"La liberté de conscience"
un texte de Xenia KRIVOCHEINE

Ce texte est publié par la revue russe "Neskoutchny Sad"

Il y a une dizaine d'années je suis allée à Brive, en Corrèze où j'ai visité un monastère abandonné qui avait été fondé par saint Antoine de Padoue. Une source miraculeuse, des petits lacs, des grottes. Le calme et la sérénité, aucune présence humaine. J'ai rempli une bouteille d'eau dont un filet coulait sur une paroi couverte de mousse. Une pancarte disait: "Source miraculeuse de saint Antoine".
Le soir même j'ai rencontré le maire de Brive auquel j'ai raconté ma journée. Il se mit à rire: "Madame, vous croyez à ces balivernes? Cette eau vient du tout à l'égout! Les maraîchers des environs s'en servent pour arroser leurs potagers".
Cette réplique m'a fait penser à la cécité de l'homme moderne, à son incrédulité, à la force de la pensée athée. Le "rénovationnisme" qui a envahi les paroisses catholiques à la suite du Concile Vatican II (1962) n'a fait que rebuter la jeunesse au lieu de l'attirer. Il pouvait sembler qu'une messe accompagnée de musique de jazz, ou des textes liturgiques "adaptés" devraient faire affluer les jeunes dans l'Eglise modernisée. Ce renouveau n'a pas donné de fruits, la sécularisation de la société a désappris les fidèles à prier.
Comment ne pas se souvenir de "la liberté de conscience" officiellement octroyée en Russie par les bolcheviks en 1918.

En réalité ce fut le début de persécutions sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Le clergé fut exterminé, les autels, les objets du culte étaient blasphémés, les monastères transformés en prisons, en lieux de torture. Les premiers détenus en étaient des moines. Les actes de blasphème à l'égard des reliques étaient mis en scène avec une cruauté particulière. Grâce à Dieu le pouvoir déicide est tombé en Russie et nous pouvons à nouveau vénérer celles des reliques que la Providence a épargnées de l'anéantissement.
Il peut paraître surprenant à ceux des Russes qui ont vécu le régime soviétique déicide que les reliques chrétiennes en France ont eu à connaître des périodes plus que difficiles. La Grande Révolution de 1789-1799 est passée sur l'église avec son rouleau compresseur. On peut encore de nos jours observer les dégâts laissés par cette époque de vandalisme: admirable statues représentant des saints et des anges décapitées, fresques blanchies au crépi, vitraux gothiques brisés, tout ce qu'il y avait de sacré dans notre passé chrétien avait été vilipendé et voué à l'oubli. Les jacobins persécutaient le clergé avec non moins de cruauté qu'à l'époque athée soviétique. Si le XIX siècle fut relativement calme pour l'Eglise de France, le début du XX fut marqué par une nouvelle vague de persécutions. Souvenons nous de la loi promulguant la séparation de l'église et de l'école, le catéchisme, même à titre facultatif, était interdit dans les établissements d'enseignement. Toutes les écoles privées confessionnelles furent fermées, les ordres religieux expulsés du pays, de nombreux édifices appartenant à l'église furent confisqués… C'est à cette époque que triomphe le principe de la laïcité. Rien d'étonnant aussi à ce que nous percevions comme un miracle la présence d'une parcelle de la Sainte Croix, de la Couronne d'épines et du Clou dans Notre Dame de Paris.
Comment ne pas évoquer la trouvaille miraculeuse au début de "la perestroika" des reliques de Saint Séraphin de Sarov que des croyants avaient mis à l'abri… sous les combles de la cathédrale de la Vierge de Kazan à Saint-Pétersbourg transformée par les communistes en un musée "de l'histoire de la religion et de l'athéisme".

Rédigé par Xenia Krivocheine le 25 Janvier 2012 à 15:00 | 5 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par vinika le 28/10/2009 20:43
j'aimerai beaucoup connaître le récit de la découverte des reliques de Saint Séraphim.
-----
J'ai assisté à une ordination diaconale il n'y a pas longtemps dans une grande église catholique et en discutant avec des prêtres qui desservaient ce jour là et transportaient la chasse des reliques de saint Pia, !!! : un jésuite, un aumônier de soins palliatifs, un prêtre de paroisse, je les ai écouté et ils pensaient que les reliques ne sont de vulgaires os, des reliquats d'animaux, des facettes de " croyance " désuette. Des fausses rumeurs de source soi-disant miraculeuse, de soi-disants apparitions ou guérisons...
Ils m'ont vraiment prise pour une "simplette " avec mon affirmation de " foi dans les reliques miraculeuses et de foi dans la foi populaire

2.Posté par Wormwood le 29/10/2009 13:17
Ne soyez pas étonnée, Vinika, mais laissez à Dieu le jugement pour être en accord avec la prière de saint
Ephrem que nous récitons pendant le grand carême (et que nous devrions pratiquer aussi en dehors de ce temps liturgique). C'est là une tentation que j'ai récemment ressentie en visitant le "Musée d'art sacré" du diocèse catholique de Valence (Drôme) : Les orthodoxes y sont très fraternellement accueillis. On y trouve de beaux objets religieux. Comme je m'étonnais du fait que la plupart des reliquaires de ce musée contenaient encore les reliques de nombreux saints d'avant le schisme, on m'a regardé avec cette compassion qu'on réserve généralement aux débiles plus ou moins profonds. Supportons-le donc.
D'ailleurs, nous orthodoxes, sommes-nous si en accord avec notre tradition spirituelle que cela ? J'ai participé récemment à un colloque inter-orthodoxe réuni au monastère catholique de Bose (Italie) sur le thème du "Combat spirituel". Les conférenciers ont abordé à peu près tous les aspects de ce sujet sauf un : le démon comme tentateur, comme adversaire, et son rôle dans la vie spirituelle ordinaire du chrétien. Il a fallu que ce soit, à la fin du colloque, le père abbé bénédictin de Chevetogne (P. Michel van Parys) qui le fasse remarquer et s'étonne qu'aucun des intervenants orthodoxes (théologiens, moines, évêques) n'ait abordé la question. Or, il fait partie de la tradition orthodoxe la plus antique que si nous croyons en Dieu au sens premier et unitif du terme, nous croyons, non dans le démon, mais en l'existence et l'action du démon, ange déchu jaloux de notre salut, et que nous essayons de nous garder de ses ruses grâce au discernement que nous nous efforçons d'acquérir, grâce à l'enseignement de l'Eglise Orthodoxe et des conseils de notre père spirituel, sans perdre de vue, bien sûr l'assistance de l'active prévenance divine que l'on appelle la Providence.
Pour exprimer un peu brutalement ce que je pense , je dirais que je souhaiterais que les orthodoxes échappent à la tentation du catholico-tropisme qui donne l'impression qu'ils sont incapables d'exister sans la béquille ou le repoussoir des catholiques. Qu'on laisse donc les hétérodoxes faire ce qu'ils veulent ! Et si nous pensons avoir quelque chose à leur dire, vérifions que nous nous sommes préalablement consacrés au trésor qui est le nôtre, trésor que nous n'avons que très partiellement découvert dans la connaissance intime que constitue l'expérience. Vérifions que notre parole est constituée de deux éléments : la vérité du discours et sa "puissance", c'est à dire le dynamisme de l'Esprit à l'œuvre dans le témoignage. Sans ce dynamisme que permet une vie en communion avec la Trinité sainte, nous réduisons la parole orthodoxe à une idéologie inefficace, nous condamnons la théologie orthodoxe à être une sorte de moyen terme entre les théologies catholiques et protestantes, alors qu'en fait, la théologie orthodoxe, pas plus que l'Eglise orthodoxe, ne fait nombre avec les autres. Elle est "d'ailleurs", elle est "ailleurs." L'Eglise orthodoxe n'est pas un catholicisme sans pape, ni un protestantisme à tendance liturgique. L'Eglise orthodoxe est le Royaume, et il n'y en a pas deux. C'est là que le Christ nous convoque quand nous lui demandons "Maître, où demeures-tu?" et qu'il nous répond : "Viens et vois."

3.Posté par Pélagie le 29/10/2009 15:24
@ Wormwood - merci pour votre commentaire qui montre bien que souvent nous aimons prouver aux autres que, nous orthodoxes, nous sommes les meilleurs et avons raison, avec parfois des mots très durs.
Effectivement, le "démon tentateur" n'est pas souvent évoqué, alors qu'il est omniprésent dans le monde.
Montrer l'Orthodoxie, à notre petite échelle, ne se fera pas par de grands discours au cours desquels les discussions ne sont pas toujours très calmes - prouver par des paroles n'est pas toujours efficace.
Commençons par de petits pas dans nos familles, dans nos paroisses, avec nos amis pour que là où nous sommes règnent la paix et la joie. Et peut-être on pourra dire "" regardez comme ils s'aiment" " et que les autres voudront venir avec nous. pour découvir la Vérité.

4.Posté par vinika le 29/10/2009 16:08
dans certaines églises on voit comme "illusion d'optique " la face d'un ange et lorsque l'on s'éloigne il devient la face du démon, excellente représentation de ce qui se joue en permanence en nous !

5.Posté par Michel le 27/12/2009 04:24
«Cette réplique m'a fait penser à la cécité de l'homme moderne, à son incrédulité, à la force de la pensée athée. Le "rénovationnisme" qui a envahi les paroisses catholiques à la suite du Concile Vatican II (1962) n'a fait que rebuter la jeunesse au lieu de l'attirer. Il pouvait sembler qu'une messe accompagnée de musique de jazz, ou des textes liturgiques "adaptés" devraient faire affluer les jeunes dans l'Eglise modernisée. Ce renouveau n'a pas donné de fruits, la sécularisation de la société a désappris les fidèles à prier.»

Voila un commentaire tres juste. Ici au Québec - la faiblesse de l`instruction religieuse a l`école a partir des années 70 a causé bien des dommages. Il faut savoir garder un juste milieu entre assez d`instruction religieuse pour comprendre l`histoire et la doctrine mais sans exagérer pour former des fanatiques ou encore provoquer des réactions de rejets pour avoir abusé. Donc un savant dosage dans l`enfance.

Nouveau commentaire :



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile