p. Georges Kotchetkov:" Après sa dissolution par Constantinople, l’archevêché des églises russes en Europe occidentale doit choisir"
Après sa dissolution par Constantinople, l’archevêché des églises russes en Europe occidentale doit choisir : ou se dissoudre ou se soumettre et… rejoindre l’Église orthodoxe russe ? Ou encore créer une nouvelle situation transitoire ?

Le père Georges Kotchetkov , recteur de l’institut Saint Philarète à Moscou, a pendant longtemps été proche du professeur Nikita Struve et du cercle que celui-ci animait. Il y a un certain temps il a changé d’attitude à l’égard des responsables de l’archevêché et de l’Institut Saint Serge: A propos de la situation au sein de l'Archevêché: "Ne pas répudier le patrimoine" Voici un texte qui montre à quel point il est préoccupé par la situation actuelle

Il est difficile de dire ce qui se passe à l’archevêché après sa dissolution par Constantinople le 27 novembre et, comme il est dit dans le communiqué, l’affectation des paroisses « à différentes métropoles du Patriarcat ». C’est difficile non seulement parc que la situation est dramatique et impossible à résoudre au mieux dans la concorde, mais aussi, pour parler vrai, c’est démasquer les uns et verse du sel sur les plaies des autres. Aucun ne s’est montré sous son meilleur jour, ni Moscou, ni Constantinople (Istamboul), ni l’Archevêché.

Grâce à leur amour pour l’Église russe, l’orthodoxie est devenue le thème principal de la chrétienté mondiale.

L’histoire de l’Archevêché comporte en nombre des pages glorieuses, mais aussi beaucoup de discutables, il y en a même de peu glorieuses depuis les années trente, c’est-à-dire depuis la naissance de cet Archevêché, cet Exarchat. Depuis la fin du XXe siècle, l’interminable crise qui affecte l’Archevêché vient d’une part de ce qu’il se considère comme l’héritier de la tradition russe, et, d’autre part, de ce rêve quelque peu fantastique de créer en Europe occidentale une Église orthodoxe locale autocéphale, pourquoi pas française.

Cette idée fumeuse de leur rôle et de leur place est due au fait que nombre de descendants de la première et de la deuxième émigration n’ont pas préservé la tension spirituelle et le potentiel créateur de leurs parents et ancêtres. Ils sont aujourd’hui souvent devenus indifférents à l’Église et à ses vrais problèmes, comme aux problèmes spirituels de la société et à la Russie. L’exemple le plus frappant du contraire est Nikita Alexandrovitch Struve. Mais c’était le dernier pilier de l’émigration russe porteuse d’une mission culturelle, ecclésiale et nationale.

Bien sûr, il faut dire que leurs pères ont rassemblé et emporté de Russie les richesses de l’esprit russe, de la culture russe, de l’Église russe pour les préserver et les retourner multipliées. Et grâce à cet amour de l’Église russe, de la tradition orthodoxe russe, de la culture, de la terre et des Russes, ils ont non seulement répandu la foi orthodoxe en Europe et dans le monde, mais ont aussi fait que la philosophie religieuse et l’orthodoxie russes sont devenus un thème central et un centre théologique de la chrétienté. C’est l’Institut de théologie Saint-Serge de Paris, puis le séminaire Saint-Vladimir en Amérique. Bien qu’en Amérique se ne soit pas un exarchat, mais le résultat est identique.

Leurs pères ont rassemblé et emporté de Russie les richesses de l’esprit russe pour les préserver et les retourner multipliées


Aujourd’hui l’Archevêché est dissout et l’on propose à tous de rejoindre des diocèses grecs locaux justement parce que personne, à l’exception des Russes, n’a plus besoin de ces richesses spirituelles russes. La perte de leur identité propre, a pour de nombreux représentants de l’exarchat russe des conséquences très tristes. Si ce n’était une décision du synode de Constantinople on pourrait revenir en arrière. Mais, c’est clair, il y a derrière des forces politiques puissantes sont entrées en jeu.

On ne saurait assez remercier Constantinople d’avoir, en 1931, pris sous son giron les exilés de l’Église russe. Ce doit être la règle dans l’Église : aider les frères qui sont dans la peine. On comprend que les Grecs aient voulu garder ce « succulent gâteau », ils s’en sont saisi et spéculant, disons-le, sur ce grand malheur des Russes et de la Russie. Il aurait fallu renoncer à cette tentation. Mais maintenant que le malheur est passé, ils auraient dû dire : nous vous avons protégés, reprenez votre bien. Que les gens choisissent, eux-mêmes ou par paroisses entières, où ils vont aller. Mais il fallait rendre à la Russie ces biens que seuls les Russes peuvent s’approprier, garder, élaborer et reverser au compte de l’orthodoxie mondiale, de la chrétienté tout entière.

Les structures ecclésiales du patriarcat de Moscou ont très souvent suivi les volontés du pouvoir.


C’est ce qu’auraient dû faire les Grecs, mais ils ont été plus nationalistes étroits et égoïstes, malades de ce qui décime le monde. Je pense avant tout à l’ethnophylétisme, la soif de pouvoir et l’indifférence à l’unité des Églises dans la paix. Parce que quand on se considère le centre du monde, il n’y a rien de bon à en attendre. Aujourd’hui on entend dire que Constantinople fait n’importe quoi. Ce n’est pas tout à fait ça. On voit très bien ce qu’ils font et dans quels intérêts politiques, immobiliers et nationalistes ; ils sont foncièrement antirusses c’est ce qui les guide.

Et puis Moscou, ce n’est plus la Russie, c’est la Fédération de Russie. Il n’y a pas que l’URSS qui n’est pas la Russie, la Fédération de Russie n’est pas non plus la Russie. Et, bien sûr, les structures ecclésiales du patriarcat de Moscou ont très souvent suivi les volontés du pouvoir : les intérêts de l’État étaient supérieurs à ceux de l’Église. C’était évident pour eux, souvent ils ne comprenaient pas ce qu’il fallait faire. C’est pourquoi l’exarchat sentait que, dans sa situation d’alors, l’Église orthodoxe russe était, si l’on peut dire, « une Église rouge ». C’est ainsi que certains la dénommaient, c’est ainsi que, parfois, elle se comportait. Bien sûr, tout ça, chez les Grecs comme chez les représentants de l’Église orthodoxe russe, était lié à des intérêts financiers, et politiques. Et malheureusement, bien peu au souci du peuple, au retour de ses valeurs spirituelles et culturelles. Les retourner était indispensable pas seulement parce qu’elles appartenaient de droit à la Russie, mais aussi parce que, je le répète, seuls les Russes pouvaient comprendre cet héritage, en connaître la valeur et le conserver. Il fallait un espace particulier pour la littérature russe, la peinture, la théologie russe, la pensée philosophique religieuse, l’imprégnation dans la vie des saints de l’Église russe. Tout cela ne peut se sauvegarder et se développer, c’est-à-dire vivre, n’importe où.

La révélation de l’amour de Dieu transmise par l’Église orthodoxe russe et la culture appartient au monde entier

Une partie de notre héritage est malgré tout revenue en Russie, là encore nous devons en être reconnaissants à Nikita Struve et à compagnons et collaborateurs qui ont créé à Moscou la Maison Alexandre Soljenitsyne de l’émigration russe. Mais ce n’est qu’une petite partie de ce qui est conservé en France et dans d’autres pays, qui est une partie de l’histoire russe, d’un destin si tragique, si important pour tous. Le grand héritage spirituel de l’émigration russe ne pouvait naître sans ces souffrances, sans ces terribles fractures. Mais puisque les gens les ont surmontées et transformées en révélation de la volonté divine, en amour de Dieu, en vérité et en liberté, nous devons en reconnaître le prix et comprendre que cela appartient, en réalité, au monde entier. Mais comment faire pour que cela ne disparaisse pas ? Que puissent revenir et se trouver un asile sur notre terre ces émigrés qui se souviennent de leurs racines et ne veulent ni les trahir, ni les oublier. Pour que soient conservées les églises construites par des Russes, avec des moyens russes. Comment faire pour que ce soit juste et selon la grâce de Dieu.

Bien sûr, quand feu le patriarche Alexis II a proposé de réunir l’Église orthodoxe russe et l’Exarchat d’Europe occidentale, cette proposition n’était pas accompagnée d’attitudes normales vis-à-vis des personnes et des paroisses. Il ne fallait pas forcer, pas ser outre « les lois de vérité et de la conscience », comme l’a dit en son temps Nikita Struve.

Le patriarcat de Moscou aurait dû reconnaître les saints canonisés par l’Exarchat, ce qui pourrait être fait aujourd’hui. Alors il aurait été possible de ne pas perdre l’autorité morale du patriarcat et de l’Église orthodoxe russe en Europe, alors les gens se seraient unis, mais maintenant ils craignent qu’on leur impose des règles de gouvernement indignes, que l’on va disposer sans égards de leurs biens immobiliers, de l’héritage des ces paroisses, monastères, diocèses et des croyants. Tous ont en mémoire l’exemple du diocèse de Sourozh où il y a tout simplement eu un schisme et pratiquement une confiscation. On pourrait ajouter d’autres exemples, pourtant l’Exarchat aurait pu s’entendre avec l’Église orthodoxe russe, comme, par exemple, l’a fait l’Église karlovtsienne (l’Église orthodoxe russe hors frontières) qui a gardé son autonomie, sa hiérarchie et ses biens propres.

Jamais aucune Église nulle part n’a témoigné avec une telle force de son orthodoxie

Quelle est aujourd’hui la situation ? Maintenant il faut attendre ce que dira l’Archevêché : accepte-t-il la décision de Constantinople ou cherchera-t-il une possibilité de survivre de façon autonome ? Ce serait une demi-mesure qui ne règlerait pas pour autant le problème. Il faut prier avec ferveur pour que le Seigneur permette de conserver quelque chose de l’essentiel de ce passé et de ce présent qui soit digne du futur

L’orthodoxie occidentale est avant tout un héritage de l’émigration russe, de cette meilleure partie de la Russie qui a survécu à de tragiques conditions où beaucoup sont morts et ceux qui ont survécu et sont restés en URSS ont malheureusement été décimés.

Aussi le témoignage orthodoxe de l’émigration russe est le plus fort. Aucune autre Église, ni en Amérique, ni en Europe n’a, nulle part et avec tant de force, témoigné de son orthodoxie.

C’est pourquoi cet héritage nous est cher, non pas pour posséder, posséder, posséder, mais pour ne pas perdre les dons de Dieu, les dons de l’Église orthodoxe russe et du peuple russe si nécessaires au monde entier.

SOURCE Traduction pour PO
Ликвидация Архиепископии: что будет с наследием русского православия?

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 22 Novembre 2019 à 10:59 | 8 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Tchetnik le 11/12/2018 18:52
Il faudra expliquer à Kot, que l'Eglise n'est pas une propriété ethnique.

2.Posté par Claire le 11/12/2018 22:42 (depuis mobile)
Nous sommes tres reconnaissants de cet heritage. Les paroissiens d''aujourd''hui doivent donc regarder tout cela mais ne pas y toucher comme dans un musée?

3.Posté par Vladimir.G: une analyse de la situation le 12/12/2018 09:53
LA DISSOLUTION DE "L’ARCHEVÊCHÉ DES ÉGLISES ORTHODOXES RUSSES EN EUROPE OCCIDENTALE".

Le Saint Synode du patriarcat de Constantinople a décidé lors le 27 novembre 2018 la "restructuration" de "l’Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale" qui dépend canoniquement de ce patriarcat; cette réorganisation revient en fait à sa dissolution dans les métropoles grecques des pays où se situent les paroisses de l’Archevêché .

Dans son communiqué du 30 novembre 2018, le Conseil de l’Archevêché n’obtempère pas à la décision de Constantinople et semble vouloir jouer la carte de son INDÉPENDANCE JURIDIQUE en se référant à ses STATUTS, qui avaient fait l’objet d’une approbation par le Saint-Synode de Constantinople.

Je vais essayer d’analyser le contexte de cette situation et d’en imaginer les suites possible.

ENTRÉE EN RÉSISTANCE OU OBÉISSANCE ?

L’archevêque de Charioupolis Jean, qui dirige l’Archevêché, rappelle "la fidélité à l’identité originelle de l’Archevêché" et annonce une concertation "dans les organes institués par nos statuts," avec "une assemblée pastorale le 15 décembre 2018" (il s’agit d’une assemblée du clergé) et, "dans la foulée, une assemblée générale de l’Archevêché, à laquelle prendront part tous les clercs et les délégués laïcs élus par les paroisses et communautés..."

Cette position s’appuie sur les statuts de l’Archevêché, qui avaient été approuvés par le synode de Constantinople, Elle tranche avec celle de l’ITO St. Serge, qui abandonne de fait l’Archevêché qui l’a fondé et soutenu à bout de bras pendant prés de cent ans, en faisant expressément allégeance au patriarche de Constantinople Bartolomé Ier et au métropolite (grecque) de France Emmanuel (cf. communiqué du 28 novembre...

UNE DISSOLUTION ANNONCÉE

La dissolution de l’Archevêché était largement prévisible à partir du moment où il avait refusé la proposition de création de "la Nouvelle Métropole autonome, qui réunira tous les fidèles de tradition orthodoxe russe des pays d’Europe Occidentale, servira au moment choisi par Dieu, de creuset à l’organisation de la future Église orthodoxe Locale multiethnique en Europe Occidentale, construite dans un esprit de conciliarité par tous les fidèles orthodoxes se trouvant dans ces pays," qui avait été faite par le patriarche de Moscou Alexis 2 en 2003 (http://www.oltr.fr/documents/73-appel-historique-adresse-par-le-primat-de-l-eglise-russe). Reniant ainsi ses liens historiques avec l’Église russe, l’Archevêché devenait un "doublon" des métropoles grecques en Europe occidentale qui n’avait plus aucune raison d’être.

Toutefois, en refusant cette proposition du patriarche de Moscou, l’Archevêché revendiquait haut et fort son INDÉPENDANCE, sur lequel le patriarcat de Moscou était accusé de vouloir empiéter. Pour mettre au pas cette éparchie remuante et avoir les coudées franches, Constantinople organisait ensuite la mascarade des "élections" de 2013 et 2016, aboutissant à mettre un Archevêque docile à la tête de l’Archevêché (même s’il fallut remplacer l’élu de 2013, l'Archevêque de Telmessos Job, bien aligné sur le Phanar comme le montrent ses dernières déclarations sur l’Ukraine, mais décidément insupportable pour le conseil épiscopal…) Monseigneur Jean semble se montrer moins "docile".

Remarquons que le communiqué de Constantinople remplace "russes" par "de tradition russe" dans l’appellation de l’Archevêché: ce n’est pas anodin car cela souligne bien l’absence de lien avec la Russie. Cette situation est bien différente de celle des Églises autonomes ukrainiennes des États Unis et du Canada, qui dépendent aussi de Constantinople : s’il s’agit bien de juridictions parallèles aux métropoles grecques en place dans ces pays, ces Églises revendiquent leurs liens avec l’Église ukrainienne, en fait une entité schismatique, et se révèlent très utiles actuellement puisque les deux exarques de Constantinople à Kiev en sont issus!

POURQUOI MAINTENANT? Il aurait semblé plus simple d’annoncer cette dissolution en 2013 ou 2016, quand il n’y avait pas de primat pour s’y opposer, au lieu d’organiser ces élections controversées. La solution choisie de désigner un primat censé être "aux ordres" a probablement semblé plus simple; il nous semble clair que la concomitance avec la crise ukrainienne n’est pas fortuite mais nous ne pouvons que faire des conjectures là dessus: l’archevêque Jean aurait-il fait preuve d’indépendance critique à ce propos ? Est-ce la sécession de la paroisse de Florence le mois dernier, illustration du malaise régnant dans l’Archevêché, qui a poussé Constantinople à prendre cette mesure extrême en espérant limiter les dégâts causés par la rupture avec Moscou?

DU CÉSAROPAPISME AU PAPISME ORIENTAL

Les positions de Constantinople et du Conseil de l’Archevêché se fondent sur des doctrines opposées de l’exercice de l’autorité dans l’Orthodoxie. Si le Conseil s’appuie sur un principe de "conciliarité" dont nous parlerons plus loin, le synode de Constantinople met en avant une vision "impériale" de l’autorité patriarcale que certains théologiens critiques qualifient de "papisme oriental".

De fait, les tentatives de Constantinople à une autorité sur l'Église entière remontent très loin: la règle 3 canon 28 du IIe Concile œcuménique pose le principe "... de la préséance de la Très Sainte Église de Constantinople, la Nouvelle Rome... parce que cette ville est la ville impériale… et elle doit aussi avoir le même rang supérieur que l'Église de Rome dans les affaires d'Église, tout en étant la deuxième après elle". Le patriarche de Constantinople jouit ainsi d'une véritable prééminence sur les Églises orientales, surtout après la scission du puissant patriarcat d'Alexandrie qui suivit le concile de Calcédoine (451); l’empereur de Byzance garde le titre "d’empereur des Romains" lorsque les invasions barbares submergent Rome et Justinien ajoute la notion de "symphonie" dans l’exercice du pouvoir entre l’empereur et le patriarche (535): l'empereur est le véritable chef de l’Église; il convoque et préside les conciles œcuméniques, fait et défait les patriarches de Constantinople, qui deviennent de fait ses partenaires pour les affaires religieuses. Les détracteurs baptisent "césaropapisme" cette absorption par l'empereur (césar-), des fonctions spirituelles dévolues au chef de l'Église, mais le patriarche de Constantinople jouit de son autorité sur les Églises de l’Empire d’Orient et les Slaves.

Après la chute de Byzance (1454), le patriarche de Constantinople, nommé et démis par le Sultan, bénéficia d'un regain d'autorité sur les Églises à l'intérieur de l'empire Ottoman en tant "qu’Ethnarque" c'est à dire chef de la "nation" chrétienne au sens musulman, pour lequel le civil et le religieux sont inséparables, comme l’écrit Olivier Clément. Il reprend alors les attributions ecclésiales de l’empereur, nommant les évêques et les autres patriarches, convoquant et présidant les conciles…

Moscou s'émancipa lors de la chute de l'empire de Byzance (doctrine de "la troisième Rome") puis soutint l'émancipation des Églises des Balkans au XIXe siècle (exemple très parlant de la reconnaissance de l'Église de Bulgarie alors même qu'elle était excommuniée par Constantinople).

Réduit au silence par le régime bolchevique, le patriarcat de Moscou revient en force dès la fin du XXe siècle en s'opposant aux prétentions de Constantinople sur l’Estonie (rupture de communion en 1996), la France dès 2003, le concile de Crête (2016) et maintenant l'Ukraine . La dissolution de "l’Archevêché" se place clairement dans ce contexte.

«ÉPISCOPOCENTRISME», CONCILIARITÉ ET CONCILE DE MOSCOU DE 1917-18

Le refus d’obtempérer du Conseil de l’Archevêché développe principalement deux argumentations:

- "C’est autour de leur évêque diocésain que les communautés et les fidèles constituent l’Église dans sa catholicité. … " (ibid.) Cet argument s’appuie explicitement sur les développements théologiques récents du Métropolite Jean (Zizioulas) de Pergame, qu’on a parfois qualifié d’«épiscopocentrique» et accusé de survaloriser un "super-évêque comme l’est le pape ou comme tend à l’être le patriarche de Constantinople," écrit Jean-Claude Larchet. Le métropolite de Pergame est lui-même l’un des soutiens importants du patriarche Bartholomé et un zélé promoteur de l’autorité de Constantinople (voir par exemple ses déclarations à Rome en mai 2003, lors du colloque sur «Le ministère pétrinien» (ibid)), et on peut se demander comment sera perçu ce recours à sa propre doctrine pour contester cette autorité ...

- "Toute décision ecclésiale, pour être effective, doit être formellement reçue par l’entité qui est sujette à cette décision …" dit le communiqué en annonçant le "débat contradictoire préalablement à toute décision" décrit plus haut (ibid). Ce processus décisionnel, prévu par les statuts de archevêché, est directement inspiré des décisions du concile local de l’Église russe de 1917-18 que cite le communiqué: le fait conciliaire – la « sobornost´ » – en tant que principe fondamental de gouvernement de l’Église orthodoxe est l’idée fondatrice du concile, qui s’appuya, dans sa composition et dans ses procédures, sur des évêques, des moines, des clercs paroissiaux et des laïcs, et insista sur le caractère collectif de l’organisation ecclésiale et sur le rôle des laïcs à tous les échelons de l’Église souligne le père dominicain Hyacinthe Destivelle en publiant les actes du concile. Il n’est pas sûr que cet argument soit bien perçu par Constantinople, qui ne se sent aucunement tenu par les conclusions du concile local russe...

QUELLE SUITE

Tout va dépendre en premier lieu des décisions de l’assemblée pastorale du 15 décembre et de l’assemblée générale de l’Archevêché "dans la foulée". On peut imaginer plusieurs scénarios:

1/ Une soumission au Patriarcat de Constantinople et la dispersion des paroisses entre les métropoles grecques. Certains peuvent évidement espérer faire revenir Constantinople sur sa décision, comme en 1971 et 1999, mais est-ce réellement envisageable? Certaines paroisses choisiront certainement de suivre l’exemple de Florence déjà cité.

Notons que toute autre décision peut entraîner des "sanctions canoniques" de Constantinople: interdiction, anathème, excommunication...

2/ Position indépendante de tout patriarcat ou Église autocéphale comme en 1966-71, au moins à titre provisoire. Mais l’Archevêché de 2019 en a-t il les moyens et pour combien de temps?

3/ Un retour à l’Église russe qui peut prendre plusieurs formes:

- Rattachement directe au patriarche comme juridiction autonome (à l’exemple de l’Église orthodoxe russe à l’Étranger)

- Rattachement à l’Église orthodoxe russe à l’Étrange: (EORE, successeur de l’EORHF) c’est la formule le plus souvent proposée par les tenants de l’opposition à Constantinople et qu’on voit choisie, à titre individuel, par la paroisse de Florence et deux prêtres américains. Mais les cultures de ces deux juridictions sont très différentes et le conservatisme de l’EORE peut provoquer le départ des nombreuses paroisses "progressistes".

- Reprise de l’idée de "la Nouvelle Métropole autonome, qui réunira tous les fidèles de tradition orthodoxe russe des pays d’Europe Occidentale, servira au moment choisi par Dieu, de creuset à l’organisation de la future Église orthodoxe Locale multiethnique en Europe Occidentale, construite dans un esprit de conciliarité par tous les fidèles orthodoxes se trouvant dans ces pays," proposée par le patriarche Alexis 2 comme rappelé plus haut. Mais cette idée est elle encore d’actualité? L’EORE a rejoint le patriarcat de Moscou il y a plus de10 ans, mais aucune avancée n’a été faite dans ce sens…

4/ Rattachement à une autre juridiction canonique: c’est une éventualité envisageable: l’ECOF, qui a fait partie de l’Église russe, a ainsi rejoint le patriarcat de Roumanie en 1970 après avoir quitté l’EORHF en 1966. La possibilité qui avait été évoquée à l'occasion des élections fantasmagoriques de 2013 était de rattacher l’Archevêché à l'OCA (Églises Orthodoxe en Amériques): Église autocéphale depuis 1970, non reconnue par Constantinople mais restée proche de l’Église russe dont elle est issue, elle se réfère aussi au concile local de 1917-18 et se trouve proche des approches spirituelles et ecclésiologiques de l’Archevêché.

C’est à l’issu de "la concertation et du dialogue en vérité, dans une assemblée délibérative régulière de l’ensemble de l’Union diocésaine" décidé par le Conseil de l’Archevêché (ibid) que nous saurons quelle solution est choisie, et une première orientation sera certainement donnée par l’assemblée pastorale du 15 décembre. Prions pour que l’Esprit Saint éclaire ces assemblées et les dirige sur les voies choisies par le Seigneur.

Vladimir Golovanow

4.Posté par Marie Genko le 12/12/2018 11:12
Ce qu'écrit le Père Georges Kotchetkov est que les penseurs de l'archevêché ont rêvé :

"rêve quelque peu fantastique de créer en Europe occidentale une Église orthodoxe locale autocéphale, pourquoi pas française".

Mais n'est-ce pas sous l'omophore de Constantinople qu'a pris corps le rêve de la fondation d’une Eglise Locale en Occident, qui regrouperait toute la diaspora?

Pourquoi Constantinople a-t-il laissé les théologiens de l'Archevêché s'engager sur cette voie ?

Une nouvelle Eglise Locale composée d'une diaspora multi ethnique et soumise au Patriarcat de Constantinople aurait été le germe d'une puissance retrouvée pour ce Patriarcat, qui a perdu sa magnificence d'antan.
Dans la suite de l'article du Père Mikhaïl Polsky, publié sur ce site ce matin c’est, en substance, ce qu'écrivait ce prêtre déjà en 1952, il écrivait que les idéologues de l'Exarchat russe ont réfléchi à toutes les justifications possibles pour démontrer le bien fondé de la rupture de leur diocèse avec son Eglise Mère, l'Eglise de Russie.
Il écrit aussi que déjà en 1922, le patriarche de Constantinople réclamait le droit de régner sur toute la diaspora.

Nous savons que ni les Roumains, ni les Serbes, ni les autres Eglises ne veulent se séparer de leur diaspora.
Et les théologiens de l'Archevêché auraient du savoir que les règles de la Tradition orthodoxe s’opposent à des diocèses baladeurs d’une juridiction à l’autre.
Probablement, est-ce à la surprise du patriarcat de Constantinople, que les idéologues de ce diocèse russe ne se sont pas soumis davantage mais, au contraire, se sont tournés vers plus d'indépendance!
Je me souviens d'une lettre adressée au Patriarche Bartholomé, en 2008, par une réunion de fidèles réunis à l'ITO, en souvenir du rayonnement du Père Alexandre Schmemann, et au sein de l'archevêché, et aux USA.
Cette lettre, cosignée par toutes les personnes présentes, demandait à Sa Sainteté le Patriarche de Constantinople de suivre l'exemple du Patriarche de Russie, qui avait accordé au Père Alexandre Schmemann l'autocéphalie pour son diocèse américain (OCA), et de bien vouloir, lui aussi, accorder l'autocéphalie à l’Archevêché.
Cet Archevêché qu'une grande partie des personnes présentes considéraient comme la pierre angulaire d’une Orthodoxie Française.
Il est tout à fait évident que cette lettre ne reçut jamais de réponse.
Pour mémoire le patriarcat de Constantinople n'a jamais reconnu l'OCA
Pour Constantinople il est temps de ramener dans le rang ce diocèse occidental rebelle.
Il faut le réintégrer dans une Eglise.
Et il est évident, pour le Patriarche de Constantinople que l'archevêché doit rester lié plus étroitement sous son omophore.

5.Posté par Antoine le 12/12/2018 14:14
Merci PO; p. Kochetkov bravo, analyse profonde et sage

6.Posté par Marie Genko le 13/12/2018 10:27
@ Vladimir, message N°3

Cher Vladimir,
Merci pour votre explication qui est très claire.

Comme je l'écris dans mon message N° 4 je suis tout à fait certaine que la métropole des chrétiens orthodoxes de l'Archevêché pourrait se faire sous l'omophore du patriarcat de Moscou, puisque Moscou a donné l'autocéphalie à l'OCA, elle serait prête à l'envisager pour les fidèles d'Occident, comme l'écrit Sa Sainteté Alexis II de bienheureuse mémoire.
Mais cette métropole ne pourra pas se faire sous l'omophore de Constantinople, qui a affirmé à plusieurs reprises, comme vous l'écrivez dans votre message, qu'il fait partie de ses droits de régner sur la diaspora.

Que le Seigneur vienne en aide à Mgr Jean et le soutienne dans la lourde responsabilité qui est la sienne.

7.Posté par Vladimir.G: suite de l'analyse de la situation le 13/12/2018 18:15
Bien chère Marie (6),

Je connais bien l'Archevêché, dont j'ai fait partie pendant prés de 50 ans, mais comme je l'ai quitté depuis plus de 10 ans, je ne me permets pas de décider de ce qu'il doit faire. Ce sont ses responsables qui doivent en décider conformément à ses statuts et le processus enclenché par le Conseil de l’Archevêché me semble pertinent.

De mon côté, j'essaye d'analyser la situation et les différents choix possibles. Il me semble, eu égard aux références du communiqué du Conseil, qu'il cherche avant tout à garder l'unité de cette juridiction, malgré son côté exceptionnel au plan canonique, pour en préserver le caractère propre et "les richesses" dont parle le père Georges. Le communiqué du Conseil s'y réfère explicitement en parlant de "la fidélité à l’identité originelle de l’Archevêché."

Or les 3 solutions les plus simples, que proposent différents intervenants, conduisent toutes à la fuites d'une partie des paroisses:
- Se fondre dans les métropoles, grecques comme l'ordonne le Phanarm disperse évidement les paroisses et en fera fuir certaines à l'exemple de Florence.
- Rejoindre Moscou braquera tous ceux qui rêvent de la Russie d’antan, qui n’existe plus comme le rappelle le père Georges, et qui se sont encore plus éloignés de l'Église russe depuis 15 ans sous l'influence du matraquage russophobe de nos médias.
- La rigueur traditionnelle de l'EORE provoquera l'opposition des progressistes, fidèles et paroisses, qui sont nombreux dans l'Archevêché...

L'OCA ne provoquerait aucune de ces réactions de rejet mais peut refuser une juridiction en dehors de son territoire revendiqué - les Amériques...

Aucune solution n'est évidente et sans risque. Prions pour que l'Esprit Saint aide nos frères à trouver la solution qui convient pour suivre la voie du Seigneur!

8.Posté par Marie Genko le 15/12/2018 11:12
Cher Vladimir,

Vous avez tout à fait raison lorsque vous écrivez que certaines paroisses sont complètement sous l'influence du matraquage russophobe des médias.

Celles-là effectivement risquent de vouloir rejoindre l'OCA et de se cogner à une porte bien close !

Taxer l'Eglise russe à l'étranger de rigueur traditionnelle est aussi une image non conforme à la réalité
La mission de l'Eglise est, et a toujours été, de proposer la Sainteté aux fidèles.
C'est ce que chacun d'entre nous doit garder en mémoire.
L'Eglise russe à l'étranger ne fait rien d'autre que d'encourager ses fidèles à la prière.
Et n'est-ce pas là son rôle essentiel?

Il nous reste à prier pour qu'un déchirement de l'archevêché ne se produise pas.


Avec toute mon amitié. Marie

9.Posté par Vladimir.G: Je prie pour que nos frères puissent trouver la solution inspirée par le Saint Esprit. le 16/12/2018 22:10
Bien chère Marie (8),

Auriez-vous des informations sur la position de l'OCA? Si non pourquoi parlez-vous de "porte bien close" ?

Quand à la "rigueur traditionnelle" de l'EORE, je pars d'un exemple très concret: l'ECOF fut fondée dans l'Église russe et en fit partie jusqu'en 1956; en 1960, le saint archevêque de San Francisco Jean reçut l'ECOF dans sa juridiction de l'EORHF (d'où est issue l'EORE après 2003) ) et sacra évêque son fondateur, le père Eugraph Kovalevsky (1964).

À la mort de du saint archevêque Jean (1966), le synode de l'EORHF exigea de l'ECOF qu'elle renonce "à ses dérives modernistes", et en particulier à sa Liturgie de rite occidental en français (que l'archevêque Jean avait lui-même célébrée...), et l'ECOF quitta l'EORHF pour s'intégrer à la juridiction roumaine quelques années plus tard avant de se disloquer.

Nous ne sommes plus en 1966 et les paroisses de l'Archevêché ne sont pas l'ECOF, mais il est probable qu'un certain nombre d'entre elles feront comme l'ECOF si le synode de l'EORE, héritier de l'EORHF, leur demande de renoncer à leurs pratiques "progressistes" (absence d'iconostase, suppression ou ajouts au texte de la Liturgie, embrassades générales...) C'est cela que j'avais en vue en parlant de "rigueur traditionnelle."

Je ne sais pas quelles orientations ont été retenues par l'Assemblée Pastorale d'hier et, en attendant l'assemblée générale convoquée le 23 février, il va y avoir des discussions dans les paroisses pour la préparer.

Je prie pour que nos frères puissent trouver la solution inspirée par le Saint Esprit.
Amen

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