De l’utilité des ennemis
Michel Zavalow
Traduction Elena Tastevin

L’ennemi ne suscite pas obligatoirement une haine féroce et/ou la soif d’une vengeance sanglante. L’ennemi est celui qui n’est pas ami, celui dont la vue ne m’inspire pas la joie et que je ne veux pas secourir. L’inimitié a beaucoup de nuances. Son apparence peut être « paisible » et froide. L’ennemi est toujours perçu comme un étranger. L’attitude froide envers autrui est aussi l’inimitié. L’amour ne peut pas être neutre. En ce sens l’inimitié est un phénomène naturel répandu.

Souvent nous éprouvons envers certaines personnes de l’inimitié justifiée par notre éducation. Un jour, petit, C.S.Lewis a dit à son père : « Il me semble que j’ai des préjugés envers les français ».- « En quoi consistent-ils ? » - « Si je le savais ce ne seraient pas des préjugés ». Lewis avait raison parce que les préjugés qui engendrent l’inimitié sont émanent de ce qu’il y d’obscur en nous. L’homme est capable de se faire des ennemis sans le soupçonner. Les psychologues appellent ce phénomène projection.

Les ennemis, qu’ils soient vrais ou imaginaires (il est difficile de les délimiter) sont les personnes les plus précieuses pour nous. Ils nous permettent de faire face à la réalité du mal en nous. Si ce n’est cette confrontation douloureuse, le risque est de toujours vivre une vie agréable mais illusoire.

Je me trouve à l’église en face du crucifix. Je prie avec application et mon esprit s’élève vers le ciel. Soudain, une dame potelée surgit entre moi et le crucifix: elle sent mauvais, son apparence est mal soignée et elle s’affaire. Elle met un cierge, se signe frénétiquement et se mouche sans arrêt. Ma piété s’évapore. « Quand est-ce qu’elle va filer ? Elle me dérange dans mon oraison. Pourquoi ce genre de tronches sont admises dans l’église ? »

Stop. Qu’arrive-t-il ? J’ai fait face à la réalité : voici comment je suis. Je suis loin de la perfection et ma sublime prière ne vaut pas cher. Je dois faire un choix : continuer de penser à la dame désagréable où me sentir reconnaissant pour d’avoir été redescendu à terre ? Il est fort désagréable d’éprouver un tel passage des sphères célestes à l’exaspération mesquine. Il est plus agréable de se sentir une personne bien. La dame potelée est un ange. Sans elle il est facile de se sentir quelqu’un de bien et d’affectueux dans un monde de personnes sympathiques. Elle me permet de ne pas me tromper.

* * *

Dans n’importe quel petit groupe il existe une personne, un « ennemi », celui qui m’est désagréable. Et si jamais c’est le porteur de mes projections ? En effet, la psychologie et l’ascétique sont unanimes en disant que nous réprouvons avec véhémence les choses envers lesquelles nous avons un penchant. Par exemple, si je suis gourmand je ne manquerai pas de noter que Basile s’est coupé le plus grand bout de gâteau. Sinon, je n’y ferai point d’attention. Les ennemis sont très importants si nous voulons vivre sans nous tromper. Ce genre de situation est précieux dans le cadre de notre paroisse ainsi qu’en famille, là où l’on ne peut pas éviter des personnes désagréables. Dans la vie « libre », courante nous choisissons tout simplement des personnes gentilles en évitant les autres. Ainsi, nous nous privons de personnes qui nous aident à nous débarrasser des illusions pour vivre dans la vérité.

Non, je ne doute pas que le mal existe aussi en dehors de nous. Je pense qu’une personne épanouie suscite inévitablement une vraie inimitié. Je ne doute pas que le combat entre le mal et le bien est réel, et qu’il se produise non seulement dans nos cœurs.

Pour prendre la bonne place dans ce combat nous avons besoin de savoir que la frontière entre le mal et le bien passe à l’intérieur de nous. Après avoir vu le mal dans mon for intérieur je peux, en effet, combattre le mal. Autrement ce ne sera que la fuir la réalité. A ce moment-là je cesserai de créer des ennemis, et certains d’entre eux deviendront mes « prochains ». Au bout du compte, « aimer » des ennemis ne signifie pas éprouver des sentiments affectueux ou leur acquiescer en tout point. Si je tends la main à un ennemi, peut-être pourrai-je ôter la paille de l’œil d’autrui et par cela montrer que des transformations miraculeuses se produisent dans ce monde. A condition que j’aie vécu ce genre de transformations moi-même.

"Neskoutchniy Sad"
Нужны ли нам враги?
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" PO" Le Chrétien doit aimer ses ennemis. Pourquoi? Comment?

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 22 Février 2015 à 18:09 | 0 commentaire | Permalien



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