Un baptême en France

Parlons D'orthodoxie

V.GOLOVANOW
Récit d'après des faits réels récents

La petite Natasha* est née dans une famille française de tradition orthodoxe russe transmise par les femmes, comme l'explique si bien Tolstoï dans Anna Karénine : sa grand mère se souvient bien de son propre arrière-grand père, le patriarche de la famille décédé à la fin des années 1960 qui avait dirigé d’une main de fer l’exode des onze membres de la famille (avec femme de chambre, nounou-cuisinière et gouvernante anglaise):

il allait à l’église tous les dimanches mais en été, sur la Côte, il disait aux enfants en partant pour la Liturgie: "allez donc plutôt à la plage, cela vous fera plus de bien…"

En fait l'arrière-grand-mère de Natasha, petite fille du patriarche encore née en Russie à la fin de la guerre civile, avait épousé un français agnostique mais avait malgré tout transmis à ses enfants la tradition orthodoxe russe dont elle était issue. Sa fille, la grand–mère de Natasha, a épousé un catholique non-pratiquant; le mariage avait été célébré à la cathédrale de la rue Daru et elle aussi a transmis à ses enfants la même tradition orthodoxe que son mari accepte très biens.

Un baptême en France
Baptême à domicile

Le père de Natasha a aussi épousé une catholique non pratiquante à l'église orthodoxe et tient à suivre la tradition familiale en faisant baptiser son fils dans l’Orthodoxie. Son épouse est d'accord, d'où le choix de ce prénom typique, mais l'organisation du baptême ne fut pas simple: pour pouvoir rassembler toute la famille des deux côtés, dispersée loin de toute église orthodoxe, on voulait que le baptême se passe à la maison, comme cela s'était d'ailleurs toujours fait dans la famille; (Comme dans ma propre famille d'ailleurs: est-ce une tradition de l'émigration, quand les églises étaient rares?) Mais plusieurs prêtres orthodoxes contactés refusèrent cette solution, l'un d'eux demandant même que parents et parrains viennent à confesse avant le baptême et communient avec Natasha le lendemain… Excédé, le père de Natasha opta pour un baptême catholique, persuadé que le curé de l'église voisine "ne ferait pas tant d'histoires." (Sic)

Mais c'était compter sans la ténacité de la grand-mère qui mobilisa toutes ses connaissances orthodoxes et finit par trouver un prêtre qui accepte d'officier à domicile. C'est un Français de souche qui a célébré en français, ce qui arrangeait tout le monde (seul un vieil oncle aurait pu apprécier le slavon dans la parentale…), avec le parrain orthodoxe (cousin du papa qui avait servi dans le sanctuaire avant l’adolescence mais ne mettait plus les pieds à l’église depuis des années) et la marraine catholique, sœur de la maman... Et Natasha a communié en bonne et due forme le dimanche suivant avec son papa et sa grand-mère…


Un baptême en France
Moralité

Je m’attends à une volée de bois vert pour ce prêtre qui prend autant de libertés avec les règles… Mais voilà une nouvelle recrue orthodoxe de tradition pour la sixième génération issue de l'émigration russ et la famille catholique a découvert les particularités du baptême orthodoxe, voire même de l'Orthodoxie!

Au dernière nouvelles, le grand-père catholique songe aussi à se convertir à l'Orthodoxie "pour pouvoir communier avec son petit-fils…"

NB: l'illustration provient d'un baptême en Espagne mais la scène ressemble beaucoup au baptême de la petite Natasha, avec la baignoire en plastique et ses trois cierges, les petits cousins intéressés par ce premier baptême orthodoxe de leur vie, la marraine concentrée sur lanouvelle baptisée et le prêtre bon enfant qui a tout expliqué et rassuré tout le monde (dans notre cas il avait apporté un fascicule permettant à tous de suivre la cérémonie…

* Le nom a été changé…



Commentaires (9)
1. Tchetnik le 04/01/2016 10:39
Le baptême à domicile est à priori toujours une solution possible. On peut même baptiser dans un fleuve ou dans la mer.
2. Daniel le 04/01/2016 12:13
Il n'y a pas à s'extasier sur tout cela. Je vois des orthodoxes nominaux engagés dans des mariages mixtes et tellement nominaux qui pensent à un moment faire un baptême catholique, ô joie de l'oecuménisme. Amènera-t-il son enfant communier à l'église catholique quand l'église orthodoxe sera trop loin? Ils pensent aussi qu'un prêtre est comme un livreur de pizza qui vient à domicile dispenser le baptême (alors que les canons interdisent la célébration de baptême dans les oratoires privés, et que de toute façon même l'usage des oratoires privés est strictement réglementé). Du baptême, ils ont une vision purement familiale et non ecclésiale... Espérons que de l'ordre soit remis dans tout cela.
3. cvoboda le 04/01/2016 12:27
Devant ce très beau témoignage, j'aimerais en faire part d'un autre qui en diffère tant par l'âge du baptisé que par son origine.

Il était une fois un garçon né dans une famille Musulmane marocaine et qui en grandissant dans la proximité d'une mère Musulmane très croyante et avec une profonde spiritualité, devint lui aussi un Musulman très fervent. Quand vint le moment d'entrer à l'Université on lui attribua une chambre qu'il devait partager avec un Chrétien, ce qu'il refusa énergiquement considérant qu'il lui était impossible de vivre à côté d'un hérétique. Mais aucune autre possibilité ne s'offrant, il du faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Après un certain temps, il eut l'idée d'échanger les Livres de leur foi pensant que, grâce en outre à ses propres commentaires, la lecture du Coran ramènerait le Chrétien dans la voie droite. Inversement et avec honnêteté intellectuelle, il accepta de lire l' Evangile puisque après tout, le Christ était considéré comme prophète dans sa propre religion.

Et comme on dit, le Ciel ou pour être plus précis l'Esprit Saint lui tomba sur la tête! Il dévora l' Evangile, se mit à lire avidemment les Pères, se rendit compte de tout ce qui était une erreur ou une hérésie dans son ancienne foi et finit par acquérir une solide culture «orthodoxe» que beaucoup pourraient lui envier. Il lui fallu attendre 6 longues années et d'entrouvir la porte d'une modeste chapelle orthodoxe de la ville de Jeanne d'Arc pour pouvoir commencer à envisager le baptême qu'il appelait de ses vœux depuis si longtemps. Sa foi rayonnait parmi notre petite communauté de façon très émouvante. Le prêtre qui dessert la paroisse fut rapidement convaincu que, compte tenu de ses années d'étude préalable de la foi Orthodoxe, ce jeune catéchumène pouvait bientôt accéder au baptême sous le nom qu'il avait choisi de Séraphim, ayant une particulière dévotion pour ce saint.

Ce qui fut fait Dimanche dernier 3 janvier et ce qui marqua d'une grande émotion tous ceux qui l'entourèrent. Il y a quelque chose de particulièrement émouvant dans ce baptême qui résume l'Universalité du Message pour lequel sont morts tant de martyrs.
Notre jeune catéchumène qui était donc de culture et de foi musulmane, a été baptisé par un prêtre qui provient de l'évangélisation de nations Africaines, dans une paroisse Orthodoxe d'une ville française sous l'égide de Jeanne d'Arc qui est on ne peut plus «occidentale» avec une marraine russe...!!!! Ce n'est quand même pas très courant!

4. Daniel le 04/01/2016 13:22
Je préfère le témoignage de Cvoboda... Merci beaucoup.
5. Tchetnik le 04/01/2016 13:26
La vision "culturelle" et "familiale" de la famille vis à vis du baptême est en effet plus gênante.

Mais avec une bonne catéchèse, les choses peuvent s'arranger. Un Mauvais point de départ pouvant toujours devenir un bon point d'arrivée.
6. Daniel le 04/01/2016 14:20
Autre irrégularité de taille, on attend des parrains qu'il transmette une éducation orthodoxe : douteux quand on n'a plus mis les pieds à l'église de façon récente (pourquoi d'ailleurs) ou quand on est catholique. Les parrains non orthodoxes sont interdits.

Entre cette histoire emplies d'irrégularités avec des gens qui vont ensuite se gargariser de leurs ancêtres orthodoxes sur n générations, et l'histoire du Marocain convertis, on voit que les innovateurs dilettantes ne sont pas forcément du côté des convertis et que des orthodoxes héréditaires pourraient prendre exemple sur des convertis.
7. Daniel le 04/01/2016 18:05
@ Tchetnik (6)

La bonne catéchèse est partie sur de mauvais rails. Le parrain trouve choquant qu'on demande une confession et une communion de sa part. Est-il au courant que ne peut être parrain que l'orthodoxe qui ne fait pas l'objet d'une mesure d'excommunication ou ne vit pas dans une situation passible d'excommunication ? Comment catéchiser si l'on a affaire qu'à un orthodoxe culturel qui sera un orthodoxe BME (baptême - mariage - enterrement).

Le prêtre n'est qu'un délégué de l'évêque habilité à agir dans sa paroisse et dans son territoire où il est délégué. A-t-il obtenu une autorisation de son évêque ?

Personnellement entre un Marocain qui fait une démarche personnelle, sérieuse, appuyée sur des lectures et humble et une famille orthodoxe depuis n générations qui "exige" (sic) d'avoir un prêtre à domicile pour célébrer un baptême en pensant un moment recourir à un prêtre catholique, mon choix est vite fait. L'un est un conte de Noël, l'autre ressemble à une relation de "client qui commande" envers un "fournisseur qui s'exécute".

Je serais donc fort heureux si "Parlons orthodoxie" pouvait proposer quelque chose sur ce Marocain, notamment ce qui l'a marqué dans ces lectures sur les Pères en tant qu'ancien musulman, comment il a réagi face la Trinité et à la Divinité du Fils qui choquent souvent les musulmans. La personne pourrait bien sûr garder l'anonymat par un pseudo (et des choses de ce genre). Ce serait un témoignage vraiment très positif. Cvoboda pourrait-il faire part de mon intérêt pour un tel témoignage au nouveau baptisé ?
8. Tchetnik le 04/01/2016 20:37
@Daniel

On est bien d'accord que certaines exigences ne sont pas énormes, sont logiques et peuvent être maintenues dans la plupart des circonstances, en particulier ici.

L'exemple de cette famille comporte de bonnes choses et de moins bonnes, en effet.

Entre autre, une attitude de "room service" si fréquente chez les "orthodoxes" de papier. Mais disons que le coup peut toujours être rattrapable et transformable pour peu qu'on tombe ensuite sur un prêtre non carriériste, insensible aux menaces comme aux flatteries et qui aura depuis longtemps su prendre son indépendance envers l'establishement des évêques comme des caïds.

Pas facile à trouver, j'en conviens...:-)

9. Pandelis - Παντελής le 04/01/2016 20:50
L'immigration des Chrétiens Othodoxes en pays non majoritairement Othodoxe comme en France pose le problème des mariages mixtes à la deuxième génération et le baptême des enfants issus de ces mariages, à la troisième génération. J'ai 60 ans et suis Grec Orthodoxe de la grande communauté grecque de Marseille et ses environs. Bien qu'issu d'une nombreuse famille Grecque Orthodoxe de par ma mère et d'une famille peu nombreuse de Catholiques Romains de par mon père, j'ai été baptisé Catholique Romain.

Le fait que mes parents se soient séparés lorsque j'avais un an, j'ai eu le bonheur d'être élevé par ma mère chez mes grands parents grecs qui ne parlaient pas français et où enfants et petits enfants parlaient grec, sauf les petits enfants issus des mariages mixtes qui comme moi avaient été baptisés Catholiques Romains. Personnellement, j'ai commencé à parler les deux langues simultanément. Une vraie richesse. Mais une plus grande richesse fut que ma famille, très pratiquante vivait au rythme de l'Orthodoxie. Ma grand mère m'amenait régulièrement à l'église et je participais activement à la liturgie tout en étant hérétique Catholique Romain. À l'âge de 20 ans j'ai rectifié cette anomalie en devenant Chrétien Grec Othodoxe par Chrismation, à Marseille, en présence de ma tante Grecque Orthodoxe qui avait été la marraine de mon baptême Catholique Romain et devenait ma marraine Orthodoxe. Le fait que mes cousins et cousines issus de mariages mixtes comme moi, étions baptisés par nos mères Catholiques Romains, c'est qu'elles voulaient donner à leurs belles familles une preuve de leur intégration. Le Catholicisme Romain de l'époque et ses fidèles, n'étaient pas du tout œucuménistes comme aujourd'hui.

Mon mariage avec une compatriote de mon île d'origine en Grèce a évité tout problème de confession et de baptême pour mes trois enfants qui ont été baptisés dans les monastères familiaux de l'île qui compte plus de 300 églises et monastères pour une population de 4000 habitants. Mon aîné qui vit actuellement en Grèce a lui aussi épousé une compatriote de l'île et ma petite fille a été baptisée dans le Grand et Saint Monastère de l'Archange Saint Michel dit Panormitis de Symi, par notre métropolite. Ma fille mariée civilement à un Brésilien de Sao Paolo, vit entre la France et le Brésil. Son époux non baptisé est d'accord pour l'être dans le monastère familial de mon épouse où ma fille a été baptisée. Leur mariage religieux aura lieu le même jour. Mon dernier de 21 ans, actuellement étudiant à Marseille souhaiterait devenir clerc Orthodoxe après ses études. Les mariages mixtes en France penchent souvent du côté des hétérodoxes comme je peux le constater au sein de la communauté grecque de Marseille. Dès l'adolescence de nos enfants, nous parents Orthodoxes, devons leur montrer l'exemple par la pratique assidue de notre religion, ce qui doit nous permettre d'évoquer avec eux l'éventualité d'un mariage mixte que nous souhaiterions voir célébrer dans l'Orthodoxie, de même que pour le baptême des enfants, si Notre Seigneur et Dieu Jésus Christ leur accorde la Grâce d'en avoir.
AMEN + + + ΑΜΗΝ
10. Tchetnik le 05/01/2016 13:52
Il suffit d'une bonne catéchèse solide, intelligente, véritablement Chrétienne pour que les mariages mixtes puissent pencher côté Chrétien orthodoxe.

11. justine le 05/01/2016 18:33
L'histoire de Vladimir n'est pas si mauvaise que ça. Elle montre une situation très répandue de nos jours.

Quand les choses sont ainsi parties de tous les cotés - pour quelle raison et à qui la faute n'est pas pour le moment une question prioritaire -, c'est déjà une chose très positive qu'on veuille même faire baptiser l'enfant, et cela ne se serait sans doute pas fait sans un certain nombre de concessions, vu l'état d'esprit des personnes concernées. Je pense que tout dépend de la personne du prêtre. S'il est un bon serviteur du Christ, porteur de la Grâce et non un simple "professionnel" qui a fait son boulot et c'est tout, alors il maintiendra le contact avec cette famille et essayera, avec la prière, des entretiens, la fondation d'une paroisse à proximité etc., de ramener peu à peu ces Orthodoxes dilués à une vie orthodoxe. Un vrai prêtre du Christ saura ranimer la flamme éteinte de la Foi et rassembler les brebis dispersées, les nourrir et les guider dans le bon combat.
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