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Exposition consacrée à sainte Elisabeth Feodorovna
le 10/03/2015 13:53
Le 5 mars 2015, une exposition intitulée « L’Ange blanc », consacrée à la création du couvent Marthe-et-Marie et à la vie de sa fondatrice la Grande duchesse Elisabeth Feodorovna Romanov, a été ouverte au Musée d’histoire contemporaine de Russie.
L’exposition a lieu à l’occasion de la commémoration du 150ème anniversaire de la naissance de la Grande-Duchesse. Des objets uniques et rares sont présentés à cette exposition, des photographies originales, des documents personnels de sainte Elisabeth, dont des objets provenant de la chapelle funéraire de son époux le prince Serge Alexandrovitch Romanov. Les organisateurs espèrent que les visiteurs de l’exposition auront la possibilité non seulement de connaître le destin de la Grande-Duchesse, mais aussi se plonger dans l’atmosphère de l’époque.
Ont participé à l’exposition les grands musées et les archives du pays: les musées du Kremlin de Moscou, le Musée historique d’État, la Galerie nationale Tretiakov, le musée d’État d’architecture Académie A.V. Chtchousev et d’autres. La cérémonie d’ouverture de l’exposition a été présidée par l’évêque d’Orekhovo-Zouïevsk Pantéléimon, la directrice du musée d’histoire contemporaine de Russie, Irène Velikanov et la supérieure du Couvent Marthe-et-Marie, l’higoumène Elisabeth (Pozdniakov). Le Couvent Marthe-et-Marie continue la tradition établie par sa fondatrice, sainte Élisabeth : toute une série d’œuvres sociales sont réalisées avec le service orthodoxe d’assistance « Miloserdie » (« Charité »).
Parmi celles-ci, la maison Sainte-Elisabeth pour les filles, le Centre de placement familial, le groupe de garderie de jour pour les enfants handicapés, le camp d’été pour ces enfants à Sébastopol, le service de soins palliatifs aux enfants, le service d’aide aux malades atteints de la SLA. L’exposition durera jusqu’au 5 avril 2015.
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Noël Ruffieux
le 18/07/2015 09:54
Pour faire écho à l'hommage rendu en divers lieux à sainte Elisabeth de Russie, voici l'article que j'avais fait paraître le 4 septembre 2014 dans la chronique L'or du temps de l'hebdomadaire catholique de Genève ECHO MAGAZINE:
4 septembre 2014, Echo Magazine, L’or du temps, Noël Ruffieux
Ella et le dramaturge
« Ne me parlez pas comme à votre ennemie. Regardez. Je me remets à vous. Le sang nous sépare. Mais vous pouvez me rejoindre en Dieu, à l'endroit même du malheur. Priez du moins avec moi. »
Ainsi parle la grande-duchesse, dans Les Justes d’Albert Camus. Ce pourraient être les authentiques paroles d’Elisabeth, dans la prison où est détenu Ivan Kaliayev. Le jeune révolutionnaire vient de tuer son mari, le grand-duc Serge, le 17 février 1905. Deux jours plus tôt, Kaliayev a renoncé à jeter la bombe, lorsqu’il a vu deux enfants dans la calèche du tyran : « Tuer des enfants est contraire à l'honneur. Et, si un jour, moi vivant, la révolution devait se séparer de l'honneur, je m'en détournerais. » Elisabeth quitte le prisonnier en lui disant qu’elle demandera sa grâce. Ce qu’il refuse, ce que le tsar refusera. Cette rencontre improbable entre l’épouse de la victime et son meurtrier n’est pas une fiction dramatique, mais l’histoire même.
Elisabeth est très belle, aussi belle qu’une autre Elisabeth, Sissi. Née en 1864 dans la famille de Hesse, elle perd sa mère en 1878. De Londres, sa grand-mère la reine Victoria, qui l’appelle Ella, veille sur son éducation. En 1884, elle épouse son cousin le grand-duc Serge de Russie, fils cadet du tsar Alexandre II. Mariage d’amour, au-delà de la mort. Mariage mixte au plus haut niveau : Ella est luthérienne, Serge orthodoxe. Au prince qui regrette cette disparité de foi, le père Jean de Cronstadt dit : « Laisse-la tranquille, ne parle pas de ta foi, elle y viendra d’elle-même . » En 1891, elle y vient, par contagion, après avoir lu, réfléchi, prié, fréquenté la liturgie, parlé avec Serge et de sages prêtres. Elle devient plus russe que les Russes. Sa petite sœur Alix, devenue dix ans plus tard épouse Alexandra du tsar Nicolas II, est différente. Selon leurs lettres, les relations d’Ella avec Nicky, le tsar, sont affectueuses, moins avec sa sœur tsarine dont elle ne parvient pas à calmer le tempérament tourmenté et sa dépendance de Raspoutine, qu’Ella déteste.
Le couple n’a pas d’enfants, mais se charge de l’éducation de deux neveux (les enfants de la calèche), orphelins de mère. Malgré la vie mondaine de grande-duchesse, Ella, naturellement généreuse, crée des œuvres sociales, une maison pour filles-mères, des unités de soins pour les blessés de la guerre russo-japonaise.
Tournant tragique en 1905. Serge, gouverneur de Moscou, honni pour son intransigeance, est assassiné le 17 février. Trois jours plus tard, Ella rend visite au meurtrier Kaliayev dans sa prison. Son deuil et sa fidélité à Serge l’incitent à changer totalement de vie, à se retirer du monde.
Ella entreprend un projet révolutionnaire pour l’Eglise russe : Créer une famille de femmes consacrées, comme les diaconesses de l’Eglise ancienne, « vivant trait d’union entre l’Église et le peuple ». Non pas des moniales contemplatives, nombreuses en Russie, mais des femmes unies par la foi et la prière, au service des pauvres et des souffrants, la Demeure de miséricorde Marthe-et-Marie. D’abord méfiants, les évêques finissent par approuver. Ella vend tous ses biens et achète plusieurs maisons, construit une église, ouvre un hôpital, un orphelinat, une bibliothèque, une pharmacie gratuite, réunit des médecins bénévoles, offre chaque jour 300 repas aux déshérités. En 1910, Ella et six religieuses prononcent leurs vœux. « Je laisse un monde brillant, leur dit-elle, où j’avais une place brillante et avec vous toutes je monte dans un monde plus grand, le monde des pauvres et de la souffrance. » En 1914, la Demeure réunit cent religieuses.
En 1917, nouveau tournant tragique. Les révolutionnaires épargnent d’abord la Demeure. Refusant l’offre de Guillaume II de revenir dans son pays natal, Mère Elisabeth unit sa vie au destin du peuple russe. A Pâques 1918, elle est arrêtée par les bolcheviks, avec deux sœurs, dont Barbara son amie. Amenées dans l’Oural, à Perm, puis à Alapaïevsk, elles y retrouvent d’autres membres de la famille impériale. À l’aube du 17 juillet 1918, Nicolas II, Alix, leurs enfants et leurs domestiques sont assassinés à Ekaterinbourg. La nuit suivante, Elisabeth et ses compagnons subissent le même sort, précipités vivants dans un puits de mine désaffecté. Ella tombe la première en priant : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » Des pierres et des grenades sont jetées dans le puits. Ella meurt le 18 juillet, fête de saint Serge, patron de son mari.
Quelque temps plus tard, les soldats de l’Armée blanche découvrent les corps et célèbrent leurs funérailles. Après un long voyage à travers la Sibérie et la Chine, les cercueils arrivent à Pékin, en avril 1920. Victoria sa sœur fait transporter les corps d’Ella et Barbara à Jérusalem, dans l’église Sainte-Marie-Madeleine, au Mont des Oliviers. Elle accomplit le vœu d’Ella, en 1888, lorsqu’avec son mari Serge elle avait assisté à la consécration de l’église : « Comme j’aimerais être enterrée ici ! »
En 2000, l’Eglise russe a canonisé Elisabeth et Barbara, au rang des nouveaux martyrs.