Marie Genko: Réflexions à propos d'un article du Père Grigorios Papathomas
Après avoir pris connaissance du lien ICI, mis en ligne sur "Parlons d’Orthodoxie" par Catherine Palierne : je me suis efforcée de bien comprendre l’article publié par le Père Grigorios Papathomas. Dans cet article, le Père Grigorios constate une crispation du culturalisme ecclésiastique depuis les années 1990. Il déplore cet état de fait, et il attribue d’une façon générale le culturalisme ecclésiastique à la chute des empires. Dans sa conclusion, il écrit que les Canons de notre Eglise sont, pour cette raison, considérés comme une archéologie ecclésiale.

Ma première observation est qu’il convient de se poser la question sur la cause profonde de ce que le Père Grigorios appelle la crispation récente du culturalisme ecclésiastique
Je voudrais défendre ici le point de vue du fidèle. Car il ne serait pas du tout absurde de considérer que ce culturalisme ecclésiastique est justement voulu et exigé par les fidèles, avant même qu’il ne le soit par certains membres de notre clergé.
Quelles en sont les causes : Pour moi il ne s’agit pas, comme l’affirme le Père Grigorios Papathomas, de l’héritage d’une culture d’empire, mais bien plutôt de l’héritage d’une culture patriarcale. Antioche et Jérusalem n’ont jamais été des empires.

Les patriarcats de Géorgie, de Roumanie, de Serbie n’ont pas davantage été l’expression d’une culture impériale, mais bien plutôt l’expression d’un ensemble de rites et d’usages d’une Eglise établie localement. Les empires ont toujours cherché à créer un pouvoir centralisé. L’Eglise, au contraire, s’est toujours construite localement dans sa pratique, ses habitudes et son rite. C’est cette culture patriarcale d’une Eglise établie localement, qui est devenue inséparable de l’identité religieuse des Orthodoxes.
Et c’est à cette identité religieuse que nous, les simples paroissiens, voulons à tout prix rester fidèles, en dépit des migrations qui nous ont dispersés dans le monde.

Comment être certains que cette fidélité est légitime:

a/Notre fidélité à notre identité patriarcale contribue à nous ancrer dans notre Foi et elle nous permet de résister contre la formidable pression de l’environnement déchristianisé du monde dans lequel nous vivons.

b/La pluralité des identités patriarcales sont une digue salutaire contre l’uniformisation voulue et encouragée dans le processus de globalisation de notre planète. L’Eglise orthodoxe, dans la richesse de sa diversité et la pluralité de ses usages, que le Père Grigorios Papathomas appelle « le culturalisme ecclésiastique », est pour nous, les fidèles, une véritable bouée de sauvetage ! Nous nous agrippons à cette bouée, parce qu’elle est notre ultime recours ! Car qui protègera notre foi et notre conscience en dehors de notre Eglise ? En cette aube de XXIème siècle comment pourrions-nous oublier les persécutions et le martyr de tant de chrétiens orthodoxes durant tout le siècle dernier ? Et ces persécutions elles ont été commises au nom du nivellement voulu par l’hydre athée du socialisme international.
Le démon a changé de visage et d'autres dangers nous guettent aujourd'hui.
Dans ce contexte difficile, lorsque nos plaies sont encore à vif, comment pouvons-nous observer les Canons de l’Eglise ?

Comment établir localement une assemblée de fidèles autour d’un seul évêque ?

a/Sur une terre patriarcale orthodoxe, aucune entorse aux Canons ne devrait être possible, puisqu’il suffit, comme nous le montrent les paroisses russes établies en Turquie, que celles-ci commémorent le patriarche du lieu, celui de Constantinople.

b/Pour les paroisses orthodoxes, établies sur les terres autrefois païennes des continents américains, indiens ou asiatiques, nous observons qu’elles ont gardé, pour la plus part d’entre elles, une filiation avec leurs Eglises mères respectives. Tout au long de l’Histoire de l’Orthodoxie, nous avons vu l’émergence de nouveaux patriarcats. Il serait donc logique de voir naître de nouveaux territoires patriarcaux sur ces continents, souvent très partiellement évangélisés dans un christianisme hérétique ! Un patriarche d’Amérique du Nord, à la tête de plusieurs diocèses, et commémoré par des Orthodoxes regroupés au sein de différentes paroisses serait une solution canonique; même si dans ce patriarcat les paroisses resteraient fidèles aux racines de leurs identités patriarcales respectives. Une telle approche mettrait l'Orthodoxie en Amérique en règle avec les Canons de notre Eglise. Et je suis certaine qu’il s’agit là d’une des questions qui seront mises à l’étude et réglées lors de la tenue du prochain grand concile orthodoxe.

c/Enfin comment observer les Canons lorsque les fidèles orthodoxes se trouvent sur le territoire canonique du patriarche de Rome ? S’il est vrai que l’Eglise de Rome a perdu à nos yeux son Orthodoxie, devons nous pour autant faire fi du territoire qui a été attribué à Rome par nos saints conciles ? Car ce territoire canonique romain a eu plus de mille années d’existence légitime ! L’ignorer, et vouloir créer en Occident un nouveau patriarcat, c'est-à-dire une nouvelle Eglise établie localement, cela voudrait dire que les Orthodoxes ont renoncé à l’espoir d’un retour à l’unité de l’Eglise fondée par Notre Seigneur ! Ce serait la négation de toute démarche œcuménique !

Pourtant, certains théologiens voudraient voir le patriarche de Constantinople jouer le rôle du « locum tenens » du patriarche de Rome et soutiennent l’idée de la création d’une Eglise Locale d’Occident, soumise au Patriarcat de Constantinople ! Cette démarche prend appui sur 28ème Canon du Concile de Chalcédoine (451), dont je donne la citation ci-dessous. Citation que j'ai choisie pour la clarté de sa formulation à partir des:

Sources médiévales : E Schwarz Acta Consiliorum Oecumenicorum, Leipzig 1922

« Suivant en tout les décrets des Saints Pères, et reconnaissant le canon des cent cinquante évêques qui vient d’être lu, nous prenons et votons les mêmes décisions au sujet des privilèges de la très sainte église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les pères ont en effet accordé justement au siège de l’ancienne Rome ses privilèges, parce que cette ville est la ville impériale. Pour le même motif, les cent cinquante très pieux évêques ont accordé des privilèges égaux au très saint siège de la nouvelle Rome, jugeant avec raison que la ville qui est honorée de la présence de l’Empereur et du Sénat, et qui jouit des mêmes privilèges que l’ancienne ville impériale Rome, est, comme celle-ci, grande dans les affaires ecclésiastiques, étant la seconde après elle ; en sorte que les seuls métropolitains des diocèses du Pont, de l’Asie et de la Thrace, et les évêques des parties de ces diocèses situées dans les régions barbares, seront ordonnés par le très saint siège de la très sainte église de Constantinople ; bien entendu, chaque métropolitain des diocèses susdits ordonne, avec les évêques de la province, les évêques de celle-ci, comme prescrit par les divins canons ; mais, comme on l’a dit, les métropolitains des susdits diocèses sont ordonnés par l’archevêque de Constantinople, après élection concordante faite selon la coutume et notifiée à ce dernier.”


Il n’est pas question ici de territoires canoniques tombés en hérésie.

Actuellement, les fidèles orthodoxes, dispersés en Occident, commémorent les patriarches de leurs Eglises mères respectives. C’est une solution d’attente du retour de Rome en Orthodoxie. Le jour, où le Saint Père de Rome aura la même foi que la notre, c’est avec une joie profonde que les Orthodoxes établis en Occident le commémoreront ! Je voudrais ajouter que ce retour comblera particulièrement ceux des fidèles orthodoxes qui viennent du protestantisme ou de la religion catholique et qui prient dans nos églises malgré l’usage de langues étrangères et de rites bien éloignés de ceux de l’Eglise de leur enfance.
La stricte observance des Canons de l’Eglise voudrait que tout contact avec les hérétiques soit proscrit par les Orthodoxes. Il me semble utile de remarquer ici que ces Canons sont ceux de l’Eglise universelle du premier millénaire. Ces Canons sont donc communs à tous les chrétiens, même ceux dont la foi a dévié de la notre.

Dans ce cadre, l’œcuménisme est il une nouvelle hérésie ?

Il faudrait remonter aux sources de ce mouvement et en faire une analyse objective. Ce qui est voulu par le peuple de Dieu a toujours été pris en considération chez les Orthodoxes. Simplement il me semble que, contrairement à l’attachement à la culture patriarcale de son Eglise mère, ce n’est pas une majorité de fidèles qui est à la source de l’œcuménisme, mais plutôt au contraire la volonté des instances dirigeantes du haut clergé de nos Eglises. Pour beaucoup de fidèles en dispersion sur les terres de l’ancien patriarcat romain, l’œcuménisme est devenu une évidence. Mais l’est-il tout autant pour les fidèles établis sur les terres patriarcales restées orthodoxes ? Voilà une question qui mériterait d’être posée, et elle pourrait être la cause d’un débat intéressant. Mais ce débat ne rentre pas dans l’appréciation de l’article écrit par le Père Grigorios Papathomas, article auquel je me suis efforcée d’apporter l’éclairage du sentiment de la simple fidèle que je suis.

Marie Genko

Rédigé par Marie GENKO le 8 Juillet 2011 à 11:30 | 21 commentaires | Permalien



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