De Hayek à Saint Jean Climaque: "Seule la tradition permettra aux forces de vie de l’emporter"
D'après Ivan Blot (titres, illustrations et liens de VG)

Les vérités religieuses ne peuvent être validées scientifiquement

Dans son dernier livre «the Fatal Conceit, the Errors of Socialism» ? La prétention fatale, les erreurs du socialisme * le prix Nobel Friedrich Hayek écrit : « la vraie force qui s’oppose à la passion n’est pas la raison mais la morale traditionnelle ». La raison n’a pas d’énergie en elle-même. De plus, comme l’homme n’est pas capable de comprendre la sagesse contenue implicitement dans les traditions, la raison cherche à « libérer » l’homme des fardeaux de la civilisation, le travail discipliné, la responsabilité, l’honnêteté, la prise de risque, l’épargne. La raison vient au secours des instincts et favorise ainsi dans son inconscience le retour à la barbarie : c’est ce qu’Hayek reproche en profondeur au socialisme.

« Comment les traditions bénéfiques furent elles protégées de l’opposition des instincts et des assauts de la raison ? On en vient à la religion **». Les religions qui ont été sélectionnées par l’histoire sont celles qui défendaient la famille, la propriété, la tribu ou la nation : l’exemple juif est très typique. Sans leur religion, les Juifs auraient-ils survécu en tant que peuple ?

Hayek est un agnostique et il note que les vérités religieuses qu’il appelle « vérités symboliques » ne peuvent être validées scientifiquement. Aucune importance si elles nous conduisent à bien agir. Ce qui importe est la qualité de l’action, non des opinions, pense-t-il. De bonnes actions pour de faux motifs peuvent sauver un homme et une société.

La religion a alors deux volets : l’un purement charitable et l’autre (charitable aussi mais d’une autre façon) combatif !

La tradition occidentale est celle du christianisme avec un Dieu personnel. Voyons dans notre tradition spirituelle ce qui a permis de développer notre civilisation. Tout d’abord, voyons l’impact de la religion sur la morale, donc sur le comportement. A notre avis, un livre magistral, chrétien mais aussi pénétré de philosophie grecque, L’échelle sainte de saint Jean Climaque, nous parait donner un vrai résumé de l’éthique dominante de la civilisation européenne issue des Grecs et de l’empire romain. Ce livre a été écrit au 7e siècle, donc il est commun aux orthodoxes et aux catholiques puisque le schisme entre les deux églises date de 1054.

Jean Climaque fut higoumène du monastère sainte Catherine du Buisson (Batos) dans le Sinaï. Son livre qui traite de l’amélioration morale, des disciplines qui mènent à la sainteté, est divisé en trois parties : le combat contre le monde futile (sept premiers degré), le combat contre soi-même c’est-à-dire contre ses propres vices (du 8e au 23e barreau de l’échelle), et le combat pour Dieu lequel est charité (du 24e au 30e et dernier degré). La dimension guerrière du livre est indiscutable : c’est très grec ! Mais il s’agit de guerre spirituelle, bien sûr. Chaque barreau de l’échelle représente une étape, une épreuve dont il faut triompher. C’est une sorte de jeux olympiques spirituels !

De Hayek à Saint Jean Climaque: "Seule la tradition permettra aux forces de vie de l’emporter"

De Hayek à Saint Jean Climaque: "Seule la tradition permettra aux forces de vie de l’emporter"
Au troisième degré, Climaque cite la fameuse phrase de Matthieu (10, 34) :
« je ne suis pas venu, dit le Seigneur, apporter la paix sur la terre, mais la guerre et le glaive », c’est-à-dire ajoute saint Jean Climaque, séparer les amis de Dieu des amis du monde, les charnels des spirituels, les amis de la gloire d’avec les humbles. Car le Seigneur se réjouit des conflits est des séparations quand ils viennent de l’amour que l’on a pour lui.

La religion a alors deux volets : l’un purement charitable et l’autre (charitable aussi mais d’une autre façon) combatif ! C’est le combat contre le mal, oublié par une partie d’un clergé bouffi de niaiserie.

Ce combat est la transcription au niveau spirituel du vieux combat éducatif grec de la « paidéia » avec son idéal humaniste du Kalos Kagathos (beau et talentueux). Mais cette paidéia est chrétienne donc centrée sur l’imitation du Christ : le Christ, dans les églises orthodoxes est peu représenté comme Christ souffrant (figure dominante en Occident seulement après le 12e siècle). Il est représenté comme un empereur bénissant (bonté) et tenant un livre ouvert (sagesse). C’est cette alliance de la bonté et de la sagesse, du cerveau affectif, c’est-à-dire du « cœur » et de l’intellect qui devient le modèle éducatif.

Cette tradition d’ascèse (exercice en grec) qui vient des philosophes grecs et qui est christianisée, inspire notre civilisation jusqu’à aujourd’hui. Le clerc et l’aristocrate militaire dominent la société jusqu’au dix-neuvième siècle. L’effondrement actuel des deux fonctions souveraine et guerrière au seul profit de la seule troisième fonction dans sa dimension marchande engendre le matérialisme et la décadence que nous connaissons à présent. Une nouvelle religion matérialiste qui ne se dit pas comme telle se met en place et cette décadence nous menace de mort. Seule la tradition permettra aux forces de vie de l’emporter.

21 mars 2014

Notes de l'auteur :
(*) Traduction française, PUF, 1988
(**) op. cit. p. 136

Yvan Blot, né le 29 juin 1948 à Saint-Mandé est un haut fonctionnaire, homme politique, et essayiste français. Retraite du ministère de l'Intérieur, il est sociétaire de l'Académie catholique de France, chargé de cours de science politique à l'Institut catholique de Rennes, à l'université de Nice ainsi qu'à l'université de Velikie Novgorod (Russie) consultant auprès de la radio La Voix de la Russie. Il est aussi co-président du groupe sécurité justice et membre du groupe institutions du think tank de la droite forte (UMP) SUITE

Rédigé par Vladimir Golovanow le 2 Février 2015 à 06:27 | 0 commentaire | Permalien



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