L’Eglise russe reprend tout
Pierre-Alexandre Bouclay

Un vote historique de la Douma efface près de quatre-vingt-dix ans de spoliations. Cette “révolution” peut transformer la société russe. Le débat est vif.

Lénine a dû se retourner dans son mausolée ! À partir de ce 1er janvier, les autorités fédérales, régionales et municipales russes ont deux ans pour rendre à l’Église le patrimoine lui ayant appartenu avant la révolution. Le vote du Parlement russe du 19 novembre, autorisant la restitution de ces biens spoliés par l’Union soviétique, fut sans appel : 345 voix pour, 42 contre.

L’affaire remonte à 1918, avec un décret de la Commission des commissaires du peuple confisquant l’intégralité des biens de la “Commu nauté des Églises orthodoxes”, remplacée par une Église orthodoxe russe (EOR) sous le contrôle du pouvoir. Après la chute de l’URSS, les Églises retrouvèrent leur liberté mais durent se contenter d’un simple “droit d’utilisation gratuite” de leurs anciens locaux. Elles pouvaient devenir propriétaires, mais en rachetant ou en faisant construire de nouveaux bâtiments.

Le patriarcat de Moscou mena alors un patient travail d’influence, en collaboration avec le Kremlin, pour “remettre de l’ordre dans le pays” et amorcer la restitution intégrale de ses biens.

Boris Eltsine commença ce travail que Vladimir Poutine a finalisé : en mars 2007, son bras droit, Dmitri Medvedev, était chargé de préparer une loi dans ce sens ; trois ans plus tard, Medvedev, devenu président, a présenté son projet à la Douma.

Le gouvernement a mis en place un cadre solide pour éviter les abus. Les demandes de restitution doivent être présentées de manière transparente et publiées sur Internet. En cas de litige – ils sont déjà nombreux –, les tribunaux trancheront en dernier ressort.

L’un des principaux problèmes réside en effet dans la notion de “propriété de l’Église”, relativement floue. Elle recouvre les bâtiments cultuels, mais aussi les domaines immobiliers qui appartenaient jadis aux Églises. Le patriarcat exige parfois des terrains dont le patrimoine religieux a disparu ou auxquels des laïcs ont donné une forte valeur ajoutée. Se pose aussi le problème des milliers d’immeubles transformés – mairies, conservatoires, écoles – ou vendus dans les années 1990 à des entrepreneurs privés. L’EOR pourra en laisser certains en location ou en reprendre possession, à condition de reloger les occupants. Elle pourra également récupérer les objets religieux conservés dans les musées.

Ces mesures ont soulevé un vent de fronde dans les médias et chez les conservateurs du patrimoine, dont la logique semble inconciliable avec celle des religieux. Selon eux, l’Église n’a pas le savoirfaire pour préserver de précieuses antiquités, dont certaines icônes évaluées à plusieurs centaines de milliers d’euros. Les prêtres soutiennent au contraire que les objets liturgiques doivent retrouver leur usage religieux. Les muséologues répliquent en prédisant des « dégradations irrémédiables », annonçant des « trésors mis à la portée du moindre voleur». Ils redoutent que le patrimoine restitué ne soit plus accessible au public, surtout s’il est confié à des monastères ou placé dans des sites trop éloignés des centres urbains, comme les îles Solovki.....SUITE Valeurs Actuelles

Rédigé par l'équipe de rédaction le 8 Janvier 2011 à 11:00 | 1 commentaire | Permalien


Commentaires

1.Posté par Tchetnik le 08/01/2011 14:58
Ces mêmes laics viennent donner des leçons de morale en disant "rendez à César..."

Eh bien rendez à l'Église ce qui est à elle. Ce devrait être logique, même pour eux.

Les réticences des conservateurs sont ridicules car d'abord on se demande comment l'Église fit pour conserver dans de bonnes conditions ces trésors pendant plusieurs siècles. Cette accusation tombe quand on voit les systèmes high-tech qui, du monastère Sainte Catherine au Mont Athos, servent à la préservation de trésors identiques (manuscrits, icônes…), trésors dont le pire ennemi fut jusqu’à présent, non pas la prétendue « ignorance » des moines mais l’indélicatesse et la grossièreté d’ »universitaires » qui se comportaient dans ces lieux avec condescendance.

A la lecture des médias Russes, on constate que ce pays permet largement à ses journalistes de dire n’importe quoi, sans réelle conséquence derrière. Ce qui n,est pas exactement une marque de "dictature".



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