Cet appel de Daniel Struve​ à la communauté orthodoxe mérite toute notre attention
père Alexander Winogradsky Frenkel

Cet appel de Daniel Struve mérite toute notre attention. Comme toujours, il exprime clairement des points fondamentaux, habituellement “élémentaires” de la vie en Eglise. L’Eglise orthodoxe passe par les douleurs d’un nouvel engendrement, de restructurations profondes. Le caractère hexagonal actuel des péripéties qui agitent l’Archevêché est effectivement regrettable, effectivement “monstueux”, cela manque de décence, souvent de plus élémentaires signes d’une foi vive.

On ne verrait pas St Serge de Radonège filmer son évêque canonique (le terme est pratiquement galvaudé comme le sens et le respect dû à un évêque) et prétendre que le hiérarque n’est plus chez lui. On est, à l’image des sociétés belgo-françaises actuelles, dans le déni de toute autorité (Gilets Jaunes/Gele Hesjes, grèves soudaines et impromptues, rejet de toute décision institutionnelle légitime, soupçon permanent sauf sur soi-même, sentiment de complotismes généralisés que certains dénoncent tout en appliquant aux autres des méthodes para-soviético-communistes caricaturales).

Un juridisme fallacieux, le plus souvent détourné de l’interprétation véritable, finit par s’imposer comme une girouette vidée de ses âmes – sans doute peut-on penser à un vrai désarroi, des formes de désespoir. Une ignorance crasse et totalement “fake” de ce que sont les comportements réels des Eglises auxquels certains souhaitent se rattacher ou, au contraire, à laquelle ils veut “échapper”. Ignorance pitoyable et assez inimaginable pour des personnes qui ont souvent fait confiance à des clergés originaires de l’authentique tradition russe. On invoque le prestige et certains agissent avec méchanceté. Il y a alors la tentation de juger. Les épreuves mènent parfois à la destruction. Cela peut être pire dans le domaine de la foi : elle éclate dans des brutalités rauques, comme des feux qui dévorent. D’autant qu’au bout de cent ans, la conscience a du mal à se recentrer sur les enjeux vrais de l’élan apostolique.

Que penser des élucubrations prétendument “théologiques” ou le détournement, la rigidité formelles dans l’exploitation de règles eucharistiques détournées du véritable but qui est celui du salut des fidèles ? En soi, la guerre était prévisible. A force d’avancer à reculons depuis de nombreuses années, il est évident que certains oublient la dimension profonde des grâces reçues dans l’Eglise orthodoxe par le lien de l’Archevêché et son rôle dans le concert des traditions orthodoxes qui ont sorti la tête des catacombes voici 30-40 ans, ce qui est bien peu. Peut-on à ce point devenir “vagants” après avoir bien sucé le lait de son Eglise pour ensuite l’insulter et – mine de rien, dit-on en français – se dégrader soi-même ? Oui, Daniel Struve a raison. Il ne mentionne personne. Peut-être est-ce mieux. Je ne le fais pas. Chacun est connu à sa façon qui est comme sécoué par un événement qui s’est posé depuis des décennies. Il y a des turbulences où les côtés pile et face s’inversent à temps et contre-temps (restons ecclésiastiques !) et finissent en toupies déraisonnables.

Le jour où l’évêque est accueilli à Moscou, le directeur démissionnaire de l’Institut Saint-Serge se prélasse sur un divan dans un article pertinent le concernant dans le domaine littéraire. En Belgique, à Bruxelles et banlieues, le doyen perd ses facultés et prend le maquis “ondergrond”. On assiste à un muppet-show destructeur – oui ! et dont la logique est suicidaire. Lorsque Mgr Jean (Renneteau) se rend à la Crypte de la cathédrale Alexandre-Nevsky à Paris et explique le choix qu’il fait pour le bien spirituel de l’Archevêché, la vidéo de son intervention parcourt l’église : on y voit l’un des signataires ex-membre du Conseil, chef de choeur violemment opposé à l’archevêque. Il est là parce qu’il dirige le choeur. Il le fait depuis des années. Et simplement, pour lui, comme pour d’autres, son droit prévaut sur celui de la hiérarchie. On peut parler d’inconscience ecclésiale ou de souffrance profonde. L’Archevêché est aussi confronté à de paisibles baronneries de clercs ou de laïcs qui s’approprient non les murs, mais transforment les attitudes en légitimités rigides.

Qui est alors conscient, dans une Europe plutôt libérale et bienveillante pour l’existence des juridictions chrétiennes, qu’ils agissent non seulon les principe de la foi, d’une obéissance naturelle dans le corps ecclésial ? C’ela consiste à user, abuser de droits pénaux et civils qui peuvent éventuellement s’appliquer aux Eglises. Mais le droit canon n’est pas figer : il permet de marcher en discutant, en “ob-audire = écouter ensemble” et essayer de trouver des voies qui ouvrent sur le devenir de chacun. Abram (Abraham) et Lot se sont séparés. Les exemples sont multiples dans la Bible. Les disciples se sont aussi séparés après la décision d’ouvrir la Porte de la Foi aux Gentils, bref à tout être humain. Ils déposaient leurs biens aux pieds des apôtres (Actes des Apôtres 4, 35). Ils partgeaient tout. Instant idyllique qui demeure dans le but eschatologique de la Foi telle que nous la partageons.

Deux prêtres participant à un colloque en Italie – l’un et l’autre affectés directement par la suppression brutale de l’Exarchat et de l’Archevêché – qui sont des amis proches, consacrés à servir et vivre de l’Eucharistie en arrivent à affirmer qu’il sont désormais “séparés” et ne peuvent plus communier à la même table ?! Où est-on ? C’est çà l’Ecole du Métropolite Euloge ? C’est comme cela que l’on vit la grandeur des Ecoles de Paris ? C’est celà être imprégné des Pères Florovsky, Schmemann, la Troïka de Saint-Vladimir ? Et la pauvre et sainte Mère Marie (Skobtsova) “de Paris” (et de Ravensbrück) dont on semble ignorer à quelle point elle a su se faire toute à toutes et tous ? Verrait-on dans les camps nazis des religieux chrétiens se battre pour la propriété de baraques où ils murmuraient les prières sans exclure quiconque ? Nous savons que cela n’existaient pas aux Iles Solovski, dans les baraquements de déportations, laboratoire des GouLags ? Ou bien doit- on penser qu’il existe un Goulag invisible constitués par des opposants qui, tels ceux qui sont prisonniers d’eux-mêmes, en arrivent à une volonté farouche de destruction.

Il faut entendre l’appel de Daniel Struve parce qu’il est imprégné de décence née de la foi et de l’espérance. Il sait, par son enracinement, ce que coûte la foi de tradition russe et qu’il n’est pas possible de céder à des chicaneries trop systématiques ou endémiques, de se détruire parce que l’on sait qu’un moment viendra où le masque va tomber et les petits despotes silencieux et terrés cèderont au temps opportun.

Une date-butoir aidera en ceci : le 3 novembre 2019, Mgr Jean (Renneteau) de Doubna signera à Moscou l’acte de réunification avec le patriarcat de Moscou. Il ne faudra pas jouer alors les comptables de propriétés. Lorsque ce jour aura passé, il est fort à parier que les positionnements continueront à se repositionner, pendant un temps, un certain temps.

Les choses ont été plus claires en Grande-Bretagne et en Scandinavie. Et puis, en France, en Italie, dans toute l’Europe, il faudra quand même arriver à se rendre compte que des millions d’orthodoxes sont des expats en Occident et qu’ils ont besoin d’un accueil eucharistique cohérent où l’on ne coupe pas le buis en quatre ou dix et que les moules au vert (mosselen in ‘t groen) ne peuvent pas être trop gluantes, inappétissantes.

Il y a un devoir de décence et de foi authentique. Les combinazioni de certains prélats phanariote cesseront lorsque sera venu le temps de réévaluer les rangs et les fonctions des uns et des autres dans une Europe occidentale dont l’avenir dépend bien davantage de l’élan apostolique mené à travers différentes régions du monde.

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Appel à la communauté orthodoxe

Appel à la communauté orthodoxe contre la tentative de destruction et de spoliation en cours contre l’Archevêché des paroisses orthodoxes russes d’Europe Occidentale

Je me permets de lancer cet appel à la communauté orthodoxe, parce qu’il me semble que toutes les personnes de bonne volonté devraient pouvoir s’entendre sur des principes fondamentaux sans lesquels nous seulement aucune église, mais aucune communauté humaine ne saurait se construire.

Je dénonce comme monstrueuse la tentative en cours pour détruire et spolier l’Archevêché des paroisses orthodoxes russes d’Europe occidentale conduite par le métropolite Emmanuel Adamakis avec le soutien d’un groupe d’anciens prêtres et laïques de l’Archevêché.

Après la suppression unilatérale et sans préavis de celui-ci par la décision du Synode de Constantinople le 27 novembre 2018, un large consensus s’était dégagé au sein de l’Archevêché autour de l’archevêque Jean pour refuser une décision à la fois inapplicable et inique, qui visait à la destruction et à la spoliation de l’Archevêché.

Il apparut très vite que la seule voie possible, si l’Archevêché voulait retrouver une assise canonique, était le retour à la situation d’avant 1931, c’est-à-dire la réintégration de l’Archevêché au sein du Patriarcat de Moscou, si possible avec la préservation de l’autonomie interne qui avait été la sienne depuis sa fondation et qui jusqu’en 2018 lui avait été garantie par des engagements solennels du Patriarcat Œcuménique, confirmées.

Alors que les négociations lancées avec le Patriarcat de Moscou avançaient et se concluaient par un accord, toutes les autres voies envisagées se sont rapidement révélées illusoires, soit du fait d’un manque de volonté des parties contactées, soit du fait d’une trop faible adhésion des fidèles de l’Archevêché, et surtout mal fondées d’un point de vue canonique et historique.

Cependant une minorité de paroisses, de membres du clergé et de laïques de l’Archevêché, conduite par sept membres du Conseil de l’Archevêché, s’opposa pour des raisons diverses à la seule alternative possible à la dissolution et tenta de bloquer les mécanismes de prise de décision de l’Archevêché, cherchant à délégitimer l’Archevêque et à lui faire porter contre toute évidence la responsabilité de la crise. Lorsqu’en septembre, l’archevêque Jean, assumant ses responsabilités, prit en tant qu’archevêque dirigeant la décision de rejoindre le Patriarcat de Moscou et de rendre ainsi à l’Archevêché une assise canonique perdue depuis le 27 novembre 2018, cette minorité non seulement refusa de reconnaître cette décision en rejoignant d’autres diocèses, mais se rallia au projet de destruction et de spoliation de l’Archevêché du métropolite Emmanuel Adamakis.

C’est cette tentative de destruction et de spoliation soutenue par d’anciens membres de l’Archevêché qui apparaît comme une imposture monstrueuse, destructrice du lien devant unir les membres d’une seule église fussent-ils séparés par les frontières juridictionnelles. Conduite au prix de violations grossières des Statuts de l’Archevêché (en continuité avec celles qui avaient gravement entaché la période d’intérim et les élections de 2013) et des moyens douteux comme les attaques personnelles et la calomnie, cette entreprise fourvoyée va manifestement au-delà d’une simple démarche de contestation des décisions adoptées par l’Archevêque et la majorité de l’Archevêché en vue de préserver celui-ci. Elle cherche à semer le doute dans les esprits et les consciences. Elle contrevient grossièrement à toutes les règles ecclésiales, comme à toutes les règles de comportement au sein d’une communauté humaine. Elle ne poursuit aucun but positif et ne s’appuie sur aucun projet clairement argumenté. Conduite par certains au nom d’une idée abstraite de l’église locale, elle consiste paradoxalement à s’en prendre à une des rares entités ecclésiales de la diaspora engagée dans une démarche authentiquement locale.

Toute en étant confiant que l’Etat de droit saura préserver l’intégrité de l’Archevêché et le prémunir contre la tentative d’usurpation et de spoliation en cours, j’en appelle à la raison, au sens des responsabilités et à la conscience de chacun pour refuser de prendre part à cette entreprise de destruction et de division, ne serait-ce que pour préserver l’avenir de l’unité orthodoxe en France et pour éviter le grave discrédit que ne manqueraient d’attirer sur l’Eglise orthodoxe pareils agissements.

Le retour de l’Archevêché des paroisses orthodoxes russes au sein du Patriarcat de Moscou à la veille du centenaire de sa fondation et après un parcours de près de 90 ans au sein du Patriarcat Œcuménique ne va pas sans déchirements et sans appréhensions. L’Eglise de Russie dont l’Archevêché a accepté la protection canonique portera encore longtemps les stigmates laissés par les décennies de persécution et d’oppression de la part d’un régime totalitaire. Néanmoins cette solution permet de préserver les institutions uniques de l’Archevêché, dont la reconnaissance officielle par l’Eglise de Russie est en soi un événement plein de signification. Elle permet à l’Archevêché de renouer avec son histoire et de se projeter dans l’avenir, ce qu’il n’aurait sans doute jamais fait sans le choc provoqué par la décision du Patriarcat Œcuménique à qui nous pouvons être reconnaissants pour cela. Ce qui devait arriver est finalement arrivé. En même temps, il est naturel qu’une partie des membres de l’Archevêché préfère pour diverses raisons rejoindre les métropoles grecques ou d’autres formations plutôt que de suivre l’Archevêché dans ce tournant. Une telle démarche est compréhensible. Elle ne brise en rien l’Unité de l’Eglise à condition d’être accomplie en conformité avec l’ordre ecclésial et dans le respect que se doivent mutuellement les membres d’une communauté. Ce qui est incompréhensible et destructeur du lien ecclésial en revanche, c’est l’acharnement de ceux qui, non contents d’avoir quitté l’Archevêché, s’associent aujourd’hui à une entreprise visant dès le départ sa destruction et sa spoliation.

Daniel Struve

Paris, le 18 octobre 2019

Lire aussi Les inédits slaves de l’Eglise russe en Occident

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 25 Octobre 2019 à 06:20 | 9 commentaires | Permalien



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