Mgr Nestor (Sirotenko) a été ordonné évêque de Caphes
Le dimanche 5 septembre, mémoire de saint Irénée de Lyon et fête de tous les saints de la ville de Moscou, Mgr Nestor (Sirotenko) a été ordonné évêque de Caphes, auxiliaire du diocèse de Chersonèse, lors de la divine liturgie à la cathédrale Christ-Sauveur de Moscou. L'ordination a été présidée par le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie, en concélébration avec le métropolite Hilarion de Volokolamsk, l'archevêque Innocent de Chersonèse, l'évêque Michel de Genève et plusieurs autres évêques. Le patriarche Théodore d'Alexandrie et de toute l'Afrique a concélébré la liturgie eucharistique.
Des membres du clergé et de nombreux fidèles du diocèse de Chersonèse, venus de Paris et d'autres villes de France, ont pris part à la célébration Suite Egliserusse
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Rédigé par l'équipe de rédaction le 13 Septembre 2010 à 06:00 | 1 commentaire | Permalien


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1.Posté par l'équipe de rédaction le 21/09/2010 15:02
Un bel été s'achève. Réflexions sur l'épiscopat et la primauté dans l'Eglise.
Séraphin REHBINDER
Ecrit pour :ORTHODOXIE DE TRADITION RUSSE EN EUROPE OCCIDENTALE

Nous voilà parvenus à l'époque de la « rentrée ». L'été qui vient de s'écouler a été marqué par deux épisodes très heureux. Le premier, chronologiquement, a été la visite du Patriarche de Constantinople à l'Eglise russe, et le second la consécration à l'épiscopat de Monseigneur Nestor (Sirotenko). Les deux événements sont, pour nous, de grande importance.
Le premier parce que, contrairement aux spéculations de certains, la visite rendue par sa Sainteté le Patriarche de Constantinople à l'Eglise russe a été simplement une visite fraternelle, qui a donné à l'Eglise russe l'occasion de marquer tout son attachement et son respect pour sa consœur, dont historiquement elle a reçu la foi, et dont le primat est le premier parmi les primats orthodoxes. La bonne compréhension mutuelle entre les deux Eglises, qui partagent la même foi et qui sont importantes l'une et l'autre, est le gage nécessaire d'une vie harmonieuse de l'Eglise une et indivisible.
Le second nous réjouit tout particulièrement car il n'est pas facile de trouver chez nous, un homme d'une dignité sans faille, très estimé de tous ceux qui le connaissent bien, doté d'une solide formation théologique, qui ne recherche pas la gloriole que certains associent au charisme épiscopal, et qui accepte pourtant d'assumer cette lourde charge. Nous sommes certains que le ministère pastoral du nouvel évêque, qui s'exercera parmi nous, contribuera à ce que nous puissions « mener une vie paisible et calme en toute piété et dignité ».
La conjonction de ces deux évènements est une bonne occasion pour réfléchir à la place de l'épiscopat dans l'Eglise et à la signification de la primauté, qui lui est intimement liée.
A tout seigneur tout honneur, commençons par la primauté. Le Patriarche œcuménique a profité de son voyage en Russie pour rassurer ceux qui croyaient voir une dérive « papiste » dans les récentes actions du Patriarcat de Constantinople. Il s'agit d'« un centre de service et de coordination de l'ensemble de l'orthodoxie, et rien de plus. » a-t-il affirmé, à propos de son siège, dans une allocation.

Cette précision est bienvenue. Les inquiétudes auxquelles se réfère le Patriarche ont pu naître des interprétations faites par des membres de ce patriarcat du canon 28 du concile de Chalcédoine. Selon ces interprétations, jugées arbitraires par beaucoup d'orthodoxes, toute la diaspora orthodoxe qui se trouve hors des pays orthodoxes de tradition, serait soumise à l'autorité canonique du patriarcat de Constantinople. Cette position a pu paraître quelque peu « papiste » à certains car elle semblait donner une juridiction quasi « universelle » à ce patriarcat, limitée seulement par quelques exceptions historiques (l'autocéphalie des Eglises territoriales des pays orthodoxes). Il est bien évident que ce genre d'inquiétudes est parfaitement vain, mais il reste que le problème de la diaspora existe et que cette question est à l'ordre du jour.
Mais revenons à la formule utilisée par Sa Sainteté pour caractériser la primauté de son siège. Il s'agit d'un « centre de service et de coordination ». Le début de la qualification est sans ambiguïté. Le premier parmi des égaux est au service de ses pairs et ce service ne peut en aucun cas rompre l'égalité avec les autres primats qui peuvent porter le même service. La seconde caractérisation : « centre de coordination » peut prêter à mauvaise interprétation.
Un jeune Métropolite de ce Patriarcat a pu ainsi écrire, naguère : « L'Église orthodoxe est une communion d'Églises locales autocéphales ou autonomes qui sont coordonnées par le patriarcat œcuménique… » Un tel développement de la formule citée nous engage sur une voie erronée. Car d'une part, l'orthodoxie n'est pas une communion d'Eglises mais est « l'Eglise Une et Catholique », c'est à dire, qui existe "selon le tout" (sens du mot "catholique"). Les Eglises territoriales (« autocéphales ») ne sont pas des Eglises différentes mais la même Eglise en différents lieux. D'autre part, s'il y a un « coordinateur » et des « coordonnés », il n'y a plus de primus inter pares. On voit apparaître un déséquilibre flagrant entre le Primat « coordinateur » et les autres. Une certaine notion de pouvoir du premier sur les seconds tend à poindre. Il faut donc se garder d'aller dans ce sens et bien comprendre cette notion de centre de coordination comme un service qui permet aux Eglises de témoigner, réciproquement, de leur unité.
En général, on ne peut comprendre la notion de primauté dans l'Eglise, ni même, l'ecclésiologie orthodoxe, si l'on ne renonce pas, en son sein, à la notion juridique de « pouvoir » comme possibilité d'édicter des règles ou de les faire appliquer par la contrainte, quelle que soit la forme que celle ci peut prendre.
Il est dès lors paradoxal que le Père Alexandre Schmemann, dans sa contribution à un ouvrage collectif appelé « La primauté de Pierre », débute son exposé par l'affirmation suivante : « Par primauté nous entendons dans cet article un pouvoir supérieur au pouvoir de l'évêque limité dans son diocèse » En réalité le père Alexandre démontre tout au long de cet article que le « pouvoir » dans l'Eglise est un « pouvoir de grâce »
Mais puisqu'il se réfère d'abord au « pouvoir » de l'évêque, commençons par-là et posons-nous la question d'où vient l'autorité de l'évêque. Elle n'est pas juridique. Il n'a pas été placé « à la tête » d'un diocèse pour le « diriger » comme le serait un préfet, pour administrer un département. Son autorité vient de la fonction à laquelle il a été ordonné. Cette fonction est de présider l'assemblée eucharistique, en un lieu donné, ce qui est le fondement même de l'Eglise. C'est cette fonction qui permet à Saint Ignace d'Antioche de dire, dans sa lettre aux Smyrniotes (VIII, 2) : « Là où paraît l'évêque que là soit la communauté, de même que là où est le Christ- Jésus, là est l'Eglise catholique. »
Ce dernier adage est souvent utilisé pour affirmer le « pouvoir » de l'évêque. L'évêque serait placé à la tête du diocèse (la communauté) comme le Dieu tout Puissant est placé à la tête de l'Eglise. Mais ce n'est pas du tout ce que dit Saint Ignace. Il donne à l'évêque pour modèle le Christ-Jésus. Et le Christ n'a jamais exercé aucun pouvoir. Il a même renoncé devant Pilate à tout « pouvoir » terrestre : « Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes sujets auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux juifs » (Jean XVIII, 36). Et il poursuit : « Je suis né et venu dans le monde, pour rendre témoignage à la vérité. Tous ceux qui sont de la vérité, écoutent ma voix. » (Jean XVIII, 37)
L'évêque est appelé à témoigner de la Vérité et donc de la Sainteté de l'Eglise. Alors son autorité est sans limite auprès de ceux qui « sont de la vérité », c'est à dire les chrétiens. Mais cette autorité n'a rien d'un pouvoir juridique.
Et nous pouvons poursuivre sur les implications de l'adage d'Ignace. Si l'évêque peut être comparé au Christ-Jésus, alors il est appelé à mener son troupeau au salut car le Christ s'est incarné pour cela ; alors il est appelé à enseigner, car c'est ainsi que le Christ a agi envers ses disciples et il est donc garant de la foi de son peuple.
La voie de l'épiscopat est une voie de sacrifice, particulièrement ardue. Et c'est justement pour cela, que, lors de sa consécration, l'Eglise invoque le Saint Esprit sur le nouvel évêque. C'est pour cela que la communauté prie sans cesse pour son évêque, et je rapporterai ici simplement les paroles qui sont dites à la fin du canon eucharistique, et qui illustrent bien notre propos : « En premier lieu, souviens-toi, Seigneur, de notre évêque N … accorde à ta Sainte Eglise qu'il vive de longs jours en paix, en bonne santé, dans l'honneur, et qu'il soit fidèle dispensateur de ta parole de vérité. » Cette incessante prière n'est bien sûr pas une marque de servilité, ni même de soumission, mais elle manifeste le souci du peuple de Dieu pour celui qui célèbre l'eucharistie, fondement de l'Eglise, et qui le rassemble.
Dans notre expérience de l'histoire de l'Eglise nous savons que cette réalité de l'évêque a pu être occultée par certaines pratiques. Parfois, et cela arrive encore aujourd'hui, c'est l'état qui prête son autorité temporelle à l'évêque, comme c'était le cas dans l'empire romain, quand il devint chrétien. Dans une telle situation, l'évêque peut apparaître comme un fonctionnaire, détenteur d'une partie du pouvoir de l'état. On a ordonné des évêques sans diocèse, on a introduit des « grades » : archevêque, métropolite, pouvant laisser penser qu'il y avait plusieurs niveau d'épiscopat.
Tout cela n'est pas très grave tant que l'Eglise garde une notion claire et non déformée de la fonction épiscopale et de sa source.

Mais qu'en est-il de la primauté ? Existe-t-il réellement des évêques qui exerceraient un « pouvoir » supérieur aux autres ? Cette question prend maintenant un sens nouveau, puisque nous reconnaissons que le charisme de l'évêque vient de sa fonction qui est de présider l'eucharistie. Dès lors il ne peut y avoir de différences entre les évêques sur ce plan. Car lorsqu'est célébrée la liturgie eucharistique, c'est toute l'Eglise, passée, présente et à venir, qui est récapitulée dans cette célébration. L'épiscopat est donc ontologiquement lié. Les théologiens emploient parfois l'expression : « episcopatus unus est » selon la formule de Saint Cyprien de Carthage.
Cette unicité comprend une certaine coresponsabilité des évêques qui témoignent ainsi de l'unité de l'Eglise. Elle se manifeste par l'indispensable présence des évêques voisins lors de la consécration d'un nouvel évêque. Elle se manifeste aussi par le témoignage des évêques les uns envers les autres de ce que l'Eglise, que chacun d'entre eux préside lorsqu'il célèbre la liturgie eucharistique, est la vraie Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique. C'est dans ce témoignage que l'institution de la primauté joue son rôle.
Dans une contrée : province, région, pays ou groupe de pays, apparaît un évêque qui joue, souvent pour des raisons pratiques, un rôle particulier dans ce témoignage réciproque. C'est en général l'évêque de la capitale ou de la plus grande ville. Non pas parce que l'évêque d'une grande ville est plus important que celui d'une petite mais parce qu'il est plus facile de se rendre dans une grande ville et peut être, surtout, parce que l'évêque d'une grande ville a, parmi ses ouailles, plus de « compétence théologique. »
C'est le moment ici de citer le canon qui nous révèle les vues de l'Eglise à propos de la primauté : « Il convient que les évêques de chaque peuple sachent qui est le premier d'entre eux et le reconnaissent comme chef, qu'ils ne fassent rien en dehors de leur propre Eglise sans en avoir délibéré avec lui… Mais que le premier non plus ne fasse rien sans en délibérer avec tous les autres… Car c'est ainsi qu'il y aura unité de pensée et que Dieu sera glorifié, par le Seigneur, dans l'Esprit saint… » (34ième canon apostolique)
Ce canon nous est particulièrement intéressant car, à sa lecture, on voit bien que les canons de l'Eglise ne sont pas des articles de lois comme ceux du code civil ou du code pénal. Leur fonction est d'exprimer l'expérience de l'Eglise. Les canons nous sont précieux, on peut même dire qu'ils s'imposent à nous, pas du tout comme des règles juridiques, mais comme le témoignage de la conscience de l'Eglise et c'est là la source de leur autorité.
Mais revenons au sens de ce canon. Nous voyons qu'il n'instaure aucun pouvoir, mais qu'il organise ce témoignage réciproque des évêques attestant l'unicité de l'Eglise, qui est dans chacun de leur diocèse. A la question posée plus haut, y a t il des évêques dont le « pouvoir » est supérieur aux autres, il faut répondre résolument par la négative. Car de même que l'évêque est le témoin de l'unité de l'Eglise dans son diocèse, de même le primat est le témoin de l'unité de l'Eglise dans sa contrée.
Passons maintenant à ce que l'on appelle la primauté universelle. Au cours de l'histoire de l'Eglise se sont formés progressivement, dans de très grandes villes, des centres de primauté regroupant plusieurs régions. Il en fut ainsi de Rome en premier lieu, mais aussi, d'Antioche, d'Alexandrie et de Jérusalem. Rome, de par son statut de capitale de l'Empire, avait une prééminence et une autorité certaine. Les autres Eglises recouraient volontiers à son témoignage pour résoudre les problèmes qui pouvaient surgir.
Lorsque Constantin fit de Byzance la capitale de l'empire romain, les pères du IVième concile œcuménique jugèrent bon de donner la seconde place d'honneur, après Rome, à cette nouvelle capitale, Constantinople, en précisant bien d'ailleurs que c'était pour ces raisons (politiques) qu'ils le faisaient.
Bien plus tard survint le grand schisme, dont une des causes fut justement le glissement de l'Eglise de Rome d'une notion de témoignage de la vérité auprès des autres Eglises, ce que ces autres Eglises peuvent aussi accomplir, à une notion de pouvoir sur les autres Eglises, ce qui mettait l'évêque de Rome au-dessus des autres. Bien sûr la sainte Eglise, ni aucun évêque orthodoxe, ne pouvait témoigner qu'il en était bien ainsi.
Le Patriarche de Constantinople se trouva donc placé à la première place, puisque le premier avait failli et il n'était pas resté fidèle à l'orthodoxie. Comme nous venons de le voir, cette position ne lui donne aucun « pouvoir » particulier. Mais il reste le premier par l'honneur et sans doute un des témoins privilégiés de l'unité de l'Eglise.

Séraphin Rehbinder
Septembre 2010


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