A la suite du verdict dans l’affaire Pussy Riot P.O. met en lignes plusieurs réactions de prêtres et de laïcs russes.

Parlons d'orthodoxie

A la suite du verdict dans l’affaire Pussy Riot P.O. met en lignes plusieurs réactions de prêtres et de laïcs russes.
Les polémiques continuent bon train en Russie. Nous considérons avoir fait de notre mieux pour informer nos lecteurs de cette affaire. Désormais nous allons essayer de nous limiter aux documents officiels et aux articles de presse les plus importants. Nous comptons sur la compréhension de nos amis.

L'archipretre Alexis Ouminsky : "la Déclaration du Conseil ecclésial suprême a été publiée trop tard"

Le Tribunal du district de Khamovniki (Moscou) a déclaré coupables les participants du groupe punk « Pussy Riot » suite à leur manifestation scandaleuse dans la cathédrale du Christ Sauveur. Nadezhda Tolokonnikova, Yekaterina Samoutsevich et Maria Alyokhina sont condamnées à 2 ans de « colonie ». Le Conseil ecclésial suprême de l’Eglise Orthodoxe Russe a publié une déclaration officielle à cet égard. L’acte du groupe Pussy Riot a été blasphématoire. La sentence, cependant, nuit aux intérêts de l’Eglise. Selon le protopresbytre Alexis Ouminsky, recteur de l’église de la Sainte-Trinité de Khokhli (Moscou), confesseur du séminaire Saint Vladimir, une condamnation de ce genre de manifestation ressort uniquement de la compétence de la justice ecclésiale : J’ai suivi le procès dès le début et j’ai l’impression que la sentence est déterminée plutôt par des considérations politiques que par la protection des intérêts de l’Eglise. Comme tous les chrétiens je suis indigné par cet acte, qualifié de blasphématoire dans la déclaration du Conseil ecclésial suprême. Je suis d’accord avec cette définition. Or, la sentence me semble purement politique et punitive.

La déclaration du Conseil ecclésial suprême survient trop tard. Elle aurait été opportune tout de suite après la manifestation. Le Conseil aurait pu la qualifier de blasphème, appeler les participants au repentir et leur expliquer leurs torts. En effet, à en juger selon les dires de ces femmes elles n’ont toujours pas pris conscience de ce qu’elles avaient fait. Elles disent qu’elles n’avaient pas envisagé d’offenser des croyants. C’était une protestation politique. Il n’y a pas de raison de ne pas les croire. Mais la protestation elle-même a été effectuée sous une forme blasphématoire. Il faut en prendre conscience, la condamner et essayer de l’expliquer aux participants. Si tout cela avait été fait dès le début l’Eglise aurait pu ne pas participer au procès. Maintenant, lorsque la déclaration est faite à posteriori, l’appel aux autorités pour adoucir la sentence n’est pas convaincant par rapport à l’accusation de blasphème.
Il s’en suit « une double sentence ». En effet, la condamnation de l’acte blasphématoire par l’Eglise est également une sentence, celle de la cour ecclésiale. Elle aurait dû être prononcée bien plus tôt. Il a fallu attendre la condamnation de l’Etat pour que l’Eglise se prononce également à cet égard.

Elles sont déjà punies ayant passé 6 mois en prison pour un acte qui n’est pas prévu par le Code Pénal. Il n’existe pas d’article portant sur la protection des sentiments religieux. Il y en a un condamnant sur la haine religieuse. Elles n’ont pas appelé à la haine religieuse. Elles ont commis un acte blasphématoire à l’égard de l’Eglise.

L’appréciation d’un tel acte est dans la compétence de la cour ecclésiale. Cette cour aurait pu appeler au repentir et l’Eglise n’aurait pas été impliquée dans le scandale qui divise actuellement la société. Au moment où le patriarche appelle à la paix et au pardon les peuples russes et polonais nous constatons un clivage dans notre société. Je pense que la sentence est nuisible à l’Eglise. Les médias ont présenté l’Eglise comme un instrument punitif ce qu’elle n’est pas.

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L’archiprêtre Alexandre Sorokine, président du service d’information et d’édition du diocèse de Saint-Pétersbourg se dit plutôt attristé que satisfait de la sentence.

Une sentence plus clémente serait justifiée. La peine prononcée est à mes yeux trop dure. Cette situation dure depuis plusieurs mois, elle nous à tous infligé de grands tourments et il serait temps d’en finir. Cela d’autant plus qu’il est impossible d’humilier celui que l’on voulait atteindre, c’est-à-dire le Christ. Ni Dieu, ni tout ce qui est saint ne peuvent être sujets à humiliation. D’un point de vue purement chrétien je pense que nous aurions dû manifester un simple bon sens plutôt que de la miséricorde ou de la compassion. Je suis loin d’être certain que la sentence va faire cesser les tensions et mettra un point final à cette pénible situation.

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André Eroféev, critique d’art, commissaire de l’exposition « Attention, religion ».

Notre pays n’a pas été désoviétisé et en voici les résultats. Comment ne pas s’étonner du silence des instituts sociaux face à ce genre de procès ? Ne fût-ce que du mutisme du ministre de la culture ? Ce qu’ont fait les membres du groupe appartient sans conteste à l’art moderne. Et cela a été considéré comme un acte délictueux. Souvenons de l’époque soviétique : c’est bien ainsi qu’était traité l’art non conformiste : Rabine, Tzelkov, Neizvestny, voilà de grands noms. Mais ils étaient considérés comme des voyous. De nos jours les toiles d’Oscar Rabine sont exposées à la galerie Tretiakov. Lorsque nos collègues occidentaux voulaient savoir pourquoi ces artistes ne sont pas exposés, on leur répondait qu’on ne les connaissait pas et que c’étaient des voyous. Maintenant la Russie s’enorgueillit de cette école de peinture.

P.O. (Un premier procès avait été intenté par un groupe d'orthodoxes qui souhaitaient faire interdire l'exposition "Attention, religion!" au Musée Sakharov à Moscou. Malgré un recours en appel les parties civiles, Youri Samodourov et André Eroféev ont été condamnés pour "offense aux sentiments religieux des croyants", la justice avait ordonné de fermer l'exposition jugée blasphématoire. "Art Interdit 2006" était un remake de la première exposition par la nature essentiellement blasphématoire des objets exposés. Entre-temps Youri Samodourov s'est vu contrait de démissionner de son poste, son comparse Eroféev a été licencié du Musée "Nouvelle galerie Tretiakov").

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L’archimandrite Tikhon Chevkounov (higoumène du monastère de la Sainte Rencontre) estime que la sentence est assez dure.

Ce qui a été fait dans la cathédrale du Christ Sauveur est un crime, il est par conséquent logique et justifié d’avoir condamné les membres du groupe. Aux yeux d’un orthodoxe ce que ces jeunes femmes ont fait à la cathédrale de la Théophanie ainsi que dans celle du Christ Sauveur sont des vilénies. Auparavant ces jeunes femmes se sont livrées à des actes immondes avec un poulet congelé dans un magasin, se sont produites de la pire manière dans un Musée, etc. Non, ce ne sont pas actes blasphématoire mais un comportement de voyous qui a été condamné, ceci conformément à l’article adéquat du Code pénal. Leur comportement dévoyé avec un poulet, dans un musée, etc. n’a pas fait l’objet d’une condamnation. La sentence est, dure, en effet, comment na pas plaindre ces femmes ? Deux ans, c’est long. Et puis, elles ont des enfants en bas âge. Elles font bonne mise à mauvais jeu et gardent le sourire. Mais il n’y a vraiment pas de quoi les envier. Le Conseil ecclésial suprême a lancé un appel à la clémence. Est-ce que la prison les aidera « à se racheter une conduite » ?

Un exemple : il y a dix ou douze ans le fils de l’un des membres du groupe « Pink Floyd » a décroché le drapeau qui ornait un monument aux anciens combattants. Cela lui a valu seize mois d’emprisonnement. L’Etat doit vivre selon des lois et ces lois doivent être observées. Alors qu’en Russie ont voit des manipulations douteuses avec des poulets effectuées en présence d’enfants, des actes délétères dans un musée, des voitures renversées, tout ceci « couronné » par des actes de hooliganisme à la cathédrale du Christ Sauveur. Tout ceci dans le laissez-faire.
Je le redis : cette sentence, appliquée à de jeunes femmes, est très dure. Il convient de faire tout le nécessaire, j’en suis convaincu, pour cette sentence soit atténuée, cela dans toute la mesure du possible.

Le Conseil ecclésial suprême dit entre autre « L’Eglise s’adresse à ceux dont les sentiments religieux et nationaux ont été profondément humiliés par ces comportements ainsi que la par la campagne de propagande qui les a suivi les priant de s’abstenir de toute volonté de vengeance et de tout acte illicite et d’autant plus violent » Ce n’est pas à la manière de Tolstoï, en n’opposant pas la violence au mal qu’il nous faut réagir mais, comme le préconisait le philosophe Ivan Iline en résistant par la force au mal. Nous avons le droit à protester pacifiquement, à organiser des actions de grâce comme celle qui a réunit une multitude de croyants près de la cathédrale du Christ Sauveur.

Les auteurs de la déclaration avaient en vue ce genre de protestations. Il faut espérer que ce précédent fera réfléchir à deux reprises ceux qui aimeraient imiter le comportement du groupe. Si l’Etat et la société ne dressent pas de barrières, juridiques en particulier, que valons nous ?

Traduction "Parlons d'orthodoxie" et Elena Tastevin







Commentaires (10)
1. Clovis le 20/08/2012 16:28
Et en plus elles sont orgueilleuses...

MOSCOU, 19 août - RIA Novosti

Les Pussy Riot ne demanderont pas la grâce présidentielle
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Trois membres du groupe Pussy Riot, condamnées vendredi dernier à deux ans de camp pour une "prière punk" dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, ne solliciteront pas la grâce, a déclaré lundi à l'Agence russe d'information juridico-légale (RAPSI) Nikolaï Polozov, l'avocat des jeunes femmes.
"Nos clientes ont été très claires à ce propos: en aucun cas, elles ne demanderont la grâce", a indiqué le juriste.
La défense pourra faire appel du jugement lorsqu'elle aura obtenu copie du verdict. Ce dernier est délivré dans un délai de cinq jours à partir de l'énoncé du jugement, a poursuivi M.Polozov.
Un tribunal de Moscou a condamné vendredi Maria Alekhina, Ekaterina Samoutsevitch et Nadejda Tolokonnikova à deux ans de prison pour avoir commis un acte de hooliganisme dans la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou, haut lieu du culte orthodoxe russe. Le 21 février dernier, les trois jeunes femmes encagoulées ont improvisé une "prière punk" devant l'autel de la cathédrale, en tenant des propos blasphématoires et en demandant à la Vierge de "chasser Poutine". Une vidéo de ce "concert" est disponible sur Internet.
Le tribunal a estimé que les prévenues "avaient espéré un vif retentissement médiatique" et qu'elles "avaient insulté non seulement le clergé, mais aussi les fidèles orthodoxes".
2. Vladimir le 21/08/2012 09:42
CHEZ NOUS AUSSI? Arrestation pour non respect de la loi anti-burqa

Les forces de l'ordre ont interpellé sept personnes devant le consulat de Russie à Marseille (8e) en pointant du doigt l'interdiction à toute personne de dissimuler son visage, se référant à la loi anti-burqa du 11 octobre 2010. Cette loi, difficilement applicable intervient donc dans un contexte plutôt étrange. Prévue afin d'interdire le port du voile intégral aux femmes musulmanes, elle s'applique ici dans le cas d'une manifestation festive et pacifique. En France, d'autres manifestations de ce genre ont eu lieu le même jour, notamment à Paris.

Le site Rue89 qualifie cette arrestation d'absurde. "Le caractère festif et artistique de cette mascarade aurait très bien pu être constaté par la police. Après tout, il ne s’agissait que de se déguiser en « Pussy Riot », pas de mettre le feu au consulat russe" souligne la rédaction du site internet parisien. À Paris, personne n'a été interpellé. À Marseille, les manifestants ont passé 2 heures au poste de police pour un contrôle d'identité.
3. Vladimir le 24/08/2012 18:12
lecourrierderussie.com: Affaire Pussy Riot : Pourquoi est-il impossible de leur pardonner ?
Publié le 21 août 2012 à 21:22

L’action des membres de Pussy Riot et leur procès a en même temps divisé l’opinion publique et déclenché une vraie frénésie, ce qui démontre que ces événements ont effleuré les points les plus sensibles de la société russe. Lesquels ? Sergueï Markov, vice-recteur de l’université d’économie Plekhanov et politologue renommé, commente les différentes interprétations qui existent autour de cette affaire. [Article publié avant la publication du verdict, le 17août 2012, ndlr]Dans les rangs de l’opposition, deux versions circulent : la première pointe du doigt Vladimir Poutine, la seconde le Patriarche Kirill. Vladimir Poutine est accusé de vouloir laver l’affront causé par les jeunes féministes. Même si, soit-dit-en passant, l’actuel président a dû entendre tellement de critiques à son égard depuis un an, qu’il s’y est surement habitué depuis. D’autres craignent que le procès marque le début d’une censure idéologique religieuse, prémisses d’une cléricalisation de l’Etat. Pour des raisons politiques, ces versions monopolisent l’attention des médias russes à l’heure actuelle. Cependant, il existe d’autres interprétations des faits.

Une société cloisonnée

La société contemporaine russe se cloisonne de plus en plus en deux parties. D’un côté, la minorité active, composée des habitans des grandes villes, de la classe moyenne et cosmopolite, de l’autre une majorité morale silencieuse (MMS : terme utilisé en sciences politiques aux Etats-Unis pour caractériser la majorité des croyants conservateurs, qui ne peuvent peut-être pas constituer une majorité électorale, mais qui peuvent partager le même point du vue électoral que la « majorité silencieuse), qui compte dans ses rangs les provinciaux et les petits fonctionnaires aux valeurs conservatrices.

Et cette majorité morale silencieuse a également sa version des faits concernant l’affaire Pussy Riot : un mélange de morale et de conspiration. Pour elle, cette action fait partie d’une campagne stratégique visant à souiller les valeurs sacrées du peuple russe et ce, dans le but d’éradiquer le peuple russe en tant que sujet de l’histoire du monde. Non pas au sens physique du terme mais en privant le peuple russe de son droit d’exister en tant que sujet politique et de son identité civilisationnelle. Ainsi l’Eglise russe, malgré tous les défauts que lui reconnaissent ses fidèles, conserve le rôle de représentant de l’identité supra-ethnique russe et Vladimir Poutine se voit, quant à lui, érigé en symbole d’une possible renaissance du peuple russe en tant que sujet politique, non pas du point de vue ethnique mais impérial.

C’est donc un message solennel que cette Russie encore silencieuse envoie à Vladimir Poutine afin qu’il protège les reliques sacrées du peuple russe : « Tu es Russe ? Tu es orthodoxe ? Tu es fort et puissant ? Alors protège ce qui nous est cher ! ».

Cette demande ne revêt, en aucun cas, un caractère politique mais une dimension existentielle. Vladimir Poutine n’est pas aveugle, il voit clairement l’appel de cette Russie traditionnelle et comprend très bien que la libération des trois membres de Pussy Riot aurait des conséquences politiques dramatiques.

Imaginez que des millions de Russes, dont le sentiment national se renforce progressivement, constatent que le pouvoir ne défend pas les valeurs qui leur sont les plus chères. Ces millions de gens seraient alors coupés de la politique du gouvernement actuel. Un tel isolement se traduirait ensuite par une montée du terrorisme chez ces nationalistes qui recevraient un large soutien de la population pour leurs actions, comme en Allemagne et en Italie à la fin des années 1920. Ainsi, un petit fasciste russe de rien du tout se verrait offrir une chance de rejoindre le monde politique réel et Poutine, en tant qu’homme politique, se doit naturellement de s’opposer à un tel scénario.

Eviter les émeutes

Logiquement, le procès des membres de Pussy Riot ne doit pas être considéré de la même façon que celui de Khodorkovskiï, de Navalny ou des manifestants arrêtés à la suite de la marche des millions du 6 mai dernier. Il s’inscrit plutôt dans le prolongement de l’acquittement de O.J Simpson en 1995 (ancien joueur de football américain et acteur afro-américain accusé du meutre de son ex-épouse, blanche, et de son compagnon en 1994). Alors que les preuves dans cette affaire étaient suffisantes pour envoyer l’accusé en prison, la société américaine était fortement divisée sur la question : d’un côté 90% de la population blanche le jugeait coupable, de l’autre 90% de la communauté afro-américaine considérait qu’il s’agissait d’une vengeance des blancs contre ce héros noir. A partir de ce moment-là, il était devenu clair qu’en cas de condamnation, des émeutes raciales éclateraient dans les villes américaines, le pays se remettant à peine des émeutes de 1992 à Los-Angeles. Dans ce contexte de tensions raciales, le pouvoir américain a trouvé le moyen de faire acquitter le prévenu au pénal. Simpson sera cependant condamné à perpétuité en 2008 pour enlèvement et vol à main armée. Cette affaire montre que le pouvoir doit tout faire pour éviter des émeutes de masse, même si cela l’oblige à enfreindre la loi. Il doit évaluer le niveau de colère de la majorité morale par rapport a un événement et le risque potentiel de radicalisation.

Radicalisation nationaliste

La majorité morale silencieuse donne également deux interprétations de la « prière punk ». La plus morale des deux qualifie cette action d’idiotie commise par des jeunes filles incultes, elles-mêmes victimes de la télévision et de l’éclatement du pays des années 90. La communauté orthodoxe aime également rabâcher, en complément de cette théorie, qu’il suffirait aux jeunes femmes de faire de sincères excuses pour que l’Eglise leur pardonne et qu’elles soient relâchées. Mais il semble qu’au vu de la vigoureuse campagne qui les incite à s’en tenir à des excuses formelles, qui sont tout sauf sincères, ces pauvres filles n’ont même plus la possibilité de s’en sortir ainsi.

Néanmoins, il est certain que si les féministes étaient libérées sans condamnation et sans avoir fait d’excuses publiques, les groupuscules nationalistes se radicaliseraient et se feraient justice eux-mêmes en lynchant les jeunes femmes. Je ne suis pas sûr que tous les partisans de Pussy Riot ont compris cela. Les organisateurs de cette campagne « Free Pussy Riot » sont plutôt prêts à verser le sang de ces jeunes femmes qu’ils manipulent sur l’autel de la sainte lutte contre Poutine et l’Eglise.

Mais les membres de la majorité morale silencieuse ne se reconnaissent pas dans le portrait de ces punisseurs inhumains, tel que les médias le présentent. Ils se considèrent comme des protecteurs de leur pays. « Laissez nos reliques sacrées en paix ! », demandent-ils. Ils attendent du pouvoir que de telles attaques ne se reproduisent pas car ils sont certains que si les membres de Pussy Riot sont graciées, leur prochaine action sera encore plus horrible. Ils les imaginent copuler sur l’autel, y déféquer, insulter et attaquer les prêtres ou cracher dans l’église.

« Et s’ils avaient fait ça dans une mosquée ? »

L’affaire revêt aussi un aspect éthique, symbolisé par la comparaison permanente avec l’Islam : « Et s’ils avaient fait ça dans une mosquée ? ». Et cette comparaison est tout à fait explicable. Les musulmans – les ressortissants du Caucase étant majoritairement de confession musulmane – attendent de voir si les orthodoxes vont tolérer ou non cet affront. Si le premier cas de figure l’emporte – que les membres de Pussy Riot soient acquittées sans prononcer aucune excuse –, les Russes orthodoxes perdraient beaucoup de crédibilité face à ces individus dans les petits conflits de la vie de tous les jours.

Cela signifie que les conflits se multiplieraient là où les diasporas sont unifiées par clan, nationalité et confession, comme à Stavropol, Kouban, etc. Des millions de personnes vivent dans ces zones. Sans faire de paranoïa, les gens sentent que si cet affront reste impuni, les autres communautés se conduiront plus violemment envers eux. Un acquittement de Pussy Riot impliquerait donc pour les orthodoxes russes de devenir eux-mêmes victimes de plus de racket et de violences de la part des clans musulmans.

La plus agressive des versions de la majorité morale ne qualifie pas l’action des activistes de Pussy Riot « d’idiotie commise par des jeunes filles », mais d’une étape dans un complot global dirigé contre la Russie et l’Eglise. Selon cette version, Vladimir Poutine ne se voit pas seulement forcé de condamner ces trois jeunes femmes mais obligé de protéger la Russie par tous les moyens possibles. Et plus la campagne de soutien à Pussy Riot grossit et plus les soutiens de l’étranger affluent, plus la théorie du complot se consolide.

Traduit par : Thomas GRAS
Source : Vedomosti
4. Marie Genko le 24/08/2012 23:02
Cher Clovis,

Ce n'est pas de l'orgueil, c'est de la cohérence!

Baisser la tête devant V. Poutine les ferait descendre du pinacle où elles pensent être montées dans l'esprit de leurs admirateurs et plus tard sponsors occidentaux!

S'incliner devant Poutine ce serait dire Adieu aux mémoires, aux futurs concerts et à la manne qu'elles espèrent récolter de leur "martyr pour la défense de l'art"!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Elles veulent bien rester deux ans en prison, parce qu'elles espèrent que cela va leur rapporter gros!

5. Sasha Sopova le 25/08/2012 14:11
В Архангельске поклонники Pussy Riot (четыре человека, по словам очевидцев) сегодня ночью срубили крест. "Борьба с проклятыми попами продолжается". Довольно иронично, что если в Европе акции сторонников PR проходят в основном в форме вывески, без вандализма

В основном лозунги, манифестации и перфомансы, тогда как отечественные "просвещенные европейцы" по старой памяти первым делом бросились рубить кресты.
6. V.G. Une intéressante interview du père Feodor Lioudogovski le 26/08/2012 16:07
Le site pravmir.ru publie le 22 août une intéressante interview (1) du père Feodor Lioudogovski (2) consacrée à «l'offense des sentiments religieux » qui sert de fondement à la condamnation des Pussy Riot. En voici l'essentiel (traduction VG):

Citation
Là est la question : que doit faire un chrétien quand il se sent froissé, offensé, insulté dans ces fameux sentiments religieux? J'entends bien comme Chrétien et non comme citoyen (offensé pour le pays) ou comme père de famille (préoccupé par l’avenir de ses enfants), etc., mais bien comme un Chrétien devant la face de Dieu.

Je vois deux réponses possibles.

La première est de s’estimer personnellement offensé: alors il n'y a pas à s'attacher à cette offense, à se plaindre, à aller au tribunal... mais il faut pardonner, parce c’est cela qu’a commandé le Christ. Il faut pardonner soixante-dix fois et soixante-dix fois sept fois s’il le faut (3). Tout le monde n'y arrive pas toujours, mais c’est bien à cela que nous sommes appelés.

La deuxième est de s’offenser pour Dieu et de se mettre à Le défendre énergiquement. Mais là il y a un problème: le Christ n’a appelé personne au secours lorsqu’on est venu L’arrêter au jardin de Gethsémani. Au contraire Il a désapprouvé le geste de Pierre, qui avait coupé l’oreille de Malchus (4), et Il a guéri l’esclave blessé. Dieu n’a pas besoin de notre défense, non seulement parce qu’Il est tout-puissant et qu’Il peut se défendre Lui-même, mais avant tout parce qu’Il a fait Son choix. Et ce choix est en faveur de l’humiliation, de la souffrance et de la mort.

Et nous aussi, nous avons fait le choix en faveur d’un Dieu qui a été calomnié, faussement accusé, couvert de crachats, frappé et mis à mort. D'ailleurs, si l’histoire, la culture, la civilisation russe, la grandeur de l’Etat etc. sont plus chères à quelqu'un que le Christ - il existe de nombreuses et fort belles religions dans le monde...

Mais si nous tenons au Fils de Dieu, si nous sommes Ses disciples, alors, même si nous sommes imparfaits, même si nous sommes pécheurs, il ne nous appartient pas de transformer nos péchés et nos fautes en norme. Parce qu’il n’est pour nous d’autre norme, d’autre modèle et d’autre canon que notre Maître, mort et ressuscité. Essayons autant qu’il est possible de Lui ressembler. Et je suis sûr qu’Il nous y aidera.
Fin de citation

Notes du traducteur
(1) http://www.pravmir.ru/ob-oskorblennyx-religioznyx-chuvstvax/
(2) Le père Feodor Lioudogovski est un prêtre de l'église de l'Académie Orthodoxe de Moscou (AOM), docteur en philologie, professeur à l'AOM, collaborateur scientifique de l'Institut d'études slavonnes de l'Académie des Sciences de Russie, membre du groupe de travail de la commission inter-conciliaire pour la préparation du nouveau dictionnaire du slavon.
(3) Mt 18,21-35: Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu'à sept fois ? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois.
(4) Luc 22:49
7. Clovis le 26/08/2012 22:20
Merci beaucoup pour cet éclairage cher Vladimir !
8. Marie Genko le 26/08/2012 22:40
Cher Vladimir,

Merci pour votre message N° 3, l'article du Courrier de Russie est très intéressant!

Votre message N° 6, l'interview du Père Féodor Lioudogovski pose la question du Pardon.
Il m'amène à me poser la question suivante :

N'y a-t-il pas dans les esprits une confusion entre Pardon et Punition!

Lorsque nous punissons nos enfants, qui ont fait une sottise, cela ne veut certainement pas dire que nous ne les aimons pas, ou que nous ne leur pardonnons pas!

Cela veut simplement dire que nous pensons qu'une punition peut faire mûrir dans leur esprit que les sottises entraînent normalement des conséquences désagréables!

Ainsi il me semble que pour la sécurité et la tranquillité d'une Société, une punition pour ceux qui enfreignent l'ordre public est souhaitable.

C'est la raison pour laquelle chaque Société s'est dotée de prisons depuis des temps immémoriaux...

Dans le cas précis, du blasphème, peut-être en effet, que l'attitude de l'Eglise d'Ukraine est sage...?

Mais je n'ai pas suivi la réaction de la Justice ukrainienne, les femmes de Femen, sont-elles poursuivies pour avoir scié une croix, c'est à dire un symbole de prière voulu et érigé par des Ukrainiens ???

En Russie, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, c'est bien la justice de l'Etat russe qui a émis une condamnation!

9. Vladimir le 27/08/2012 10:46
UN TOURNANT DANS L'AFFAIRE PUSSY-RIOT?

Comme une réponse à "En Russie, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, c'est bien la justice de l'Etat russe qui a émis une condamnation!" (:-))

COMMUNIQUE DE INTERFAX DU 24/08/2012 (1)
Le Conseil présidentiel aux droits de l'homme (CDH) déclare que les membres du groupe punk Pussy-Riot qui organisé un spectacle scandaleux dans la cathédrale du Christ-Sauveur, ont été condamnées trop sévèrement. «Ce procès criminel donne lieu à d'autres questions quand au respect des principes d'un procès équitable dans un Etat démocratique" est-il déclaré dans un communiqué des es membres du CDH publié vendredi à Moscou.

«Pourquoi, par exemple, les prévenue ont-elles été obligées d'entendre la sentence pendant plusieurs heures menottes aux poignets? Pourquoi toutes les prévenues ont-elles été condamnées à la même peine de réclusion alors que deux d'entre-elles ont des enfants en bas-âge? Pourquoi la peine ne peut bénéficier du sursis ou au moins être suspendue jusqu'à ce que les enfants atteignent leur majorité?" est-il dit dans le document.
(Traduction VG)

LE COMMUNIQUE DU CDH VA BEAUCOUP PLUS LOIN (2)
Il commence par justifier les manifestations provoquées par le jugement en considérant "que ce jugement est légalement infondé!": aucune loi ne punit ce type de comportement et "cela correspond aux mots de l'apôtre Paul disant "s'il n'y a pas de loi – il n'y a pas de crime" (sic!); le communiqué accuse alors clairement le juge de saper les fondements de la société en détournant la loi.

Ainsi, et pour la première fois, un organe officiel du pouvoir russe se range aux cotés des manifestants! Il peut y avoir deux explications à cela:

1. Le CDH veut démontrer son indépendance
2. Il est au contraire "téléguidé" et c'est une tentative de récupération de toute l'affaire: après l'appel de Poutine à la magnanimité, tout l'exécutif va suivre la position du CDH et apparaitre aux yeux de l'opinion comme suivant l'appel de l'Eglise

Il faut maintenant attendre quelles seront les suites de cette prise de position. Il peut ne pas y en avoir, car le CDH es un organe consultatif qui n'a aucun pouvoir sur la justice, et ce serait simplement un ballon d'essai pour tester l'opinion. Mais je ne serai pas surpris par une prochaine libération conditionnelle des prévenues et à une forte diminution des peines en appel.

LA SOCIETE CIVILE EXISTE EN RUSSIE
Ce communiqué est de toute façon un désaveu cinglant pour tous ceux qui prétendent que ce jugement applique la loi: le CDH confirme que cet acte n'est pas prévu par le code pénal et ne peut donc être puni à ce titre. Il semble bien difficile d'imaginer que la justice n'en tienne aucun compte.

C'est par contre un encouragement à tous ceux qui, depuis le début, dénoncent l'incarcération des prévenues comme illégale. On ne peut s'empêcher de penser que ces manifestations ont poussé le CDH à se saisir de ce dossier et cela prouve à ceux qui, chez nous, dénoncent la dérive totalitaire de la Russie que tout ne va pas si mal:, si des tendances autoritaires existent bien, qui permettent aux organes coercitifs des excès de pouvoir, il y a aussi des contre-pouvoirs qui tentent de s'y opposer, et ceux jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir exécutif.

QUE FAIT LA POLICE?
D'après un communiqué du Ministère de l'Intérieur, publié avant celui du CDH, la police de Moscou continue à rechercher deux autres participantes à l'esclandre du 21 février. Leur fuite probable à l'étranger remet l'affaire au premier plan des média occidentaux…
La détention préventive des trois prévenues condamnées en première instance a été prolongée le 22 août malgré le caractère suspensif de l'appel (3).

ET LE GROUPE PUSSY RIOT?
Amputé de ses trois "vedettes", le groupe a sorti un nouveau tube(4), bien évidement très écouté sur Internet (les spécialistes disent que la qualité musicale est aussi bien améliorée), En la lisant on comprend bien que leurs objectifs sont politiques (j'enverrai la traduction à quiconque me fera parvenir son adresse par l'intermédiaire les modérateurs car ils n'en trouvent pas la publication souhaitable).

Sources:
(1) http://interfax.ru/society/news.asp?id=262071
(2) http://www.president-sovet.ru/news/2670/
(3) http://www.rbc.ru/rbcfreenews/20120820143201.shtml
(4) http://www.youtube.com/watch?v=VxvQh02KRcw&feature=plcp
10. Marie Genko le 27/08/2012 22:26
Cher Vladimir,

Je crains qu'au CDH, ils ne soient tous tombés sur la tête!!!!
Méfiez-vous, cela est sûrement contagieux!

Marie
11. Russie: reliques volées dans une église le 30/08/2012 10:55
Des reliques de 13 saints ont été volées dans une église dans le centre historique de Saint-Pétersbourg, a indiqué aujourd'hui la police locale, un incident qui intervient après le récent saccage de croix en bois dans deux autres régions de Russie.

"Un inconnu a pénétré dans l'église Sainte-Catherine et volé des reliques de treize saints, parmi lesquels Saint-Nicolas et Saint-Alexandre Nevski", a précisé la police de l'ancienne capitale impériale. "Il n'est pas très clair pour quelle raison ce vol a été commis. Il est peu probable que ce soit pour en tirer un profit", a déclaré un responsable la police, Vladisslav Kirillov. En fin de semaine dernière, plusieurs grandes croix en bois dans des lieux publics ont été découpées et saccagées par des inconnus dans la région d'Arkhangelsk (Nord) et de Tcheliabinsk (Oural), suivant l'exemple donné quelques jours auparavant par des militantes du groupe féministe ukrainien Femen à Kiev, selon l'agence Interfax.

La semaine dernière, une membre des Femen aux seins nus a abattu à la tronçonneuse une grand croix en bois devant des caméras à Kiev, en signe de soutien aux trois femmes du groupe de punk rock russe Pussy Riot condamnées le 17 août à deux ans de camps pour une "prière" contre Vladimir Poutine. Les jeunes femmes ont été reconnues coupables de "hooliganisme" et d'"incitation à la haine religieuse" après avoir chanté en février une "prière" dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, demandant à la Sainte Vierge de "chasser Poutine" du pouvoir. Cette affaire a acquis un retentissement international et la condamnation a été vivement critiquée à l'étranger où elle a été qualifiée de "disproportionnée".

Des reliques de 13 saints ont été volées dans une église dans le centre historique de Saint-Pétersbourg, a indiqué aujourd'hui la police locale, un incident qui intervient après le récent saccage de croix en bois dans deux autres régions de Russie.
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