À la croisée des chemins
" La Pensée Russe" le 30 octobre 2011

Marie GENKO

"Il me semble important d’évacuer cette fausse idée que les Russes, (et ceux qui leur sont extérieurs), se font d’un peuple russe "post soviétique".

Et ma première réaction est de dire que la nature humaine reste semblable à elle-même. Il est possible que chacun d’entre nous ait une certaine peine à se faire une idée juste du monde dans lequel nous vivons. Qu’il s’agissent des Russes, ou des Européens de l’Ouest, nous nous adaptons tous aux circonstances auxquelles nous sommes confrontés. Lorsque les contraintes, dues aux événements extérieurs changent, notre comportement change lui aussi, sans que notre nature profonde en soit altérée.

Le tempérament des peuples reste constant.

Parler d’une Russie " post soviétique " peut nous induire en erreur, car les Russes d’aujourd’hui sont pour moi les Russes d’hier et ceux de demain. J’aimerais citer l’exemple de l’Allemagne à la fin de la seconde guerre mondiale. La population allemande était décimée et exsangue, et c’est avec une certaine horreur qu’elle a pris conscience des crimes, dont sa patrie allemande s’était rendue coupable ! Ce fut un choc, qui a marqué la population allemande sur deux ou trois générations, et qui a sapé la belle confiance que ce peuple avait depuis bien des siècles en lui-même.
Je pense que c’est d’un mal similaire que les Russes souffrent aujourd’hui: La désintégration de l’URSS, et les crimes commis par les Communistes des différents pays soviétiques contres leurs propres compatriotes, sont un poids insupportable pour la conscience collective de ces peuples.

Simplement, dans les pays périphériques à la Russie elle-même, ces pays autrefois soviétiques, il est de bon ton de se voiler la face et d’accuser le grand frère russe de tous les maux, en oubliant commodément que les dirigeants locaux portent l’entière responsabilité de leurs actes et de leur engagement idéologique! Comme en Russie ils ont saigné à blanc leurs frères de sang.
En ce qui concerne la Russie, la conscience collective n’est pas prête, elle non plus, à admettre les crimes de ses prédécesseurs !

C’est probablement en grande partie de là que provient le malaise de la société russe, qui se voile la face au regard de ses propres exactions derrière le souvenir glorieux de la victoire de 1945. Mais d’autres facteurs, et non des moindres, entrent en ligne de jeu. 
La génération des Russes d’aujourd’hui a assisté à l’effondrement d’un régime totalitaire athée, qui se voulait universel.

Cette génération, après 75 années derrière le rideau de fer, s’est trouvée brutalement confrontée à un monde extérieur totalement différent de celui auquel elle était préparée. Or ce monde extérieur est, lui aussi, en pleine mutation.
Je vais me borner à parler de l’Europe avec laquelle la Russie a une Histoire commune. Cette Europe, que découvrent les Russes d’aujourd’hui, elle est bien différente de celle qu’ils ont pu percevoir au travers de la Littérature ou dans leurs livres d’Histoire.

C’est une Europe qui se cherche au même titre que se cherche la Russie

Derrière la volonté effrénée de mondialisation des gouvernants européens, une nouvelle " weltanschauung " se met en place ! Et cette nouvelle conception du monde rejette délibérément les racines chrétiennes des nations européennes.

Certains auteurs russes ont raison d’écrire que les valeurs actuelles sont contradictoires et ne sont pas un tout cohérent en Russie. Mais il en va de même en Europe occidentale, où les vecteurs sont toutefois inversés: Je veux dire que la Foi chrétienne, après une longue et douloureuse parenthèse, semble renaître et être encouragée en Russie, lorsqu’en Europe occidentale bien des forces obscures s’activent au contraire pour étouffer le christianisme.

Si en Russie nous assistons au réveil de l’identité nationale russe, occultée par le marxisme, en Europe de l’Ouest tout est entrepris pour faire perdre leurs identités respectives aux Nations, et les faire entrer dans un moule mondialiste.En Russie, la population a dans l’ensemble toujours été en cohésion autour de ses dirigeants, en Europe au contraire les démocraties sont le théâtre d’une étonnante multitude de partis politiques souvent très semblables entres eux et qui font le jeu d’une instabilité périlleuse de la vie politique.

Enfin la Russie est sortie d’un carcan totalitaire, alors que les démocraties européennes, de plus en plus souvent victimes d’agitations
populaires incontrôlées, pourraient s’engager sur le chemin dangereux des régimes autoritaires. A l’inverse de la Russie, l’Europe ne se réclame plus des valeurs chrétiennes de ses princes fondateurs, mais elle se réclame de la déclaration des droits de l’homme rédigée et votée le 26 août 1789 par les révolutionnaires français régicides. C’est à cette déclaration que fait référence la convention européenne de la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, établie par le conseil de l’Europe à Rome en 1950 et entrée en vigueur en 1953.

La Russie est à la croisée des chemins : va-t-elle établir les fondements de ses lois et de sa justice sur les valeurs évangéliques, ou bien va-t-elle se laisser influencer et contraindre par les sirènes athées de l’Occident ?

Nous sommes tous parfaitement conscients du seuil de civilisation que la Russie moderne est appelée à franchir. Pour que la Russie puisse trouver la force de construire son propre destin, elle doit retrouver sa confiance en elle-même. Admettre ses faiblesses et ses erreurs passées, éprouver comme l’a fait le peuple allemand, l’horreur pour les crimes commis par ses prédécesseurs, voilà la seule issue possible. L’enjeu est de taille, car lorsque la conscience collective aura l’humilité de reconnaître les crimes de ses pères envers leur propre peuple, et en éprouver un repentir sincère, au lieu d’essayer de leur trouver des excuses, alors ceux-ci seront rangés dans les pages sombres de l’Histoire des peuples. Purifiée de ses fautes, la conscience collective retrouvera la confiance et la force nécessaires pour penser son avenir.

Est-il utile pour parvenir à cette fin d’éliminer d’emblée les symboles païens attachés aux célébrations de la victoire dans la grande guerre
patriotique?


Sergueï Tchapnin en semble convaincu dans son article, lorsqu’il dit: " Cette culture présente des traits très dangereux : préservation "du
personnage de l’ennemi"; présentation de la guerre sous forme d’une image d’Epinal. Oblitération complète de la guerre vécue en tant que tragédie "

Cette perception d'un culte laïc porteur de valeurs négatives est certainement une approche qui mérite réflexion. Les premiers martyrs
chrétiens furent ceux qui refusaient le culte rendu à César. Peut-être n’est-il pas trop tard pour que le peuple russe prenne conscience
des dangers que porte en lui-même un symbole purement païen. Pour les Européens cela me semble actuellement totalement utopique

Il nous reste à prier pour que la Russie redevienne véritablement orthodoxe, fière de sa foi et de sa culture. Qu’elle devienne un pays, qui ne sera plus jamais un géant aux pieds d’argiles, mais au contraire le socle d’un christianisme inébranlable. S’il suffit parfois d’un individu, et d’un seul, pour faire basculer le cours des choses. Nous devons espérer que la Russie sera cette Nation orthodoxe, qui inversera
la course du courant mondialiste athée.

Ce courant infernal, qui entraîne l’humanité vers sa perte. Parce qu’elle a tant souffert, peut-être le Seigneur permettra-t-Il, dans
Son infinie miséricorde, que la Russie orthodoxe devienne l’exemple que suivront les Nations, afin que le monde se sauve dans les voies du Christ.

Puissent tous les Saints de la terre russe lui venir en aide."

"РО" L’Eglise, la culture et le nationalisme en Russie
Marie GENKO: réflexion sur l'article de Serge Tchapnin

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" Русская мысль" , 30 октября 2011г.

НА ПЕРЕПУТЬЕ

Мария Генко

Важно устранить это ложное понятие «постсоветского мира», имеющееся в отношении России у других стран, а также у самих русских.
Разговор о «постсоветской России» может ввести нас в заблуждение, и неважно о ком идет речь - русских или западноевропейцах – мы всегда приспосабливаемся к тем обстоятельствам, с которыми мы сталкиваемся.
Когда меняются эти обстоятельства, поведение человека также меняется, без искажения его внутренного мира.

Темперамент народов остается постоянным, и сегодняшние русские люди - это те же самые русские, что были вчера и будут завтра.


Я хотела бы привести в пример Германию в конце второй мировой войны. Немецкое население было опустошено и обескровлено, и оно с ужасом ознакомилось с преступлениями своей собственной родины. Это было шок, который оставил свой отпечаток на двух или трех поколениях немецкого народа. Мне кажется, что той же болезнью страдают сегодня бывшие советские республики:
Развал СССР и преступления, совершенные коммунистами этих стран против своих соотечественников, является невыносимым бременем для общего сознания этих народов.
Надо подчеркнуть, что страны вокруг самой России, эти бывшие советские республики намеренно прячут свое бывшое лицо и обвиняют в собственных преступлениях своего старшего русского брата.
Таким образом, им удобно не вспоминать о том, что их местные правители несут полную ответственность за свои преступления и идеологию.

Эти республики утверждают, что они чисты в отношении своего коммунистического прошлого.

Что касается России, общественное сознание также неготово признать преступления своих предшественников.

Надо принять в расчет и другие мощные движущие силы: Нынешное поколение увидело распад тоталитарного атеистического строя, представлявшим себя универсальным для всего мира. И это поколение, после 75 лет проживания за железным занавесом, очутилось лицом к лицу с абсолютно другим миром, миром, отличным от того к чему его готовили. К тому же, этот внешный мир сам находится в процессе полного изменения.

Я напишу здесь только о Западной Европе, с которой у России давняя общая История. Эта Европа, открывающаяся перед нынешными русскими людьми, сильно отличается от той, которую они себе представляли через Литературу и Исторические сочинения. Это Европа, которая также, как и Россия, ищет саму себя.

Но надо иметь в виду, что некоторые направления России и Европы ведут в разные стороны.

Я хочу сказать что христианская вера, после длинного и мучительного подавления, воскресает и поощряется в России, в то время как в Западной Европе темные силы, наоборот, активизируются, чтобы душить Христианскую Веру.
Если в России мы видим возрождение русской национальной личности, приглушенное в течение долгого времени марксистко-ленинской властью, то в Западной Европе,на мой взгляд, предпринимается все возможное, чтобы каждая нация потеряла бы свою собственную личность и утонула в глобализации.

Наконец Россия скинула тоталитарный железный ошейник, в то время как западные европейские демократии, часто подвергающиеся неуправляемым народным беспокойствам, могут в будущем пойти по опасной дороге тоталитарного государственного строя. К тому же, в отличии от России, Европа больше не ссылается на христианские ценности своих князей-основателей, а ссылается на декларацию прав человека, написанной и утвержденной 26 августа 1789г. французсками цареубийцами.
Из-за безудержного желания глобализации у европейских политиков, в обществе устанавливается новое мировоззрение. И это новое мировоззрение сознательно отклоняется от христианских корней европейских наций.
Нынешние ценности наших обществ не являются связующими. Возможно, что каждому из нас затруднительно иметь ясную картину мира, в котором мы живем.

Россия находится на пересечение дорог. Восстановит ли она свои законы и свое правосудие на основе евангельских ценностей, или же попадет под влияние западных атеистических соблазнительниц ?

В статьях, опубликованных недавно в русской прессе, а также здесь, на страницах «Русской Мысли», мы смогли прочесть, о чем пишет русская интеллигенция, в лице Сергея Чапнина, и французская интеллигенция, такие как историк Николай Росс. И тот, и другой вполне осознают какой цивилизационный порог должна перейти современная Россия. Согласно Сергею Чапнину, необходимо исключить языческие символы секулярного поклонения, несущего в себе негативные ценности. Вспомним, что первыми христианскими мучениками были те, кто сопротивлялся культу Цезаря ! Наверное, Сергей Чапнин прав и стоит задуматься об этом.
Для Николая Росса, надо избавить Россию от всех ленинских, сталинских изображений, а также изображений других палачей русского народа. Я согласна с этим мнением и убеждена, что в день, когда общественное сознание смиренно признает преступления предыдущих поколений в отношении собственного народа и откровенно в них покается, тогда эти преступления навсегда скроются среди темных страниц Истории народов. Тогда, очищенное от своего постсоветского позора, общее сознание будет иметь силу построить себе светлое будущее.

Как мы все ей этого желаем, Россия больше никогда не должна быть колоссом на глиняных ногах, ей надо построить себя в своей собственной культуре на основе правды своей христианской веры.

Потому что она - многострадальная страна, может быть, Господь своей великой милостью позволит, чтобы Православная Россия стала бы примером, за котором будут следовать Нации. Да помогут ей всероссийские Святые.

Только на пути Христа мир сможет спасти себя.

Мария Генко Старосельская


Rédigé par Marie GENKO le 7 Novembre 2011 à 15:28 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par vladimir le 11/11/2011 16:15
Le 8 novembre 2011, au Centre cinématographique de Moscou a eu lieu la cérémonie de clôture du VIIIe festival cinématographique international « Ange de lumière »(...)

De nombreux ecclésiastiques et personnalités du monde du spectacle prenaient part à l’évènement. Le métropolite Hilarion a ouvert la cérémonie, présentant les salutations du Patriarche Cyrille de Moscou aux organisateurs et aux participants du festival, leur transmettant la bénédiction du Primat de l’Église orthodoxe russe.

Mgr Hilarion a ensuite remarqué que le festival « Ange de lumière » était l’un des projets les plus importants du programme national « Culture spirituelle et morale de la génération montante en Russie » et témoignait de ce que l’amélioration morale de la société était une tâche commune à l’Église, à la société et à l’état.

« L’éducation morale de la personne est aujourd’hui l’un de nos principaux objectifs. Dans un monde complexe et instable, qui connaît un réexamen des valeurs spirituelles et morales et des fondements traditionnels, la jeunesse éprouve des difficultés à trouver un soutien spirituel et un sens à sa vie, a dit en particulier le hiérarque. Les dures lois de la concurrence qui régissent le monde d’aujourd’hui endurcissent les cœurs, incitent à ne pas « aimer son prochain comme soi-même », mais à voir en lui un concurrent ou un instrument à sa carrière. « Souillure des âmes, crimes contre nature, désordres dans le mariage, adultère et débauche » (Sag 14, 26), le culte solennel de la consommation, la passion de l’enrichissement, tout cela dessèche les jeunes âmes et brûle les consciences encore peu habituées à distinguer le bien du mal. Mais « … que servira-t-il donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre vie ? Ou que pourra donner l’homme en échange de sa propre vie » (Mt 16, 26). Le refus des valeurs spirituelles et culturelles dont a vécu la Russie durant des siècles crée des conditions défavorables au développement d’une société spirituellement forte, moralement saine et économiquement stable. »

L’éducation de la génération montante doit reposer sur l’éthique morale, l’idée d’un bien absolu, garant du développement et de la prospérité de l’état, estime le métropolite Hilarion. L’archipasteur a rappelé les mots du philosophe Aristote « La nature ne supporte pas le vide ». « Et si l’on ne propose pas de repères moraux à la génération montante, leur place sera occupée par les idéaux de l’immoralité, prévient le métropolite. On s’imagine aisément quelle génération en sortira. Il est très important d’inculquer dès l’enfance les idéaux du bien, d’aider l’enfant à acquérir un pivot intérieur, une immunité spirituelle et morale contre le mal qui influencera positivement son développement et d’écarter tout ce qui corrompt. Si dès l’enfance et la jeunesse la personne est en contact avec ce qui détruit intérieurement, une énorme dépense d’énergie sera nécessaire pour se libérer de la saleté accumulée.

Je me réjouis de voir que les travaux présentés au festival parlent au spectateur des valeurs de base, l’incitent à réfléchir aux questions essentielles de l’existence, aident le jeune homme à prendre conscience de sa responsabilité morale envers soi, envers sa famille et ses proches. Le professionalisme s’y allie à un engagement volontaire en faveur des principes chrétiens. »

Mgr Hilarion est convaincu que le festival apportera une importante contribution spirituelle à l’assainissement moral du climat de la société russe et permettra d’unir les efforts afin d’aider à résoudre au plus tôt les problèmes découlant de la crise morale du monde contemporain.

« Je souhaite de tout cœur que l’ « Ange de lumière », prenant des forces, illumine le chemin créatif et inspire les cinématographes dans leur

***

Du 1er au 8 novembre, 25 000 personnes ont pris connaissance des travaux du festival. 62 films d’auteurs russes et étrangers ont été présentés à l’appréciation du jury.

Le Festival est financé par le Ministère de la culture de la Fédération de Russie, la municipalité de Moscou, la Fondation des initiatives sociaux-culturelles, la Direction des programmes internationaux, l’Institut d’expertise des programmes d’enseignement et des relations entre l’état et les confessions religieuses. Il est soutenu entre autres par le Comité pédagogique de l’Église orthodoxe russe. Le festival est placé sous le patronage du Patriarche de Moscou et de toute la Russie Cyrille, de l’épouse du président de la Fédération de Russie, S. Medvedeva, qui représente le Conseil de tutelle du programme ciblé « Culture morale et spirituelle de la génération montante en Russie.

2.Posté par vladimir le 12/11/2011 19:45
DU SDF AU DEPUTE, UNE RUSSIE SANS PERE NI MERE
Publié le 10 novembre 2011 à 21:07
http://www.lecourrierderussie.com/2011/11/10/depute-russie-sans-pere-mere/

Les classes supérieures et le bas peuple aiment à parler de la Russie avec des intonations épiques. Des politologues de la Haute École d’économie ont cherché à savoir comment les représentants des différents groupes sociaux voyaient la Russie : SDF, députés à la Douma, enfants des rues, étudiants de grandes écoles etc. Il s’avère que l’élite et les marginaux ont des points de vue très semblables.

Lisez ces quatre opinions : deux d’entre elles ont été énoncées par des députés de la Douma d’État de la Fédération. Essayez de déterminer quelle phrase a été prononcée par qui. Les auteurs des recherches eux-mêmes, qui ont interrogé les SDF et les députés, s’y perdent.

« Le Russe est un génie né. Si on lui fournit les conditions nécessaires, il fera immanquablement preuve de ses géniales capacités… »

« S’il y a au monde un pays à envier, c’est la Russie. La Russie possède la conscience, la communication, et le christianisme… »

« Nous sommes grands parce que nous avons de l’argent, parce qu’il y a du pétrole, qu’il y a du gaz… »

« Sans notre aide, les Européens ne peuvent tout simplement pas vivre… »

Des sans-domiciles un peu plus charitables

L’étude a commencé sur des enfants. Il y a trois ans, les chercheurs ont décidé d’interroger des étudiants moscovites ordinaires des classes supérieures et des enfants-vagabonds…

Les écoliers, pour le sondage, ont été sélectionnés seulement dans les lycées et gymnases, soit en majorité des enfants issus de familles favorisées sur le plan économique autant que culturel.

Le deuxième groupe était à l’extrême opposé. « Les enfants des rues ne sont pas seulement des vagabonds sans logis, privés de parents et de foyer, mais aussi des gamins venant de familles défavorisées, où le père et la mère, en règle générale, sont alcooliques ou en prison. Ces enfants ne vont pas à l’école, gagnent leur vie par la mendicité ou des travaux non qualifiés, commettent diverses infractions administratives et pénales, sont impliqués dans la prostitution, fument, consomment de l’alcool et/ou des drogues », expliquent les auteurs de l’étude.

Au cours de l’enquête, on a posé à tous un seul et même éventail de questions : « Comment décrirais-tu notre pays ? », « Comment le pays sera dans dix-douze ans ? », « La Russie a-t-elle des ennemis ? », « Comment doit être le président ? », etc.

Beaucoup de réponses se sont révélées étonnamment proches. Les opinions des adolescents des deux groupes abondent en clichés. On y retrouve en permanence les images patriarcales de « président-petit père » et « Russie-petite mère ». Une différence : les enfants des rues ne considèrent pas la Russie comme un pays riche, à l’inverse des écoliers ordinaires.

Mais la recherche ne s’est pas arrêtée aux lycéens et aux enfants-vagabonds. Les politologues ont de nouveau choisi deux variantes extrêmes : SDF et député de la Douma d’État.

Conversations sur un parvis

Bien sûr, les clochards dissertent avec un grand empressement sur le thème de leur difficile existence. Mais ils parlent aussi volontiers politique. Les gens d’âge moyen ont pu recevoir une éducation supérieure sous l’URSS, les jeunes : déjà plus. Mais nos sans-abris sont probablement les plus instruits du monde. On est finalement parvenu à s’entretenir avec une centaine de sans-logis. Les politologues confient qu’il s’est avéré plus complexe de communiquer avec les députés qu’avec les SDF. Les auteurs de l’étude ont pu interroger 31 députés.

La situation sociale d’une personne doit certainement influer sur ses opinions : et la situation d’un député diffère clairement de celle d’un SDF.

Pourtant, voici le résultat : « Notre position de départ sur le fait que les points de vue de l’élite politique et ceux des sans-abris devaient radicalement différer les uns des autres n’a pas reçu confirmation. Les points de concordance nous amènent à constater la présence de sérieuses difficultés sur la voie de la modernisation future du pays, liées en premier lieu à l’absence de jugement adéquat sur les processus actuels par les représentants de l’élite politique », confient tristement les auteurs de l’étude.

« Orphelin misérable sans père ni mère…»

Il y a même plus en commun entre les opinions des députés et des SDF qu’entre celles des adolescents des lycées et des rues, du point de vue du contenu autant que de la forme. Presque partout résonne le pathos de l’exception nationale : «Nous somme spéciaux…», « Nous avons notre voie propre… », « Le monde entier nous envie ».

On a parfois l’impression que la Russie, pour les SDF et pour les députés, est une sorte d’île, arrachée du reste du monde. Le bilan des politologues sonne presque comme un diagnostic : « « Russocentrisme », absence pratique de réflexion globale. En discourant sur les dangers du monde contemporain, aucun des participants de l’étude n’a mentionné les menaces de caractère global (terrorisme international, diffusion de l’arme nucléaire, menaces de catastrophe écologique etc.). Les rapports avec les autres pays ne sont envisagés que sous l’angle de vue du maintien de la Russie en qualité de grande puissance. »

La différence entre les partisans au pouvoir en place et les opposants réside uniquement dans le fait que les premiers considèrent la Russie comme déjà grande, puissante et « crainte de tous », alors que les autres se désolent de ce que l’époque de la grandeur et de la puissance s’est achevée avec la chute de l’Union soviétique.

À côté de l’image de « petite mère Russie », on voit apparaître dans de nombreuses opinions le « petit père tsar » sous la figure d’un premier ministre, d’un président ou d’un secrétaire général. « Nous sommes face à une demande paternaliste à l’égard du pouvoir, à un rêve de « père du peuple », c’est-à-dire d’un leader impitoyable concentrant tout le pouvoir dans ses mains », écrivent les chercheurs.

Patriotisme errant

Il n’y a pas moins de jugements positifs sur le pays chez les SDF que chez les députés chéris du pouvoir et vivant dans l’opulence. Leur déclaration d’amour au pays est une gamme de sentiments allant du brutal « La Russie contemporaine est la plus forte des puissances, invaincue jusqu’ici et pour toujours » à l’intime « La Russie est la petite mère aimée. On ferme les yeux sur tous les problèmes : simplement être, au moins, dans son pays natal. »

« Chez les sans-abri le patriotisme remplit, selon toute vraisemblance, un rôle compensateur : une certaine perception idéale du pays compense leur situation actuelle peu enviable, commente le célèbre psychothérapeute et chargé de cours à la MGPPU Aleksandr Sosland. Pour un politicien, la défense de l’identité nationale fait partie intégrante du métier ; de là le « russocentrisme », la rhétorique de grande puissance et tout le reste. La situation dans laquelle s’est retrouvée la Russie ces derniers temps -défaite dans la guerre froide, effondrement de l’URSS, perte partielle du statut de superpuissance- ne fait qu’accentuer l’« identitarité », oblige les députés à rivaliser de patriotisme. Ainsi, la mythologie super-patriotique compense l’humiliation commune de tout un peuple. »

Les députés s’expriment dans un style épico-féérique, ce qui les rapproche des SDF. « La Russie d’aujourd’hui est un orphelin sans père et mère. Vaste, mais pas grande. Riche, mais misérable. Pays en colère, debout au bord du précipice », déclare un député. « L’image n’est pas reluisante : pays misérable, va-nu-pieds, dévasté, dont personne au monde n’a besoin », lui fait écho un sans-domicile.

Traduit par : Julia BREEN

Source : Russkiï reporter

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