Récemment la paroisse Sainte Tatiana (université de Moscou) a organisé une exposition de peintres modernes.
Est-ce que l’Eglise et l’art moderne, l’orthodoxie et la culture de masse sont irréconciliables ? Comment trouver un langage commun et établir des passages ? Xenia Krivochéine, peintre et auteur de plusieurs essais résidant à Paris dit sur Bogoslov.ru comment elle perçoit la création contemporaine ?

Rédigé par l'équipe de rédaction le 22 Juin 2010 à 12:26 | 3 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Cathortho le 23/06/2010 22:46
Ne connaissant malheureusement pas le russe je n'ai pu lire l'article de Xenia Krivochéine, mais au vu du titre de ce post je suppose qu'il est défavorable à l' "art" contemporain comme il se doit non seulement pour tout chrétien mais aussi pour tout homme de bonne volonté. En France une essayiste catholique, historienne de l'art et conférencière, Christine Sourgins, se bat courageusement contre cette aberration pseudo artistique, elle a publié "Les Mirages de l’art contemporain", éd. La Table ronde, 2005. Voici quelques extraits d'un article intitulé " L’abstraction « spiritualisante » au Collège des Bernardins " en ligne sur son blog (sourgins.over.blog.com) à propos de l'exposition « La Pesanteur et la Grâce » (23 avril - 12 septembre 2010), au Collège des Bernardins à Paris :

" L'exposition présente le travail de cinq artistes internationaux : Marthe Wéry, Callum Innes, Georges Tony Stoll, Emmanuel Van der Meulen et Emanuele Becheri. [...] L’économie de moyens y est poussée jusqu’à l’abandon du savoir faire. Le plasticien Van der Meulen déclare : « J’essaie de ne pas peindre, tout en peignant » ; il se limite au « minimum reconnaissable ». [...] L’abstraction qu’on nous chante ici n’a rien à voir avec celle de Kandinsky, de Pevsner, de la plupart des Modernes : il s’agit d’abstraction conceptuelle, ou mieux, de conceptualisme abstrait. Si les œuvres « ne racontent rien, pour laisser surgir quelque chose comme la beauté », le discrédit est jeté sur la représentation ou la figuration, et au contraire, un crédit incommensurable est accordé à l’abstention, à la rétention des processus artistiques. [...] Pourquoi ces artistes, champions d’humilité, n’osent-ils pas le plus complet anonymat ? Si la signature d’un artiste qui construit et assume une image à un sens, que signifie la signature d’une abstention ? Et que vaut un « processus d’auto-annulation » quand on est déjà nul ? [...] « Le public, nous dit-on, doit accepter d’effectuer un certain travail. C’est en cela que (l’exposition) n’est pas élitiste mais exigeante. » Il va de soi que si les œuvres qui snobent toute représentation, sont pures, c’est que l’image est pollution : la vieille pulsion iconoclaste, toujours à l’affût dans l’histoire chrétienne, est tapie derrière les piliers des Bernardins.

Simone Weil, Newton même combat ? [...]
« La pesanteur oriente alors le flux de la térébenthine de telle sorte que naissent des figures fantomatiques et grandioses à la fois, que les spectateurs peuvent interpréter comme des images, mais des images sans stabilité et sans certitude. Celles-ci sont alors littéralement une résistance à la gravité et à la dilution ou, au contraire, un effet de ces deux actions non humaines ; de même suggèrent-elles autant la montée que la descente ». Pauvreté de l’objet mais emphase du langage qui n’hésite pas à convoquer Simone Weil, par titre de l’exposition interposée. La philosophe écrivait : « La grâce ne s’atteint pas par une volonté héroïque mais par la soumission humble aux nécessités de la pesanteur. » Ce qu’elle appelait « l’effet levier » : « Monter en abaissant. Il ne nous est peut-être donné de monter qu’ainsi. » S’en remettre à la pesanteur pour révéler la grâce, n’est-ce pas diviniser le hasard et la nécessité ? Est-ce de bonne théologie ? S’il suffit de laisser travailler la pesanteur pour que la grâce apparaisse, c‘est sous le patronage de Newton et non de Simone Weil qu’il faut placer l‘exposition ! Si la grâce est capable de naître de la pesanteur immanente, qu’avons-nous encore besoin de transcendance ? [...] « Toutes les traditions spirituelles ; nous explique-t-on encore, mettent l’accent sur le fait que le fondement de l’exercice spirituel repose sur la capacité à sentir ce moment du passage du rien à quelque chose. » Sauf qu’ici, il y a refus de définir quoi que ce soit et le spirituel chrétien devient aussi évanescent que le couteau sans lame, auquel ne manque que le manche, de Lichtenberg.

Le déni de l’art financier [...]
La politique artistique de ce centre catholique diocésain prestigieux [le Collège des Bernardins]s’illusionne avec la vieille antienne de « l’art témoin de son temps » : l’art contemporain, art d’une toute petite partie de nos contemporains, pourrait-il témoigner de son temps ? En revanche, il témoigne des siens : la spiritualité exposée ici est celle de la société de consommation qui réduit l’expérience spirituelle à la frustration, à une appétence jamais satisfaite, pour consommer encore.
L’institution est-elle naïve ou complice ? Ou bien est-elle comme ces banquiers victimes des subprimes, épatés par leurs analystes financiers, experts alignant des modèles mathématiques où personne ne comprend rien mais impressionnant tout le monde. Le conceptualisme de l’art dit contemporain joue le même rôle, il fascine. À quand la prise de conscience qu’il s’agit d’un produit toxique ? "

Il me semble que Christine Sourgins met bien en relief, dans sa crtique lucide de l' "art" contemporain, un des aspects parodiques et dissolvants de la post ou hyper modernité qui, après la modernité positiviste, étape de "solidification" qui s'attaquait de manière frontale au Christianisme, s'attaque aujourd'hui au Christianisme en le parodiant, étape de "dissolution". Dans le domaine de l'art nul doute que nous avons affaire ici à une nouvelle manifestation d'iconoclasme assez redoutable.




2.Posté par Xenia Krivocheine le 25/06/2010 18:19
@Cathortho,
Merci! En tout cas je peux croire que le titre de mon texte a trouvé une expression française fidèle, vous avez parfaitement appréhendé ce qui allait le suivre.
A mon arrivée en France, au début des années 80 j'ai été frappée par "le rénovationnisme" dans l'art religieux, par ce que l'on voyait dans les églises du XIII arrdt de Paris, et ailleurs. Même dans les salles XX siècle des musées du Vatican... Hélas, tout ceci est non seulement "non conforme" mais aussi fort laid. La Russie, espérons le ne s'engagera pas dans ces voies. L'art religieux moderne, sans doute un peu mièvre, n'est en rien révolutionnaire. Ses meilleurs exemples se trouvent à Paris: Krug, Ouspensky...
Merci de m'avoir indiqué les travaux de Christine Sourgins.
Vous avez raison d'invoquer l'iconoclasme!

3.Posté par Gabriel le 14/07/2010 14:08
« J’essaie de ne pas peindre, tout en peignant »
Van der Meulen pourrait au moins citer ses sources (voir le lien ci dessous)

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