Il y a un an, Kirill devenait patriarche de Moscou. Avec Hieronymos II à Athènes, Daniel en Roumanie, Irinej en Serbie, il est représentatif d’une nouvelle génération de responsables plus ouverts au dialogue œcuménique, et qui devront aider l’orthodoxie à passer le cap de la modernité

Russie. L’ouverture vers l’Occident

Affaiblie par l’ère soviétique, l’Église russe a su renaître sous l’impulsion du patriarche Alexis II, puis de Kirill Ier, élu en 2009. En vingt ans, les paroisses ont été multipliées par quatre, les monastères par 45. La situation reste fragile : les 30 000 prêtres ne suffisent pas pour répondre aux besoins spirituels de la population, et la pratique ne dépasse pas les 2 %. Longtemps tentée par le repli, l’Église russe s’ouvre peu à peu à l’Occident, tout en étant critique vis-à-vis de sa sécularisation. Ainsi l’ouverture, en novembre, d’un séminaire orthodoxe russe en France traduit-elle la volonté de former une partie du clergé dans un contexte européen sécularisé.

Ukraine. Réunifier l’Église

En Ukraine, l’orthodoxie est divisée depuis 1991 en trois juridictions : l’Église autonome (majoritaire) relevant du Patriarcat de Moscou, le Patriarcat de Kiev (dissidente de Moscou) et l’Église autocéphale, issue de la diaspora. En août, le président Viktor Iouchtchenko, partisan d’une Église nationale indépendante de Moscou, a appelé à mettre fin aux divisions. De son côté, le patriarche Kirill Ier de Moscou estime que l’orthodoxie ukrainienne bénéficie déjà de cette indépendance, rappelant la très large autonomie de l’Église d’Ukraine au sein de l’Église russe, dont la moitié des paroisses se trouve en Ukraine. Depuis octobre, un groupe de travail tente de résorber ce conflit.

Roumanie et Bulgarie. Tourner la page communiste

Sur l’Europe ou la question du Kosovo, les prises de position de l’Église serbe sont déterminantes dans un pays où la nation se confond avec l’orthodoxie. Orthodoxe à 80 %, la société serbe connaît toutefois un début de sécularisation, et certains attendent que l’Église se recentre sur sa vocation spirituelle. L’élection du patriarche Irinej, le 22 janvier, a été perçue comme un signe positif : partisan de l’intégration européenne, il se montre également favorable à une grande rencontre œcuménique à Nis, au sud-est de Belgrade, en 2013. Mais certains attendent aussi, afin de tourner définitivement la page sanglante des conflits yougoslaves, que l’Église pose un geste concret de réconciliation avec les musulmans et les catholiques des Balkans.

Grèce. Les relations Église-État en suspens

Élu en 2008, le nouvel archevêque Hieronymos II d’Athènes est beaucoup moins interventionniste dans la vie politique que son prédécesseur Christodoulos. Choisissant de se concentrer sur l’action sociale, il a pris des mesures énergiques : fin du projet de la nouvelle cathédrale d’Athènes ou destitution de 52 curés trop absents de leurs paroisses… Et face au nouveau gouvernement socialiste tenté de profiter des scandales de corruption qui éclaboussent l’Église pour imposer une séparation de l’Église et de l’État, il a accepté une multiplication par trois des taxes sur l’Église pour aider un État en quasi-faillite à boucler son budget. Et ouvert des négociations pour imaginer une collaboration Église-État « honnête et transparente » sur les questions sociales.

Constantinople. Aux prises avec la laïcité turque

Halki : le cas de ce séminaire résume à lui seul la délicate situation de l’Église orthodoxe en Turquie. Ouverte en 1844, cette école de théologie fut l’une des plus importantes de l’orthodoxie, avant que les autorités turques ne décident de la fermer en 1971. La laïcité turque résiste aux pressions occidentales pour rouvrir ce centre de formation, dont l’absence pose un grave problème : la loi turque prévoit que le patriarche doit être citoyen turc, né et formé en Turquie… Et ce n’est pas le seul problème auquel doit faire face le patriarcat (auquel la Turquie dénie le titre d’« œcuménique »), souvent confronté à la remise en cause de ses propriétés.

Jérusalem. Régler la division entre Grecs et Arabes

Le 6 janvier dernier, pour le Noël orthodoxe, les orthodoxes de Bethléem ont accueilli le patriarche Theophilos III avec hostilité. Au point que la police palestinienne a dû protéger le patriarche auquel ses fidèles reprochent de brader les terres du patriarcat, le plus important propriétaire foncier de Terre sainte. Theophilos III avait d’ailleurs été élu patriarche en 2005 après la déposition de son prédécesseur Irinaios, accusé d’avoir vendu des terrains à Israël. Mais le problème est loin d’être réglé (d’autant que Theophilos a dû attendre décembre 2007 pour qu’Israël reconnaisse son élection) et continue d’alimenter la division entre les fidèles arabes et la hiérarchie, majoritairement grecque.

Antioche. Face-à-face avec l’islam


En 2006, le patriarche Ignace IV d’Antioche est monté deux fois au créneau. En janvier pour regretter combien l’intervention américaine en Irak a mis à mal l’« équilibre fragile » des confessions au Moyen-Orient ; en octobre, pour faire part de son « inquiétude » après le discours de Benoît XVI à Ratisbonne. C’est que, dans une région où prime l’identité confessionnelle, le patriarcat d’Antioche est en première ligne face à l’islam. Mais ces chrétiens arabes entendent parler d’égal à égal avec les musulmans, sur la base d’une commune identité arabe. Cette réflexion les pousse aussi à réinvestir leur propre tradition chrétienne pour renouveler leur pensée et une société où ils ne veulent surtout pas vivre dans des « ghettos chrétiens ».

Alexandrie. L’évangélisation de l’Afrique
« Patriarche d’Alexandrie et de toute l’Afrique » : le titre n’est pas qu’honorifique. Persuadé que la spiritualité orthodoxe pouvait toucher l’âme africaine, le précédent patriarche d’Alexandrie, Petros VII, avait lancé son patriarcat dans un vaste mouvement missionnaire à travers le continent noir, promouvant le clergé local et encourageant la liturgie en langue vernaculaire. Auparavant métropolite du Cameroun, puis du Zimbabwe, l’actuel patriarche Theodoros III a continué cet effort, y compris en Égypte où on compte 300 000 fidèles orthodoxes. L’Église connaît une telle croissance que le patriarcat a pu, en 2007, rouvrir son séminaire d’Alexandrie.

Europe occidentale. Former une Église locale

La présence orthodoxe en Europe occidentale est liée aux immigrations du XXe siècle. Chaque communauté est restée rattachée à son Église d’origine. Ces liens entraînent une juxtaposition de juridictions, contredisant la règle qui veut qu’en un même lieu il n’y ait qu’un évêque. Les orthodoxes occidentaux ont de plus en plus le désir de former une même Église locale. Mais leurs juridictions mères, confrontées à la reconstruction de l’après-communisme (pour les Églises slaves) ou à une situation politique délicate (au Proche-Orient), ne font pas de l’organisation de la diaspora une priorité. Elles ne sont pas prêtes non plus à renoncer à ces communautés expatriées qui, souvent, contribuent à les financer.
La Croix
François-Xavier MAIGRE et Nicolas SENEZE


Rédigé par l'équipe rédaction le 8 Février 2010 à 08:30 | 8 commentaires | Permalien



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