A Vladimir qui demande un commentaire sur son article en 2 parties sur l'hesychasme d'il y a un an Partie 1 et 2

Sans revenir sur mes deux commentaires précédents dont le bien-fondé n'est que confirmé par vos remarques dans votre post 6 (est-il étonnant que toutes ces personnes sont en accord entre elles, puisqu'elles se meuvent dans le même cadre du stéréotype ?), après avoir lu votre article d'il y a un an, j'ajouterai ceci:

Votre article contient de nombreuses imprécisions ou erreurs. Pour ne signaler que les principales

La définition du terme "hésychasme": "une pratique spirituelle mystique", une "pratique visant la paix de l'âme, la paix du cœur, le silence en Dieu". Le terme même d'hésychasme ne se rencontre nulle part chez les Saints Pères. Nous n'y trouvons que le substantif "hesychia" et le verbe "ησυχάζω". St Grégoire Palamas intitule ses Triades "Περί των ιερώς ησυχασοντων" ("ceux qui saintement vivent dans l'hesychia").

En inventant ce terme d'hesychasme, on suggère une idéologie, un isme de quelque sorte. Rien n'est plus faux. Ce qu'on nomme en Occident (et par une imitation maintenant aussi en Orient) "hésychasme", est en réalité quelque chose de beaucoup plus complet, c'est un mode de vie, une "politeia".

C'est, en termes évangéliques, la Voie étroite qui mène au Royaume de Dieu. Réduire cela à une "répétition du Nom de Jésus" et à l'objectif "paix de l'âme, paix du cœur, silence en Dieu" n'est pas seulement une terrible simplification, mais le signe d'une ignorance totale du sujet. On comprend d'ailleurs mal pourquoi vous donnez une telle définition erronée, quand un peu plus bas, dans la présentation des Pères Neptiques par Vassa Kontouma, les choses sont présentées correctement.

Ensuite vous dites que la prière de Jésus a été formulée par les Pères du Désert. Mais en réalité, cette prière provient de l'Evangile, de la prière du publicain en Luc 18,14, ou encore de celle de l'aveugle en Mc 10,48. De plus, cette prière n'est pas une "méditation", chose complètement étrangère à la spiritualité orthodoxe.

Vous dites ensuite que les moines "se forgeaient une manière de pensée liée à leur expérience". Drôle de façon d'appréhender l'illumination par le Saint Esprit! Elle serait digne d'un Barlaam.... Forge-t-on les inspirations divines, les effets de la Grâce de Dieu? En Orthodoxie, la Grâce est incréée. Il n'y a que les Roméo-catholiques qui la considèrent comme créée, ce qui permet toute désinvolture devant ses effets.

Dans cette partie historique vous dites ensuite que "le monachisme égyptien s'essouffla dans les querelles théologiques". Pour être plus précis, il faut dire qu'en Egypte le monachisme déclina à cause du schisme des monophysites, lesquelles se séparèrent au 5e siècle de l'Eglise et perdirent la Grâce.

"Après les invasions arabes, l'hésychasme se réfugia dans et autour de Byzance avec saint Maxime le Confesseur (+ 662) et ses successeurs. La pression des Turcs ...." etc. Vous parlez du 7e siècle - il n'y a pas de Turc qui court à cette époque, les Seldjouks n'arrivant qu'au 11e siècle). Vous oubliez ensuite la Palestine, la Terre Sainte, qui ne cessa jamais d'être un des hauts lieux du monachisme et surtout de l'érémitisme. A noter p. ex., après "les civilisateurs du désert" du 4e, 5e et 6e siècles, Saints Chariton, Euthyme le Grand, Sabas le Sanctifié, Théodose le Cénobiarche, Jean l'Hésychaste et bien d'autres, au 6e et 7e siècle les grandes figures de Sts Barsanuphe et Jean ainsi que celle de St Georges de Chozeba, contemporain de St Maxime le Confesseur, les moines de la Grande Laure de St Sabas où au 8e siècle brillent St Jean Damascène et d'autres hommes de Dieu et où, au siècle suivant, on traduit les écrits d'Isaac le Syrien. Il y a aussi la célèbre Laure de Suka, fondée au 4e siècle par St Chariton, laquelle fonctionna jusqu'au 13e siècle.

Vous oubliez aussi la Syrie où les ermites illuminés sont nombreux tout au long des âges jusqu'au 13 siècle également (pensons notamment au Monastère de St Symeon du Mont Admirable près d'Antioche et de la colonie d'ermites géorgiens dans ses parages). D'autre part, St. Maxime le Confesseur, au 7e siècle, ne se réfugia pas à Byzance, comme vous dites, mais s'en enfuit devant les envahisseurs Avares et Perses et s'établit en Afrique du Nord où il se lia avec St Sophrone, le futur patriarche de Jérusalem, puis alla à Rome, pour lutter avec le pape orthodoxe St Martin contre les monothélites. Là, il fut enfin arrêté et déporté à Constantinople où qu'il fut, comme on sait, condamné comme hérétique, amputé de sa main droite et de sa langue et envoyé en captivité en Anatolie où il mourut en saint confesseur.

Vous dites ensuite que St Grégoire Palamas "développa la contemplation fondée sur la paix du cœur et la répétition de la «prière de Jésus» ". Le terme "contemplation" en Orthodoxie n'a pas le sens roméo-catholique que vous lui donnez ici. Pour les Saints Pères, la contemplation correspond à un des stades de l'ascension vers le Royaume et n'a rien a voir avec votre mécanique "répétition de la prière de Jésus". Si vous voulez dire que St Grégoire contribua à faire revivre la pratique de la prière intérieure au Mont Athos, vous avez raison, toutefois il n'était pas le premier, car avant lui, il y eut St Grégoire du Sinaï qui en fit autant.

Par la suite, vos sources occidentales vous trompent encore plus en vous faisant dire que "saint Grégoire va proposer une théorie hardie et vigoureuse, jugée trop aventureuse par beaucoup, notamment en Occident..." etc. St Grégoire Palamas ne proposa pas une théorie, mais exposa la doctrine traditionnelle des Saints Peres que les Occidentaux (et leurs émules en Orient), rendus aveugles par leurs hérésies, évidemment ignoraient ou déformaient.

"Il introduit", dites-vous, "en Dieu une distinction entre l’essence et les « énergies »."

Cher Vladimir, quand des Occidentaux avancent de telles sornettes, on peut le comprendre, étant ce qu'ils sont.
Mais vous en tant qu'Orthodoxe, vous devriez savoir mieux! En effet, cette distinction se trouve déjà bien avant lui dans de nombreux écrits des Saints Peres. Il n'y a là absolument rien de nouveau. Mais étant devenus étrangers à la Tradition spirituelle de l'Eglise, les Occidentaux ont classé cela – ils adorent les classifications! - sous le vocable de "palamisme", lequel n'est qu'un produit de leur ignorance.

Plus bas, vous écrivez à propos du mouvement philocalique au Mont Athos: "...admettant certaines des idées nouvelles avec le retour aux véritables sources de l'hésychasme. Ce renouveau fut combattu pour cela par une fraction de moines de l'Athos: querelle entre « anciens et modernes » " etc. Cette présentation est confuse et inexacte. En fait, il s'agit du conflit entre les Collyvades, Athonites défenseurs de la Tradition, de la communion fréquente et de la prière intérieure, et leurs adversaires athonites qui se sentaient eux aussi comme défenseurs de la Tradition, mais considéraient la communion fréquente comme une présomption et la grande importance que les Collyvades accordaient à la prière comme teintée d'hérésie messalienne. Les uns comme les autres eurent comme opposants les "humanistes" occidentalisés et philopapistes de Constantinople, ce qui est une autre affaire.

Vous louez ensuite le "grand succès des écrits philocaliques en Occident", "l’enthousiasme du public occidental" auquel ouvrit la porte la 'Petite philocalie' de Jean Gouillard: "la spiritualité orthodoxe... fut vraiment réintroduite en Occident... ". Spiritualité orthodoxe pour les hétérodoxes? Voila deux choses incompatibles, mais malheureusement propagée par les œcuménistes. Il convient à cet égard d'attirer l'attention sur une remarque fort pertinente et importante faite par les traducteurs et éditeurs de la Philocalie en anglais (Faber & Faber, London 1979) dans leur introduction - remarque qui résume aussi toutes les objections qu'on peut faire à votre article. Après avoir souligné que les Peres neptiques, dont la collection intitulée "Philocalie" reproduit certains écrits ascétiques, étaient orthodoxes dans leur Foi et vivaient une vie orthodoxe, incorporée à l'Eglise Orthodoxe et ses sacrements, et que leurs textes s'adressent à des disciples également orthodoxes – raison pour laquelle les références à des questions de Foi et de vie ecclésiale y sont rares, puisque c'étaient des choses allant de soi -, ces traducteurs et éditeurs (G.E.H. Palmer, Philip Sherrard, Kallistos Ware) disent:

"Cette voie spirituelle appelée 'hesychasme' ne peut être suivie dans un vacuum. Bien que la plupart des textes de la Philocalie ne soient pas spécifiquement doctrinaux, tous ils présupposent la doctrine, même quand ils ne la mentionnent pas. De plus, cette doctrine implique une ecclésiologie donnée. Elle implique une conception particulière de l'Eglise et une vue du salut inextricablement liée à la vie sacramentelle et liturgique. Ceci revient à dire que l'hesychasme n'est pas quelque chose qui se serait développé indépendamment de ou parallèlement à la vie sacramentelle et liturgique de l'Eglise. Il en est tout au contraire une partie intégrante et organique. Lui aussi est une tradition ecclésiale. Pour cette raison, la tentative de le pratiquer en-dehors d'une participation active à cette vie sacramentelle et liturgique revient à le couper de ces racines vivantes. C'est aussi un abus de l'intention de ceux qui le présentent et l'enseignent, ce qui constitue un acte de présomption qui risque d'avoir des conséquences désastreuses, aussi bien mentales que corporelles."

***
Je dois encore ajouter ceci à ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi si souvent, Vladimir, vous utilisez et dirigez les lecteurs vers la littérature secondaire, c'est à dire des commentaires, des études, la plupart de source hétérodoxe, et non pas vers les sources premières, les écrits des Saints Pères eux-mêmes. C'est une notion bien occidentale que de penser que les Saints Pères nous sont devenus étrangers, inaccessibles et que donc nous avons besoin d'intermédiaires modernes pour nous les expliquer, avec évidemment le grand risque, mille fois vérifié, que ces "explications" tournent à la déformation, soit par ignorance, soit par intention.

La règle d'or pour qui veut connaitre la spiritualité orthodoxe, c'est de s'en tenir aux sources premières et de veiller à se procurer des traductions fiables, de préférence faites par des traducteurs orthodoxes. Et s'il n'a accès qu'à des traductions par des hétérodoxes, que du moins il écarte ou approche avec une grande précaution et avec discernement les introductions – souvent plus volumineuses que les textes traduits! – et les notes en bas de page.

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 25 Février 2014 à 08:00 | 65 commentaires | Permalien


Commentaires
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65.Posté par Vladimir G: tolérance, amour et charité ... le 13/02/2019 10:30
Merci, bien cher Isaak, pour cette démonstration de tolérance, d'amour et de charité à mon égard et à l'égard de tous ceux qui ne pensent pas comme vous... Je vous proposerais bien de vous reporter à la parabole du Grand Inquisiteur chez Dostoievsky.

Et je vous remercie aussi d'avoir remis en avant ce débat qui a donné lieu à des échanges très fructueux.

64.Posté par Isaac le 12/02/2019 21:41 (depuis mobile)
Ayant été moi-même "catholique" romain (et musulman avant) puis orthodoxe depuis 2012, je souscris à 3000% aux dires de Justine, ici et partout ailleurs ! Assez du politiquement correct religieux ! Á Vladimir G. ce conseil: quitter PO pour La Croix

63.Posté par justine le 28/02/2014 15:20
Dans mon post precedent, lire: "St Cyrille d'Alexandrie, au 5e siecle donc" (non pas: 4e)

62.Posté par justine le 28/02/2014 15:08
A Vladimir, post 65. Permettez-moi de vous contredire encore. Origène n'a pas été condamné pour hérésie en 553 seulement, mais de son vivant, comme signalé déjà dans mon post 56. Remarquez que j'indique aussi une source. Cette condamnation vers 230 par un synode local à Alexandrie est d'ailleurs confirmée par St Cyrille d'Alexandrie, lequel, au 4e siècle donc, dans sa lettre 81 (PG77, 373) appelle Origène "un hérétique à juste titre condamné parce qu'il ne pensait pas comme un Chrétien, mais suivait le bavardage des Hellènes" (c'est à dire des philosophes païens). Notez aussi qu'au 5e Concile Œcuménique furent présentés des actes d'archive d'Alexandrie qui confirmaient qu'Origène fut condamné en son temps pour "discours blasphématoires" qui lui valurent d'être privé par l'Eglise de l'autorisation d'enseigner, d'être destitué de la prêtrise (laquelle était d'ailleurs anti canonique) et d'être exilé de la ville (sources à l'appui chez W.A., Bienert, op.cit.). Et dans la "Première Vie grecque de St Pacôme", écrite vers 350 (trad. française A. Festugière dans "Moines d'Orient, IV/2, p. 174, Cerf 1963), nous lisons que "St Pacôme haïssait Origène qui avait été chassé de l'Eglise par Heraklas l'Archevêque d'Alexandrie, à cause de ses hérésies" (Heraklas exécuta la sentence prononcée sous son prédécesseur Demetrios, lequel venait de mourir). Et dans son "Histoire de la Philosophie", 1903, Karl Vorländer écrit qu'Origène "fut exclu de la prêtrise en raison de ses déviations de la doctrine orthodoxe et dut quitter Alexandrie".

Une présentation orthodoxe de toute cette affaire est accessible sur l'Internet au site du Diocese of Western Pennsylvania de l'OCA, dans une étude de l'archimandrite Jerome Newville intitulée "Origen, The Denier of Human Freedeom", publiée en plusieurs parties dans le périodique "Alive in Christ", nos de 2005-2007 (voir archives sur le site).

En ce qui concerne la définition, vous introduisez un nouveau terme: "origénien". L'Histoire de l'Eglise parle d'"origénistes" et d'"origénisme". Si vous en voulez une définition, lisez les 15 anathèmes du 5e Concile œcuménique et les 7 anathèmes de Justinien (NPNF, ed. Schaff, op.cit.). Notez d'ailleurs que ces anathèmes s'appliquent, comme spécifie le texte, non seulement à Origène et ses successeurs, mais également à tous ceux qui professent, défendent et promeuvent ces hérésies, où qu'ils soient et à quelle époque que ce soit.

L'origénisme revit de nos jours, dans les milieux académiques surtout. Il existe en Allemagne un site dédié spécialement à la diffusion de cette hérésie: "Arbeitskreis Origenes" www.origenes.de/lehre. On y lit, entre autres, le plus pur arianisme: "Le Christ est, après Dieu, l'esprit le plus élevé." Ce mouvement s'insert dans celui du New Age dont est tributaire également l'œcuménisme. L' inspirateur de tout cela est évidemment (est-il besoin de le précisera?) l'ennemi du Christ, l'Antichrist.

61.Posté par Vladimir.G le 27/02/2014 21:40
Nous nous heurtons encore à une question de définition: qui est "origénien"? Il est certain que la condamnation des thèses d'Origène n'a été prononcée qu'en 553 et que, jusque là, elles étaient l'objet de controverses. Je ne sais pas si on va dire que les saints Grégoire de Nazianze, Basile de Césarée, Jérôme de Stridon et Isaak le Syrien sont "origéniens" comme Didyme l’Aveugl, Evagre, Pallade... voire saint Jean Chrysostome qui refusa de condamner Origène et en fut puni de destitution et bannissement (bien peu de source apologétiques le précisent!), mais cela montre que Pellade s'inscrit normalement dans cette controverse comme le soutient le père Nicolas.

60.Posté par justine le 26/02/2014 08:53
A Vladimir (post 59) : Le terme "hérétique" n'est pas une insulte, contrairement à "raca" et "insensé", mais un diagnostic. C'est un terme utilisé par l'Eglise depuis le début pour désigner une personne qui choisit (du verbe grec αιρέω, dont dérive le mot français "hérétique") une position dogmatique différente, divergente de celle de l'Eglise et persiste dans son choix. Vous demandez que je vous cite un Père en la matière: on peut les citer tous, sans exception.

Quant à votre inclusion de St Jean Chrysostome parmi les Origénistes, je me joins sans réserve à ce que dit Daniel là-dessus. Ni aucun des autres Saints Pères n'était origéniste – "origénisme" étant le terme spécifique par lequel on désigne les doctrines hérétiques d'Origène -, car sinon ils ne seraient pas des Saints Pères. Il existe sur l'origénisme et les différentes phases de cette hérésie – en Egypte, en Palestine, le rebondissement récent en Occident - de nombreux témoignages d'historiens ecclésiastiques et de nos Saints Pères, y compris les actes du 5e Concile Œcuménique (canon 11, basé sur les 15 anathèmes de l'Empereur Justinien, qui de leur côté sont basés sur les hérésies professées à cette époque par les Origénistes en Palestine) et aussi des études théologiques et scientifiques. A veiller toutefois de se ressourcer non pas auprès d'auteurs eux-mêmes origénistes, mais orthodoxes ou du moins neutres. En ce qui concerne le 5e Concile, voir p. ex. "The Seven Ecumenical Councils", ed. Ph. Schaff and H. Wace, Nicene and Post-Nicene Fathers, vol. 14. Pour la Palestine, la source orthodoxe la plus complète est Cyrille de Skythopolis, "Moines de Palestine" (trad. A. Festiugière, dans "Moines d'Orient". Cerf 1963), notamment dans le volume III/2 le chapitre "Vie de Saint Sabas" ; et dans le volume III/3 les chapitres "Vie de Saint Jean l'Hésychaste" et "Vie de Saint Kyriakos".

59.Posté par Daniel le 26/02/2014 07:45
@ Hiéromoine Nicolas

Je parlais du message 59 de Vladimir : "Donc oui, Evagre, Pallade, saint Jean Chrysostome et d'autres étaient origéniste"

58.Posté par Vladimir.G le 25/02/2014 23:12
Je pense que Daniel vise mon 59, mais je m'associe au père Nicolas: mon raccourcis est trop rapide et je ne retrouve pas ma source, mais St Jean n'a-t-il pas été condamné pour sa proximité avec les thèses d'Origène?

57.Posté par Hieromoine Nicolas le 25/02/2014 22:31
@ Daniel
A qui adressez-vous votre message ?
Vous avez tout à fait raison. Les thèses théologiques condamnées au cinquième concile œcuménique n'ont jamais été celles de saint Jean chrysostome. Comme vous le dites, ce saint a fait bon accueil aux moines que l'on appelait alors origénistes par opposition à ceux qui étaient désignés sous le nom d'anthropomorphites.
Si votre critique me vise, je dirai simplement que qualifier saint Jean Chrysostome d'origéniste est un raccourci maladroit pour dire que la spiritualité telle que l'a décrite Evagre dans ses écrits se retrouve diffuse dans les œuvres du grand hiérarque de Constantinople, comme elle sera diffuse dans toute la littérature spirituelle ultérieure.
Pardonnez ma maladresse.

P.S. Le dimanche du pardon approchant, j'espère que les modérateurs vont clore ces discussions avant.

56.Posté par Daniel le 25/02/2014 18:36
Saint Jean Chrysostome n'a jamais été origéniste au sens où il aurait prêché la pré-existence des âmes, le salut universel, y compris du Diable.
Ne mélangeons pas tout.

Avoir accueilli des moines origénistes est une chose, être origéniste en est une autre.

55.Posté par Vladimir.G le 25/02/2014 15:05
Débat très intéressant dans lequel les arguments de Justine semblent un peu spécieux: l’œuvre d'Origène date de la première moitié du IIIe siècle et inspira de nombreux Pères de l’Église dont les saints Grégoire de Nazianze et Basile de Césarée, qui composèrent la "Philocalie d'Origène", sait Jérôme de Stridon à qui nous devons les traductions qui en restent, les originaux ayant disparu, saint Isaak le Sayrien, Didyme l’Aveugl, Evagre, Pallade... jusqu'à saint Jean Chrysostome qui fut chassé de Constantinople pour avoir accueilli les expulsés égyptiens dont parle Justine.

Il s'agit là de la "première controverse origéniste" qui n'aboutit à aucune condamnation définitive puisque le débat resurgit 2 siècles plus tard et aboutit à la condamnation des origénistes par le deuxième concile de Constantinople en 553 (11e anathématisme).

Donc oui, Evagre, Pallade, saint Jean Chrysostome et d'autres étaient origéniste avant que cette doctrine ne soit condamnée et la première controverse, qui vit la condamnation de St Jean, faisait partie de la lutte pour le pouvoir que ce livrèrent Constantinople et Alexandrie pendant plusieurs siècles...

PS: je ne sais pas si appeler quelqu’un "hérétique" vaut mieux que "Raca " ou "Insensé" ... Bien chère Justine, auriez-vous un Père pour m'éclairer?

54.Posté par Hieromoine Nicolas le 25/02/2014 14:02
@ Justine.
Je réponds très rapidement.
Origène, si mes souvenirs sont bons, a été renvoyé par son Evêque alors qu'il était en charge de la catéchèse à Alexandrie non pour ses positions théologiques mais parce qu'il avait pris à la lettre Mt 19, 12 pour échapper aux tentations de la jeunesse. (Pardonnez-moi, je n'ai pas sous la main le livre que vous citez à ce sujet).
Il est vrai que ce que l'on appelait "origénisme" chez les moines d'Egypte a suscité des réactions de saint Jérôme et de saint Epiphane de Salamine. (Il y aurait beaucoup à dire sur les raisons de cette opposition de saint Jérôme, non seulement à Evagre, mais aussi à sainte Mélanie l'ancienne et à son évêque Jean de Jérusalem). Je ne vais pas reprendre ici l'histoire. Mais il faut signaler que, pour justifier son ire, saint Jérôme a feint de croire que le concept latin d'"impeccantia" était le même que le concept grec d'"apatheia". Enfin, rien ne prouve que le Pallade dont parle saint Jérôme dans sa lettre est le futur Pallade d'Hélénopolis. Si tel était le cas, cela poserait d'insolubles problèmes de chronologie. Quoi qu'il en soit, je maintiens qu'aucune sanction officielle de l'Eglise, n'a été portée contre Evagre avant 553. Si vous le niez, produisez les documents. Les criailleries de saint Jérôme ne sont pas des sanctions ecclésiastiques.

+ A la fin de votre message vous ajoutez : " Enfin une question: depuis quand serait-il interdit de nommer "hérétique" un homme qui a été condamné pour hérésie par un Concile Œcuménique?" Pardonnez-moi, je ne saisis pas en quoi cette question me concerne. Je réfléchis tout de même …. Je concède que des thèses d'Origène d'Evagre et de Didyme l'aveugle ont été déclarées contraires à la foi. Certains peuvent déclarer aujourd'hui ces personnages "hérétiques". Je l'ai moi-même fait dans un message ci-dessus. Mais je dis qu'en bonne méthode historique il faut éviter les anachronismes.

En 399, Evagre n'était considéré comme hérétique par aucune instance ecclésiastique parlant au nom de l'Eglise, comme je l'ai montré, et nul en Egypte, ou à Constantinople ne le tenait pour tel. Pensez-vous vraiment que saint Jean Chrysostome ait aussi massivement enrôlé des moines égyptiens origénistes, les longs frères et Pallade, s'il y avait le moindre doute sur l'orthodoxie de leur foi ?

53.Posté par justine le 25/02/2014 11:38

Dans mon post précédent, il faut lire à la ligne 4: ".... son propre évêque, le patriarche Demetrios d'Alexandrie.....

52.Posté par justine le 25/02/2014 11:11
Une dernière réponse au hiéromoines Nicolas (post 51) par souci de vérité historique: les positions hérétiques d'Evagre étaient évidemment celles d'Origène, son maître, dont il était, au 4e siècle, le principal champion, et Origène avait été condamné pour celles-ci non seulement au 6e siècle, mais de son vivant déjà, par son propre évêque, le patriarche Denys d'Alexandrie, qui l'exila vers 230 de la ville. Voir à ce sujet: W.A. Bienert, "Dionysios von Alexandria, Zur Frage des Origenismus im 3. Jahrhundert", De Gruyter, Berlin 1978. De plus, Evagre fut accusé d'origénisme par St Jérôme en 415 (lettre 133). Dans sa biographie d'Evagre, écrite en 420 (Histoire Lausiaque, chap. 38), Pallade ne fait aucune allusion aux positions origénistes de son maître, puisqu'il fut lui-même, selon le même témoignage de St Jérôme, un adepte de cette hérésie. Enfin une question: depuis quand serait-il interdit de nommer "hérétique" un homme qui a été condamné pour hérésie par un Concile Œcuménique?

51.Posté par Nicodème le 24/02/2014 22:01
@Vladimir : merci de votre mise au point . je l'approuve d'autant plus que je suis moi aussi un "conservateur" , au moins au sens poutinien du terme , si ce n'est ecclésial . Mais sans le fagot . A propos de l'usage , quelque peu contreproductif , du terme "hérétique" , je voudrais renvoyer à la leçon de St François de Sales , mon saint patron , qui recommandait à ses dames de charité et/ou évangélisatrices , de ne jamais traiter leur interlocuteur , souvent réformé , d'hérétique , mais de le travailler lentement par l'amour et la douceur . Cet homme là aura ainsi réussi , par la patience , et la controverse publique certes , à ramener toute la Savoie ds le giron de l'Eglise romaine , censée représenter la catholicité , mais ceci est une autre histoire !! je trouve que cet évêque est une immense figure , "bien que" évêque de l'Eglise romaine .L'esprit-Saint souffle où il veut .

50.Posté par Tchetnik le 24/02/2014 21:28
Pour les Croisades, on peut aussi en sus des sources Grecques, latines, de Guillaume de Tyr à Anne Comnène, étudier les sources Syriaques et Arméniennes, les recouper, les recroiser, en particulier MATTHIEU D'EDESSE, disponible gratuitement sur le net, comme les Chroniques du Patriarche Michel le Grand, Patriarche de Syrie, également disponibles. Les sources qui ne sont ni latins, ni byzantines n'annulent évidemment pas celles du monde Byzantin et du monde Latin, mais permet de les recouper, de les comparer et de les remettre dans leur contexte, travail qui n'a pas toujours été effectué.


49.Posté par Vladimir.G le 24/02/2014 20:11
"on doit avoir la force d'accepter des objections et accorder aux autres la liberté d'exprimer leurs objections." Excellent précepte! J'y ajouterait qu'il faut aussi montrer un minimum de respect pour ses interlocuteurs: "celui qui dira à son frère: Raca! mérite d'être puni par le sanhédrin; et que celui qui lui dira: Insensé! mérite d'être puni par le feu de la géhenne..." Et quelle punition pour celui qui lui dit "hérétique"? Et cela n'empêche pas de "dire les choses comme elles sont."

Justine fait partie de ces Orthodoxes qu'on appelle en Russie les radicaux-conservateurs et je partage l'avis de Mgr Hilarion de Volokolamsk qui dit que l'’Église en a besoin "parce qu’ils lui permettent de ne pas tomber dans l’abîme du libéralisme, cet autre extrémité"; et il tempère aussitôt ce jugement: "le juste milieu consiste naturellement à se conduire de façon civilisée et à être capable de s’écouter quel que soient nos opinions. L’apôtre Paul dit qu’il faut bien qu’il y ait dans l’Église des groupes qui s’opposent, pour qu’on reconnaisse ceux qui ont une valeur éprouvée (I Cor 11, 19). Ces différentes opinions, dans la limite du raisonnable, bien sûr, non seulement existent dans l’Église, mais lui sont utiles : les représentants de l’Église ont besoin d’une critique constructive …" Et il est clair que si ces groupes radicaux prennent trop de pouvoir dans l'Eglise, on en arrive immanquablement à Torquemada comme le remarque justement Nicodème. Mais on n'en n'est heureusement pas là...

Le débat sur la mort d'Evagre est passionnant (merci père Nicolas et Justine) car, comme le démontre bien le père Nicolas, il montre les différentes façon appréhender un fait historique...
Je propose de reporter la discussion sur œcuménisme dans le fil dédié:
http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-3_a2536.html

48.Posté par Marie Genko le 24/02/2014 17:40
En réponse au message N°49

Chacun sur ce blog est libre de choisir ses auteurs en fonction de ses propres convictions.
Pour ma part je suis très admirative des ouvrages du professeur Steven Runciman

Voici ce qu'il écrit en préface de son ouvrage, "Le Schisme d'Orient"

"Il est difficile de traiter un sujet sensible comme celui-là sans provoquer l'irritation ou susciter les protestations. J'espère cependant que la teneur de ce livre n'offensera ni les partisans de l'Eglise de Rome, ni ceux de l'Eglise d'Orient. Si mes sympathies personnelles semblent aller à Byzance, c'est simplement parce que j'ai essayé de comprendre le point de vue byzantin. La plus part de ceux qui ont écrit sur ces malheureux évènements appartiennent au monde latin. Et bien que l'intégrité des Pères Amann et Jugie, pour ne citer qu'eux, soit au-dessus de tout soupçon, il est certain que la cause de Byzance a été jugée par défaut. Je crois que seule une compréhension totale et réciproque de leurs traditions et sensibilités peut permettre aux deux Eglises de se rapprocher un jour l'une de l'autre. Leur réconciliation paraît difficile dans l'immédiat, et je souhaite vivement que ce livre ne soit pas l'occasion d'un raidissement de part et d'autre, mais qu'il aide ne serait-ce qu'un peu à apaiser les esprits. S.R. Londres 1955 (édition Les belles lettres, Le Schisme d'Orient, Steven Runciman)

Nous sommes arrivés à un point de l'Histoire de l'Humanité où plus que jamais les chrétiens sont confrontés à des défis et des périls communs.
Depuis 2000 ans nos lois se fondaient sur les principes de la foi judéo-chrétienne et aujourd'hui, nous semblons renvenir dans l'obscurité d'un athéisme profondément agressif et intolérant!

Pour ma part, je souhaite de tout coeur que l'Esprit Saint permette l'unité de la Chrétienté.
Et cette unité doit être faite avec l'accord de tous les fidèles, autant Orthodoxes que Catholiques.

Voilà pourquoi il me semble si important de comprendre les erreurs commises autant en Orient qu'en Occident et d'en tirer les leçons.

Voilà pourquoi aussi je tiens à remercier Justine et Le Père Nicolas pour leurs travail et leurs contributions.

47.Posté par Hieromoine Nicolas le 24/02/2014 13:49
@Justine.

Quand vous écrivez : "Pallade a soigneusement évité de signaler son hérésie", vous déclarez que Pallade a eu une volonté de dissimulation de thèses hérétiques d'Evagre et de son supposé suicide." Que savez-vous des pensées et des dispositions intérieures de Pallade ? Sur quels faits, sur quels documents vous appuyez-vous ? Je crois que Tchetnik, dans un autre débat, avait fait les mêmes demandes … sans obtenir gain de cause. Il semble que vous soyez la première a tomber dans le travers que vous dénoncez chez ceux qui disent "Je pense que ..." et s'attribuent une autorité que rien ne justifie.
Voici ma réponse, j'espère qu'elle sera suffisamment factuelle, non pour vous convaincre (je crierais au miracle !), mais pour permettre aux lecteurs de se former une opinion.

Pallade n'avait pas à signaler ou à dissimuler l'hérésie de celui qu'il appelle son "maître" (tout en agissant à son insu à l'occasion Cf. H.L ch. 35, 3) parce ce que les thèses théologiques d'Evagre n'ont été condamnées qu'en 553, au cinquième concile œcuménique, soit près d'un siècle et demi après sa mort et celle de Pallade. D'autre part, on sait qu'Evagre enseignait à toute sa "fraternité" (etaira) aux Kellia – et donc à Pallade – tout ce qui touche à la vie spirituelle, mais qu'il réservait à un cercle très restreint d'érudits ses vues théologiques. Rien ne dit que Pallade en ait fait partie, en tout cas on ne trouve nulle trace des thèses condamnées en 553 dans ses ouvrages, ni dans l'Histoire Lausiaque ni dans le Dialogue sur la vie de Saint Jean Chrysostome qu'il rédigea.
Le fait que Pallade ait été un témoin oculaire de la mort de Pallade et qu'il la rapporte comme paisible, rend la thèse du suicide invraisemblable. Mais comme Justine soutient l'invraisemblable, il faut trouver d'autres raisons, les voici :

+ D'abord parce que tout le milieu des moines anthropomorphites (moines simples hostiles aux moines éduqués) aurait tiré argument de ce suicide et en aurait fait des gorges chaudes. Ce milieu avait déjà manifesté son opposition à Evagre dès son arrivée au désert (voir Apophtegme Evagre 7). Or, on n' a pas trace de semblables réactions après sa mort. Au contraire, la collection alphabétique des Apophtegmes (réunie au 5ème siècle, après la mort d'Evagre ) contient une série de ses sentences. Cette série de sentences n'aurait certainement pas été conservée, s'il était mort suicidé.

+ Le cas de Théophile, évêque d'Alexandrie à l'époque, est encore plus parlant. Dans l'opposition des anthropomorphites et des origénistes, Théophile a commencé par prendre le parti des origénistes et donc d'Evagre. Il était dans ces dispositions d'esprit à la mort d'Evagre au début de l'année 399. Comment aurait-il pu tenir cette position si Evagre s'était suicidé ? Certes, il changea d'idée (on l'avait surnommé "amphalax" = "Alternativement" ce qui peut s'entendre aussi par "la girouette") et il soutint ensuite les moines anthropomorphites. Mais ce ne fut qu'en 400, à l'occasion de sa lettre festale (lettre à l'occasion de pâques), soit presque un an et demi après la mort d'Evagre, qu'il manifesta son opposition aux "origénistes". Si Evagre s'était suicidé, il n'aurait pas attendu si longtemps et, surtout, il en aurait fait mention dans sa lettre festale. Or, on sait les raisons de ce revirement de l'Evêque. Il n'était pas inspiré par la théologie. Les "longs frères", moines origénistes, ayant déplu par leur critique de la manière dont Théophile gérait les biens de l'église, ce dernier se rangea dans le parti monastique qui leur était opposé, celui de moines simples et ignorants qui lui servait à l'occasion de bras armé pour piller les temples des idoles d'Alexandrie, spolier les juifs et mettre à mort les intellectuels païens comme la philosophe Hypathie. Jouissant en Egypte de pouvoirs autant ecclésiastiques que civils, Théophile chassa d'Egypte les "longs frères". Ceux ci se réfugièrent à Constantinople où saint Jean Chrysostome les accueillit, mais sans les admettre à la communion, demandant à Théophile des explications sur le motif de leur renvoi. Or, non seulement celui-ci refusa d'en donner (Vous pensez bien que si Evagre s'était suicidé, il en aurait fait état ), mais il trouva dans cet accueil minimal un prétexte pour incriminer saint Jean Chrysostome dont il n'avait pas voulu comme évêque de Constantinople (ayant eu son propre candidat), mais qu'il avait été contraint par l'eunuque Eutrope (tout puissant à la cour à l'époque) de consacrer, étant le titulaire d'Alexandrie, deuxième siège dans l'ordre des diptyques. Je ne vais pas vous raconter toute l'histoire mais cela aboutit au synode du Chêne, à la condamnation de saint Jean Chrysostome, à son exil et à sa mort. Et Théophile que fit-il ? Rentré à Alexandrie, on rapporte que, n'ayant plus rien à tirer des anthropomorphites, il reprit sa lecture d'Origène.

+ Je viens de parler de saint Jean Chrysostome. Restons avec lui. Croyez-vous vraiment que, si Pallade avait été le disciple servile d'un hérétique suicidé, saint Jean Chrysostome, l'aurait consacré évêque, à peine débarqué dans la capitale, à la fin de l'an 400, pour en faire le hiérarque d'Hélénopolis, ville pendante de Constantinopolis, alors qu'il avait reçu avec tant de précaution les "longs frères" de prestigieuse réputation ? A moins, bien sûr que Justine ne considère saint Jean Chrysostome lui aussi comme un disciple d'hérésiarque, puisqu'il s'est employé à accueillir (et à consacrer évêques pour certains) un bon nombre d'anciens moines origénistes venus d'Egypte.

La thèse d'un suicide d'Evagre est absurde dans le contexte historique. Justine est la seule, à ma connaissance, qui la soutienne. Ne serait-il pas plus ... – je cherche un mot neutre – … opportun de tenir compte des genres littéraires, et de considérer que, comme je l'ai déjà écrit, Jean Moschus (550 - 617), assisté par Sophrone de Jérusalem (le rhéteur) pour la rédaction d'une bonne part du "Pré spirituel", a forgé, après la condamnation d'Evagre, le récit que vous rapportez pour signifier que Evagre était un Judas, et mettre en garde ainsi les chrétiens de son temps contre une lecture inconsidérée des textes théologiques évagriens, mais non pour rapporter les circonstances historiques de sa mort. Il serait facile, mais long, de montrer que Jean Moschus et surtout Sophrone de Jérusalem sont des praticiens accomplis de ce genre littéraire d'amplification à visée édifiante, comme on peut le voir dans la "Vie de sainte Marie l'Egyptienne" ou dans les "Récits des miracles des saints Cyr et Jean". Mais ce serait là une autre étude et l'occasion d'autres débats, car je crains qu'en parlant de "genres littéraires" dont il faut tenir compte pour lire et comprendre les textes (même la Bible et les écrits des saints pères, anciens et modernes), je n'ai agité un chiffon rouge. Mais, Justine, vous pourriez me faire sur ce point une bonne surprise, du moins je l'espère. En tout cas, ne comptez pas sur moi pour débattre de cela avec vous, je perds beaucoup trop de temps à rédiger ces messages et mon travail en pâtit.
Je crois avoir dit tout ce que je pouvais sur le sujet. Maintenant c'est au lecteur de juger et de dire si mes arguments pour réfuter la thèse de l'historicité du suicide d'Evagre lui semblent fondés ou si la confiance de Justine dans un texte édifiant rédigé deux siècles après les faits pour établir un fait historique lui paraît pertinente.
P.S. Justine, je suis heureux que vous n'ayiez rien à voir avec l'auteur dont j'avais gardé un vague souvenir. Renseignement pris, et pour que les lecteurs de ce blog sachent ce qu'il ne faut pas faire, je les renvoie à ce que mon correspondant m'écrit :

"En ce qui concerne Boulgakov, on le trouve dans un article du recueil "Regards sur l'Orthodoxie. Mélanges offerts à Jacques Goudet. textes réunis par Germain Ivanoff-Trinadtzaty, L'Age d'Homme, 1997, ayant pour auteur Ludmilla Pérépiolkina, et intitulé "L'Orthodoxie parisienne : un laboratoire de faux enseignements et d'hérésies" (p. 215-236). La recension que vous évoquez a été faite par Jean Besse, dans le Messager orthodoxe, 129, 1997, p. 59-63." Je ne suis pas sûr que ce soit une lecture à recommander.

Peut-être vaut-il mieux relire au moins le traité d'Evagre intitulé : "Evagre le Pontique, Traité pratique ou le Moine, Sources Chrétiennes 170– 171, Cerf, Paris, 1971."
On peut y ajouter :
+Pallade, Histoire Lausiaque, Spiritualité Orientale 75, Bellefontaine, 1999., avec son commentaire : Ascèse, contemplation et ministère, Spiritualité Orientale 64, Bellefontaire, 1995.
+Pallade, Dialogue sur la vie de Saint Jean Chrysostome, Sources Chrétiennes 341-342.
Naturellement pour ce qui est de l'histoire du milieu monastique égyptien et de la doctrine d'Evagre on ira puiser dans la bibliographie d'Antoine Guillaumont et de Derwas Chitty.
Pour des vues plus synthétiques, la consultation du Dictionnaire de Spiritualité aux différentes entrées concernées serviront d'excellentes introduction.
Ouf ! j'ai fini.
P.S. Je dois corriger un lapsus calami et présenter aux lecteurs mes excuses : Dans des messages précédents, j'ai situé Evagre à Nitrie, on aura compris que je voulais dire l'établissement monastique des Kellia.

46.Posté par Nicodème le 24/02/2014 13:14
A propos du message (en français , on dit "message" , pas "post") 48 : je n'ai fait aucune faute de grammaire ni aucune faute d'orthographe :
" j'entends que els règles soient els meêms pour tous . Il ne faudrait aps"

"els" , "meêms" , "aps" , sont des erreurs qui se reconnaissent à l'inversion systématique de deux lettres . Ce sont évidemment des fautes de frappe . Je comprends bien que cela soit désagréable à la lecture , et j'aurais dû me relire plus soigneusement , mais faire l'amalgame avec des fautes de grammaire ou d'orthographe est un procédé destiné à m'humilier et qui ne déshonore que son auteur .

P.S.: ce message est archivé

45.Posté par Tchetnik le 24/02/2014 11:07
Les travaux de Steven Runcinam ont certainement eu de la pertinence et de la justesse, en particulier quand il s’est agit de démontrer la richesse et la beauté tant artistique que spirituelle ou économique et sociale de civilisations Chrétiennes Orientales, qu’elles aient été Byzantines, Arméniennes, Syriaques ou autres. Richesse qu’il a fort bien sourcée, documentée, référencée par un travail de compilation et de comparaison de sources, de témoignages, d’éléments de patrimoine. Il a ainsi debunké bien des mythes négatifs et antichrétiens datant pour l’essentiel des « lumières ».
En revanche, Il a eu du mal à comprendre que les Croisades avaient quand même duré près de deux siècles et qu'on ne pouvait ramener ce mouvement uniquement à la IVième, sur laquelle on pourrait du reste dire bien des choses quant aux responsabilités et aux magouilles des empereurs Grecs...

Sa bienveillance légitime envers ces civilisations l’a aussi amené à exprimer envers les nations Chrétiennes Occidentales des appréciations qui, elles en revanche, restent stéréotypées et bloquées sur un soi-disant « chaos » de tout ordre, ce en dépit des très nombreuses chroniques, sources, documents et même éléments encore bien visibles du patrimoine artistique et architectural, qui prouvent que, si ces nations connaissaient bien des structures politiques parfois instables (bien plus que les Byzantines qui apparaissaient comme des modèles à côté), elles étaient bel et bien prospères et développées autant culturellement, spirituellement, artistiquement qu’économiquement et socialement. De ce point de vue, la France Mérovingienne ou l’Espagne Wisigotique n’avaient rien à lui envier. De plus, comme les innombrables chroniques, manuscripts et autres sources le prouvent, les liens entre Europe occidentale et Byzance ne se sont jamais perdus. Bien des médiévistes comme Karl Ferdinand Werner, Louis et Émile Bréhier, Régine Pernoud, Jacques Heers, Ian Wood et autres ont largement apporté leur contribution et prouvé que le « chaos » du haut-Moyen-Âge relève du mythe plus que d’autre chose. Runciman est intéressant mais il convient sur ce point comme sur d’autres, de le nuancer et de le compléter. Il avait ses sympathies, ce qui est normal et légitime, l’Histoire n’étant pas une science sèche, mais il convient de montrer que, si ces sympathies lui ont fait toucher du doigt certaines choses, elle lui en ont masqué quelques autres. Il a combattu certains mythes mais en soutenant d’autres mythes ce qui n’est pas une démarche toujours heureuse. Certains orthodoxes croient servir leur église en reprenant à leur compte des mythes qui ne semblent tournés que contre l’Église Catholique mais qui en réalité le sont contre tout le Christianisme.
Par ailleurs, il a pu échapper à Steven Runciman que à Byzance aussi, le type de chevalier Chrétien armé existait...

Envers l’islam aussi son travail reste hélas imparfait et stéréotypé. En voulant trop démontrer la brillance des civilisations orientales, il a été amené à séléctionner un peu trop les sources qui lui convenaient pour minimiser les autres et est ainsi tombé dans le piège de l’extrapolation ou du Hors-contexte. Notamment sur toutes les chroniques, sources, documents et témoignages qui montrent que toute la connaissance que l’on doit soi-disant aux « Arabes » sont en fait d’origine Byzantine, Arménienne ou Syriaque justement (les Arabes Chrétiens comme le nestorin Hunayn Ibn Ishaq ont joué dans la transmition de certains savoirs un rôle majeur), et de tous les manuscripts qui, du Mont Saint Michel (avec entre autres Jacques de Venise, Grec d’origine) au Matenadaran, prouvent la transmition à l’Occident et la large antériorité de ce savoir dans ces civilisations. Averroes, comme Avicenne ou Al Farabi ne parlaient pas un mot de grec, ce qui, pour traduire Aristote, les rend définitivement marrons. Sans oublier que, s’il était issu du monde musulman, ses croyances personnelles l’en éloignaient considérablement et qu’il eut de gros problèmes alors, un peu comme Al-Razi.

Ensuite, Runciman a hélas passé un peu vite sur toutes les sources et témoignages intérieurs et extérieurs (Arméniens et Grecs par exemple) qui montrent le caractère fondamentalement violent et mortifère de l’Islam (condensé d’hérésies d’origine Chrétiennes pour la plupart comme le nazaréisme, l’Arianisme, ou Juives comme celles qui reconnaissaient le Christ comme prophète), caractère sans précédent, sans équivalent en qualité comme en quantité, généralisé à toute la condition humaine, contenu et explicité dans le coran comme les hadith, et la concrétisation de cette violence dans les traitements cruels, esclavages, meurtres, rackets, appliqués de manière institutionnalisée et systématique à toute la population non musulmane là où les musulmans se sont imposés par le glaive, ce de l’Espagne Wisigotique à la Serbie, l’Arménie, les Balkans, les Arabes AssyroChaldéens, les Coptes, l’Éthiopie, ou même bien plus loin en Afrique ou en Asie.

Violence qui s’est aussi traduite par le fait que, si agression il y eut contre les brillantes civilisations Chrétiennes orientales, elles viennent chronologiquement en premier lieu de l’islam (destruction de la ville d’Ani en 1064 et épopée du Prince Roupen qui, avec les Croisés Français de Godefroi de Bouillon, reconstruisit l’Arménie Cilicienne et se sont révélées alors bien plus dures et totales que les quelques imperfections des Croisés. Violences qui ont motivé les Croisades. Croisades qui, loin d’avoir été commises pour des raisons uniquement « économiques » ou « politiques » comme certains marxistes souhaiteraient nous le faire croire, ont été porteuse d’un élan spirituel que toutes les études sérieuses s’accordent à décrire comme profond et sincère (Rodney Stark, Jean Richard ou Louis Bréhier y compris d’ailleurs).

44.Posté par Nicodème le 24/02/2014 10:27
P.O. MIEUX QUE "AD HOMINEM" - des commentaires sans fautes de grammaires, d'orthographe et de frappe....
***

Justine dixit :"Une remarque de principe qui s'adresse aussi à Nicodème : quand on participe à une discussion, on doit avoir la force d'accepter des objections et accorder aux autres la liberté d'exprimer leurs objections. Autrement, à quoi bon discuter si on a juste le droit de dire amen?"

En dehors du fait qu'il s'agit d'une attaque ad hominem , et foncièrement injuste , je proteste auprès du censeur , qui se targue de censurer avant tout les attaques opersonnelles . Que fait-il ? il dort ? Je ne dis pas cela par crainte de ne pas pouvoir répondre çà une orthodoxiste bon teint , mais parce que j'entends que els règles soient els meêms pour tous . Il ne faudrait aps que PO arrive au niveau de la société civile de notre pays ...

43.Posté par Marie Genko le 23/02/2014 22:06
Voici ce qu'écrit Steven Runciman, le plus grand spécialiste contemporain de Byzance à propos de la première croisade:

"Les Byzantins, de plus, rejetaient la notion de guerre sainte. Leurs grands théologiens, comme Basile de Césarée, avaient décrété qu'aucune guerre n'est sainte, même lorsqu'elle est nécessaire; et Byzance était particulièrement choquée de voir tant d'évêques et d'aumoniers casqués dans les armées de la croisade. Mais ce point de vue n'était pas celui des croisés." (Steven Runciman Le Schisme d'Orient page 77 édition les belles lettres)

Deux pages plus haut Steven Runciman écrit aussi:

"Il est bien regrettable que la première armée de croisés à pénétrer sur le territoire byzantin ait été aussi la plus indisciplinée et la plus désorganisée. Pierre l'Ermite et Gauthier Sans Avoir n'avaient aucune autorité sur les paysans surexcités qu'ils conduisaient. Pierre pour sa part, jouit d'une certaine estime auprès des populations byzantines. Son apparance était celle qu'ils associaient habituellement à la sainteté. Il était pauvre, laid et sale et montait un âne pauvre laid et sale....L'empereur lui-même fut impressionné par sa personnalité. Mais ceux qui l'accompagnaient volèrent et semèrent le trouble partout où ils passèrent. On ne faisait jamais assez pour eux. Ils refusaient les conseils qu'on leur donnait. Et lorsque leur cupidité et leur inconscience les eurent conduit au désastre de Civetot, c'est sur l'empereur qu'ils en rejetèrent la responsabilité"
(même ouvrage page 75)

Si l'intention première du Pape Urbain II, de venir en aide aux pélerins de Terre Sainte, fut tout à fait louable, par la suite ce fut indubitablement la quatrième croisade et le sac de Constantinople qui consommèrent l'effroyable déchirure, dont souffre jusqu'aujourd'hui l'Eglise du Christ..

42.Posté par justine le 23/02/2014 21:12
Au Hieromoine Nicolas: Je peux vous rassurer que je ne suis pas l'auteur du texte que vous mentionnez sur le P. Serge Boulgakov, dont j'ignore jusqu'à l'existence. Quant aux morts pénibles des hérétiques, nos Saints Pères et nos textes liturgiques nous en informent dans un souci d'avertissement. Voyez par exemple le Synaxaire au 30 août; mémoire de St Alexandre, patriarche de Constantinople, où il est question de la mort lamentable d'Arius (laquelle est par ailleurs décrite dans plusieurs textes liturgiques). Sans parler des récits évangeliques sur la mort de Judas.
Quant à Pallade, en disciple fidele, on n'attend pas de lui qu'il dise quelque chose qui puisse porter ombrage à son maitre, et il a toujours soigneusement évité, en parlant de lui, de signaler son hérésie.

Une remarque de principe qui s'adresse aussi à Nicodème : quand on participe à une discussion, on doit avoir la force d'accepter des objections et accorder aux autres la liberté d'exprimer leurs objections. Autrement, à quoi bon discuter si on a juste le droit de dire amen?

41.Posté par justine le 23/02/2014 20:34
A Vladimir, post 38. Concernant votre reproche d'un "ton abrupte et sans appel": dans ce monde contemporain des ambigüités et de l'hypocrisie généralisée, où personne n'ose plus dire les choses comme elles sont, de peur de "heurter des sensibilités" – on en vient même à censurer les paroles de l'Evangile et qui sait où cela va nous mener encore - , il est nécessaire de dire les choses comme elles sont. Cela peut déplaire à certains, mais peu importe. Le Christ Lui-même nous exhorte à dire "oui" pour "oui" et "non" pour "non", car ce qui va au-delà "vient du Malin" (Mt 5,37-38). Pour ma part, je ressens toujours un grand soulagement quand j'entends quelqu'un dire les faits sans détour, sans broderies ambigües et politesses hypocrites. C'est un tel discours que nous trouvons toujours chez les Saints Pères - qui eux, comme Saint Paul, ne se souciaient guère de ce que le monde pouvait penser d'eux, car "si je voulais encore plaire aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ" (Gal 1,10) – et aussi dans nos textes liturgiques. C'est pour cette raison d'ailleurs qu'on tente aujourd'hui de les abroger ou "épurer"....

Quant à St Nikolaj et d'autres qui ont soutenu le mouvement œcuménique à ses débuts, on a déjà signalé plusieurs fois qu'ils se sont ensuite séparés de ce mouvement parce qu'ils ont constaté qu'il déviait complètement du but qu'ils lui avait assigné à l'origine. Quant à votre article sur le sujet que vous me demandez de commenter, il est clair que vous écrivez à partir d'une position œcuméniste ou du moins philo-œcuméniste ou fortement sympathisante, comme le montre déjà la citation de Berdiajev que vous mettez en exergue: "Rentrer, du plus profond" etc., laquelle suggère qu'il s'agit simplement d'établir des relations fraternelles avec "les chrétiens de toutes confessions", éclipsant entièrement l'œuvre cruciale, essentielle de ramener les hétérodoxes à l'Orthodoxie, but assigné à l'origine par St Nikolaj et autres Orthodoxes à ce mouvement.

Or, comme le dit expressément le document "Principes fondamentaux régissant les relations de l'Eglise orthodoxe russe avec l'hétérodoxie": "L'unité authentique n'est possible que dans le sein de l'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Tous les autres 'modèles' d'unité sont irrecevables" (2.3) et : "Absolument inacceptable et liée avec celle qui vient d'être exposée, est la théorie dite 'des branches', qui considère comme normale et providentielle l'existence du christianisme sous forme de 'branches' distinctes" (2.5).
Et plus loin: "Pour l'Orthodoxie l'affirmation selon laquelle les divisions des chrétiens sont une imperfection inévitable de l'histoire chrétienne, qu'elles n'existent qu'à la surface de l'histoire et qu'elles peuvent être guéries ou maîtrisées moyennant des compromis entre dénominations est inacceptable" (2.6), et: "L'Église orthodoxe ne peut reconnaître l' 'égalité des dénominations'. Ceux qui ont déchu de l'Église ne peuvent lui être à nouveau unis dans l'état où ils se trouvent actuellement; les divergences dogmatiques existantes ne doivent pas seulement être contournées, mais surmontées. Cela signifie que le chemin de l'unité est un chemin de repentance, de conversion et de renouveau" (2.7). Notons aussi cette constatation:
"Les erreurs et les hérésies apparaissent comme conséquence d'une auto-affirmation et d'un isolement égoïstes. Toute scission, tout schisme entraînent à un degré ou à un autre la déchéance de la plénitude ecclésiale. La division, même si elle ne découle pas de raisons d'ordre doctrinal, est une atteinte à la doctrine de l'Église et en fin de compte conduit à une altération de la foi" (1.14).

En fait, ce document de l'Eglise russe est tellement complet et inéquivoque qu'il suffisait de le reproduire pour informer les lecteurs de PO sur la question d'une manière orthodoxe. Notez d'ailleurs le "ton abrupte et sans appel" de ce document!

Dans votre article vous énumérez bien certaines protestations orthodoxes du siècle passé (Déclaration d'Oberlin notamment), mais vous ne signalez pas que depuis deux décennies, ces protestations ont cessé et que, au lieu de s'y opposer de manière manifeste et inéquivoque, la majorité des représentants orthodoxes se laissent entrainer de plus en plus par l'idéologie protestante du COE – notamment aussi dans ce souci néfaste de "ne pas heurter des sensibilités", avec le résultat qu'on heurte le Christ, Son Eglise et la Sainte Foi orthodoxe! - et ont signé des documents clairement hérétiques exprimant l'ecclésiologie protestante des "branches" et acceptant que les soi-disantes "églises" (lis: sectes) protestantes soient traitées sur un pied d'égalité avec l'Eglise Orthodoxe, c'est à dire avec l'Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique.

40.Posté par Vladimir.G le 23/02/2014 19:14
Il est essentiel de bien avoir à l'esprit que l'"Esprit des Croisades" à l'encontre de l'Orthodoxie a perduré dans l'Eglise catholique jusqu'au XXe siècle et ce n'est que Vatican II qui y a mis fin (1). Mais bien des orthodoxes n'ont pas encore compris est intégré cette volte face...

(1) Cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Vatican-II-et-l-Eglise-orthodoxe_a3551.html

39.Posté par Tchetnik le 23/02/2014 17:22
l'"Esprit des Croisades" en l'occurrence provenait d'une situation particulièrement difficile faite aux Chrétiens de Terre Sainte et d'Asie Mineure et de la nécessité de les protéger.

Ce furent des guerres de riposte qui, comme toutes guerres, ne furent pas parfaites, mais n'en furent pas moins motivés, avec des effets somme toute bien plus positifs que négatifs.

Je souhaite que les Catholiques, qui, pour beaucoup, sont Orthodoxes sans le savoir, conservent cet esprit.

38.Posté par Marie Genko le 23/02/2014 14:56
Cher Nicoldème,

Chacun d'entre nous ici s'efforce de défendre sa foi orthodoxe.
Et chacun d'entre nous est heureusement conscient qu'il n'est pas infaillible.

Lorsque Justine écrit, je la cite :

"Comme quoi on met toujours "ce que je pense", "il me semble" au-dessus de ce que dit l'Eglise,"

Je suis certaine qu'elle a raison de l'écrire, car chacun d'entre nous doit défendre les paroles des Pères de l'Eglise.

Mais je veux aussi remercier le Père Nicolas d'avoir écrit, je le cite :

"Je dis seulement que les hétérodoxes sont l'objet de la tendresse de Dieu et de sa divine Providence. Dieu permet qu'il en soit avec eux comme avec les petits chiens dont parle la Cananéenne qui se nourrissent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres (une table que trop souvent les maîtres méprisent, d'ailleurs, tout en cultivant une arrogance difficilement supportable). Or ces miettes (une icône, la prière de Jésus, un écrit patristique, que sais-je encore ?) ne sont pas des résidus inertes, mais des bombes qui produiront leur effet tôt ou tard. Il n'existe une "spiritualité orthodoxe" que dans les livres. Dans la vie, il y a des orthodoxes et des hétérodoxes qui sont l'objet de l'amour de Dieu et qui cèdent chacun plus ou moins à ses instances. La Trinité sainte est le sujet de notre vie spirituelle. Nul n'est propriétaire des moyens de sainteté, tous sont des forteresses que le Seigneur veut prendre d'assaut et investir par les moyens qui lui semblent les plus appropriés. "

Je ne pense pas que ces deux affirmations soient contradictoires, elle nous font simplement réfléchir d'une part à notre responsabilité d'orthodoxe et d'autre part au fait qu'il ne nous appartient pas de préjuger de la miséricorde divine.

Chacun d'entre nous, orthodoxe ou pas, peut être victime d'illusion.

Je concluerai en disant qu'il me semble plus important d'unir nos forces et nos connaissances à la défense de la pureté de la Tradition orthodoxe.

Car le triomphe de l'Orthodoxie ne saurait se construire sur des bases théologiques erronnées!

Voilà pourquoi, il me semble qu'une étude attentive de l'Histoire bi millénaire de notre Eglise et une connaissance, aussi approfondie que possible des décisions de nos conciles, peut nouspermettre d'être les gardiens vigilents de notre foi orthodoxe.

Moi qui sais combien vaste est mon ignorance, je ne peux que prier instamment autant Justine que le Père Nicolas de continuer à nous éclairer.

37.Posté par Nicodème le 23/02/2014 00:28
J'ai été censuré pour avoir dit , en substance , la même chose que ce que viennent de dire Vladimir et frère Nicolas , mais sous une forme qui a , semble-t-il , déplu au censeur , et pourtant , je n'attaquais personne nommément , moi ! Je les remercie en tous cas d'avoir réussi à passer à travers la censure et de dire ce qui méritait d'être dit . J'ajoute que je refuserai toujours de partager la même foi que certaine , qui vient de se faire remonter les bretelles ...C'est comme si on me demandait de partager celle de Torquemada .

36.Posté par Hieromoine Nicolas le 22/02/2014 16:40
Pardonnez-moi, je trouve à l'instant dans l' Histoire Lausiaque (ch 38) ce qui concerne la mort d'Evagre, écrit par un de ses disciples, témoin oculaire. Cela sera peut-être utile aux lecteurs de cet échange :
"Plus tard, la seizième année de ce régime de crudités, la faiblesse de son estomac contraignit son corps à consommer des aliments cuits. Dès lors, il ne mangea plus de pain mais , deux années durant il ne mangea que des légumes… c'est dans ces dispositions qu'il mourut après avoir communié à l'église pour l'épiphanie…."

35.Posté par Hieromoine Nicolas le 22/02/2014 16:12
Hélas pour vous, Evagre ne s'est pas pendu. Pallade qui a assisté à sa mort (399) l'aurait signalé et n'en aurait pas parlé comme d'un saint. Aucun auteur n'a dit une telle chose avant le cinquième concile œcuménique (553) où, lors d'une conférence préconciliaire, les Pères condamnèrent la doctrine d'Origène, d'Evagre et de Didyme l'aveugle sur la préexistence des âmes, leur chute dans le corps et l'apocatastase. Par contre, certains, dont Jean Moschus (550 - 617), assisté probablement de Sophrone de Jérusalem (le rhéteur), ont forgé le type de récit que vous rapportez, après sa condamnation, pour signifier que Evagre était un Judas, mais non pas pour rapporter les circonstances historiques de sa mort. D'autres, mieux inspirés, ont conservé les ouvrages ascétiques et spirituels d'Evagre et en ont fait profiter l'Eglise sous des noms d'emprunt, par exemple saint Nil.
Votre attachement à démonter la kakodoxie d'un auteur par la pénibilité de sa mort me rappelle vaguement quelque chose. Ily a quelques années quelqu'un a écrit un texte (un livre ?) dans lequel il tirait des conditions douloureuses de la mort du P. Serge Boulgakov la preuve de sa kakodoxie. Ce livre avait été, évidemment éreinté par les recenseurs. N'en seriez-vous pas l'auteur ? Si ce n'est pas le cas, veuillez me pardonner.
Enfin, et c'est ma dernière intervention : Je peux vous faire le même reproche que celui que vous adressez à Vladimir : vous affirmez faussement, on vous reprend, vous attaquez la personne au lieu d'argumenter ou de répondre aux questions. Vous avez déjà suivi la même méthode avec Tchetnik. Arrêtons là, voulez-vous ?

34.Posté par Vladimir.G le 22/02/2014 14:40
Bien chère Justine,

Je n'ai jamais cherché à argumenter avec vous tant je reconnais votre érudition et tiens à vous remercier de vos commentaires. Mon ironie concernait uniquement votre ton abrupte et sans appel, qui a aussi été relevé par d'autres participants. C'est ce ton seulement que je regrette, car il rend la lecture de vos commentaires rébarbative alors que le contenu en est intéressant (malgré les imprécisions que relève le père Nicolas...)

Je suis flatté du qualificatif "œcuméniste" que vous m'attribuez. J'ai en effet une grande admiration pour St Nicolas d'Ohrid et tous les Orthodoxes qui ont fondé le mouvement œcuménique (je leurs avaient consacré une petite série d'articles en juillet 2012. Cf. liens ci-dessous*) et je reste toujours dans la ligne de la "Déclaration des participants orthodoxes" à la Première Conférence mondiale « Foi et Constitution » qu'ils ont tous signés: "Comme il a été souligné plus d'une fois au cours des pourparlers qui ont déjà eu lieu, en matière de foi et de conscience religieuse, aucun compromis n'est de mise dans l'Église orthodoxe et il n'est pas possible de fonder sur les mêmes mots deux conceptions, deux représentations et deux explications différentes de formulations reçues par tous. Et les orthodoxes ne peuvent espérer qu'une unité fondée ainsi sur des formulations ambiguës puisse être de longue durée... L'Église orthodoxe estime que toute alliance doit se fonder sur une foi commune ... L'accord sur la nécessité des sacrements dans l'Église, par exemple, n'a aucune valeur pratique s'il existe des différences radicales entre les Églises concernant leur nombre, leur signification et en général l'essence de chacun, leurs effets et leurs résultats...

En conséquence, nous ne pouvons accepter une conception de la réunification qui se limite seulement à des éléments insignifiants: selon l'enseignement de l'Église orthodoxe, là où il n'y a pas communauté de foi, il ne peut y avoir communion dans les sacrements. Nous ne pouvons même pas ici appliquer le principe de l'Économie qui pourrait jouer dans d'autres circonstances et que l'Église orthodoxe a souvent adopté à l'égard de ceux qui se convertissaient à elle." (In "Principes fondamentaux régissant les relations de l'Eglise orthodoxe russe avec l'hétérodoxie".
* Mes articles "Quelques jalons de l'œcuménisme orthodoxe"(en feriez vous un commentaire pour changer de sujet, comme le propose le père Nicolas?): http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-1_a2514.html
http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-2_a2526.html
http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-3_a2536.html

33.Posté par Marie Genko le 22/02/2014 14:36
Chère Justine,

Qui pourrait vous reprocher de défendre la foi droite?

Mais tout comme le Père a laissé aller le fils prodigue, comment pourrions nous aujourd'hui interdire un mariage mixte à l'un de nos enfants?
Nous ne pouvons que prier que la connaissance de l'Orthodoxie les amène eux, et leur famille, à revenir dans le giron de l'Orthodoxie!
J'ajouterai que la proximité de l'Orthodoxie à présent en Occident a certainement des conséquences sur le monde catholique latin.
Si certains en sont encore à l'esprit des croisades, d'autres ont bien compris que le catholiscisme tel qu'il a été pratiqué et enseigné jusqu'à présent n'est plus compatible avec justement la conscience de l'homme contemporain.

Il me semble que nous pourrions être d'accord si nous disions qu'il est important de prier pour que les hétérodoxes prennent conscience de leurs erreurs!
Il est important de prier pour que l'Orthodoxie reste la Foi droite des Pères de l'Eglise!
Et enfin il est important de ne pas nous faire juges des consciences de ceux qui sont dans l'hérésie.

Avec toute mon amitié Marie

32.Posté par justine le 22/02/2014 12:31
A Daniel, sur la fin d'Evagre le Pontique:
Dans le "Pré Spirituel" de Jean Moschus se trouve le récit suivant (chap. 177):
"Abba Jean le Cilicien [note: il s'agit du célèbre higoumène de Raïthou dans le Sinaï; c'est lui qui demanda à Jean du Sinaï à écrire son "Echelle"] relata ceci: 'Lorsque nous vivions à l'Enaton d'Alexandrie [note: centre monastique sur la côte égyptienne à 9 milles d'Alexandrie], un moine égyptien nous visita et nous raconta qu'un moine de l'étranger vint à la Laure des Cellules et voulait y rester. Il fit une métanie au presbytre et le pria de le laisser habiter dans la cellule d'Evagre. Mais le presbytre lui répondit:
- Tu ne peux y habiter.
Le frère rétorqua:
- Si tu ne me permets pas d'y habiter, je m'en vais.
Alors le presbytre lui dit:
- En vérité, mon enfant, un terrible démon y demeure. C'est lui qui a entrainé Evagre sur le chemin de l'erreur et l'a poussé à déchoir de la foi droite et lui a insufflé ses enseignements abominables. Et il ne laisse personne habiter là.
Mais le frère insista et répondit:
- Si c'est pour rester ici, je veux habiter cette cellule.
Alors le presbytre lui dit:
- Va, selon ton propre jugement, et habites-y.
Le frère y alla donc et habita une semaine dans cette cellule. Lorsqu'au saint Jour du Seigneur il vint à l'église, le presbytre le vit et fut soulagé. Mais le dimanche suivant il ne vint pas à l'église. Alors le presbytre demanda à deux frères d'aller voir pourquoi il n'était pas venu. Lorsque les frères arrivèrent à la cellule, il trouvèrent le frère pendu, avec une corde qu'il s'était mise autour du cou.' "

Ce presbytre donc savait qu'Evagre était mort de la même façon et pour cela il ne voulait pas que le frère y habite.

31.Posté par Hieromoine Nicolas le 22/02/2014 12:00
Bon ! Voilà une matinée de perdue. J'ai pris beaucoup de temps pour répondre longuement à Justine. Mon message était détaillé, précis et de bon ton. Hélas, une fausse manœuvre informatique vient de l'effacer. Je considère qu'il s'agit là d'un signe du ciel. Et qu'il vaut mieux passer à autre chose.
Hm Nicolas.
P.S. Des nouvelles d'Evagre pour ceux que ça intéresse : il est mort en paix, entouré de ses amis et de ses disciples, en 399 à Nitrie en Egypte où se trouvait sa cellule, .

30.Posté par justine le 22/02/2014 11:16
Cher Vladimir, poste 31: Vos ironies montrent une fois de plus que quand l'argument solide manque, les oecuménistes se servent de la tactique de ridiculiser l'interlocuteur. Mais cela ne saurait me toucher, car je n'ai pas de dignité personnelle à défendre. Vous pouvez donc continuer, avec ma bénédiction.

29.Posté par justine le 22/02/2014 11:05
A Daniel, post 28: Ce que le hiéromoines Nicolas dit dans son post 10, c'est: "Incompatibles, vraiment ?"
Comment interprétez-vous cela?
Et plus pas ceci : "La pratique de la prière de Jésus ne m'a pas alors paru incompatible avec ce que je vivais. Elle m'a été au contraire d'un grand secours en des temps difficiles. Les écrits spirituels des saints pères m'ont grandement éclairé et ne me sont pas apparus alors comme contradictoires avec l'enseignement de Thérèse d'Avila. Il me semble que Dieu permet justement cette compatibilité..."

Comme quoi on met toujours "ce que je pense", "il me semble" au-dessus de ce que dit l'Eglise, car l'avertissement des éditeurs de la Philocalie anglaise exprime évidemment la position, l'esprit, le "φρόνημα" de l'Eglise.

Fort heureusement que la fréquentation des Saints Pères peut effectivement amener les hétérodoxes à l'Orthodoxie. Nous savons aussi que la conversion est un processus long, souvent difficile, parfois douloureux. Car il s'agit d' "abattre des forteresses", "toute hauteur qui s'oppose à la connaissance de Dieu" et de "faire captive toute pensée pour l'amener à obéir au Christ" (2 Cor 10, 5).

28.Posté par justine le 22/02/2014 11:04
A Marie, Mes respects pour tout ce que vous dites.

Ma condition personnelle n'est pas ce que vous pensez, mais cela n'a rien a voir avec notre sujet. Le grand problème des hommes, aujourd'hui plus que jamais, c'est qu'ils mettent leurs opinions personnelles au-dessus de la volonté de Dieu et de l'enseignement de l'Eglise, lequel exprime cette volonté. Ils écartent des paroles des Saints, lesquels ne disent pas des choses subjectives, mais le Saint Esprit parle à travers eux, pour notre illumination et notre salut.

Vous souffrez pour vos petits, et on le comprend. Est-ce donc pour rien que les saints canons de l'Eglise interdisent les mariages mixtes? Voyez la sagesse, la prévoyance et la sollicitude de l'Eglise, laquelle en ce faisant voulait justement épargner à ses enfants ce genre de souffrances! Tout ce qu'enseigne l'Eglise, elle l'enseigne pour notre propre bien, mais aujourd'hui on ne le comprend plus. On se bouche les oreilles pour suivre chacun ses propres penchants.

27.Posté par Vladimir.G le 22/02/2014 09:29
Bien cher père Nicolas bénissez,

Encore une fois merci pour vos interventions qui éclairent la voie pour nous autres, pauvres profanes, qui essayons de nous rapprocher de la Vérité.

Mais vous avez certainement vexé notre bien chère Justine en parlant de "répéter arbitrairement les slogans cheap des générations passées" et, pire encore, "que des amateurs évitent des affirmations non fondées à visées militantes ". Justine n'est pas un "amateur", ne répète pas "les slogans cheap des générations passée" et n'a évidement aucune "visée militante".

C'est, eu égard à sa façon de s'exprimer, le plus grand expert actuel de la théologie orthodoxe et, à ce titre, le seul véritable gardien de la pensée des Pères, qui doit être appliquée au pieds de la lettre et à la virgule prés... quand cela l'arrange.

Vous comprenez bien que, à côté d'elle, l'amateur c'est vous et, de plus, votre pensée est polluée par les hérésies occidentales. Quelle horreur!

26.Posté par Daniel le 22/02/2014 08:47
@ Marie

Je laisserai Justine répondre mais quelques remarques me viennent à l'esprit. Les pères modernes (comme la patristique ne s'arrêtent pas au 8e siècle) conservent cette même opposition radicale à l'hérésie, à toute hérésie, de quelque nature qu'elle soit. Justine a cité un saint ayant vécu à une époque récente comme Saint Justin de Celije. L'arianisme ne fut pas la seule hérésie que les pères d'avant combattirent même si c'est d'elle dont on se souvient le plus...

Toutefois, au vu de son ampleur aujourd'hui réduite (réduites à des unitariens, des témoins de Jéhovah), l'arianisme a moins de vigueur, et la querelle semble avoir été "réglée" en quelques siècles de façon "victorieuse". En revanche, l'hérésie latine dure elle depuis 1000 ans pour faire simple et continue d'avoir une ampleur indéniable, susceptible de tromper les orthodoxes, du fait de cette même ampleur: nombre supérieurs de catholiques, communications oecuménistes tendant à nier les différences etc.

Sans doute pour cette raison fait-elle et fera-t-elle l'objet d'un traitement particulier avec des attentions particulières. On ne vaccine pas tellement contre des maladies éradiquées, on vaccine contre celles qui présentent un risque, et le risque est d'autant plus grand que les choses semblent similaires.

Je vous cite :

"En-dehors de l'Eglise, sans elle et en opposition à elle, les vérités éternelles de la Révélation perdent leur divine authenticité, leur substance et leur immuabilité et deviennent la proie de la volonté propre de l'homme et des caprices humains"

Je suis intimement convaincue qu'un homme de bonne volonté qui suit sa conscience et qui prie trouve grâce devant le Seigneur!"

La première phrase ne me semble pas exclure la seconde. Une personne de bonne volonté est agréable à Dieu mais hors de l'orthodoxie ne peut atteindre cette divine authenticité et est plus exposée.

Quant à la situation familiale que vous décrivez avec des opinions religieuses des plus diverses dans une famille, elle est des plus courantes de nos jours, la vôtre semblant même assez simple; mais cela ne change rien à la nature des principes théologiques.

25.Posté par Marie Genko le 22/02/2014 01:21
Chère Justine,

J'ai une profonde admiration pour l'étendue de vos connaissances!
J'ai aussi une franche sympathie pour votre combativité!
Pardonnez moi si je vais me permettre de vous dire que vous raisonnez avec une immense jeunesse d'esprit!

Je ne suis qu'une Mère et une grand-mère de famille nombreuse, plus occupée de sa famille que d'études d'Histoire ou de Théologie.

Je vais tout de même me permettre de vous dire que les Pères de l'Eglise étaient dans l'obligation de montrer une extrême sévérité dans le contexte des hérésies auxquelles ils étaient confrontés.
L'hérésie d'Arius, pour ne parler que de celle-ci, a véritablement ébranlé l'Eglise!
Comment permettre à des chrétiens de prier avec des hérétiques qui nient la divinité du Christ?

Mais aujourd'hui en ce qui concerne les chrétiens catholiques, ne peut-on pas dire que le socle de leur foi est le même que le notre?

Ne sursautez pas, chère Justine, je sais combien d'erreurs sont attachés à l'Occident chrétien, mais ces erreurs ne me semblent pas suffisamment fondamentales pour écrire, et je vous cite:

"En-dehors de l'Eglise, sans elle et en opposition à elle, les vérités éternelles de la Révélation perdent leur divine authenticité, leur substance et leur immuabilité et deviennent la proie de la volonté propre de l'homme et des caprices humains"

Je suis intimement convaincue qu'un homme de bonne volonté qui suit sa conscience et qui prie trouve grâce devant le Seigneur!

Peut-être est-ce justement parce que je suis Mère que je raisonne ainsi.
Voyez-vous j'aime tous mes enfants, et tous mes petits enfants.
Sur mes dix petits-enfants deux ont été baptisés dans la religion catholique!
Les vérités éternelles de la Révélation sont -elles à jamais fermées pour eux?

Peut-être est-ce justement votre jeunesse qui vous fait appréhender les choses avec, n'ayons pas peur du mot, une certaine intolérance?

Peut-être n'avez-vous pas encore vous-même connu la maternité?

Chère Justine, notre Père dans le ciel est bien notre Père, et s'Il a donné une conscience à tout le genre humain, c'est bien pour que chaque homme puisse avoir une chance de se frayer un chemin vers Lui.

Nous avons cette immense privilège d'avoir reçu un enseignement orthodoxe, ne devons-nous pas garder notre coeur ouvert pour tous ceux qui peinent dans des croyances remplies d'embûches?

Pardonnez-moi de vous avoir parlé avec autant de franchise.
Je voudrais aussi vous remercier pour la richesse de vos contributions.
Avec toute mon amitié Marie

24.Posté par Daniel le 21/02/2014 23:01
@ Justine

Le Père Nicolas ne dit pas "qu'hétérodoxie et orthodoxie seraient compatibles". Il veut dire, du moins je le comprends ainsi, que découvrir des aspects de l'orthodoxie peut amener à terme les hétérodoxes vers l'orthodoxie. Je crois qu'il y a un souci de compréhension.

Entre ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous entendez, ce que vous croyez entendre, ce que vous croyez comprendre et ce que vous comprenez... ce que vous voulez comprendre... il n'est pas facile de discuter, encore moins par écrit de façon asynchrone...

Comment finit Evagre le Pontique? Quelle fut sa fin lamentable?

@ Nicodème

Faute d'accord de ma part en effet... Merci

23.Posté par justine le 21/02/2014 20:42
A Tchetnik, post 15: Il n'est pas prudent de dire que la Vérité chrétienne s'est "incarnée" dans des concepts platoniciens, car cela pourrait être compris comme une confirmation des ces "interprètes" occidentaux de nos Saints Peres qui prétendent qu'ils ont été "influencés" par le platonisme et les accusent de ce fait d'avoir trahi le christianisme biblique.

Ce qui est évidemment ridicule, et il suffit de lire les Pères (dans l'original de préférence) pour s'en convaincre. Saint Denys l'Aréopagite et les Cappadociens notamment se sont tout au contraire servis de termes platoniciens pour réfuter les philosophes païens, et plutôt que d'"incarner" le christianisme dans ces termes, ils ont donné à ces derniers un sens complètement différent, chrétien, et les ont épurés de l'erreur païenne.

22.Posté par justine le 21/02/2014 20:37
Au Hiéromoines Nicolas, post 10
Quand vous me reprochez de dire à Vladimir que son article contient de nombreuses imprécisions et erreurs, vous mettez en fait un interdit sur la critique.

Or sur ce blog nous discutons, et donc on exprime des critiques, tout comme vous-mêmes vous le faites ici.
D'ailleurs Vladimir m'avait expressément demandé un commentaire sur le sien. Je lui en ai donc donné un.

En dénonçant les déformations de la spiritualité orthodoxe, il s'agit moins de défendre la Vérité - laquelle en effet non seulement n'a pas besoin de "défendeurs hargneux", mais n'a pas besoin de défendeurs du tout, puisqu'Elle est hors d'atteinte - que de protéger les non-avisés pour qu'ils ne tombent pas dans les filets des "loups pesants". Cet effort de protection a été de tout temps la mission de l'Eglise, en premier des apôtres. Il est utile à cet égard de relire pour mémoire les épîtres de St Jean et de St Paul, dans lesquelles vous ne trouverez guère de "tendresses" pour les faux docteurs (et c'est contre eux que nous nous dressons et non pas contre leurs pauvres victimes). Le disciple bien-aimé va même jusqu'à proscrire le "bonjour" à leur égard ( 2 Jean 10-11) et St Paul les a, écoutons bien: "livrés à Satan" (1 Tim 1,20)! Quelle arrogance, quelle hargne, direz-vous?

Quand les bergers chassent le loup pour protéger les brebis, qui aurait l'idée de les blâmer pour cela? Qui donc? Il est vrai, malheureusement, que de nos jours il y a un nombre croissant de bergers qui, sous la pression des oecumenistes, ont cessé de faire leur devoir et se sont mis du côté des loups. On en fait même une vertu! Le résultat, nous le connaissons. Mais ça, c'est leur responsabilité personnelle devant Dieu.

Leur tactique, c'est par exemple d'éclipser de l'Evangile ce qui ne leur convient pas. Ainsi ils oublient volontiers que le Christ a aussi usé du fouet pour chasser les marchands du Temple. Ou qu'Il a dit que celui qui abuse ces petits mérite d'être jeté à la mer avec une meule autour du cou. Quelle manque d'amour, quelle arrogance, quelle hargne direz-vous?

Certes, Dieu aime les hétérodoxes, puisqu'ils sont eux aussi Ses créatures, et pour cela précisément Il veut qu'ils se repentent et rejoignent Son Eglise, afin qu'ils puissent être sauvés. Car pour le salut de tous les hommes Il a institué Son Eglise, dans laquelle Il a mis toute Sa Grâce et tous les moyens pour être sauvés – les saints dogmes, les saints canons, les saints mystères, les saints guides.

Pour votre point 4: on peut citer notamment St Maxime le Confesseur, St Grégoire Palamas etc. Concernant votre défense du terme "méditation": de nos jours, ce terme malheureusement n'est plus compris au sens du psalmiste: méditer la loi de Dieu de jour et de nuit (d'ailleurs "meletao" est mieux traduit ici par "ruminer") mais au sens des techniques psychsomatiques hindouistes etc. pour obtenir certaines jouissances et expériences, ce qui est à l'exact opposé de la spiritualité orthodoxe. Quant à appliquer ce terme à la prière de Jésus et désigner celle-ci même comme une "murmuration", je me demande si nous ne nous trouvons pas ici dans la sphère de l'autohypnose plutôt que dans celle du soupir profondément ressenti du publicain. D'ailleurs les vénérables anciens contemporains, qui ont une connaissance parfaite des cœurs des hommes, insistent pour souligner tout particulièrement que sans un profond repentir et une profonde humilité, la prière de Jésus reste sans fruit et fait tomber dans l'illusion.

En ce qui concerne Evagre dont vous dites que "la spiritualité qu'il a mise en lumière fait vivre l'Eglise orthodoxe depuis la fin du 4e siècle", opinion courante évidemment chez les "interprètes" occidentaux de l'Orthodoxie, je vous propose d'aller la présenter à n'importe quel théologien orthodoxe authentique ("est théologien qui prie véritablement"), et il vous dira si les hommes de Dieu depuis la fin du 4e siècle ont eu besoin de "la mise en lumière" de la spiritualité orthodoxe par Evagre pour vivre. D'après tout ce que nous savons, en Orthodoxie nous vivons par le Saint Esprit, Lequel n'a pas besoin d'un Evagre et de ses systématisations intellectuelles pour prendre demeure dans un coeur pur. Quand on manque soi-même d'expériences sur-rationelles, on peut toujours mettre dans des schémas rationnels les expériences des autres, puisque cela ne demande qu'un talent intellectuel, et cela peut même être utile à certaines personnes. Mais le mérite s'arrête là. On sait d'ailleurs la fin lamentable de l'hérétique en question.

Quant à votre affirmation qu'hétérodoxie et orthodoxie seraient compatibles, est-il besoin de dire que ceci est en complète opposition aux Saints Pères de toutes les époques? Saint Porphyre de Kavsokalyvia, le dernier canonisé des Saints orthodoxes (novembre 2013) a dit: "Il n'y a qu'une seule religion vraie: la religion chrétienne orthodoxe. L'esprit orthodoxe est le vrai. Les autres esprits sont des esprits d'illusion, leurs doctrines sont confuses. La Vérité est dans l'Orthodoxie. En dehors de l'Eglise il n'y a pas de salut, pas de vie." Et notre saint Père Justin de Celije il n'y a pas plus de 40 ans disait: "En-dehors de l'Eglise, sans elle et en opposition à elle, les vérités éternelles de la Révélation perdent leur divine authenticité, leur substance et leur immuabilité et deviennent la proie de la volonté propre de l'homme et des caprices humains."D'après vous donc, ce seraient des "slogans cheap des générations passées"?

21.Posté par Hieromoine Nicolas le 21/02/2014 16:44
Il me semble qu'à ce point le débat court le risque de s'enliser et surtout de n'être utile à personne car, que peuvent dire sur la lumière incréé ceux qui n'en ont pas l'expérience, alors que ceux qui en ont été gratifiés gardent un religieux silence… ? Revenons à ce que nous savons : la lutte contre les passions et l'espérance d'un salut gracieux.

A propos de grâce, j'ai omis de noter une autre chose à corriger dans le message de Justine.

Elle écrit : "En Orthodoxie, la Grâce est incréée. Il n'y a que les Roméo-catholiques qui la considèrent comme créée, ce qui permet toute désinvolture devant ses effets."

C'est là une affirmation erronée dont elle tire une conséquence malveillante. La théologie catholique et thomiste connaît la grâce incréé par laquelle Dieu infuse directement sa vie en l'homme. Elle distingue aussi une grâce créée qui est le don que Dieu fait à l'homme pour qu'il se transforme, se disposant ainsi à recevoir le don de la grâce incréée. Je ne suis pas un spécialiste de la théologie de la grâce, mais je pense que la comparaison des approches orthodoxes et catholiques du sujet est une affaire suffisamment subtile et délicate (où les théologiens formés ont bien du mal à se retrouver) pour que des amateurs évitent des affirmations non fondées à visées militantes dont on se demande ce qu'elles ont de chrétien.

20.Posté par Vladimir.G le 21/02/2014 16:41
Bien cher Daniel,

Vous avez absolument raison, aussi personne, à ma connaissance, ne parle "d'invention" et encore moins "aventureuse". Si vous n'aimez pas le mot "théorie", remplaçons le par "doctrine" (cf. Marie-Hélène Congourdeau) ou "explication"...

Ce qui est importants c'est que Saint Grégoire délivre pour la première fois cette explication claire que ne voyaient pas des gens aussi avertis que Barlaam "par qui surtout l'Occident a connu la méthode hésycaste" (p. Jean Mayendorf. Ibid. p.92) : comment concilier que Dieu est "inconnaissable" avec "cette sagesse révélée...par laquelle il est possible d'arriver à un contact réel avec Dieu" (ibid.)
Il est évident que cela n'est pas vraiment nouveau pour ceux qui lisent habituellement St Isaac, Origène et les Pères néptiques, et on se demande pourquoi il a fallu deux conciles pour le confirmer! Mais pour tous les autres, et ils sont nombreux (!), cette explication est une illumination! Et je veux souligner que la "cible privilégiée" pour laquelle j'écris ne sont pas les Orthodoxes avertis, mais les autres, ceux qui s'intéressent sans bien connaitre. Si je peux en inciter quelques-uns à aller plus loin j'aurais atteint mon objectif...

19.Posté par Nicodème le 21/02/2014 16:09
Heu..la "mettraient" en doute ...

18.Posté par Daniel le 21/02/2014 14:36
La distinction essence/énergies n’est pas une invention palamite comme le montre Jean-Claude Larchet dans son ouvrage volumineux «La théologie des énergies divines : Des origines à saint Jean Damascène ». Cette distinction est d’ailleurs la doctrine orthodoxe NORMATIVE et ne saurait donc être considérée d’un point de vue orthodoxe comme hardie et aventureuse, termes laissant croire (involontairement en fait) que les orthodoxes la mettrait en doute.

17.Posté par Vladimir.G le 21/02/2014 10:48
Marie-Hélène Congourdeau parle à d'une "doctrine qui sera considérée comme le fondement théologique de l'hésychasme la distinction en Dieu entre l'essence inaccessible et les énergies – lumière, gloire – accessibles à l'homme et vecteurs de sa déification.

" C'est plus précis que ma formulation d'il y a deux ans mais je pense que la qualification de "hardie et vigoureuse, jugée trop aventureuse par beaucoup, notamment en Occident..." correspond bien quand on se souvient de la polémique hésychastes: Barlaam de Seminara, qui avait quand même été le porte-parole de l'Église grecque en face des légats du pape en 1333-1334 et pourfendit la doctrine thomiste sur la connaissance de Dieu et la procession du Saint Esprit, traita les hésychastes de messaliens et de "omphalopsychoi (littéralement ««gens qui ont l'âme au nombril») et il fallut les conciles de juin et août 1341 pour donner raison à Saint Grégoire.

Mais les thèses de Barlaam survécurent longtemps en Occident après sa conversion au Catholicisme et ce n'est que très récemment, en particulier grâce Jean Meyendorff, que l'Occident redécouvrit réellement cette doctrine (cf. "Introduction à l'étude de Grégoire Palamas" du père Jean Meyendorff (http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1961_num_159_1_7605).

16.Posté par Daniel le 20/02/2014 23:26
Vulgarisation d'accord mais à condition que le message reste orthodoxe. Car, comme Justine l'avait signalé sur la question de Saint Grégoire Palamas, dire que "saint Grégoire va proposer une théorie hardie et vigoureuse, jugée trop aventureuse par beaucoup, notamment en Occident..." est tout, sauf orthodoxe. Parfois, trop de vulgarisation tue aussi le message, il y a un équilibre à garder.

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