Dans le combat pour le maintien du jeûne, y a-t-il une issue ?
Archimandrite Savva (Majouko)

Le Typikon a été écrit pour les monastères, on y trouve même des paragraphes consacrés à la conduite à table, la tenue vestimentaire des frères. Mais nous ne pouvons pas vivre selon des établies au Moyen-Âge, pas pour les laïcs, mais pour les moines.

Ce n’est pas facile d’observer le jeûne, mais ce n’est pas seulement parce que nous sommes tous des bâfreurs.

Tout ce qui est beau est difficile, mais pour ce qui est de l’effort ascétique, c’est encore plus difficile. On est parfois au bord de la dépression ! Le problème est dans la non-adéquation des prescriptions de l’Église et les conditions dans lesquelles nous vivons. C’est un sérieux hiatus, non pas entre la loi et la grâce, comme on le dit souvent, mais la législation de l’Église et la réalité. Même si la très grande majorité des orthodoxes jeûne, ce n’est pas comme le prescrit le Typikon, c’est-à-dire les statuts de l’Église.

Oui, le confesseur peut conseiller, le médecin peut prescrire, les parents peuvent regretter, il reste toujours un sentiment de culpabilité, cela signifie donc que chaque période de jeûne, pour le laïc d’aujourd’hui, est un temps non pas d’exercices spirituels, mais de terrible stress moral : je ne fais pas comme il convient, je transgresse, je n’agis pas bien. Et nous avons du mal à nous concilier avec ce temps de culpabilité, ne serait-ce que parce que tout orthodoxe est coupable en tout.

Dans le combat pour le maintien du jeûne, y a-t-il une issue ?
Nous nous acharnons contre ce sentiment de culpabilité.

Vous voulez, sans risque de vous tromper, reconnaître un orthodoxe dans une foule anonyme, c’est facile. La femme orthodoxe ordinaire fait toujours une tête comme si son fils avait provoqué la Seconde Guerre mondiale.
Il est temps de rendre son honneur à la pratique du jeûne. Le jeûne n’est pas une affaire personnelle, mais la participation à l’ascèse une de toute l’Église. Jeûner est un grand honneur.

Nous vivons dans un autre monde, avec des sollicitations, des demandes, des tentations nouvelles. Le monde a changé, le rythme de la vie n’est plus le même, comme la nourriture. Nous sommes d’autres hommes, nous vivons plus longtemps, nous lisons plus, nous nous lavons plus souvent, nous avons des micro-ondes, des aspirateurs et il n’y a plus de servage.

La vie d’un informaticien de Saint-Pétersbourg n’a rien de commun avec celle d’un moine palestinien du Moyen-Âge.


Mais le croyant ne peut absolument pas se départir du règlement commun à toute l’Église sur le jeûne. Aujourd’hui, l’organisation du jeûne n’est plus adaptée. Il serait très salutaire qu’un organisme ecclésial, institué par nos évêques, établisse une Recommandation sur le jeûne où serait, précisément et avec mesure, indiqué quelle doit être la pratique du jeûne pour un laïc de nos jours.

Dans cette Recommandation devrait être décrites toutes les exigences, obligatoires pour tous, mais pondérées et justifiées, que l’Église propose aux chrétiens orthodoxes ; avec tous les cas de levée partielle, pour les malades, les enfants, les femmes enceintes, les voyageurs, les normes du jeûne avant la communion. C’est indispensable pour que les gens aient la conscience tranquille, ne souffrent pas du sentiment de culpabilité et de la dépression orthodoxe du temps de jeûne.

Dans le combat pour le maintien du jeûne, y a-t-il une issue ?
Une autre question très délicate doit être réglée, elle me concerne non pas en tant que moine, mais en tant que confesseur : la question des rapports entre les époux en période de jeûne.

J’ai eu à connaître de divorces, d’adultères, de violentes disputes dans des familles orthodoxes ! C’est un problème que rencontrent des familles pratiquantes. Souvent le problème est soumis au jugement du confesseur, mais ses conseils peuvent être tout à fait inattendus. S’il est en « crise de dévotion », alors il vaut mieux tout de suite divorcer et entrer dans les ordres.

Il est pénible de voir les gens souffrir quand des moyens accessibles de régler les questions douloureuses. Nous avons dans notre vie tant de souffrances et de difficultés pour ne pas en ajouter dans notre vie en l’Église ! Les gens veulent vivre selon les normes, « comme il faut », c’est ce qui caractérise les gens bien, c’est pourquoi, me semble-t-il, il est indispensable de trouver un moyen adéquat de régler ce problème. On ne peut le trouver dans les textes canoniques rédigés essentiellement par des moines ou des évêques célibataires. Il faut un très gros effort créatif de la pensée religieuse, nous ne devons pas en avoir peur, il y a déjà bien longtemps que l’on aurait dû régler bien des problèmes ecclésiaux accumulés au cours des siècles.

Un texte canonique peut-il résoudre tous les problèmes ? Bien évidemment non et il ne faut pas se faire d’illusions. Les gens resteront des gens, et le texte le plus attentivement élaboré ne répondra pas à toutes les nuances de la vie humaine. Mais nous devons débattre de tous nos problèmes, c’est indispensable et fructueux pour notre vie en Église.

Traduit pour Parlons d’orthodoxie.
Texte complet (en russe) sur PravMir Борьба с постом: есть ли выход?
АРХИМАНДРИТ САВВА (МАЖУКО)


Dans le combat pour le maintien du jeûne, y a-t-il une issue ?

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 4 Septembre 2017 à 11:12 | 43 commentaires | Permalien



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