Justine: Au sujet de la théologie grecque contemporaine (2)

Justine

Au sujet des propos de Vladimir concernant la "théologie savante" et la "théologie populaire" voici un texte de Saint Nikolaj Velimirovic, Evêque d'Ohrid et de Zica, texte qui, soit dit en passant, ruine les efforts de ceux qui essaient ou ont essayé de faire passer ce grand hiérarque orthodoxe comme un partisan de l'œcuménisme:

2. Saint Nikolaj Velimirovic
Théologiens hérétiques.

A notre époque, les églises hérétiques ont élevé des remparts autour de l'Evangile, se servant pour cela de théories scientifiques dont ils acceptent un grand nombre comme choses valides, et ceci bien que les plus grands scientifiques des temps présents aient cessé de considérer même le savoir positif comme une chose valide, sans parler des théories.

De même que les soldats de Pilate revêtirent le Seigneur Jésus d'une pourpre bon marché et que Hérode Lui mit un vêtement blanc, ainsi les théologiens hérétiques ont affublé le Sauveur du manteau bon marché de la philosophie païenne et de la pseudo-science, afin de soi-disant L'habiller et mieux L'orner! Or, dans les deux cas, le Christ est pareillement insulté et humilié.

L'Eglise Orthodoxe est la seule Eglise au monde qui a préservé la Foi en l'Evangile comme la seule Vérité absolue, la Vérité qui n'a besoin d'aucune défense ni d'un support quelconque par quelque philosophie ou science occidentale que ce soit. Lorsque donc nous récitons le neuvième article de la Confession de Foi: "Et en Une Seule Eglise, Sainte, Catholique et Apostolique", nous entendons par là l'Eglise Orthodoxe.

Les théologiens hérétiques ont appelé l'Eglise Orthodoxe avec dédain une "église pétrifiée" (Harnack: "L'essence du christianisme"). Pourquoi cela? Parce que, disent-ils, cette église "ne va pas au pas avec son époque" et "ne s'adapte pas à son époque"! Mais c'est précisément c e l a la gloire de l'Orthodoxie –qu'elle ne s'assimile pas à chaque époque et ne s'adapte pas à elle, suivant en cela l'exhortation de l'apôtre Paul: "Ne vous conformez pas au siècle présent" (Rom 12,2).

Comment l'Eternel pourrait-il aller au pas avec le temps? Comme l'Absolu pourrait-il s'adapter à ce qui passe? Comment le Royaume des Cieux pourrait-il s'allier au Royaume de ce monde et le précieux s'assimiler à l'inférieur? "Le monde entier git sous l'emprise du mal" (1 Jean 5,19), comment donc pourrions nous avec l'aide du mal fortifier et soutenir l'eternel Bien? Comment pourrions-nous fortifier la Lumière Céleste à l'aide des flammes fumigènes du feu de charbon et du pétrole brulant?

Dans l'Eglise Orthodoxe aussi, évidemment, il y a certains théologiens qui suivent les traces des théologiens hérétiques et qui sont de l'avis que l'Evangile n'est pas assez puissant pour se préserver et se défendre lui-même au sein de la tempête de ce monde. Eux-mêmes s'appuient sur des théories hérétiques et des méthodes hérétiques. De toute leur âme, ils se tiennent aux côtés des hérétiques, mais extérieurement ils restent liés à l'Eglise Orthodoxe, juste autant, toutefois, qu'il est nécessaire pour se préserver de la perdition. Ce sont ces Balkaniques authentiques, comme on les appelle, qui considèrent tout ce qui est en-dehors et au-delà de la barrière comme meilleur et plus sage que ce qui se trouve à l'intérieur – y compris la théologie des compromis, du mélange (autrement dit: de la paganochristologie).

L'Eglise Orthodoxe dans son ensemble rejette de tels théologiens et ne les reconnait pas comme les siens. Mais elle les tolère, et ceci pour deux raisons. Premièrement, parce qu'elle attend leur repentir, leur métanie, et deuxièmement, parce qu'elle veut éviter que par leur expulsion le mal devienne plus grand encore, c'est à dire que ces personnes soient poussées dans l'étreinte abyssale des hérétiques. Car ainsi non seulement ils augmenteraient le nombre des hérétiques, mais entraineraient avec eux d'autres âmes dans leur perte. De tels théologiens ne sont pas des porteurs de l'esprit orthodoxe et de la conscience orthodoxe, mais des membres malades du corps ecclésial (cf. 1 Cor 12,26). Les porteurs de l'esprit orthodoxe et de la conscience orthodoxe sont le peuple, les moines et les prêtres des paroisses.

Notre Seigneur de Gloire a dit: "La gloire qui vient des hommes, Je ne l'accepte pas" (Jean 5,41). La position des hérétiques est diamétralement opposée à celle du Sauveur du monde. Eux recherchent la gloire qui vient des hommes. Ils craignent les hommes. Pour cette raison aussi, ils s'accrochent aux soi-disant "glorieux" de l'Histoire de l'humanité, afin de "soutenir" l'Evangile et afin de mieux plaire aux hommes de ce monde. Et ils justifient cela en disant: "Nous le faisons, pour les gagner au Christ!" O combien ils se trompent eux-mêmes! Car plus ils flattent le monde – soi-disant pour attirer le monde dans l'Eglise -, plus ce monde flatté s'éloigne de l'Eglise. Plus ils jouent les "éclairés", les "esprits ouverts" et les "modernes", plus le monde les méprise. En réalité, il est impossible de plaire simultanément à Dieu et aux hommes. D'ailleurs, chaque Chrétien muri par l'expérience sait bien que s'il est possible jusqu'à un certain degré de plaire à Dieu par la sincérité et la justice, il est impossible de plaire au monde, de quelque façon que ce soit, ni par la sincérité ni par le mensonge, ni par la justice ni par l'injustice. Car Dieu est éternel et immuable, alors que le monde est éphémère et soumis à un changement constant.

Notre Seigneur de Gloire a dit en outre: " Comment pourriez vous croire, quand vous acceptez la gloire les uns des autres et ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul?" (Jean 5,44), parole qui s'applique absolument aux théologiens hérétiques et explique entièrement leur état comme jugement de Dieu contre eux. Car s'ils cherchaient la gloire qui vient de Dieu, ils croiraient à l'Evangile de Dieu, et alors ils ne dévieraient ni à gauche, ni à droite. Or, ils désirent la gloire et la louange des hommes, et pour cela ils tentent de prouver et de soutenir le témoignage de Dieu par des témoignages humains. Une telle tentative est à la fois pécheresse et erronée. Elle le serait même au cas où ils désireraient la gloire des hommes non pour eux-mêmes, mais pour leur "église". Car c'est insulter le Très-Haut que de vouloir prouver le témoignage de Dieu par des témoignages humains, autrement dit de prétendre prouver, en tant qu'êtres humains, ce que dit Dieu!

Quelles sont les conséquences d'une telle attitude hérétique? Des conséquences désastreuses! Des conséquences véritablement désastreuses pour l'Evangile et des conséquences désastreuses pour le monde entier, pour chacun individuellement et la société des peuples qui sont hérétiques. Des conséquences désastreuses pour la Foi, pour la culture, pour l'économie, la politique, le mariage, pour tout et en tout. Car la qualité de notre relation au Christ détermine avec une précision mathématique toutes nos autres relations, avec tous et en tout.

Alors que le Christ dit: "Sans Moi vous ne pouvez rien" (Jean 15,5), le monde hérétique de mille façons exprime la pensée: "Sans le Christ, nous pouvons tout." Toute la culture contemporaine est dirigée contre le Christ. Toutes les sciences modernes rivalisent pour porter à l'enseignement du Christ le coup le plus dur. C'est la rébellion des viles servantes contre leur maitresse. C'est la rébellion de la science du siècle présent contre la science céleste du Christ. Or, toute cette rébellion débouche de nos jours, et ceci avec la plus grande clarté, dans ce qui est écrit: "Se vantant d'être sages, ils sont devenus sots" (Rom 1,22).

Vraiment, qui saurait dire où le monde d'aujourd'hui qui est déchu du Christ montre sa plus grande sottise: dans la vie personnelle du célibataire ou dans la vie conjugale? Dans le domaine scolaire ou dans la politique? Dans les structures économiques ou dans les dispositions légales? Dans la guerre ou dans la paix? De partout on voit ce que nous désignons comme bassesse et barbarie. Là où l'absence du Christ est la plus prononcée, la bassesse et la barbarie règnent suprêmes. Le mensonge et la violence triomphent.

Les théologiens hérétiques et les dirigeants des églises hérétiques, qui au nom du Christ se sont ériges en seigneurs et leaders sur tous les peuples de la terre, devraient avoir honte. Ils ont toute raison d'avoir honte. Car comme de nouveaux Galates insensés, après avoir commencé dans l'Esprit, ils ont glissé entièrement dans les choses de la chair: "O Galates insensés! ... Etes vous insensés a ce point? Ayant commencé dans l'Esprit, est-ce dans la chair qu'à présent vous finissez?" (Gal 3,1-3). Ce sont eux qui portent la responsabilité principale pour la déviation des peuples du chemin droit, si bien qu'ils ont commencé à boiter des deux jambes, adorant à tour de rôle Dieu à Jérusalem et les veaux d'or en Samarie.

Comme le faisaient jadis les Hébreux infidèles, piétinant un après l'autre les commandements de Dieu et cheminant selon les convoitises du monde et de leur propre cœur, ainsi eux aussi ont fait maintenant avec la doctrine du Christ, la plus élevée de toutes les doctrines. Un dogme après l'autre ils ont dévalorisé et abrogé, les commandements évangéliques ils ont supprimés, les ordonnances des Apôtres et des Saints Pères ils ont rejetés, les paroles des Saints ils ont ridiculisées et leur exploits ascétiques ils ont reniés comme étant des fables.

Le coup le plus dur que les théologiens hérétiques ont porté à l'Evangile. c'était de mettre en question la divinité du Sauveur du monde, les uns exprimant simplement des doutes, tandis que d'autres l'ont reniée entièrement. Puis suivit toute une série de reniements de vérités spirituelles telle que l'existence des anges et des démons, du paradis et de l'enfer, de la gloire éternelle des Saints et des Justes, de la puissance de la Croix, de la valeur de la prière, de l'utilité du jeûne etc.

Pour le dire en bref: Depuis la séparation de l'Occident de l'Orient, les théologiens hérétiques se sont occupés d'adaptations et d'assimilations, mais de façon particulièrement intense au cours des derniers 150 ans. Ils ont assimilé le Ciel à la terre, le Christ aux autres "fondateurs de religions" et la Bonne Nouvelle aux autres religions, celles des Israélites, des Mahométans et des païens. Tout cela soi-disant au nom de la "tolérance" et "au service de la paix" parmi les hommes et les peuples. Or, c'est ici précisément que se trouve l'origine et la raison de guerres et de révolutions comme il n'y en a pas eu auparavant dans toute l'Histoire du monde. Car la Vérité ne saurait en aucune façon être assimilée à la demi-vérité et au mensonge.

L'opinion théosophiste selon laquelle la Vérité se trouverait disséminée dans toutes les religions, philosophies et rites d'initiation, a vaincu aussi les théologiens hérétiques du monde occidental. Maintenant ils disent que par conséquent, dans le christianisme aussi, il devait exister une certaine dose de vérité, tout comme dans l'Islam, l'hindouisme ou brahmanisme, chez Platon et Aristote, dans le Zend-Avesta, les Tantras et Mantras du Tibet etc. S'il en était ainsi, l'arche de l'humanité voguerait sans espérance sur le sombre océan de l'existence, sans direction ni capitaine.

(Extrait des "Cent chapitres de Ljubostinja", un texte que Saint Nikolaj écrivit pendant le IIe Guerre mondiale lorsqu'il était emprisonné au monastère Ljubostinja en Serbie. Traduit ici de la traduction grecque dans le recueil "Εμπνευσμένα Κείμενα Ορθοδóξου Πνευματικóτητος" ["Textes inspirés de spiritualité orthodoxe"], éditions Orthodoxos Kypseli, Thessalonique.)

Traduction Justine




Commentaires (5)
1. Daniel le 10/10/2014 16:32
Merci pour la traduction!
2. Vladimir.G: Très important mais hors sujet le 14/10/2014 11:59
Je ne connais aucun texte protestant postérieur à 1927 attaquant l'Orthodoxie comme Harnack en 1900: c'est cela que j'entends par "dissiper ce type de malentendus". Je ne vois pas où Michel Stavrou en parle...

Pour ce qui concerne les participants orthodoxes au dialogue œcuménique qui suivirent St Nicolas, ils ont toujours réaffirmé clairement leur position (1): voyez la déclaration de Mgr Hillarion à Busan (2013) ou celle du patriarche Cyrille recevant le président du COE (octobre 2014). Et je vous serais vraiment reconnaissant de me citer les sources qui vous permettent d'affirmer que "Saint Nikolai, Georges Florowski et d'autres"... se seraient bien repentis de leur participation au mouvement œcuménique: je n'ai jamais rien lu de tel et cette assertion me semble inventée de toutes pièces.

Quand au mouvement néo-hellénique, apparut 1/4 de siècle après ce texte, il n'est évidement pas concerné et "certains théologiens qui suivent les traces des théologiens hérétiques et qui sont de l'avis que l'Evangile n'est pas assez puissant pour se préserver et se défendre lui-même au sein de la tempête de ce monde..." ne peut les viser: aucun d'eux ne professe cela à ma connaissance et je ne vois pas qui est "lourdement marqués par l'hétérodoxie". Au contraire, ces théologiens "se sont signalées par la quête d’un retour à la Tradition orthodoxe –Tradition enracinée dans l’Écriture et les Pères–, et par le désir d’affranchir la théologie orthodoxe d’une « captivité de Babylone » (G. Florovsky) qui lui imposait, depuis des siècles, des schémas conceptuels empruntés à la scolastique occidentale…" Le reproche de St Nicolas est donc clairement adressé aux théologiens précédents, ceux de son époque, et les néo-helléniques le rejoignent là-dessus.

(1) Voir en particulier
3. justine le 14/10/2014 20:20
Le rapport avec les theologiens recommandés par Michel Stavrou apparait dans l'alinea 6 du texte: "Dans l'Eglise orthodoxe aussi....." , et ceci s'applique pleinement aux théologiens neohelleniques "neopatristiques" et "postpatristiques" lesquels, pour la plupart, ont etudié la théologie chez les hétérodoxes et sont lourdement marqués par l'hétérodoxie. Une chose est ce qui a ete dit au colloque et le résumé présenté par Michel Stavrou, une autre la réalité de la théologie "néopatristrique" et "postpatristique" néogrecque . Faut-il préciser que ce contraste fait précisément l'objet de mon commentaire?

Le "mouvement oecuménique", Vladimir, ne savez-vous pas que c'est aux 3/4 une histoire protestante, englobant plus de 400 sectes protestantes, et que l'avalanche de documents que ce mouvement a produit, exprime precisément cette "theologie de compromis et de melange" que fustige St Nikolaj? A commencer par la très hérétique "ecclésiologie des branches" sur laquelle est construit tout ce COE. Si les représentants orthodoxes au COE se tiennent fidèlement aux paroles que vous citez ("en matiere de foi etc.), comment se fait-il qu'ils ne protestent pas et ne déclarent pas haut et clair leur opposition à cette hérésie et à bien d'autres qu'on trouve dans les documents du COE? Ici comme ailleurs, il y a grand contraste entre ce qui est dit et ce qui est fait. D'aucuns qui, comme Saint Nikolai, Georges Florowski et d'autres, au début on pu signer cette declaration, se sont bien repentis par la suite, voyant que les choses évoluaient dans le sens opposé! Si bien que deux Eglises Orthodoxes, celles de Géorgie et de Bulgarie, se sont retirées du COE, que l'Eglise Russe s'en était retirée temporairement et réfléchit aujourd'hui si elle ne devrait pas se retirer définitivement, et qu'aucun Saint Synode jusqu'à ce jour n'a osé approuver ces documents que pourtant, répétons-le, les répresentants orthodoxes dans ce "mouvement écuménique", n'ont pas osé rejeter clairement et formellement.

Le livre de Harnack a peut-etre été publié en 1900, n'empeche qu'il continue à influencer et marquer les théologiens modernes, puisque Harnack fait partie du curriculum des études théologiques protestantes. Aucun malentendu n'a ete dissipé, puisque Michel Stavrou lui-meme, dans son article, avec d'autres mots, repète exactement la meme chose. Le problème avec les théologiens modernistes, c'est qu'ils se présentent comme des disciples des Saints Pères tout en les contredisant, et qu'ils manient leur langage afin de dire avec les memes mots que les Saints Pères des choses différentes, et avec des mots différents ce que disent les ennemis de l'Orthodoxie. Il y a de quoi etre confondu, et la plupart de ceux qui les lisent le sont....
4. Vladimir.G: Très important mais hors sujet le 15/10/2014 20:19
Mes commentaires se sont mélangés. je les remets dans l'ordre

COMMENTAIRE 2. Très important mais hors sujet

Merci Justine pour ce texte important, très caractéristique de ce grand défenseur de l'Orthodoxie que fut St Nicolas d'Ohrid.

Toutefois je ne vois pas le rapport avec la théologie néo-hellénique ni avec l'œcuménisme. St Nicolas définit clairement ceux qu'il appelle "les théologiens hérétiques": ce sont ceux qui "ont affublé le Sauveur du manteau bon marché de la philosophie païenne et de la pseudo-science," qui considèrent que: "Sans le Christ, nous pouvons tout" et "ont assimilé … le Christ aux autres "fondateurs de religions" et la Bonne Nouvelle aux autres religions..." Rien de tout cela ne s'applique à la théologie néo-hellénique, du moins dans le résumé qu'en fait le pr. Stavrou.

Pour ce qui concerne l'œcuménisme, St Nicolas cite un ouvrage, "L'essence du christianisme" de Adolf von Harnack (1851-1930), publié en 1900, soit prés de 30 ans AVANT la première conférence de « Foi et Constitution » (Lausanne, 1927) dont St Nicolas fut l'un des fondateurs les plus importants (1) et qui lançât le mouvement œcuménique justement pour dissiper ce type de malentendus … Rappelons la "Déclaration des participants orthodoxes" à cette Conférence que St Nicolas a certainement signé: "Comme il a été souligné plus d'une fois au cours des pourparlers qui ont déjà eu lieu, en matière de foi et de conscience religieuse, aucun compromis n'est de mise dans l'Église orthodoxe et il n'est pas possible de fonder sur les mêmes mots deux conceptions, deux représentations et deux explications différentes de formulations reçues par tous…" (ibid). Comme le montre cette déclaration, systématiquement reprise par tous les participants orthodoxes au mouvement œcuménique, cela n'a rien à voir avec "la théologie des compromis, du mélange (autrement dit: de la paganochristologie)" que St Nicolas dénonce à juste titre...

Le seul point qui pourraient concerner certains théologiens orthodoxes "modernistes" est celui où St Nicolas fustige ceux qui ont renié "les anges et les démons, le paradis et l'enfer, la gloire éternelle des Saints et des Justes, la puissance de la Croix, la valeur de la prière, l'utilité du jeûne etc." mais aucun de ces thèmes n'est abordé ni dans le colloque sur la théologie néo-hellénique ni dans aucune réunion œcuménique…

(1) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-1_a2514.html

***

COMMENTAIRE 4.Très important mais hors sujet (suite)

Je ne connais aucun texte protestant postérieur à 1927 attaquant l'Orthodoxie comme Harnack en 1900: c'est cela que j'entends par "dissiper ce type de malentendus". Je ne vois pas où Michel Stavrou en parle...

Pour ce qui concerne les participants orthodoxes au dialogue œcuménique qui suivirent St Nicolas, ils ont toujours réaffirmé clairement leur position (1): voyez la déclaration de Mgr Hillarion à Busan (2013) ou celle du patriarche Cyrille recevant le président du COE (octobre 2014). Et je vous serais vraiment reconnaissant de me citer les sources qui vous permettent d'affirmer que "Saint Nikolai, Georges Florowski et d'autres"... se seraient bien repentis de leur participation au mouvement œcuménique: je n'ai jamais rien lu de tel et cette assertion me semble inventée de toutes pièces.

Quand au mouvement néo-hellénique, apparu 1/4 de siècle après ce texte, il n'est évidement pas concerné et "certains théologiens qui suivent les traces des théologiens hérétiques et qui sont de l'avis que l'Evangile n'est pas assez puissant pour se préserver et se défendre lui-même au sein de la tempête de ce monde..." ne peut les viser: aucun d'eux ne professe cela à ma connaissance et je ne vois pas qui est "lourdement marqués par l'hétérodoxie". Au contraire, ces théologiens "se sont signalées par la quête d’un retour à la Tradition orthodoxe –Tradition enracinée dans l’Écriture et les Pères–, et par le désir d’affranchir la théologie orthodoxe d’une « captivité de Babylone » (G. Florovsky) qui lui imposait, depuis des siècles, des schémas conceptuels empruntés à la scolastique occidentale…" Le reproche de St Nicolas est donc clairement adressé aux théologiens précédents, ceux de son époque, et les néo-helléniques le rejoignent là-dessus.

(1) Voir en particulier http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-2_a2526.html
5. justine le 16/10/2014 17:52
Je vais essayer de répondre à Vladimir aussi brièvement que possible.

1. D'abord il faut relever, comme je l'ai fait sur le fil originel, "La théologie grecque des 50 dernières années", que ce colloque à St Serge en 2010 avait été organisé et animé par l'Académie de Volos en Grèce. (Voir http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/La-theologie-grecque-des-cinquante-dernieres-annees_a3971.html?com#com_4307518, commentaires post 17) . Il s'agit d'une institution entièrement vouée au développement et la diffusion d'une "théologie post-patristique", laquelle n'a rien, mais alors absolument rien à voir avec un retour au Saints Pères et à la Tradition orthodoxe, mais tout au contraire vise à abroger et passer outre des Saints Pères, la Tradition orthodoxe et les Saints Canons, afin de "moderniser" non seulement la théologie, mais toute la vie de l'Eglise, l'Eglise elle-même, la "mettre au pas de son époque, "répondre aux conditions d'aujourd'hui". Comme Harnack donc, les "post-patristiques" de Volos qui ont organisé et animé ce colloque à St Serge et certes aussi ceux qui y ont participé, sont de l'avis quel'Eglise orthodoxe serait "pétrifiée" et qu'elle aurait grand besoin d'être "reformée", "renouvelée". Même si Michel Stavrou ne dit pas les choses aussi clairement, cela se sous-entend, étant donne le contexte général et l'idée de base.

2. Pour caractériser la théologie grecque d'avant ce nouveau courant, Michel Stavrou utilise dans son compte-rendu l'expression "captivité babylonienne" qu'il emprunte au Père Georges Florovski, en oubliant toutefois de dire que le célèbre théologien russe, en utilisant ce terme, parlait de la théologie académique russe, effectivement captive à l'époque de la scholastique latine – raison pour laquelle Florovski dans son livre "Les voies de la Théologie russe" (trad. française L'Age d'Homme, Lausanne 2001) soulignait la nécessité que l'Orthodoxie russe abandonne cette théologie occidentalisée et retourne aux Saints Peres. Or, les neo/postpatristiques ne retournent pas du tout aux Saints Pères, mais s'en éloignent pour de bon. S'il y a eu captivité par le passé, ils la remplacent tout simplement par une autre, leur propre superbe.

3. Des théologiens académiques sclérosés existent à chaque époque et de partout où l'on fait de la théologie cérébrale, sans expérience vivante de Dieu, et leur nombre est certainement grand parmi ces "rénovateurs" postpatristiques autoproclamés eux-mêmes. Or, l'Eglise Orthodoxe elle, en aucune époque n'a manqué de vrais théologiens. Autant dire qu'il y ait eu une époque où elle aurait été privée du Saint Esprit! Et en Grèce, à coté des sclérosés – ou des gâtés comme dit Photis Kontoglou -, il y a toujours eu des hommes illuminés par Dieu, dans les monastères comme dans les Ecoles de Théologie. C'est contre ceux-là que les "réformateurs" postpatristiques sont partis en guerre, mais nullement pour retourner aux Pères, puisque les Pères, la Tradition, cela ne les intéresse pas, ce ne sont pour eux que des obstacles, mais pour leur substituer leurs propres trouvailles, pour satisfaire leur vaine-gloire, leur besoin de se profiler par des idées originales, ou encore, pour certains, afin de réaliser des objectifs politiques. Voilà le "renouveau" qu'ils se proposent d'opérer dans la Sainte Eglise!

4. Pour le reste: Vous dites, en bref, que le texte de Saint Nikolaj n'a rien a voir avec le colloque de St Serge, que c'est "hors sujet", et vous revenez à votre paille de sauvetage, à savoir que St Nikolaj a signé en 1927 la Déclaration de Lausanne, comme si cette signature signifiait qu'il approuvait toute la dérive œcuméniste qui suivit! Ses écrits prouvent mille fois que cette dérive, ce glissement, sous l'influence occidentale, d'une partie des Orthodoxes dans l'hétérodoxie, lui faisait une profonde peine et horreur, et les 100 chapitres de Ljubostinia en sont certes une preuve - une parmi tant d'autres. Je vous prie donc de lire enfin ses écrits vous-mêmes au lieu de vous fier aux "thologiens" (terme par lequel le Père Paissios l'Athonite désignait les théologiens modernistes, le mot grec "tholos" signifiant "trouble, terne, obscur").

5. Concernant les sources sur le détournement de Saint Nikolai, du P. Georges Florovski et d'autres du "mouvement œcuménique", je vous avais déjà répondu dans une autre discussion, sur un autre fil, il y a peut-être un an ou deux. Pourquoi demandez-vous qu'on vous répète sans cesse la même chose? Nous parlons donc à un mur sur lequel rebondissent nos réponses et retournent vers nous, sans avoir pénétré votre oreille. Mais j'essaie encore une fois: Les sources que vous demandez, ce sont les écrits de ces deux auteurs. De St Nikolaj notamment les "100 chapitres de Ljubostinia" et les "Lettres hiérapostoliques". Concernant le P. Georges Florovski, on pourrait préciser encore qu'en 1957 il signa la Déclaration d'Oberlin (publiée sur PO par Irenee le 18 mai 2010), puis qu'en 1961 il se retira du COE (voir Protopresbytre Georges Metallinos, Professeur émérite: "From Patricity to Postpatricity, The Self-Destruction of the Orthodox Leadership", p. 26, note 63: http://http://katanixis.blogspot.gr/2013/05/blog-post_7571.html )

6. Notre sujet de discussion ici, c'est la nature de la vraie théologie. Et je terminerai pour ma part cette discussion en vous soumettant la définition claire et simple des Saints Pères eux-mêmes, que nous retrouvons aussi dans nos livres liturgiques: "Théologuer orthodoxement, c'est théologuer à la manière des pêcheurs (αλιευτικώς) et non de philosopher à la manière d'Aristote (αριστοτελικώς)."

7. Les "pêcheurs", ce sont évidemment les Apôtres, les premiers théologiens, car ils ont vu et vécu Dieu le Verbe, le Christ. Le vrai théologien en effet, c'est celui qui a une expérience vivante de Dieu; qui s'est purifié de ses passions et est arrivé au niveau de la contemplation, puis de l'illumination. La théologie académique n'a de valeur et ne mérite notre estime que dans la mesure où elle suit les Saints Pères, passés et présents, les vrais théologiens. Quant à ceux qui sur la base de leur savoir livresque et leurs spéculations intellectuelles se croient supérieurs aux Saints Pères et prétendent les corriger, les "arranger" dans une "synthèse néopatristique" voire les remplacer par une "postpatristique", ils souffrent de présomption luciférique; et toute âme orthodoxe fait bien de s'en garder comme d'un poison mortel.
Nouveau commentaire :