Icônes, sources de joie
Martigny fait dans l’icône
C’est la troisième fois. La Fondation Gianadda, qui entretient des liens étroits avec la Russie, présente de nouvelles icônes issues de la Galerie Tretiakov de Moscou. Il y en a 52, reflétant la création orthodoxe du XIVe au XVIIIe siècle. ÉTIENNE DUMONT (Tribune de Genève)

VERONIQUE RIBORDY
Les icônes présentées à Martigny (Suisse)

«Images Saintes», la nouvelle exposition de la Fondation Pierre Gianadda, présente des icônes de la galerie Tretiakov de Moscou jusqu'au 13 juin prochain.

C'est une chose de voir de la peinture dans des livres, une autre de la voir en vrai. Si nous avions vu les icônes de la galerie Tretiakov prêtée à la Fondation Pierre Gianadda, le cahier publié hier dans «Le Nouvelliste» aurait été différent. Nous aurions parlé de la beauté et de la subtilité des icônes des XVIIe et XVIIIe siècles, avec leurs bleus purs, leurs roses délicats, leur gris fumée. Nous aurions insisté sur leur taille surprenante. Les deux icônes d'Andreï Roublev, ces pièces maîtresses presque impossible à obtenir en prêt, dépassent les trois mètres. Et surtout, nous aurions pu faire passer un peu de l'enthousiasme et des connaissances de la commissaire de cette - très belle - exposition, Nathalia Cheredega, cheffe du département des arts de l'Ancienne Russie à la galerie Tretiakov.

La galerie Tretiakov de Moscou a prêté une soixantaine d'icônes, dont la moitié ont été décrochées des cimaises. L'autre moitié provient des très vastes réserves de la Tretiakov, dont la collection d'icônes est la première de Russie. Nathalia Cheredega a orienté son exposition de manière à «mettre en lumière les différentes régions qui ont été des centres de production d'icônes, Novgorod, Pskov, Moscou, et ses plus grands maîtres, Maître Denis, Roublev».

A mains nues

Le montage d'une exposition d'icônes ne ressemble à aucun autre. Sans cesse, le religieux prend le pas. Pas question par exemple de manipuler ces grandes tables de bois avec des gants, l'icône se touche à main nue. Sur le mur, chaque image se trouve à hauteur des yeux. L'alignement n'existe pas, pas plus que la symétrie. Si les icônes s'ordonnent autour d'une image de la Vierge, celle-ci sera placée exactement au centre du mur.

Les icônes présentées à Martigny frappent par leur grande taille.

Ecoutons l'explication de Nathalie Cheredega: «L'art de l'icône vient de Constantinople, c'était un art de capitale. Dès le Xe siècle, les grandes cathédrales russes, à Kiev, Vladimir, puis Moscou, se construisent sur le modèle de Sainte-Sophie de Constantinople. Le plan de ces villes, Kiev en particulier, fait aussi allusion à Constantinople et à ses portes d'or. Ces vastes cathédrales déterminent la taille des icônes». Plus tard, un deuxième modèle de cathédrale, plus petit, se répand sur le modèle de l'Annonciation, également au Kremlin. Leurs iconostases, ces parois d'icônes qui séparent l'église en deux, comportent des icônes plus petites, telle cette Sainte Trinité, dont les trois anges identiques personnifiant la Trinité reflètent une querelle théologique qui oppose l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe durant tout le Moyen Age. Malgré d'inévitables innovations, l'icône russe reste cependant beaucoup plus proche des modèles des origines, à cause de son statut d'objet liturgique, que la peinture religieuse catholique, à la fonction avant tout illustrative. Une question d'identité aussi, puisque «La Russie, note Nathalie Cheredega, est l'unique pays orthodoxe qui n'a pas été dominé par les Turcs».

Mystères

Etudiées depuis le début du XXe siècle, les icônes n'ont pas encore livré tous leurs mystères: «Avant le XVIIe siècle, les icônes n'étaient pas signées, cela complique leur datation. Il y aussi le problème des imitations, relève Nathalie Cheredega, très fréquentes à l'époque romantique. Au XIXe siècle, les Russes imitent les oeuvres du passé et fabriquent de fausses icônes.» Leur complexité a pourtant de quoi décourager les faussaires. La Mère de Dieu, Source vivifiante, présente une foule de personnages, très inspirés des gravures allemandes et hollandaises alors en vogue, venus chercher la vie éternelle à la Source de la vie, jaillissant sous le trône de la Vierge. Nathalie Cheredega: «La Joie est le thème central de l'icône russe. La Joie, la victoire sur la mort, la Transfiguration, la louange faite au Seigneur pour sa création. L'icône explique la vie».

Rédigé par l'équipe de rédaction le 3 Décembre 2009 à 17:28 | 0 commentaire | Permalien



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