Sur la mission extérieure contemporaine de l’Église orthodoxe russe. (III) Dans le monde
V.G.

Après avoir clairement défini la notion de "mission" et les formes qu'elle peut prendre (cf № I & № II) le document du DREE en vient concrètement à la mission en dehors des frontières canoniques. Nous y trouvons donc définis la façon dont l'Eglise russe entend témoigner de l'Orthodoxie dans le monde et sa perception du "prosélytisme", qu'elle refuse de pratiquer à l'extérieur comme elle entend ne pas le voir pratiquer dans son territoire canonique. Ce point est déjà débattu sur un autre fil: continuons ici!

" Dans un monde qui change, les formes de la mission extérieure de l’Église changent aussi, mais le témoignage chrétien et la proclamation du Christ à ceux qui n’ont pas encore entendu parler de Lui restent la tâche intangible de l’Église." Chacun peut, évidement, accepter ou contester ces orientations mais, comme dit le proverbe russe "ne ramène pas TA règle dans un autre monastère"… Ceci est la règle de l'Eglise russe, qui rassemble la majorité de l'Orthodoxie, et les autres Eglises suivent en gros la même doctrine en créant des paroisses spécifiques pour leurs fidèles dans le monde, en s'abstenant de nommer des évêques dans des villes où il y en a déjà, en fondant leur témoignage sur le dialogue et non l'anathème…

Je souhaite à tous bonne lecture et bons commentaires: (les No sont toujours dans la continuation des postes précédents.

Citation:

5) La mission au sein des paroisses de l’Église orthodoxe russe à l’étranger

Les paroisses de l’Église orthodoxe russe hors de ses limites canoniques ont été créées à l’origine pour répondre aux besoins des expatriés. Beaucoup d’entre elles sont devenues la maison spirituelle des représentants des peuples de souche convertis à l’Orthodoxie.

L’Église orthodoxe russe observe strictement les normes du droit canon et n’entreprend pas de mission sur les territoires canoniques d’autres Églises orthodoxes locales suivant la règle : « les évêques de toute nation doivent… s’occuper… chacun uniquement des affaires concernant leur diocèse et les lieux qui en dépendent » (Ap 34). Ce n’est qu’à l’invitation d’une autre Église orthodoxe qu’elle peut participer à son activité missionnaire.

Dans les pays où le christianisme fait partie de la culture nationale et a formé l’identité des peuples, les paroisses de l’Église orthodoxe russe n’utilisent pas les méthodes assimilées aujourd’hui au concept de prosélytisme(3) pour témoigner de l’Orthodoxie parmi les autochtones. Notre Église émet les mêmes exigences envers les organisations religieuses hétérodoxes sur le territoire du Patriarcat de Moscou. Dans le même temps, l’Église est ouverte à tous ceux qui recherchent l’occasion d’entrer dans la plénitude de la Vérité de la foi orthodoxe. C’est pourquoi dans les pays où fonctionne le principe de liberté de conscience, la conversion à l’Orthodoxie de personnes ayant confessé auparavant d’autres convictions religieuses ou non religieuses est le résultat de leur libre choix personnel.

Note 3 Le mot « prosélytisme », dans le contexte chrétien moderne, n’est plus synonyme de « mission ». Le prosélytisme, au contraire de la mission, a une connotation négative car il implique des efforts délibérés pour convertir d’autres chrétiens à sa confession en employant des méthodes répréhensibles. Parmi elles, les pressions économiques et politiques, l’utilisation d’une situation de précarité dans laquelle une aide humanitaire et médicale est proposée et s’accompagne de pressions psychologiques et d’un mépris envers les autres confessions. On parle également de prosélytisme pour désigner une mission organisée parmi des populations appartenant traditionnellement et culturellement à la communauté chrétienne locale.

Dans les pays où le christianisme est une religion minoritaire, la proclamation de l’Orthodoxie est encouragée, notamment, par l’engagement des chrétiens orthodoxes dans des œuvres de miséricorde et de charité : la langue des bonnes œuvres est en effet accessible aux gens de toutes nationalités, religions et cultures. L’annonce de l’Évangile du Christ est plus convaincante lorsque l’hétérodoxe voit dans l’activité du missionnaire l’accomplissement des commandements évangéliques.

La conversion des autochtones est également favorisée par : la proclamation de l’Évangile et la célébration des offices en langues nationales ; la formation d’un clergé et de missionnaires issus de la population locale ; l’utilisation du principe de réception dans l’Église de la culture du peuple évangélisé, au moyen d’une annonce vivante, par l’incarnation des idéaux orthodoxes dans la culture et les coutumes populaires. La sanctification des particularités nationales permet aux peuples, tout en conservant leur culture, le respect d’eux-mêmes et leur identité, d’apporter une contribution unique à la glorification de Dieu, demeurant par ailleurs dans une unité harmonieuse avec le plérôme de l’Église. Enfin, on veillera à créer de bonnes conditions à la participation active des convertis issus des populations locales dans la vie de la paroisse en vue de leur ecclésialisation(4).

Note (4) « Conception de l’activité missionnaire de l’Église orthodoxe russe » (2, 2). Cf II, note (2)

6) Orientations du développement de la mission de l’Église orthodoxe russe

Au fur et à mesure qu’elle surmonte les conséquences de l’époque des persécutions, l’Église orthodoxe russe acquiert de plus en plus de moyens pour étendre sa mission extérieure. L’intensification de la mission extérieure peut suivre plusieurs orientations :

Dans la sphère théorique : analyse de l’expérience de proclamation aux non-chrétiens avant la révolution et réactualisation de cette expérience suivant les réalités de notre époque ; étude de l’expérience missionnaire des autres Églises orthodoxes locales ainsi que de l’activité des missionnaires hétérodoxes ;
Élaboration de manuels pratiques de mission parmi les non chrétiens ;
Appel à l’engagement missionnaire des clercs et des laïcs de l’Église orthodoxe russe avec dispensation d’une formation adaptée.

S’agissant de la prédication pratique parmi les non chrétiens :
Traduction de littérature orthodoxe, ainsi que de matériel audio et vidéo dans la langue de peuples aux croyances non chrétiennes habitant les pays du territoire canonique de l’Église orthodoxe russe ;
Application des propositions énoncées dans la « Conception de l’activité missionnaire de l’Église orthodoxe russe » : célébration d’office dans les langues nationales, formation de clercs et de missionnaires issus de la population locale([5]).

Note 5 Ibid

Dans le domaine de l’activité missionnaire des paroisses de l’Église orthodoxe russe situées dans des pays traditionnellement orthodoxes :
Créer dans ces paroisses un climat d’ouverture aux hétérodoxes et aux non chrétiens s’intéressant à l’Orthodoxie.
Approvisionner les églises et les monastères régulièrement visités par des touristes non chrétiens en documents sur l’Orthodoxie dans leur langue maternelle ; mettre à disposition des renseignements sur les lieux où l’on peut s’informer sur l’héritage spirituel de l’Église orthodoxe.

Dans le domaine de l’activité missionnaire des paroisses de l’Église orthodoxe russe situés dans les pays étrangers lointains :

Utilisation des langues locales pendant les offices ;

Traduction et édition de littérature orthodoxe dans les langues locales ;

Organisation de causeries régulières en langues locales sur l’Orthodoxie et la compréhension de l’Écriture Sainte dans la tradition patristique ;

Elargissement de l’action sociale et de l’enseignement au sein des paroisses (groupes d’enfants, groupes de soutien social, cours pour les adultes, etc) à destination des populations locales ; utilisation active des médias locaux pour faire connaître l’Orthodoxie et l’activité de la paroisse à la population du pays (conférences devant un auditoire extérieur, expositions de photographies sur un thème orthodoxe, présentation de nouvelles publications, visites de l’église…).
Choix, formation et intégration dans la vie de la paroisse de candidats au sacerdoce, de missionnaires et de catéchistes issus de la population locale.

Dans un monde qui change, les formes de la mission extérieure de l’Église changent aussi, mais le témoignage chrétien et la proclamation du Christ à ceux qui n’ont pas encore entendu parler de Lui restent la tâche intangible de l’Église.




Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 17 Octobre 2013 à 10:12 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir.G le 21/10/2013 17:21
Il me semble intéressant de souligner la très grande cohérence de cette doctrine et sa parfaite adaptation à la situation sur le terrain: "Dans un monde qui change, les formes de la mission extérieure de l’Église changent aussi, mais le témoignage chrétien et la proclamation du Christ à ceux qui n’ont pas encore entendu parler de Lui restent la tâche intangible de l’Église."

Le refus du prosélytisme semble en particulier correspondre à une constante historique. Sans remonter aux griefs contre Rome à la suite du prosélytisme anti-orthodoxe des croisades, on constate dans l'empire russe une approche spécifique des confessions chrétiennes: "Ainsi, il est significatif que les chrétiens non orthodoxes dans l’Empire, considérés comme « Européens », ne furent pas assujettis au même processus de « mission civilisatrice » que les peuples non chrétiens. Pourtant, les dénominations chrétiennes furent soumises à des restrictions concernant le nombre de leurs églises, leur clergé, leurs écoles, pour empêcher leur dissémination au-delà de leur substrat ethno-national." (Dr Jutta Scherrer (1) citant "Of Religion and Empire"(Cornell University Press, 2001 (2)). Depuis l'explosion de l'URSS, l'Eglise russe a été soumise à la pression prosélyte des autres confessions, en particulier en Ukraine occidentale (c'est d'ailleurs toujours la principale pierre d'achoppement du dialogue avec Rome); ne voulant pas faire aux autres ce qu'elle leur reproche, l'Eglise russe se concentre sur ses fidèles en dehors de son territoire canonique et privilégie le dialogue avec les autres confessions. Elle entend ainsi "montrer le bon exemple" en espérant être payée de retour par une attitude symétrique… espoir plutôt déçu à ce jour!

On peut aussi noter que les tentatives de prosélytisme en Europe occidentale ont été plutôt décevantes (cf. père Serge Model; "Une page méconnue de l’histoire de l’orthodoxie en Occident : la mission orthodoxe belge (1963-1987)" (3))

Références
(1) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Jutta-Scherrer-L-Eglise-orthodoxe-russe-vue-de-l-Occident_a3360.html
(2) http://www.cornellpress.cornell.edu/book/?GCOI=80140100973680
(3) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Orthodoxie-occidentale-la-lecon-belge_a1208.html

2.Posté par Vladimir G: L'ÉGLISE RUSSE EST MAINTENANT PRESENTE DANS DIX NOUVEAUX PAYS ET COMPTE 150 MILLIONS DE FIDÈLES le 02/02/2019 18:39
L'ÉGLISE RUSSE EST MAINTENANT PRESENTE DANS DIX NOUVEAUX PAYS ET COMPTE 150 MILLIONS DE FIDÈLES


"En dix ans, le nombre des pays où l’Église orthodoxe Russe est présente a augmenté de 10 "annonce un article analytique préparé par le patriarcat de Moscou pour le 10ème anniversaire du Concile local qui avait élu le patriarche Cyrille.


Il y a à ce jour 19 diocèses de l'Église Russe en fonctionnement dans " l'étranger lointain" (hors des frontières traditionnelles de l'Église russe), dit l'article. On y compte actuellement plus de mille institutions (977 paroisses et 40 monastères) contre 356 en 2009.


Au cours de la réception solennelle au Kremlin à l'occasion du 10 anniversaire du Concile local le 31 janvier, il a aussi été annoncé que le patriarcat De Moscou comptait environ 150 millions de fidèles dans le monde, ce qui représente 60 – 70% de l'ensemble des Orthodoxes - ИФ).


Source http://www.interfax-religion.ru/?act=news&div=71943
Traduction V.G

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