"La CROIX"- Recueilli par François-Xavier Maigre

Carol Saba, responsable de la communication de l’AEOF

« En tant qu’orthodoxes, nous sommes très sensibles aux gestes et aux paroles du pape François qui développent en quelque sorte une théologie du lien, de la personne, de l’économie de la miséricorde, de l’accompagnement, de la nécessité de prendre soin de l’autre… Cette dimension pastorale revient souvent dans notre propre théologie, fondée sur l’ecclésiologie de la communion, qui est aussi celle que cherche à déployer, à différents niveaux, le pape François.

Dès les premiers instants de son pontificat, il s’est présenté comme l’évêque de Rome. Il le rappelle souvent, comme dernièrement, devant les prêtres de Rome, à Saint-Jean-de-Latran. Les orthodoxes, dont toute l’ecclésiologie, depuis saint Ignace d’Antioche, est basée sur la notion d’Église locale, n’y sont pas insensibles. Tout cela amène le pape vers une perspective nouvelle de gouvernance de l’Église catholique en évoquant davantage les notions de synodalité, de collégialité et de conciliarité, chères aux orthodoxes.

Si ce processus interne à l’Église catholique aboutit, ce serait un pont magnifique pour rejoindre les orthodoxes dans leur ecclésiologie et dans leur propre gouvernance, plus circulaire. Le pape le dit dans le texte : “on doit marcher ensemble : les personnes, les évêques et le pape”. Quelle belle image de conciliarité.

En invoquant les leçons à méditer de l’expérience de collégialité du premier millénaire de l’Église pour étayer sa réflexion, le pape fait sauter un verrou.... Suite La Croix
Carol Saba :« En tant qu’orthodoxes, nous sommes très sensibles aux gestes et aux paroles du pape François »

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 21 Septembre 2013 à 14:43 | 11 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir.G le 21/09/2013 18:54
Magnifique! Voilà la reconnaissance des avancées et du chemin parcouru... et aussi qui reste à parcourir!

2.Posté par Vladimir.G le 22/09/2013 15:09
L'EXEMPLE ORTHODOXE
«Maintenant j'entends quelques personnes me dire “ne consultez pas trop, décidez”. Au contraire, je crois que la consultation est essentielle.» Le pape François confirme sa remise en cause d'un système de gouvernement très centralisé et pyramidal en vigueur sous le pontificat de Jean-Paul II et qui s'est renforcé sous Benoît XVI parce que la curie romaine avait pris le dessus.

François ouvre trois fronts de réforme: la façon même d'exercer le pouvoir papal, «je veux poursuivre la réflexion sur la manière d'exercer le primat de Pierre» ; le fonctionnement de la curie romaine, «les dicastères romains sont des médiateurs et non des gestionnaires» ; la façon de prendre les grandes décisions.

Sur ce dernier point il va s'inspirer de l'Église orthodoxe pour «apprendre davantage sur le sens de la collégialité épiscopale et sur la tradition de la synodalité.» Il s'agit, en clair, de retrouver dans l'Église catholique ce qu'elle a abandonné au fil des siècles, une direction «collégiale» et «synodale» où les cardinaux et les évêques ont voix au chapitre pour les décisions importantes.

Ce qui est une rupture avec l'actuelle pratique d'un cercle de hauts conseillers qui préparent les décisions pour le Pape. Ce qui est une application stricte - mais jamais mise en œuvre - de ce que prévoyait le Concile Vatican II. Beaucoup dans l'Église s'opposeront à cette réforme qui, de facto, affaiblit l'autorité du Pape même si celle-ci dépend également de sa personnalité et de son aura médiatique.

François explique enfin que le bon gouvernement demande du «discernement» et qu'il «requiert du temps» car il se méfie des «décisions prises de manière improvisée». Et il avance cette maxime: «La première réforme doit être celle de la manière d'être.»

NON A "UNE VISION STATIQUE ET NON ÉVOLUTIVE"
François ne donne pas d'importance à la liturgie, c'est-à-dire, la façon de célébrer la messe. Mais son pontificat est déjà en fort contraste sur ce point avec celui de Benoît XVI, marqué par l'échec d'une main tendue jusqu'au bout aux Lefebvristes et par une orientation doctrinale et liturgique où la sensibilité traditionaliste catholique se sentait parfaitement à l'aise.

Trois passages de l'interview indiquent un changement de cap radical, exprimé sans prendre de gants: «Si le chrétien est légaliste ou cherche la restauration, s'il veut que tout soit clair et sûr, alors il ne trouvera rien. La tradition et la mémoire du passé doivent nous aider à avoir le courage d'ouvrir de nouveaux espaces à Dieu. Celui qui aujourd'hui ne cherche que des solutions disciplinaires, qui tend de manière exagérée à la “sûreté” doctrinale, qui cherche obstinément à récupérer le passé perdu, celui-là a une vision statique et non évolutive. De cette manière, la foi devient une idéologie parmi d'autres.»

Il ajoute: «Si quelqu'un dit qu'il a rencontré Dieu avec une totale certitude et qu'il n'y a aucune marge d'incertitude, c'est que quelque chose ne va pas. C'est pour moi une clé importante. Si quelqu'un a la réponse à toutes les questions, c'est la preuve que Dieu n'est pas avec lui, que c'est un faux prophète qui utilise la religion à son profit.»

Enfin, François ouvre explicitement la porte aux évolutions doctrinales: «la compréhension de l'homme change avec le temps et sa conscience s'approfondit aussi. (…) Les autres sciences et leur évolution aident l'Église dans cette croissance en compréhension. Il y a des normes et des préceptes secondaires de l'Église qui ont été efficaces en leur temps, mais qui, aujourd'hui, ont perdu leur valeur ou leur signification. Il est erroné de voir la doctrine de l'Église comme un monolithe qu'il faudrait défendre sans nuance.»

Source: "Les questions que pose l'interview du pape François". Par Jean-Marie Guénois; Mis à jour le 20/09/2013 à 15:40; http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/09/20/01016-20130920ARTFIG00407-les-questions-que-pose-l-interview-du-pape-francois.php
Titres modifiés par VG.

3.Posté par Perplexio le 23/09/2013 18:14
@ Carol Saba

"Si ce processus interne à l'Eglise catholique aboutit, ce serait un pont magnifique pour rejoindre les orthodoxes dans leur ecclésiologie …".

Aucun processsus de mise en question de l'ecclésiologie romaine n'est activé, aucun verrou n'a sauté, ce ne sont que des paroles "verbales", il n'y a pas lieu d'être euphorique.

D'autant que l'aboutissement d'un tel "processus" si processus il y a un jour, signifierait de facto l'abandon pur et simple par Rome de sa primauté et de son infaillibilité papales. L'évêque de Rome redevenant alors simple Patriarche des Latins. Qui peut croire actuellement à une telle évolution ? N'oublions pas que ce titre de Patriarche pourtant légitime, fut habilement supprimé par Jean-Paul II ou par son successeur, car il était trop "local", pas assez universel, comme par hasard.

Malgré les apparences, jamais l'ecclésiologie orthodoxe n'aura été autant remise en cause, tant à l'extérieur que paradoxalement à l'intérieur-même de l'Orthodoxie, par quelques stratèges créativistes qui prennent leurs désirs pour des réalités. Et qui prennent le futur grand concile, tant souhaité et si bien préparé par eux de longue date comme leur chose, leur Vatican II disent-ils.

Il est sage qu'il ait été report: Rappel pour mémoire publié par PO il y a moins de trois semaines :

Mgr Hilarion s'exprime sur l'actualité

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 6 Septembre 2013

2.Le dialogue entre les catholiques et les orthodoxes

− La prochaine rencontre de la Commission Mixte sur le dialogue théologique devrait avoir lieu en 2014. La commission s'est attaquée au sujet très complexe de la primauté dans l'Église et du rôle de l'évêque de Rome durant le premier millénaire et il apparait que des divergences très importantes existent non seulement entre les parties orthodoxes et catholiques, mais aussi parmi les Eglises orthodoxes.
Le document qui est actuellement préparé par la commission se trouve malheureusement sous embargo et il est très difficile d'en débattre en dehors de la commission. Il me semble qu'en l'état actuel le document discuté ne correspond pas du tout au mandat que la commission a reçu des Églises et n'aborde pas le sujet de façon telle que les orthodoxes et les catholiques puissent clairement comprendre en quoi leurs positions divergent et en quoi elles convergent.

4.Posté par Vladimir.G le 23/09/2013 19:43
Et oui, bien cher Perplexio, ce sont les querelles entre Orthodoxes sur la primauté chez eux qui empêchent tout progrès du dialogue mixte. Car on voit bien que le Pape, lui, est prêt à faire bouger les lignes...

5.Posté par Perplexio le 24/09/2013 08:48
@ Vladimir (4)
Rendez-vous sur ce blog dans trois mois nous verrons si la papauté a fait bouger ses "lignes" ecclésiologiques autrement qu'en paroles et en gestes.

6.Posté par Daniel le 24/09/2013 11:54
Je ne veux pas jouer l'ironique mais depuis 50 ans, on entend cela. Je rejoins Perplexio.

7.Posté par Vladimir.G le 24/09/2013 15:47
Ah bien chers Daniel et Perplexio!

Vous voulez voir changer en 3 mois ce qui s'est établi en 1000 ans! Un peu de patience (voir ce qu’écrit Marie sur un autre fil). Nous voyons clairement "la glace bouger" (comme disent les Russes) depuis 50 ans, comme le reconnait Daniel (même si ces mouvements lui semblent trop superficiels...), et le pape François précise le mouvement. Il est maintenant important d'en être conscient et de l'accompagner au lieu de camper sur 1204...

Mais balayons d'abord chez nous: la préparation du Concile patine depuis 3 ans, 33 ans ou depuis 1902, quand le patriarche Joachim III propose aux Eglises orthodoxes de se consulter tous les deux ans? Et je ne crois que cela se débloquera en 3 jours... :-)

8.Posté par Daniel le 24/09/2013 19:57
Pour ma part, je rigole aussi volontiers de ce concile oecuménique qui ne serait pas oecuménique dont on parle sans cesse... Ces hommes d'église sont décidément une source de rigolade sans fin! Ils se disputent le podium avec les politiques.

9.Posté par Perplexio le 24/09/2013 21:35
@ Vladimir (2 et 7)
Bien sûr.
C'est pourquoi, au regard du récent commentaire d'une grande clarté du Métropolite Hilarion, publié sur PO par vous-même cher Vladimir le 6 septembre 2013, l'enthousiasme qui s'était soudain emparé de la presse catholique française, et par ricochet de M. Saba et de vous -même, laissait plus que circonspect … et ce d'autant qu'il a constaté on ne peut plus explicitement que les dés sont pipés :

" Il me semble qu'en l'état actuel le document discuté ne correspond pas du tout au mandat que la commission a reçu des Églises et n'aborde pas le sujet de façon telle que les orthodoxes et les catholiques puissent clairement comprendre en quoi leurs positions divergent et en quoi elles convergent."

Nous ne sommes pas sortis de l'auberge, pas même rentrés dedans !

Et ce ne sont pas quelques gesticulations médiatiques qui désembourberont magiquement la diligence. Il faut se mettre sérieusement au travail.

Oui il est sage que le fameux concile tellement pré-formaté ait été enfin reporté. On aurait assisté à un chef-d'oeuvre manipulationnel.
Comme Vatican II .

@ Daniel
Cher Daniel ne désespérez pas, le règne des idéologues manipulateurs, excommunicateurs et électoralistes touche à sa fin maintenant qu'ils ont montrés leur vrai visage : celui de la haine de l'Eglise.

10.Posté par Vladimir.G le 24/09/2013 21:58
Bien cher Perplexio,

Votre approche me semble très réductrice: ni moi, ni le Pape François, ne Carol Saba n'ont évoqué ni ce malheureux document ni la commission mixte. Réduire à cela le processus du rapprochement catholique c'est vraiment le regarder par le petit bout de la lorgnette...

Quand la glace commence à bouger plus rien ne peut arrêter le processus de libération des eaux, même si la fonte complète peut prendre plusieurs semaines. Il a fallu 1000 ans pour en arriver à la glaciation maximale et je suis heureux de voir, avec Carol Saba, que le dégel commencé il y 1/2 siècle s'intensifie...

11.Posté par Vladimir.G le 26/09/2013 19:21
Le texte intégral de l’interview, en.pdf, se trouve en exclusivité sur http://www.revue-etudes.com/Religions/INEDIT_-_Un_entretien__avec_le_Pape_Francois./7497/15686): et sa version originale en italien se trouve sur le site de La Civiltà Cattolica : www.laciviltacattolica.it.

Voici l'extrait concernant directement le sujet de la primauté:
« On doit marcher ensemble : les personnes (la gente), les évêques et le pape. La synodalité se vit à différents niveaux. Il est peut-être temps de changer la manière de faire du Synode, car celle qui est pratiquée actuellement me paraît statique. Cela pourra aussi avoir une valeur œcuménique, tout particulièrement avec nos frères orthodoxes. D’eux, nous pouvons en apprendre davantage sur le sens de la collégialité épiscopale et sur la tradition de la synodalité L’effort de ré0exion commune, qui prend en considération la manière dont l’Église était gouvernée dans les premiers siècles, avant la rupture entre l’Orient et l’Occident, portera du fruit en son temps. Ceci est important pour les relations oecuméniques : non seulement mieux se connaître, mais aussi reconnaître ce que l’Esprit a semé dans l’autre comme un don qui nous est aussi destiné. Je veux poursuivre la réflexion sur la manière d’exercer le primat de Pierre, déjà initiée en 2007 par la Commission mixte, ce qui a conduit à la signature du Document de Ravenne. Il faut continuer dans cette voie. ».

Si la Commission mixte est bien mentionnée (autant pour moi Perplexio… je n'avais pas ce texte complet), ce n'est pas le texte dont parle Mgr Hilarion qui retient l'attention du Pape, mais le "Document de Ravenne". Approuvé par les membres de la « Commission mixte» lors de la dixième session plénière (Ravenne, 8–15 octobre 2007), SANS L’EGLISE ORTHODOXE RUSSE, dont la délégation avait quitté la rencontre à cause de la présence des représentants de "l’Eglise apostolique d’Estonie", il a été accueilli avec satisfaction par l'Église Catholique, qui y voit un texte de référence sur une compréhension de la primauté commune aux orthodoxes et aux catholiques; mais il a provoqué des remous dans l'Église Orthodoxe: l'Eglise russe et la Sainte-Communauté du Mont-Athos l'ont rejeté d'entrée et aucune Église ne l'a accepté à ma connaissance… (Cf. pour les détails http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Une-nouvelle-querelle-orthodoxe-autour-de-l-oecumenisme-et-du-document-de-Ravenne_a444.html)

Le thème de la primauté apparait comme particulièrement important: "cette divergence dans la compréhension de la structure et de l’exercice de l’autorité en Église est certainement très grave. Il ne fait pas de doute que la primauté du pape, avec toutes ses implications, demeure le problème fondamental à l’arrière-plan de toutes les questions de théologie et de pratique qui continuent de diviser nos Communions." (In "la Déclaration commune de la Commission théologique orthodoxe-catholique d’Amérique du Nord" (25 octobre 2003), cf. www.scoba.us/assets/files/FilioqueStatement-FR.pdf). Il est donc heureux que le Pape, semble prêt "à faire bouger les lignes", mais prendre "le texte de Ravenne" comme base serait méconnaitre l'opposition quasi unanime qu'il rencontre chez les Orthodoxes!

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