Le 9 janvier, deuxième Concert  à l'occasion du 3-ème anniversaire de la consécration de la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité
Donné à l’occasion du troisième anniversaire de la consécration de la cathédrale orthodoxe russe de la Sainte-Trinité, le présent concert est consacré à la fête de la Nativité ou fête de Noël. Dans la tradition liturgique Orthodoxe, cette fête est rattachée au groupe des douze grandes célébrations festives inclues dans le cycle liturgique annuel fixe, étant célébrée par la communauté de l’Eglise de Jérusalem dès la période primitive de son existence.

Souvent dénommée en Russie ‘’Pâques d’Hiver’’, la fête de la Nativité est précédée d’une période préparatoire de carême et la dimension festive de sa célébration se poursuit durant une période s’étendant bien au-delà de la journée du 25 décembre,ce temps de réjouissances étant usuellement dénommé en langue russe ‘’Svyatkis’’,temps de réjouissances auquel au demeurant est également rattachée la fête de la Théophanie.

Le 9 janvier, deuxième Concert  à l'occasion du 3-ème anniversaire de la consécration de la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité
Le contenu musical du concert que propose le chœur de la cathédrale de la Sainte Trinité placé sous la direction de Marina Politova se compose de deux parties, le premier volet de ce moment de musique rassemblant quelques œuvres significatives léguées par des compositeurs renommés tout comme par d’autres malheureusement moins connus du monde musical occidental mais qui, par leur ferveur et l’authenticité de leurs sentiments religieux, se doivent à juste titre d’être découverts. Avec la présentation en deuxième partie de noëls traditionnels (‘’koliadkis’’), le concert se poursuivra dans une atmosphère peut-être plus profane, les koliadkis étant des chants d’inspiration para-liturgique rattachée essentiellement à une tradition populaire aux origines lointaines, la pratique de ces chants étant encore très prisée de nos jours dans les contrées slaves, plus particulièrement dans les contrées slaves de tradition orthodoxe.

En prélude à ce concert, le chœur de la cathédrale présentera une version du Tropaire de la fête de la Nativité mise en musique par le compositeur Stepan Degtiarev. Né en 1766 à Borissovka dans la région de Koursk et mort en 1813, longtemps rattaché à la Chapelle du comte Nicolas Cheremetiev, Stepan Degtiarev est connu pour avoir publié la version en langue russe du traité d’harmonie du compositeur et théoricien italien Francesco Manfredini, ce traité (Regole Armoniche) ayant fait longtemps autorité dans la Russie musicale.Remontant au VIII ème siècle, le texte du Tropaire mis en musique par Degtiarev est attribué à Romain le Mélode, étant comme tous ses semblables une hymne brève commentant la célébration d’un événement important sur le plan spirituel, cet événement n’étant présentement autre que la venue au monde du Sauveur.

Seront ensuite chantés quelques fragments tirés des Canons des Matines de la fête de la Nativité dans une version musicale très prisée dans les églises de Russie due au compositeur Allemanov. Les textes constituant ces canons sont attribués à Côme de Maïouna et à Jean Damascène, les canons dans la tradition liturgique orthodoxe étant des compositions poétiques fixées généralement en neuf séquences s’ouvrant sur une strophe modèle (ou Irmos) et se refermant sur une reprise (ou Katavassia). La facture du contenu textuel des strophes modèles présentement mises en musique par Allemanov reprend les paroles d’un discours de Saint Grégoire le Théologien (Le Christ naît, glori-fiez le…..).

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Poursuivant son évocation musicale de l’office de la fête de la Nativité, le chœur chantera ensuite une Grande Doxologie du compositeur Pavel Tchesnakov.

Né en 1877 et mort en 1944, formé à l’Institut Synodal de Moscou ou il a par la suite lui-même enseigné, élève d’Ippolitov-Ivanov, tout en assumant des fonctions de maître de chapelle de plusieurs églises de Moscou, Pavel Tchesnakov est connu pour avoir fait partie d’une importante mouvance ayant contribué au renouveau de la pratique du chant liturgique dans la Russie d’avant 1917, le compositeur léguant à sa postérité au moins deux-cents oeuvres.

Cette première partie de concert se poursuivra avec le chant d’un Polyléos qui selon la tradition orthodoxe est la séquence liturgique de l’un des moments les plus solennels de la célébration des Matines festives ou dominicales, cette séquence reprenant sur le plan du texte des extraits tirés de psaumes de David chantant la miséricorde de Dieu, étant présentée dans une version traitée musicalement par le compositeur Smirnov.

Sera ensuite proposée l’audition d’un émouvant fragment concluant le chant et la lecture des canons de la fête de la Nativité et pouvant être perçu comme cantique dédié à la Lumière Divine, ce fragment étant mis en musique par un auteur anonyme.

Le premier volet de la programmation de cette soirée se refermera avec une œuvre du compositeur Dmitri Bortniansky ]b écrite sous forme de concerto vocal s’appuyant sur un texte slavon tiré de l’office de la fête de la Nati-vité s’ouvrant avec l’acclamation ‘’Gloire à Dieu au plus hauts des Cieux’’, cette acclamation étant plus familière dans sa variante latine (‘’Gloria in Excelsis Deo’’).
On sait que Bortniansky a su porter l’art musical et liturgique à l’un de ses plus hauts niveaux. Né à Gloukhov en 1751et mort à Saint-Pétersbourg en 1825, remarqué dès son plus jeune âge par ses dons musicaux, Dmitri Bortniansky a très tôt été admis à la Chapelle de la Cour Impériale de Russie où il su franchir avec succès les étapes successives de son apprentissage musical auprès de maîtres recherchés dont le plus connu était sans doute Baltassare Galuppi.

Sur le plan à la fois pédagogique et esthétique et par sa lignée, l’apport de cet héritage est on ne peut plus pres-tigieux, Galuppi ayant été l’élève de Lotti puis recevant ensuite à Berlin les conseils de Karl-Philipp-Emmanuel Bach, second fils du grand cantor de Leipzig.Protégé du futur empereur Paul 1er, après un séjour d’études en Italie sur décision de Catherine II de Russie, Bortniansky sera de retour à Saint-Pétersbourg, accédant très vite au sommet de la vie musicale de la capitale impériale d’alors, laissant un corpus important d’œuvres qu’il destine principalement à l’Eglise. Après révisions, ce corpus a été publié en dix volumes à Moscou à la fin du 19ème siècle, à l’initiative de Piotr Illitch Tchaïkowsky, Bortniansky apportant à sa postérité le témoignage de la présence et de l’activité d’un musicien à la fois aimé et recherché.

En revanche, ce que l’on sait peut-être moins : la famille de Bortniansky était d’origine Carpatho-Russienne, son père, Stéphane Skurat, étant né à Bartne au sein d’une famille établie dans la région des Lemkos (région située dans l’extrême Sud-Est de la Pologne actuelle), ce même père ayant émigré en Russie pour rejoindre un régiment cosaque, devenant proche de l’Hetman K. Razoumowsky puis étant anobli et adoptant le nom de Bortniansky, la mère du compositeur étant née Tolstoy. Selon un témoignage écrit laissé par l’un des membres de sa famille, Dmitri Bortniansky aurait effectué un séjour à Bartne, sur la terre de ses ancêtres, à la suite de son séjour en Italie et avant son retour définitif en Russie.

Récemment, certaines pages de musique profane de Bortniansky ont été remises à jour, le grand musicien ayant laissé des opéras, des opéras-comiques, des œuvres pour clavecin ou pianoforte, de la musique de chambre, des œuvres vocales profanes a cappella ou avec accompagnement instrumental, des mélodies sur des textes français. Curieusement, certains manuscrits d’œuvres de chambre de la main du compositeur sont actuellement conservés à Paris, entre autres au sein du Département de la Musique de la Bibliothèque Nationale.

Le 9 janvier, deuxième Concert  à l'occasion du 3-ème anniversaire de la consécration de la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité
Avec la présentation de quelques ‘’koliadkis’’ représentant on ne peut mieux une tradition essentiellement d’origine populaire, le contenu musical de la deuxième partie de ce concert a pour ambition de permettre la perception de certaines richesses issues du corpus paraecclésial orthodoxe slave.

Durant la période des fêtes de la Nativité, la pratique chorale desi [ koliadkis ]i est courante en Russie bien qu’étant principalement originaire de régions situés plus à l’Ouest, telles l’ancienne Petite Russie (l’Ukraine actuelle), la Biélorussie, la Slovaquie ou la Pologne, cette pratique chorale étant même répandue en Roumanie, pays d’origine latine mais de tradition à forte majorité orthodoxe.
Dans les contrées slaves, les koliadkis se sont répandues probablement à partir du XVIIème siècle.

Selon certaines hypothèses, la pratique cantorale des koliadkis serait en transposition la reprise d’une pratique populaire d’origine germanique essentiellement protestante.

D’après les connaissances actuelles, il est possible d’affirmer qu’il n’en est rien. Certes, dans les pays slaves et même à niveau populaire, l’influence musicale germanique a été une réalité, mais cette influence a elle-même puisé ses sources dans des traditions antérieures à la naissance du protestan-tisme, certains usages propres à la pratique des chants de Noëls trouvant leurs origines dans les pays latins où cette pratique musicale était très prisée bien avant le XVIIème siècle baroque, comme par exemple en Espagne et au Portugal, dans le Sud et l’Est de la France, puis par extension sur toute l’Europe Occidentale. Avec les années, dans les pays essentiellement de tradition latine, la pratique exécutive des noëls s’est considérablement développée, dépassant les limites d’une forme vocale d’essence initialement populaire pour atteindre une dimension plus académique, la tradition des noëls s’introduisant même dans le domaîne de la musique instrumentale.

Tout comme les noëls occidentaux, les Koliadkis étaient chantées à l’origine dans les campagnes, généralement par des groupes d’enfants et d’adolescents se rendant comme en procession dans la plupart des foyers de leurs villages où ils étaient accueillis. Après quelques chants, on conviait ces groupes au partage d’une collation, on leur offrait des friandises auxquelles pouvaient s’ajouter quelques modestes gratifications sonnantes et trébuchantes... Avec le temps, la pratique des koliadkis est devenue un art plus savant, les chants étant présentés en concerts, faisant l’objet de rassemblements choraux et même de concours.

A l’initiative de certains maîtres de chœurs ou de chantres, de nombreuses mélodies de koliadkis ont été rassemblées et publiées après harmonisation, comme on en a par exemple le témoignage en parcourant les pages d’un important recueil édité durant le siècle dernier à l’initiative de la communauté de la Laure de Pochaev (située actuellement en Ukraine Occidentale, sur les terres de l’ancienne ‘’Czerwona Russ’’). De nos jours, dans certaines communautés orthodoxes d’Europe Centrale, il est admis de chanter des koliadkis à l’issue de célébrations de Divines Liturgies ou durant la courte interruption de l’office précédant la communion des fidèles.

Au cours de cette soirée, le chœur de la cathédrale de la Sainte-Trinité présentera à ses auditeurs quelques koliadkis considérées comme étant les plus aimées et les plus représentatives du genre, la soirée musicale se refermant sur un noël…… on ne peut plus occidental et d’origine autrichienne, ayant été chanté pour la première fois dans la région de Salzbourg en 1818 après avoir été mis en musique par Franz Xaver Gruber sur des paroles de Joseph Mohr, ce noël étant devenu à niveau universel un ‘’must’’ incontournable, y compris dans les pays de grande tradi-tion orthodoxe tels la Russie.

Jean Dufieux, 2019, Paris










Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 20 Décembre 2019 à 14:02 | -2 commentaire | Permalien



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