« Art interdit » : Pourquoi l’Etat se doit de protéger les symboles religieux ?
Nous prions de nous excuser de donner dans ce texte quelques échantillons "d'art interdit", choisis parmi les plus inoffensifs.(P.O.)

L’archiprêtre Vsevolod Tchapline, responsable des relations avec la société du Saint Synode de l’Eglise Orthodoxe Russe a fait paraître un article dans « Nezavissimaïa gazeta ». En voici des extraits :« Le verdict dans l’affaire Samodourov-Eroféev sera prononcé le 12 juillet. Les deux accusés comparaissaient pour avoir organisé en 2006 une exposition intitulée « Art interdit ». J’estime qu’ils ne doivent pas se retrouver derrière les barreaux et encore moins sortir de ce procès innocentés. Il ne s’agit pas de savoir si Marat Guelman (galeriste qui a promis d’exposer « Art interdit 2010 ») profitera d’un verdict « coupables ». Le choix est clair : en avant vers l’avenir communiste radieux, ou marche arrière vers les ténèbres ?
La Russie est aujourd’hui à même de se poser ce genre de questions. Valeurs contre valeurs : d’une part l’homme, roi de la création, de l’autre la nature sacrée des symboles. L’humanisme laïc détient à l’évidence de tels symboles. Une tombe n’est-elle pas un symbole à l’état pur, elle n’est certes pas la personne décédée. Les armes, le drapeau, l’hymne d’un pays, les monuments aux victimes de la répression sont bien des symboles, ils sont tous protégés par la loi qui en cela s’écarte de « la norme séculière sacralisée » qui veut qu’à part la personne humaine rien ne veut rien dire. Essayons de trouver un échappatoire logique afin d’aider nos amis non croyants. S’il y a des gens qui vénèrent des entités non matérielles, leur choix ne mérite-t-il pas le respect ?

« Art interdit » : Pourquoi l’Etat se doit de protéger les symboles religieux ?
La photographie d’une mère décédée est chère à son fils. Entendons-nous pour ne pas incorporer cette image à un spectacle porno. Nous avons déjà mentionné les valeurs séculières que sont le drapeau, l’hymne, les armes d’un pays. Il s’agit d’ailleurs de valeurs qui ne sont pas universelles, précieuses aux yeux de certains indifférentes au regard d’autres. Pourquoi donc ne pas prendre la défense de ce qui est précieux pour les croyants alors même que les athées y sont indifférents ?

Est-ce que les moyens de cette défense doivent être une partie constituante du droit pénal ? Ils sont cependant stipulés d’une manière très claire dans le droit administratif : sont sanctionnés par une amende « l’atteinte aux sentiments religieux des citoyens ou les actes blasphématoires à l’égard des objets vénérés par les croyants, des signes et emblèmes liés à leurs croyances (article 5.26 du Code administratif de la Fédération de Russie) ». La loi interdit les actes blasphématoires à l’égard de ces objets et de ces signes et cet interdit concerne aussi bien l’artiste que le journaliste, les membres d’une secte ou les membres de la secte adverse. Ces signes et objets bénéficient de la protection de la loi et ceci dans l’enceinte du centre Sakharov, sur un mur ou une haie ou dans le foyer d’une paroisse. Cet interdit ne comporte pas d’exceptions. Rien d’étonnant à la nature passionnelle des débats qu’a suscité l’exposition en question. C’est un débat politique, un débat qui porte sur la nature du pouvoir. S’il y a des valeurs protégées, (drapeaux, monuments aux victimes) alors que d’autres (les icônes, par exemple) ne le sont pas cela signifie que les valeurs non protégées n’ont simplement aucune valeur. La société tient pour nulle et non avenue la conception du monde que portent ces valeurs. Il va de soi que les croyants n’accepteront jamais une telle approche. D’ailleurs les croyants ont exactement la même part dans l’élaboration des lois que les athées ou les agnostiques. Allons-nous vers une confrontation ? Cela n’est pas inévitable. Il est tout à fait possible de se parler, et non seulement dans les enceintes des tribunaux ou sur des sites internet séparés l’un de l’autre par des années lumière. La conversation s’est engagée à l’exposition « Diaphonie-Dialogue » organisée à l’initiative de l’Eglise à la paroisse universitaire Sainte Tatiana (Moscou). Et là aussi, les monologues ont été bien plus nombreux que les conversations… Il ne s’agissait pas seulement de débattre de l’exposition elle-même ; le débat portant sur les valeurs et leur statut juridique présentait un intérêt bien plus important. Personne n’est à même de nos jours d’imposer par la force une seule échelle de valeurs. On peut multiplier à l’infini les provocations et faire appel soit à la milice, soit « au peuple » en la personne d’organisations de soutien. Mais il faudra de toute façon chercher un terrain d’entente. Il faudra trouver ensemble des amendements à introduire dans le droit, dans sa philosophie et ses principes. Mais de grâce que les organisateurs de ce genre d’expositions cessent de provoquer les plus faibles. S’ils sont tellement hardis qu’ils accrochent aux cimaises d’ « Art interdit 2010 » des objets raillant les symboles d’autres religions. Ou qui tournent en dérision les victimes des totalitarismes. Ou qui vilipendent un caïd. Les organisateurs ne refuseront sans doute pas ces « objets d’art » car s’ils le font il leur faudra oublier les promesses de renouveler « l’exploit » de Y.Smodourov ou bien reconnaître qu’ils sont lâches et porteurs de préjugés.

L’archimandrite Tikhon Chevkounov, secrétaire du Conseil de la culture auprès du patriarcat de Moscou, estime que: « les œuvres exposées n’ont rien à voir avec l’art ou la culture. Il s’agit là non d’art moderne ou interdit mais de procédés éculés en vue d’épater les badauds et d’humilier les spectateurs. Cela est évident. En effet, que dire d’une représentation du Christ avec une tête de Mickey ? Ou d’une publicité Mac Donald qui fait voisiner la face du Christ avec un Big Mac et la légende « Ceci est mon corps ».
Les organisateurs de l’exposition s’emploient maintenant qu’ils font l’objet de toutes les attentions à expliquer le sens profond de ces œuvres. Ils ne profèrent que des banalités. Ils s’étaient fixé pour but d’humilier les chrétiens. Ils y ont parfaitement réussi. Le Parquet (prokouratoura) a requis à l’égard de Samodourov et Eroféev, organisateurs de l’exposition « Art interdit 2006 » trois ans de réclusion ».
Traduction " P.O."
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Et AFP : Procès de l'exposition "Art interdit"

FRANCE 24 :Mickey Mouse journey through art history", Alexander Savich.
Xenia Krivocheine "La malséance dans l’enceinte de l’église" Bogoslov. ru
"Est-ce que l’Eglise et l’art moderne, l’orthodoxie et la culture de masse sont irréconciliables ? Comment trouver un langage commun et établir des passages ? Xenia Krivochéine, peintre et auteur de plusieurs essais résidant à Paris dit sur Bogoslov.ru comment elle perçoit la création contemporaine ?..."

Rédigé par l'équipe de rédaction le 20 Juillet 2010 à 12:00 | 19 commentaires | Permalien



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