"Le métropolite" Macaire qui est à la tête de l'Eglise autocéphale d'Ukraine pose des conditions à la tenue d'un Concile d'unification

Parlons D'orthodoxie

Macaire Maletitch estime qu'il serait irraisonnable de réunir un Concile d'unification avant que des statuts n'aient été élaborés. Il souhaite que le Statut, la dénomination, les structures de la future Eglise autocéphale d'Ukraine soient élaborés et validés avant la tenue du Concile.

Il a dit à ce propos: "Je ne peux formuler de propositions car j'éprouve du respect pour le Patriarcat œcuménique. Il me faut prendre connaissance des suggestions de Sa Sainteté Bartholomée car le métropolite Philarète et moi-même sommes, ne fût-ce que qu'officieusement, subordonnés au Patriarche œcuménique".

De nombreux observateurs estiment que le Concile tarde à se réunir. Les procédures de l'union et le déroulement de ses préparatifs restent obscurs.[

Les rivalités qui déchirent les responsables d'entités schismatiques n'ont rien de nouveau. En 2015 c'est bien à cause de ces divergences que le Concile, préparé par ces mêmes exarques et appelé à réunir des ceux entités, n'a pas pu aboutir. La tenue du Concile est susceptible d'être accélérée par la volonté de l'Eglise de Constantinople.
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Commentaires (1)
1. LE MONDE - Kiev - Moscou : l'autre rupture le 07/11/2018 14:46
8 novembre 2018

Il savoure sa revanche, Philarète. A bientôt 90 ans, il vient de voir aboutir un combat auquel il a consacré près d'un tiers de sa vie et il n'entend pas minimiser cette victoire.

Dans la grande salle de réunion ornée d'icônes de sa résidence, rue Pouchkine, à Kiev, le patriarche raconte, ce 29 octobre, sa rupture avec Moscou, enfin officialisée par le patriarcat de Constantinople, autorité en la matière ; il le fait sans triomphalisme, d'un ton monocorde, mais sa longue barbe blanche masque mal une rage contenue, qui étonne pour un homme de son âge et, surtout, pour un homme d'Eglise.

Disons-le : ce n'est pas n'importe quelle Eglise. L'Eglise orthodoxe ukrainienne était sous la tutelle du patriarcat de Moscou depuis 1686 – hormis une petite congrégation clandestine qui s'était déclarée autocéphale dans les années 1920, après la révolution et dont beaucoup de fidèles s'exilèrent en Amérique.

A l'effondrement de l'Union soviétique, fin 1991, dans lequel l'Ukraine joua un rôle de premier plan, les évêques ukrainiens demandèrent à voler eux aussi de leurs propres ailes, mais se heurtèrent au refus de Moscou. C'est alors que celui qui n'était que le métropolite Philarète de Kiev, vassal de Moscou au point d'avoir même brigué, en vain, la tête du patriarcat de Moscou, mena la rébellion : en 1992, le métropolite Philarète devint le patriarche Philarète, chef de l'Eglise ukrainienne autoproclamée. Ayant fait sécession, ce patriarcat de Kiev n'était cependant reconnu par aucune des quatorze Eglises orthodoxes dans le monde, en raison du diktat de Moscou. En Ukraine, il cohabitait avec l'Eglise orthodoxe officielle, dépendante du patriarcat de Moscou.

L'année 2014 va changer la don-ne. En mars, la Russie intervient en Ukraine et annexe la Crimée. Depuis, l'Ukraine est en guerre avec la Russie, ses troupes se battent dans le Donbass. L'agression russe draine des fidèles ukrainiens vers les Eglises dépendant du patriarcat de Kiev. La revendication d'indépendance du patriarcat de Kiev redouble de force.

Le 11 octobre 2018, le patriarche Philarète obtient enfin gain de cause. Les chrétiens orthodoxes n'ont pas de pape, mais ils ont un primus inter pares, le patriarche Batholomée Ier, qui siège à Istanbul, à la tête de l'Eglise de Constantinople. Bartholomée décide d'accorder son autonomie au patriarcat de Kiev, qui peut ainsi entamer la procédure pour devenir une Eglise orthodoxe autocéphale, comme les quatorze autres, et, libéré de la tutelle russe, n'a plus que faire du patriarcat de Moscou. Furieux, celui-ci rompt avec Constantinople quelques jours plus tard. C'est le schisme.

Pourquoi est-ce important ? Certes, il est question d'une religion millénaire, mais c'est de politique qu'il s'agit ici, voire de géopolitique, pas de théologie. Et sous sa haute mitre blanche surmontée d'une croix dorée, le patriarche Philarète n'en fait pas mystère. Le contexte, explique-t-il à un petit groupe de visiteurs du think tank European Council on Foreign Relations, en présence du Monde, c'est la Crimée et la guerre avec la Russie.

" Notre Eglise joue un rôle important dans cette guerre, dit-il. Nous avons aidé l'armée depuis le début, en l'approvisionnant en nourriture, en médicaments, en véhicules, en gilets pare-balles et en lunettes de vision nocturne. " Accessoirement aussi, " en aumôniers ". Et cette guerre, le patriarche de Kiev est " convaincu que Poutine ne la gagnera pas ".

Le patriarche Philarète fait figure de modéré à côté du jeune archevêque qui s'exprime après lui, Yevstraty Zoria, secrétaire du Saint-Synode. " Vladimir Poutine et le régime du Kremlin ne reconnaissent pas l'Ukraine comme une nation indépendante, affirme l'évêque. Ce n'est pas l'Eglise qui est à l'origine du processus d'autocéphalie, mais l'impérialisme russe. " Or, " sans l'Etat ukrainien et sans l'Eglise ukrainienne, poursuit-il, il est impossible de rétablir l'empire russe. " C'est un coup dur pour lerousskyi mir, le " monde russe " de Vladimir Poutine.

" Guerre froide "
Le patriarcat de Moscou n'a plus sous son autorité que l'Eglise russe, celle de Biélorussie, certaines paroisses de la diaspora (comme celle du quai Branly, à Paris) et les paroisses d'Ukraine, qui se placent toutes sous son obédience. Selon des chiffres de source ukrainienne, le patriarcat de Moscou compte plus de paroisses (12 000) en Ukraine que le patriarcat de Kiev (5 000), mais moins de fidèles (16 %, contre 40 % environ). Philarète promet qu'aucune pression ne sera faite sur les paroisses fidèles à Moscou pour qu'elles rejoignent le patriarcat de Kiev : " Cela se fera sur une base purement volontaire ", assure-t-il, d'autant plus que les biens immobiliers appartiennent à la paroisse, pas à l'Eglise.

On peut s'étonner que le président Poutine et son très proche allié, le patriarche Kirill, aient pu ainsi se laisser berner par Philarète et Bartholomée. " Poutine et Kirill sont dans le déni de l'histoire, explique Antoine Arjakovsky, historien au Collège des Bernardins, à Paris. Ils sacralisent l'histoire dans la continuité ; mais l'histoire se fait aussi dans la discontinuité. "

Et puis, au-delà du conflit russo-ukrainien, se joue aussi, en arrière-plan, la rivalité turco-russe. En 2016, Moscou s'est retiré au dernier moment d'un concile organisé par Constantinople ; Batholomée a vu son leadership contesté et a soupçonné Kirill de vouloir établir une domination sur l'ensemble des Eglises orthodoxes. " C'est une guerre froide ", analyse l'archevêque Yevstraty. A Kiev, aujourd'hui, beaucoup pensent que M. Poutine et le patriarche Kirill n'en resteront pas là. " Une provocation n'est pas à exclure ", prédit un haut responsable ukrainien.

Et Dieu, dans tout ça ? A aucun moment, pendant l'heure qu'a duré cette conversation très politique avec le patriarche Philarète et l'archevêque Yevstraty, son nom n'aura été prononcé.

par Sylvie Kauffmann, Sylvie Kauffmann
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