Vladimir Golovanow

Le site du Département des relations extérieures du patriarcat de Moscou publie une grande interview du métropolite Hilarion de Volokolamsk à la « Rossiyskaïa gazeta » (Le Journal Russe) (n°5449 (73) du 7 avril 2011). Comme il aborde plusieurs thèmes très différents, je pense intéressant d'en faire plusieurs posts qui peuvent donner lieu à des échanges ciblés sur chacun de ces thèmes. En premier voici des extraits qui traitent de la "christianophobie", néologisme qui entre, malheureusement, dans le langage commun, et du combat que mène l’Église pour répondre aux défis de la modernité:

Citation:
– Monseigneur, peut-on dire aujourd’hui que le christianisme traverse une phase offensive active dans le monde entier, ou reste-t-il plutôt une religion persécutée ?
– Les études montrent que les chrétiens sont aujourd’hui le groupe confessionnel religieux le plus discriminé et le plus persécuté.

Dans des pays où le christianisme est présent depuis des siècles et y occupait des positions dominantes, les chrétiens sont aujourd’hui persécutés, forcés de quitter leurs terres natales et de s’exiler. Cette discrimination est particulièrement marquée et de grande envergure dans un certain nombre de pays musulmans. Il suffit de mentionner l’Irak, où la plupart des familles chrétiennes se sont trouvées dans l’obligation de quitter le pays depuis le changement de pouvoir. Ou le Pakistan où un ministre chrétien a été assassiné il y a peu. On tue des chrétiens dans un pays comme l’Inde, dans certaines régions des Philippines, dans toute une pléiade d’autres états.

En même temps, le problème de la christianophobie a longtemps été passé sous silence en Europe. Les hommes politiques européens, retenus par le politiquement correct, ont beaucoup parlé de lutte contre l’antisémitisme, contre l’islamophobie ou d’autres manifestations d’intolérance religieuse ou ethnique, se gardant bien cependant d’évoquer le thème de la « christianophobie ». Ils n’ont commencé à en parler que ces derniers mois. En janvier, une résolution à mon avis révolutionnaire a été prise au niveau du Parlement européen. Elle énumère les faits de persécution contre les chrétiens dans différents pays du monde et propose des solutions concrètes pour leur venir en aide. Je pense que le thème de la christianophobie doit également être envisagé dans un contexte de collaboration inter-chrétienne. Avec les chrétiens d’autres confessions, nous devons défendre les minorités chrétiennes dans les pays où elles sont persécutées...

– Monseigneur, quelle métaphore proposeriez-vous pour décrire la période que traverse aujourd’hui l’Église ?

– C’est une époque de combat. Depuis sa création par notre Seigneur Jésus Christ, l’Église s’est toujours trouvée en conflit avec ce siècle (cf I Jean 2, 16). Ce conflit a pris des formes différentes. L’Église a parfois été persécutée, elle a parfois vécu dans des conditions favorables, mais le monde dans lequel règne le péché s’est toujours opposé à sa volonté d’enseigner aux hommes morale et spiritualité. F. Dostoïevski propose une bonne comparaison : le cœur de l’homme est un champ de bataille entre Dieu et le diable.

L’Église est une armée qui se bat pour que les valeurs et les idéaux moraux absolus règnent dans le monde, tandis que le siècle s’oppose violemment à elle dans ce combat. Et les forces sont, naturellement, inégales. Les représentants de l’idéologie séculariste sont quantitativement plus nombreux que les représentants de l’idéal religieux. La lutte ne concerne pas les vérités théologiques. Notre mission ne consiste pas à prouver aux gens l’existence de Dieu, elle concerne d’autant moins des intérêts institutionnels. Il s’agit de lutter pour les âmes. Pour l’avenir de nos enfants et des pays dans lesquels nous vivons.

Je me contenterai d’un exemple démontrant la nécessité de ce combat. Aujourd’hui, dans tous les pays développés, indépendamment de leur situation économique, la situation démographique est à peu près identique. Le niveau de vie en Russie diffère du niveau de vie des Suédois, mais le problème démographique est tout aussi aïgu dans les deux pays. Et la raison du non-désir de la majorité absolue des couples d’avoir plusieurs enfants n’est pas économique, mais idéologique. L’idée même de la famille nombreuse comme famille heureuse semble incongrue, on a oublié que les enfants étaient une bénédiction divine. Si autrefois un couple pouvait avoir 5 enfants, 15 petits-enfants et 45 arrières-petits-enfants, aujourd’hui 20 personnes auront 15 enfants, 6 petits-enfants et 2 arrières-petits-enfants. Cette tendance à l’extinction manifeste clairement que l’échelle des valeurs de nos contemporains ne correspond plus à celle sur laquelle les hommes ont construit leur vision du monde et leur vie durant des siècles. C’est pourquoi je dis qu’il s’agit d’une lutte pour la vie humaine, pour l’avenir de nos peuples, et non d’un débat théologique....

– Vous avez été l’un des premiers à dire que l’Église devait répondre aux défis de la modernité. Quels changements se produisent aujourd’hui dans l’Église, quelle Église voulons-nous voir ? La période que nous vivons actuellement ne rappelle-t-elle pas ce qu’ont vécu les catholiques après le Concile Vatican II ?

– Je crois que le Concile Vatican II est difficile à apprécier. Même au sein de l’Église catholique les opinions divergent radicalement quant à ses résolutions. Toute comparaison de ce qui se produit dans l’Église orthodoxe avec le Concile Vatican II péchera donc par inexactitude.

Des évènements sans précédents se produisent à l’intérieur de l’Église orthodoxe ces 20 dernières années. La montée quantitative de l’Église est suffisamment parlante. Mais elle recouvre de nombreux changements qualitatifs. L’Église est sortie du ghetto, elle occupe désormais la place qui lui revient dans l’espace social. Je pense qu’il serait plus juste de comparer l’histoire de l’Église russe contemporaine non pas avec le Concile Vatican II, mais avec la période de l’histoire de l’Empire romain qui suivit la publication de l’Édit de Milan par l’empereur Constantin, en 313. Il a permis à l’Église persécutée durant trois siècles de sortir des catacombes et d’occuper la place qui lui revenait dans la société, de s’occuper de mission et de charité, d’initier des projets éducatifs.

Pourtant, notre époque n’est pas seulement celle de la renaissance de l’Église, mais également celle de nouveaux défis. Si naguère l’ennemi principal de l’Église était l’athéisme militant, qui occupait une position dominante dans notre pays, aujourd’hui nous avons affaire au sécularisme militant, une idéologie beaucoup plus insidieuse, s’immisçant dans les cœurs par le système d’éducation, par les médias, la culture, les tentations de ce monde. Je pense que c’est cette lutte entre l’Église, qui continue à défendre des valeurs spirituelles et morales éternelles et absolues, et ce siècle, taillé pour un état d’esprit consommateur, qui déterminera le mode de vie de l’Église durant les décennies à venir.
Propos recueillis par Elena Iakovleva

Le site du Département des relations extérieures du patriarcat de Moscou

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 13 Avril 2011 à 09:27 | 4 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Larissa le 13/04/2011 12:22
France : Près de 3000 adultes seront baptisés à Pâques

ROME, Mardi 12 avril 2011 (ZENIT.org) - En France, cette année encore, près de 3000 adultes (2 952) recevront le baptême ainsi que les deux autres « sacrements de l'initiation », l'Eucharistie et la Confirmation, au cours des fêtes pascales des 23 et 24 avril prochains, a annoncé la Conférence des évêques de France (Cef).
« Ces femmes et ces hommes qui frappent aujourd'hui à la porte de l'Eglise sont principalement des jeunes âgés de moins de 35 ans (les deux-tiers), ayant côtoyé le christianisme dans leur enfance et adolescence (plus de la moitié), exerçant des professions d'ouvrier, de techniciens, d'employés de service ou de bureau (plus de la moitié également), et souvent sollicités par des événements heureux comme un prochain mariage, le baptême d'un enfant ou des situations difficiles à vivre : soucis professionnels, deuils, etc. Suite Zenit

2.Posté par Un séminaire sur la discrimination des chrétiens en Europe au Parlement européen le 12/10/2012 16:51
Le 2 octobre 2012, un séminaire sur le thème de la « Discrimination des chrétiens en Europe » s’est déroulé au Parlement européen de Bruxelles.

Organisé conjointement par des parlementaires du Parti populaire européen et de la Fraction des Conservateurs et Réformateurs européens et par la Commission catholique des conférences épiscopales de l’Union Européenne, le séminaire a réuni plusieurs centaines de participants, députés européens, experts en droit religieux, hommes politiques, représentants d’organisations civiles et ecclésiastiques.

Les participants du séminaire et les experts ont constaté la montée évidente des manifestations d’intolérance à l’égard des chrétiens d’Europe de l’Ouest ces dernières années. Ils se sont demandé si les cas de discrimination qui se multiplient d’année en année dans les pays de l’Union européenne, les cas de violence, de vandalisme, d’offense aux croyants, de blasphème, d’incitation au péché, d’hystérie anticléricale dans la presse sont simplement une série de coïncidences ou s’il s’agit d’un mouvement conscient des structures politiques et sociales œuvrant à la marginalisation et à la discréditation du christianisme et général et de l’Église en tant qu’institut en particulier.

Les multiples exemples et données statistiques rassemblés dans le rapport de M. Kügler (Autriche) témoignent de ce que les tendances antichrétiennes en Europe prennent des proportions menaçantes et représentent dès maintenant une menace réelle à la liberté de conscience et aux droits de la personne. « Les statistiques ne sont pas complètes, mais la haine est bien dans l’air » a conclu l’expert.

Les exemples suivants, mentionnés par les intervenants, résument les tendances actuelles dans toute l’Europe :

- Perte du droit des parents à refuser certaines formes d’éducation sexuelle de leurs enfants dans les écoles ; les mentions de Noël, de Pâques et d’autres fêtes chrétiennes sont retirées des calendriers scolaires ;

- « Guerre culturelle » contre la famille : l’expression d’une conception traditionnelle de la famille comme union d’un homme et d’une femme, et non de deux personnes de n’importe quel sexe est réprimée ; la loi réprime toute désignation de l’homosexualité comme un péché et un vice, même sous une forme douce ; matraquage par le lobby LGBT et emploi du terme « homophobie » comme instrument d’exclusion de la sphère publique des groupes en désaccord ; en Grande-Bretagne, les agences catholiques d’adoption ont été forcées de fermer après 200 ans de services suite à une nouvelle loi obligeant de proposer des enfants à l’adoption par des couples homosexuels ;

- Obligation faite au personnel médical et aux étudiants de procéder à des avortements, à des actes d’euthanasie et d’employer des biotechnologies ne correspondant pas à l’éthique chrétienne ;

- Violation du droit de réunion, les meetings contre l’avortement sont interdits ;

- Mise en place d’une pratique d’accusation des chrétiens de crimes dits « de haine » (hate crimes), lorsqu’il s’agit d’interventions contre la propagande de l’homosexualité, de l’extrémisme islamiste et des avortements ;

- La publication d’images insultantes pour les croyants est tolérée.

Le député européen Konrad Szymanski a affirmé que la menace contre les communautés religieuses en Union européenne devenait de plus en plus sensible, en particulier lorsque la haine sociale est volontairement dirigée contre la communauté chrétienne. Il a regretté le manque d’un véritable dialogue sur ces questions au Parlement européen.

Rocco Buttilglione, vice-président du Parlement italien a remarqué que le nombre de paroissiens actifs et pratiquant réguliers était malgré tout en constante augmentation dans les églises d’Europe. Selon lui, il convient de tenir compte de la fracture séparant les minorités influentes, inspirant les décisions politiques en Union européenne, de la majorité chrétienne silencieuse qui craint de se retrouver au centre d’un ordre du jour politique brûlant. Il a également invité à revenir à une compréhension de la loi se basant sur une plus grande précision, se rangeant à l’opinion de F. J. Borrego Borrego, ancien juge (à partir de 2003) de la Cour européenne des droits de l’homme qui participait au séminaire et a déclaré que la Cour européenne des droits de l’homme s’inspirait non pas de critères objectifs, mais de notions idéologiques. « Il faut dire adieu à la justice politiquement correcte » a-t-il dit.

Les participants du séminaire ont mis en évidence la dangereuse tendance à un emploi dévoyé de la notion de tolérance. Si la tolérance désignait à l’origine une forme de respect envers une opinion que l’on n’approuve cependant pas, le mot « tolérance » suppose aujourd’hui l’impossibilité d’exprimer son désaccord. Cette compréhension touche à la liberté fondamentale d’expression, et des restrictions supplémentaires de la liberté d’expression au niveau légal pourraient avoir des répercussions négatives imprévisibles. « Il n’est pas nécessaire de dire que l’Église est contre la discrimination, a dit le représentant du secrétariat d’état du Vatican. Mais toute discrimination n’en est pas une : il existe aussi un droit à la différence ».

Au cours de la discussion publique, l’un des collaborateurs de la Commission européenne a déclaré honteuse la nomination par certains membres du Parlement européen du groupe punk ayant, selon lui, « profané » l’église du Christ Sauveur de Moscou, au prix Sakharov pour l’année de 2012. Il a appelé à protester contre cette proposition « absolument stupéfiante ». Le député Jan Olbrycht a qualifié à son tour cette nomination de destructive, soulignant que de nombreux parlementaires l’avaient perçue comme une dérision.

L’archiprêtre André Elisseev et le prêtre Artemy Alimarine, collaborateurs des représentations de l’Église orthodoxe russe aux organisations internationales européennes participaient au séminaire. L’archiprêtre André, secrétaire de la Représentation, a souligné que la majorité absolue de la population, non seulement en Russie, mais dans les pays européens, se prononçaient contre la profanation des sanctuaires. Cependant, la tendance à présenter les organisations religieuses comme des menaces à la liberté de conscience et aux droits de l’homme ne peut pas ne pas alarmer.

Le représentant de l’Église a également attiré l’attention sur le silence entourant les cas de discrimination et d’humiliation des chrétiens et d’autres croyants dans les pays de l’Union européenne de la part du Parlement européen. Il a dit espérer que les problèmes débattus durant ce séminaire seraient un jour discutés en séance plénière. Le père André a remarqué l’importance d’une défense commune du droit naturel des enfants adoptables à une famille complète, droit qui n’est pas pris en compte dans le cas d’une adoption par des couples homosexuels. Il importe également de contrôler l’éducation des repères moraux dispensée par les écoles européennes. Il a appelé à une surveillance des tendances antichrétiennes dans le système politique européen et à la création de conditions de transparence complète dans la prise de décisions concernant les principes de base de la vie de la société.

3.Posté par Vladimir le 12/10/2012 19:31
Je trouve que ce texte particulièrement important mérite d0'etre mis en avant comme article pour ouvrir un fil de discussion dédié.

4.Posté par T. Schakhovskoy le 13/10/2012 16:24
Tout à fait d'accord avec vous, Vladimir.
Et merci à ceux qui ont mis ce texte en ligne : j'ignorais totalement cette actualité et j'y trouve un peu de réconfort, ce qui n'a pas de prix en cette période si pénible pour les consciences chrétiennes. Ces voix réussiront-elles à se faire entendre malgré l'effrayant matraquage qui sévit actuellement dans les médias en faveur du "mariage pour tous" ? Il faut diffuser ce texte autour de nous, chacun dans la mesure de ses moyens...

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