Emilie Van Taack

Colloque international réuni à Metz, les 20 et 21 octobre derniers.

Marie-Anne Vannier, née en 1957, à la fois philosophe et théologienne, est spécialiste d'Augustin d'Hippone, de Jean Cassien et des mystiques rhénans. Elle est également rédactrice en chef de la revue Connaissance des Pères de l’Église depuis 1992, et professeur de théologie à l'Université de Lorraine (plate-forme de Metz), où elle dirige l'Equipe de recherche sur les mystiques rhénans.

"Les trois termes qui composent le titre de ce colloque : le renouveau, les Pères de l’Église et l’œcuménisme, écrit l'organisatrice, Anne-Marie Vannier, dans sa conférence d'ouverture, sont d’une certaine manière indissociables. En effet, les Pères ont été et sont source de renouveau, ils ont, comme le soulignait le P. de Lubac, « une actualité de fécondation".

"Non seulement, ils ont permis aux communautés chrétiennes de durer, en leur donnant leur structure et ils ont réalisé le développement dogmatique, mais ils ont aussi été source de renouveau en tant qu’autorités au Moyen Âge, ils ont également été source de renouveau lorsque leurs textes ont été édités et traduits aux XVI° et XVII° siècles, puis avec la Patrologie de Jean-Paul Migne, avant d’être ferments de renouveau au moment du Concile Vatican II et jusqu’aujourd’hui."

"À chaque fois, ces renouveaux ont permis des rapprochements entre chrétiens, même si on ne parle officiellement d’œcuménisme que depuis la réunion de l’Alliance évangélique à Londres, en 1846 et si la synergie entre le renouveau des études patristiques et l’œcuménisme ne s’est essentiellement manifestée qu’au milieu du XX° siècle, en une convergence entre l’établissement scientifique des textes des Pères de l’Église ainsi que leur traduction dans les différentes langues et la prise en compte de leur théologie pour marcher sur les chemins de l’unité, non seulement en dépassant les points névralgiques entre les différentes confessions chrétiennes, mais aussi en ouvrant les chemins de l’avenir, en allant au cœur de l’expérience chrétienne, en développant, par exemple, ensemble une anthropologie chrétienne."
(...)

Ce n'est " qu’avec le lancement de la Bibliothèque Augustinienne en 1933 et de la collection « Sources chrétiennes » en 1942, que ce renouveau patristique est devenu synonyme de renouveau œcuménique. La collection « Sources chrétiennes » est le fruit de trois forces : l’œcuménisme, venant de l’émigration russe, avec de grandes figures, comme celle de Vladimir Lossky ; le passage de la patristique à l’université à la suite du travail d’édition du siècle précédent et autour d’Henri-Irénée Marrou ; l’influence du livre de Myrrha Lot-Borodine sur La déification de l’homme sur le Cardinal Jean Daniélou. C’est là un moment décisif qui fait comprendre pourquoi le renouveau patristique est le fruit de l’œcuménisme. Ainsi Jean Daniélou écrit-il dans sa Préface à l’ouvrage de Myrrha Lot-Borodine : « Je me souviens de l’éblouissement que me causa la lecture de ses articles (…). On avait le sentiment qu’ils nous introduisaient d’un coup au cœur même d’une expérience unique, rassemblant comme en un faisceau de lumière des indications ailleurs dispersées.

La lecture de ces écrits fut pour moi décisive. Ils cristallisaient quelque chose que je cherchais, une vision de l’homme transfiguré par les énergies divines. Je lui dois d’avoir orienté mes premières recherches vers la théologie mystique de Grégoire de Nysse.» Helléniste, Jean Daniélou connaissait les textes des Pères, mais c’est leur sens profond, leur unité qui est l’écho de l’expérience des Pères que lui fait comprendre Myrrha Lot-Borodine. Il ajoute d’ailleurs quelques lignes plus loin que « la valeur exceptionnelle de l’œuvre de Myrrha Lot-Borodine, c’est qu’elle n’est pas simplement consacrée à une recherche savante, mais qu’elle a retrouvé l’expression vivante de la mystique byzantine et qu’elle a su la faire percevoir.
(...)
En fait, en Occident, le renouveau patristique est synonyme de la redécouverte des trésors de l’Église indivise, il a amené au renouveau liturgique, avec son symbolisme et à l’approfondissement du dialogue œcuménique. Si l’Église d’Orient a gardé vivante la tradition patristique dans sa liturgie, dans la vie spirituelle, en revanche, en Occident, l’oubli a été synonyme de cassure. Aussi la prise en compte du renouveau patristique est-elle plus importante en Occident qu’en Orient, (...) Le renouveau patristique, joint au dialogue œcuménique, a été synonyme de renouvellement en profondeur de la théologie, comme en témoignent les grandes figures de Karl Rahner, d’Hans Urs von Balthasar, des Cardinaux Daniélou, de Lubac, Congar… Il en va de manière analogue dans le protestantisme, en particulier avec André Benoît et Marc Lods... (...)

Au début de ce colloque, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses, mais force est déjà de reconnaître que la visée d’unité de l’œcuménisme trouve son écho chez les Pères qui sont non seulement l’expression de l’Église indivise, mais ceux qui les premiers ont œuvré à réaliser l’unité de leur vie et de l’Église, ce qui leur donne une place fondamentale dans la théologie, et qui en fait nos frères dans la vie de l’Esprit."

Programme nn PJ
RENOUVEAU DES ÉTUDES PATRISTIQUES ET OECUMÉNISME

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 29 Octobre 2015 à 08:31 | 48 commentaires | Permalien



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