19 août 1991: l'Eglise russe est libérée du joug bolchévique
V.Golovanow

Il y a déjà eu beaucoup de choses écrites sur les évènements d'août 1991. Dans ce court texte je voudrais rassembler deux témoignages de proches du patriarche Alexis qui éclairent bien comment l'Eglise fut transformée (transfigurée?) ce jour là en passant du statut d'esclave soumis à celui d'acteur social important.

Des journées dramatiques


C'était le jour de la Transfiguration (selon le calendrier julien et le patriarche Alexis devait célébrer la divine Liturgie dans la cathédrale de la Dormition du Kremlin. "C’était l’un des premiers offices à avoir été autorisé dans les basiliques du Kremlin d’où toute manifestation religieuse avait été bannie par Lénine, témoigne le père diacre André Kouraev qui appartenait alors au secrétariat du patriarche. La nouvelle du putsch fut connue tôt le matin et "lorsque le patriarche l'apprit, il décida de ne pas commémorer « les autorités et l’armée» durant la Liturgie et les fidèles comprirent que l’Eglise ne reconnaissait pas comme légitimes les nouvelles autorités autoproclamées ainsi que l’armée obéissant à leur volonté." Ce fut le début.

Après l'office, le Patriarche Alexis sortit de la Cathédrale pour regagner sa voiture accompagné par le futur patriarche Cyrille (qui était à l'époque le bras droit du patriarche Alexis) et d'autres évêques et prêtres; ils furent alors assaillis par une meute de journalistes qui les interrogea : « Que pense l'Eglise du putsch ? Quelle sera l'attitude de l'Eglise et ses relations avec le pouvoir ? etc, etc, ».. «Nous n'étions pas du tout préparés et nous étions en train de réaliser que nous avions à penser quelque chose de la situation, que l'Eglise avait son mot à dire » témoigna plus tard Mgr Cyrille en précisant qu'ils étaient très peu au fait des événements qui se déroulaient alors. Ils durent esquiver les questions et se précipitèrent au monastère Saint Daniel pour réfléchir à la nouvelle situation à huis clos.

19 août 1991: l'Eglise russe est libérée du joug bolchévique
Mgr Cyrille exprime ainsi en substance la situation: « Nous avons réalisé, ce jour-là, que L'Eglise existait pour elle-même, qu'elle venait, comme nombre d'autres institutions, de se débarrasser de la tutelle de l'Etat. C'était, à peu de choses près, la première fois depuis le règne de Pierre le Grand » (*).

Mgr Cyrille ajoute un détail frappant: durant cette réunion chacun était dubitatif, ne sachant comment réagir dans cette situation nouvelle, et, pour s'inspirer, il a ouvert l'Evangile et tomba directement sur une phrase qu'il reprit pour ses paroles sur place et pour son action future, en particulier pour le commencement du livre sur la doctrine sociale (la phrase n'a pas été rapportée par les témoins). Et c'est probablement au cours de cette réunion que fut définie la position très claire de l’Eglise rappellée le père André (ibidem): ne pas laisser une guerre civile éclater, ne pas reconnaître la légitimité des putshistes. Peu après le patriarche s’adressa aux parties en présence les adjurant de ne pas avoir recours à la force. Il appelait à permettre au président Gorbatchev de pouvoir s’exprimer (Gorbatchev se trouvait alors isolé du monde). Et enfin, dans la nuit du 20 au 21 août, alors que l’on s’attendait à un assaut de la Maison Blanche et que trois jeunes gens furent écrasés par des véhicules blindés de l’armée le patriarche s’adressa aux comploteurs du « Comité des situations extraordinaires » disant que le sang versé ne peut justifier des idéaux politiques quels qu’ils soient. Ce message nocturne fut diffusé par la radio « Echo de Moscou » rapporte le père André.

Les décennies de régime athée n’ont pas été vaines

Devenu patriarche, Mgr Cyrille conclut: « Le Seigneur a laissé détruire ses églises, blasphémer les saintes reliques, le sang a coulé, nous avons éprouvé de grands tourments afin que notre peuple, et le monde entier à travers notre histoire, puissent s’imprégner de la logique Divine de l’être, des mystères de la volonté Divine. Le chemin de souffrances qu’a connu le pays au XX siècle n’a pas été vain car nous avons tous pu expier nos péchés face à Dieu, expier d’avoir abjuré notre foi, ceci dans la douleur, le martyr et les malheurs. Il est venu un jour quand Dieu, et Dieu seul, sans qu’une intervention humaine ne soit envisageable, cela à la date de Sa glorieuse Transfiguration, a renoncé à Sa colère et manifesté Son amour : Il a mis fin à notre captivité athée qui avait duré plus de soixante dix ans.

La Russie a certes du beaucoup endurer pendant les années qui ont suivi 1991 mais, et c’est essentiel, nous avons été les témoins d’un ample mouvement de retour à la foi… Nous venons de traverser une époque très dure, une véritable crise d’amnésie et d’obscurcissement de nos consciences mais aussi, et c’est essentiel de notre volonté de retour à Dieu. Les décennies de régime athée n’ont pas été vaines, elles ont appris à la société qu’il nous faut protéger notre foi de sorte à ce que les évènements, même les plus terribles, ne puissent plus jamais l’ébranler».

(*) En fait l'Eglise était soumise au pouvoir dés avant Pierre le Grand…

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 24 Août 2013 à 20:35 | 0 commentaire | Permalien



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