée au saint baptême germera pour donner son fruit, le Christ en nous pleinement ressucité et agissant.

Il est juste comme saint Grégoire le signale que la nouvelle Ève soit aussi la première dans l'ordre de la grâce à contempler la lumière éblouissante de la résurrection de son fils, Christ le Seigneur. Dans l'ordre établi par la providence de Dieu et son plan révélé aux siens, nous affirmons comme témoin de la résurrection que nous sommes fils de Dieu dans le Christ Fils Unique.

Nous témoignons que la force de la liturgie céleste nous est donnée par la sainte communion à la chair du Ressuscité et par la divine boisson de son précieux sang, vie et rémission des péchés, joie et sanctification des justes.

Des saintes écritures nous voyons que l'humilité de l'Esprit nous dévoile à peine le mystère et la beauté de la sainte mission de celle qui est un avec le Christ. Découlant de sa maternité divine, Maryam nous montre aussi le ressuscité qui transcende le temps et l'espace pour venir lui-même habiter dans sa sainte demeure sur la terre. Tout comme l'incarnation du Fils est la première pentecôte de Dieu avec la première femme dans l'ordre de la grâce, la pentecôte de l'église sera consommée lorsque tous les fils de Dieu seront pleinement ressuscité. Ce mystère est grand et enflammera la nouvelle terre.

Soyons dans la joie et gardons ferme le dépôt de la foi orthodoxe et prions ardemment pour ne pas abandonner le chemin du salut et de l'élection divine sachant que la parole de Christ retentit à travers les âges pour nous confronter à la realité redoutable de ceux qui ne croient pas en esprit et en vérité:

Mt 22:11- " Le roi entra alors pour examiner les convives, et il aperçut là un homme qui ne portait pas la tenue de noces.
Mt 22:12- "Mon faux-ami, lui dit-il, comment es-tu entré ici sans avoir une tenue de noces ?" L'autre resta muet.
Mt 22:13- Alors le roi dit aux valets : "Jetez-le, pieds et poings liés, dehors, dans les ténèbres : là seront les pleurs et les grincements de dents. "
Mt 22:14- Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. "
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