Déclaration des représentants orthodoxes à la conférence d'Oberlin, 1957
Faisant suite aux nombreux échanges sur la Question de la vision de l'Eglise Une avec les autres confessions chrétiennes, nous présentons ci-dessous le texte de la déclaration faite à l’occasion de la conférence de Foi et Constitution qui s’est tenue dans l’Ohio en septembre 1957.
Il est intéressant de voir où en étaient ces réflexions sur l’Église Une et la position des Orthodoxes moins de dix ans après la création du Conseil œcuménique des Eglises. Toutes les affirmations qui s’y trouvent existaient déjà de manière sous-jacente dans les débats qui se sont déroulés avant 1948.

DECLARATION DES REPRESENTANTS DE L'ÉGLISE ORTHODOXE
A LA CONFERENCE D'ETUDE NORD-AMERICAINE FOI ET CONSTITUTION
OBERLIN, OHIO, 3-10 SEPTEMBRE 1957

En tant que délégués à la conférence d'étude nord-américaine "Foi et Constitution", nous voulons exprimer les points suivants.Nous sommes heureux de prendre part à une conférence concernant un besoin aussi fondamental que l'unité pour le monde Chrétien. Tous les Chrétiens devraient rechercher l'unité.

Déclaration des représentants orthodoxes à la conférence d'Oberlin, 1957
D'un autre côté, nous sentons que tout le programme des discussions à venir a été cadré d'un point de vue qu'en toute conscience, nous ne pouvons admettre. "L'unité que nous recherchons" est pour nous une unité donnée qui n'a jamais été perdue et, en tant que don de Dieu et une marque essentielle de l'existence Chrétienne, n'aurait pas pu avoir été perdue. Cette unité dans l'Église du Christ est pour nous une unité au sein de l'Église historique, dans la plénitude de la Foi, dans la plénitude de la vie sacramentelle ininterrompue. Pour nous, cette unité est incarnée dans l'Église orthodoxe, qui a conservé, katholikos et anelleipos, à la fois l'intégrité de la foi apostolique et l'intégrité de la succession apostolique.

Notre participation dans l'étude de l'unité chrétienne est résolue par notre ferme conviction que cette unité ne peut être trouvée que dans la communion de l'Église historique, préservant la plénitude de la tradition catholique, tant dans la doctrine que dans la succession apostolique. Nous ne pouvons nous engager dans la moindre discussion au sujet de ces points de base, comme si elles n'étaient qu'hypothèses ou problématiques. Nous commençons ici avec une conception claire de l'unité de l'Église, que nous croyons avoir été incarnée et réalisée dans l'histoire multiséculaire de l'Église orthodoxe, sans le moindre changement ou la moindre interruption depuis les temps où l'unité visible de la Chrétienté était un fait évident et était attestée et démontrée par une unanimité œcuménique, à l'époque des Conciles œcuméniques.

Nous admettons, bien entendu, que l'unité de la Chrétienté a été bouleversée, que l'unité de Foi et l'intégrité des ordres apostoliques ont été fortement brisés. Mais nous n'admettons pas que l'unité de l'Église, et plus précisément de l'Église "visible" et historique, ait jamais été brisée ou perdue, de sorte que ce serait à présent un problème de recherche et de découverte. Dès lors, le problème de l'unité est pour nous le problème du retour à la plénitude de la Foi et de l'Ordre apostolique, dans la totale fidélité au message des saintes Écritures et de la tradition et en obéissance à la volonté de Dieu : "Que tous soient Un."

Bien longtemps avant la rupture de l'unité de la Chrétienté occidentale, l'Église orthodoxe avait un sens aigu de l'importance essentielle de l'unité des croyants Chrétiens, et dès ses débuts elle a déploré les divisions au sein du monde Chrétien. Que ce soit actuellement ou dans le passé, elle se lamente sur la désunion parmi ceux qui affirment être disciples de Jésus-Christ, dont le but dans le monde était d'unir tous les croyants en un seul Corps. L'Église orthodoxe estime que, du fait qu'elle n'a pas été mêlée à la rupture de l'unité religieuse en Occident, elle porte la responsabilité particulière de contribuer à la restauration de l'unité Chrétienne qui seule peut rendre effectif le message de l'Évangile dans un monde perturbé par les menaces de conflits mondiaux et une incertitude généralisée à propos de son avenir.

C'est avec humilité que nous exprimons clairement la conviction que l'Église orthodoxe peut apporter une contribution spéciale à la cause de l'unité Chrétienne, parce que depuis la Pentecôte, elle a possédé la véritable unité voulue par le Christ. C'est avec cette conviction que l'Église orthodoxe est toujours prête à rencontrer des Chrétiens d'autres communions dans des réflexions interconfessionnelles. Elle se réjouit du fait qu'elle est à même de se joindre à celles parmi les autres confessions dans des conversations œcuméniques qui tendent à faire tomber les barrières vers l'unité Chrétienne. Cependant, en toute honnêteté, en tant que représentants de l'Église orthodoxe, nous nous sentons obligés de confesser que nous devons préciser notre participation, comme c'est rendu nécessaire par la Foi historique et la pratique de notre Église, et aussi d'exprimer la position générale qui doit être adoptée dans cette conférence interconfessionnelle.

En considérant de prime abord "la nature de l'unité que nous recherchons", nous souhaitons commencer par établir clairement que notre approche diverge de ce qui est habituellement recommandé et généralement attendu de la part de représentants participants. L'Église orthodoxe enseigne que l'unité de l'Église n'a jamais été perdue, parce qu'elle est le Corps du Christ, et que dès lors, elle ne saurait être divisée. C'est le Christ qui est à sa tête, et la présence vivifiante du Saint Esprit qui garantit l'unité de l'Église à travers les siècles.

La présence d'imperfections humaines parmi ses membres est impuissante à effacer l'unité, car le Christ lui-même a promis que "les portes de l'enfer ne prévaudraient pas contre l'Église." Satan a toujours semé de l'ivraie dans les champs du Seigneur, et les forces de désunion ont souvent été menaçantes, mais en réalité, elles n'ont jamais réussi à diviser l'Église. Aucune puissance ne pourrait être plus forte que la volonté omnipotente du Christ, qui a fondé une Église uniquement pour amener les hommes à l'unité avec Dieu. L'unité est une marque essentielle de l'Église.
S'il est vrai que le Christ a fondé l'Église comme un moyen d'unifier les hommes divisés par le péché, alors il doit naturellement s'ensuivre que l'unité de l'Église a été préservée par sa divine omnipotence. L'unité n'est dès lors pas seulement une promesse, ou une potentialité, mais elle appartient à la nature même de l'Église. Ce n'est pas quelque chose qui a été perdu et qui devrait être retrouvé, mais plutôt c'est la caractéristique permanente de la structure de l'Église.

L'amour chrétien nous pousse à parler avec franchise de notre conviction que l'Église orthodoxe n'a pas perdu l'unité de l'Église voulue par le Christ, car elle représente l'unité qui, dans la chrétienté occidentale, n'a été qu'une potentialité. L'Église orthodoxe enseigne qu'elle n'a nul besoin de chercher une quelconque "unité perdue", puisque sa conscience historique dicte que c'est elle qui est l'Unam Sanctam et que tous les groupes chrétiens hors de l'Église orthodoxe ne peuvent retrouver leur unité qu'en entrant dans le sein de cette Église qui a préservé son identité avec le Christianisme antique.
Ce ne sont pas des affirmations qui proviendraient d'une audace, mais d'une conscience historique interne de l'Église orthodoxe. En effet, tel est le message spécifique de l'Orthodoxie orientale à la chrétienté occidentale divisée.

Fidèle à sa conscience historique, l'Église orthodoxe déclare qu'elle a maintenu une continuité ininterrompue avec l'Église de la Pentecôte, en préservant la foi et l'ordre apostolique inaltérés. Elle a gardé "la foi transmise une fois pour toutes aux saints" libre de toute déformation due à des innovations humaines. Les doctrines inventées par des hommes n'ont jamais réussi à s'imposer dans l'Église orthodoxe, puisqu'elle n'a aucune association nécessaire dans l'histoire avec le nom d'un seul Père ou théologien. Elle possède la plénitude et la garantie de l'unité et de l'infaillibilité par l'opération du Saint Esprit et non par le ministère d'une seule personne. C'est pour cette raison qu'elle n'a jamais senti le besoin envers ce qui est connu comme "un retour à la pureté de la foi apostolique." Elle maintient la nécessaire balance entre la liberté et l'autorité, et évite dès lors les extrêmes de l'absolutisme et de l'individualisme, qui tous deux ont fait violence à l'unité Chrétienne.

Nous réaffirmons ce qui a été déclaré à Evanston et ce qui a été déclaré dans le passé au cours de toutes les conférences interconfessionnelles auxquelles des délégués de l'Église orthodoxe ont participé. Ce n'est en rien dû à notre mérite personnel, mais c'est à la divine condescendance que nous devons de représenter l'Église orthodoxe et sommes à même d'exprimer ces affirmations. En conscience, nous sommes tenus de déclarer explicitement ce qui est logiquement suggéré ; à savoir que tous les autres corps [chrétiens] ont été directement ou indirectement séparés de l'Église orthodoxe. D'un point de vue Orthodoxe, l'unité signifie le retour des entités séparées à l'Église orthodoxe historique, l'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique.

L'unité que l'Orthodoxie représente repose sur l'identité de Foi, d'ordre hiérarchique et de culte. Tous trois, ces aspects de la vie de l'Église sont extérieurement préservés par la réalité de la succession ininterrompue d'évêques qui est l'assurance de la continuité ininterrompue de l'Église avec les origines apostoliques. Cela signifie que la plénitude non compromise de l'Église requiert la préservation tant de sa structure épiscopale que de sa vie sacramentelle. Respectant avec ténacité son héritage apostolique, l'Église orthodoxe maintient qu'aucune unité réelle n'est possible là où l'épiscopat et les sacrements sont absents et s'afflige du fait que ces deux institutions ont été soit abandonnées soit dénaturées dans certaines parties de la chrétienté. Tout accord sur la Foi doit reposer sur l'autorité des déclarations des sept Conciles œcuméniques qui représentent l'esprit de l'Église indivise de l'Antiquité et la tradition subséquente telle que préservée dans la vie de l'Église orthodoxe.

Nous regrettons que le problème si capital du ministère ordonné et celui de la succession apostolique, sans lesquels, selon notre point de vue, il n'y a ni unité ni Église, n'ont pas été prévus au programme de la Conférence. Tous les problèmes de ministère ordonné semblent manquer au programme. Ceux-là sont, selon notre opinion, des points basiques pour toute étude de l'unité.
L'unité visible exprimée dans l'union organisationnelle ne détruit pas la centralité de l'esprit entre les fidèles, mais au contraire atteste de la réalité de l'unité de l'Esprit. Là où il y a plénitude de l'Esprit, là aussi il y aura la concorde externe. Depuis les temps apostoliques, l'unité des fidèles Chrétiens a été manifestée par une structure visible, organisée. C'est l'unité dans le Saint Esprit qui est exprimée dans une organisation unifiée visible.

La Sainte Eucharistie, en tant qu'acte suprême du culte, est l'affirmation extériorisée de la relation interne jaillissant de l'unité dans le Saint Esprit. Mais cette unité implique un consensus de Foi parmi ceux qui participent. L'intercommunion est dès lors possible uniquement lorsqu’ existe l'accord sur la Foi. Dans tous les cas, le culte commun [concélébration] doit présupposer une Foi commune. L'Église orthodoxe maintient que le culte de quelque nature que ce soit ne saurait être sincère à moins qu'il n'y ait unité de Foi parmi ceux qui y participent. C'est suite à cette conviction que les Orthodoxes hésitent à se joindre à des offices de prière commune et s'abstiennent strictement d'assister à des offices de Communion interconfessionnels.

Une Foi commune et un culte commun sont inséparables dans la continuité historique de l'Église orthodoxe. Cependant, dans l'isolation, aucun des deux ne saurait être préservé intégral et intact. Tous deux doivent être gardés dans une relation organique et interne l'un avec l'autre. C'est pour cette raison que l'unité Chrétienne ne saurait être réalisée simplement en déterminant quels articles de foi ou quel Credo devrait être considéré comme constituant la base d'unité. En plus de souscrire à certaines doctrines de Foi, il est nécessaire de réaliser l'expérience d'une tradition commune ou du communis sensus fidelium préservés par le culte commun dans le cadre historique de l'Église orthodoxe. Il ne saurait y avoir de vraie unanimité de Foi à moins que la Foi ne demeure au sein de la vie et de la tradition sacrée de l'Église, qui est identique à travers les siècles. C'est dans l'expérience liturgique que nous affirmons la véritable Foi, et inversement, c'est dans la reconnaissance d'une Foi commune que nous assurons la réalité du culte en esprit et en vérité.

Dès lors l'Église orthodoxe en chaque localité insiste sur l'accord de Foi et de culte avant qu'elle n'envisage de partager la moindre activité interconfessionnelle. Les différences doctrinales constituent un obstacle sur le chemin d'une participation sans restriction à de telles activités. Afin de protéger la pureté de la Foi et l'intégrité de la vie liturgique et spirituelle de l'Église orthodoxe, l'abstention de participation aux activités interconfessionnelles est encouragée au niveau local. Il n'existe pas un seul aspect de la vie de l'Église qui ne soit lié à sa Foi. L'intercommunion avec une autre Église doit être ancré dans un consensus de Foi et une compréhension commune de la vie sacramentelle. En particulier, la sainte Eucharistie doit être la démonstration liturgique de l'unité de Foi.
Nous sommes pleinement conscients des profondes divergences qui séparent les confessions chrétiennes les unes des autres, dans tous les domaines de la vie et de l'existence chrétienne, dans la compréhension de la foi, dans la manière de vie, dans les habitudes cultuelles. En conséquence, nous cherchons une unanimité de Foi, une identité d'ordres ministériels, une fraternité dans la prière. Mais pour nous, ces trois points sont organiquement liés les uns aux autres. La communion dans le culte liturgique n'est possible que dans l'unité de la Foi. La Communion présuppose l'unité. Dès lors, le terme "intercommunion" nous semble être l'épitomé de cette conception que nous sommes forcés de rejeter. Une "intercommunion" présuppose l'existence de plusieurs confessions séparées et divisées, qui se regroupent occasionnellement pour mener certains actes ou actions en commun. Dans la véritable unité de l'Église du Christ, il n'y a pas de place pour plusieurs "confessions." Il n'y a dès lors pas de place pour une "intercommunion." Quand tous seront unis en vérité dans la Foi et l'ordre apostolique, il y aura une Communion et une fraternité totale en toutes choses.
Déjà en 1937, à Edimbourg, les délégués Orthodoxes avaient déclaré que nombre de problèmes étaient exposés dans le cadre des Conférences "Foi et Constitution" d'une manière et d'une position qui étaient extrêmement peu sympathiques pour les Orthodoxes. Nous sommes obligés de répéter cela ici aussi. Mais à nouveau, comme il y a quelques années à Edimbourg, nous voulons témoigner de notre préparation et de notre volonté à participer à cette étude, afin que la vérité de l'Évangile et la plénitude de la tradition apostolique puissent être portés à la connaissance de tous ceux qui, vraiment, de manière désintéressée et pieusement cherchent l'unité dans notre Seigneur béni et son Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique.

bÉvêque Athenagoras Kokkinakis,
Protopresbytre Georges Florovsky
Protopresbytre Eusebius A. Stephanou
Prêtre George Tsoumas
Prêtre John A. Poulos
Prêtre John Hondras
Prêtre George P. Gallos

Deux des signatairee du texte : [le protopresbytre Eusebius A. Stephanou et l’évêque Athenagoras Kokkinakis
A la conférence d’Oberlin

Photo № 2: l'archevêque Athénagoras et le père Georges Florovsky prise à Evanston en 1954

Rédigé par IRENEE le 18 Mai 2010 à 15:09 | 9 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par vladimir le 18/05/2010 18:50
J'espère que ce texte, qui rappèle pratiquement tous les points essentiel de l'Orthodoxie, permettra de remettre au point un certain nombre des questions qui ont agité ce blog. Comme il n'a jamais été remis en cause par aucune Église, à ma connaissance, je pense que ce texte peut servir de référence.

Nous connaissons particulièrement le père Georges Florovsky (1893-1979) comme l'un des principaux théologiens de l'émigration russe. Il enseigna la théologie des Pères à l’Institut Saint-Serge (Paris) jusqu'à la 2e Guerre mondiale, puis à l’Institut Saint-Vladimir (New York) et aux universités de Harvard et de Princeton.

Un colloque international lui a été consacré à Saint Serge en novembre 2009 dont la conclusion caractérise bien le message du p. Georges: "En rappelant qu’il n’existe pas - et qu’il n’a jamais existé - un système théologique définitif et complet, même pas chez les Pères de l’Eglise, les intervenants du colloque ont affirmé l’évidente actualité du message prophétique du P. Georges Florovsky : « En avant vers les Pères ! »"
http://www.saint-serge.net/article.php3?id_article=412

2.Posté par Cathortho le 18/05/2010 22:13
" DÉCLARATION COMMUNE DU PAPE PAUL VI ET DU PATRIARCHE ATHÉNAGORAS

Déclaration commune du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras exprimant leur décision d’enlever de la mémoire et du milieu de l’Église les sentences d’excommuni­cation de l’année 1054. Cette déclaration commune fut lue dans la session solennelle du IIème concile du Vatican par Monseigneur Jean Willebrands. En même temps, elle était lue par le secrétaire du saint synode, dans la cathédrale du Phanar.

1. Pénétrés de reconnaissance envers Dieu pour la faveur que, dans sa miséricorde, il leur a fait de se rencontrer fraternellement aux lieux sacrés où, par la mort et la résurrection du Seigneur Jésus, a été consommé le mystère de notre salut et, par l’effusion du Saint-Esprit, a été donné naissance à l’Église, le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier n’ont pas perdu de vue le dessein qu’ils ont conçu dès lors, chacun pour sa part, de ne rien omettre désormais des gestes qu’inspire la charité et qui puissent faciliter le développement des rapports fraternels ainsi amorcés entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe de Constantinople. Ils sont persuadés de répondre ainsi à l’appel de la grâce divine qui porte aujourd’hui l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe ainsi que tous les chrétiens à surmonter leurs différends afin d’être à nouveau “un” comme le Seigneur Jésus l’a demandé pour eux à son Père.

2. Parmi les obstacles qui se trouvent sur le chemin du développement de ces rapports fraternels de confiance et d’estime, figure le souvenir des décisions, actes et incidents pénibles, qui ont abouti en 1054 à la sentence d’excommunication portée contre le patriarche Michel Cérulaire et deux autres personnalités par les légats du siège romain, conduits par le cardinal Humbert, légats qui furent eux-mêmes ensuite l’objet d’une sentence analogue de la part du patriarche et du synode constantinopolitain.

3. On ne peut faire que ces événements n’aient pas été ce qu’ils ont été dans cette période particulièrement troublée de l’histoire. Mais aujourd’hui qu’un jugement plus serein et plus équitable a été porté sur eux, il importe de reconnaître les excès dont ils ont été entachés et qui ont amené ultérieurement des conséquences dépassant, autant que nous pouvons en juger, les intentions et les prévisions de leurs auteurs dont les censures portaient sur les personnes visées et non sur les Églises et n’entendaient pas rompre la communion ecclésiastique entre les sièges de Rome et de Constantinople.

4. C’est pourquoi le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier en son synode, certains d’exprimer le désir commun de justice et le sentiment unanime de charité de leurs fidèles et se rappelant le précepte du Seigneur: “Quand tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens d’un grief que ton frère a contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère” (Mt 5, 23-24), déclarent d’un commun accord:

a) regretter les paroles offensantes, les reproches sans fondement, et les gestes condamnables qui, de part et d’autre, ont marqué ou accompagné les tristes événements de cette époque;

b) regretter également et enlever de la mémoire et du milieu de l’Église les sentences d’excommunication qui les ont suivis, et dont le souvenir opère jusqu’à nos jours comme un obstacle au rapprochement dans la charité, et les vouer à l’oubli;

c) déplorer, enfin, les fâcheux précédents et les événements ultérieurs qui, sous l’influence de divers facteurs, parmi lesquels l’incompréhension et la méfiance mutuelles, ont finalement conduit à la rupture effective de la communion ecclésiastique.

5. Ce geste de justice et de pardon réciproque, le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier avec son synode sont conscients qu’il ne peut suffire à mettre fin aux différends, anciens ou plus récents, qui subsistent entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe et qui, par l’action de l’Ésprit-Saint, seront surmontés grâce à la purification des cœurs, au regret des torts historiques ainsi qu’à une volonté efficace de parvenir à une intelligence et une expression commune de la foi apostolique et de ses exigences.

En accomplissant ce geste, cependant, ils espèrent qu’il sera agréé de Dieu, prompt à nous pardonner lorsque nous nous pardonnons les uns les autres, et apprécié par le monde chrétien tout entier, mais surtout par l’ensemble de l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe comme l’expression d’une sincère volonté réciproque de réconciliation et comme une invitation à poursuivre, dans un esprit de confiance, d’estime et de charité mutuelles, le dialogue qui les amènera, Dieu aidant, à vivre de nouveau, pour le plus grand bien des âmes et l’avènement du règne de Dieu, dans la pleine communion de foi, de concorde fraternelle et de vie sacramentelle qui exista entre elles au cours de premier millénaire de la vie de l’Église.

7 décembre 1965 "

3.Posté par Irénée le 19/05/2010 07:01
Merci pour ces commentaires, et pour le texte de la recontre Paul VI/Athénagoras
Ce texte d'Oberlin me semble important par sa précision et sa densité théologique. Mais ce n'est pas un document émanant d'un Concile...On peut donc le prendre comme référence pour la réflexion ou même pour confirmer certaines affirmations, mais on ne peut pas dire que c'est la position orthodoxe officielle.
Ce qui caractérise bien souvent la présence orthodoxe au sein du mouvement oecuménique, c'est plutôt l'absence de textes de référence, et les déclarations qui restent floues et vagues.
Quand au texte de 1965, il est très important et marque un tournant dans le relations entre Rome et l'Eglise orthodoxe, il reste malheureusement plus une déclaration d'intention et de bonne volonté qu'un texte d'écclésiologie...
Comme j'ai eu l'occasion de l'écrire, je suis toujours frappé, du côté orthodoxe, de l'écart qui demeure entre certains gestes forts comme la rencontre de Jérusalem de 1965 ou les visites de SS Bartholomée à Rome et ce qui est vécu et enseigné dans la vie quotidienne des Eglises.

4.Posté par vladimir le 20/05/2010 23:19
Cher Irénée,
Je pense que le texte du concile russe de 2000 (http://orthodoxeurope.org/page/14/1.aspx#a1) recoupe en grande partie celui-ci, tout au moins dans ces principes directeurs. Y verriez-vous des contradictions? Ce texte conciliaire me semble avoir une valeur canonique certaine, d'autant que c'est le seul traitant de ce sujet à ce niveau (concile local). Ne pensez-vous pas qu'il y a là véritablement les bases d'une doctrine orthodoxe de l'œcuménisme?

Pour revenir à la position catholique, que je cite ailleurs, la position orthodoxe ainsi exprimée est beaucoup plus rigoureuse. Je résumerais, en caricaturant un peu, que les Catholiques s'accommoderaient de nos différences, pourvu que nous reconnaissions la primauté du Pape, et sont prêts à communier avec nous, alors que pour les orthodoxes il faut d'abord être totalement d'accord et le Pape n'est qu'un problème parmi d'autres aussi importants et qui doivent tous être résolus pour pouvoir parler d'unité et de communion...

5.Posté par Irénée le 21/05/2010 13:55
Cher Vladimir,
Non, je ne vois pas de contradictions entre le texte de 2000 et celui d'Oberlin. Disons que le texte d'Oberlin est peut être plus vigoureux et précis, celui de 2000 plus "sft", mais ils disent bien la même chose...Comme je l'ai dit ailleurs, le problème sur cette question est l'absence de textes de référence du côté orthodoxe. Mais à côté des textes, au dessus m^me, nous avons la foi et l'enseignement des Pères, ainsi que la pratique et les règles quotidiennes de nos Eglises. Et là il me semble que les choses sont bien claire vis à vis de l'Eglise catholique romaine.
C'est une très bonne chose que les relations soient bonnes, fraternelles et charitables, mais l'invitation à un concert ne constitue pas une avancée écclésiologique !
Sur le second point je vous suis tout à fait. Encore qu'il ne faudrait pas limiter les divergences aux seules questions du filioque et de la primauté...Là encore, écoutons ce qui est enseigné dans nos églises et ce qui est vécu par le peuple de Dieu, c'est plus important que les ronds de jambes diplomatiques.

6.Posté par vladimir le 21/05/2010 16:55
Je suis d'accord avec vous et je vais plus loin en considérant que ces textes sont des textes de référence, l'un ayant une valeur canonique par son caractère conciliaire, l'autre étant plus précis, concret et déja panorthodoxe...
Au delà des "ronds de jambes", je trouve que les avancées de l'Église russe dans le dialogue sont justement très concrètes (cf. mon commentaire sur la rencontre avec le Pape) et, aussi bien avec ce texte qu'avec la "doctrine sociale" il y a vraiment de quoi avancer ensemble en laissant de coté les débats théologiques sur lesquels il n'y a rien à céder...
Je vous suis aussi sur la fracture interne à l'Orthodoxie, comme je le détaille dans mon post dédié à cette "nouvelle querelle" ... Les textes dont nous parlons donnent bien la position des hiérarchies, mais ils sont loin d'être reçus à la base où les "zélotes" sont nombreux: voyez le texte du p. Georges Mitrofanov sur le niveau des prêtres en Russie... et ce n'est pas mieux ailleurs!

7.Posté par Daniel le 21/05/2010 18:08
@ Vladimir

Votre résumé est exact à mes yeux : "Je résumerais, en caricaturant un peu, que les Catholiques s'accommoderaient de nos différences, pourvu que nous reconnaissions la primauté du Pape, et sont prêts à communier avec nous, alors que pour les orthodoxes il faut d'abord être totalement d'accord et le Pape n'est qu'un problème parmi d'autres aussi importants et qui doivent tous être résolus pour pouvoir parler d'unité et de communion... "

8.Posté par Irénée le 22/05/2010 12:19
Merci à Daniel pour ce résumé très juste de la situation.
Je voudrais dire à Vladimir que je ne pense pas personnellement que les accords sur ces questions de "Doctrine sociale" soient une avancée importante et significative.
D'abord parceque, personnellement, je ne suis pas très à l'aise dans ce type d'approche sur des questions de morale, d'éthique etc. et ensute parceque je crains de n'y voir qu'un opportunisme de "front commun" face à ce qui est appelé "décadence morale de l'occident chrétien" tout ceci ne me semble pas être au coeur de l'orthodoxie...
Bonne fête de la Pentecôte à tous !

9.Posté par Daniel le 22/05/2010 14:58
@ Irénée

Le résumé est de Vladimir et non le mien...

Je ne suis pas non plus très à l'aise avec les questions sociales et éthiques quoique j'en reconnaisse l'importance. Il me semble qu'en la matière la méthodologie choisie est erronée. Si je prends un exemple concret, dans l'église catholique, Jean-Paul II a rappelé avec justesse maintes fois que les relations intimes devait avoir lieu dans le cadre du mariage monogame... Ces rappels n'ont pas eu un grand succès au sein des catholiques eux-mêmes : bien des couples se marient à l'église après avoir cohabité longuement et la fornication est une chose acceptée, les prêtres ferment les yeux... Avant de vouloir influer sur la société postchrétienne, il faudrait que nous (et là je parle des chrétiens), commencions à rappeler le B.A-BA de la vie chrétienne à nos propres paroissiens et fidèles... et à en expliquer le pourquoi... et inciter les chrétiens à vivre selon ces critères...

Je pense notamment à tout ce qui a trait au mariage et à la sexualité parce que c'est par là qu'a débuté l'attaque contre la "famille traditionnelle" à tel point que de nos jours, il est traditionnel de cohabiter avant de se marier, voire d'être encore plus libertin. A mon avis, certaines églises ont failli en ne présentant pas la mariage sous sa vraie dimension mystérielle (de sacrement) mais en faisant de lui un simple passeport pour des relations sexuelles. Puis, elles ont failli doublement lors de la libéralisation des moeurs en ne censurant pas comme il se doit les personnes au comportement fautif. D'un point de vue orthodoxe, les canons sont quand même assez clairs et placent sous épitimie les fornicateurs pour une certaine durée de temps, durée qui n'est d'ailleurs pas interrompue par leur mariage... Cela amène à minima les personnes ayant ces comportements à réfléchir un tantinet et de voir que leurs actes ne sont pas anodins... Mais ces canons sont-ils encore appliqués? Par certains prêtres, je sais que oui... mais je crains que le laxisme ne gagne aussi du terrain côté orthodoxe en matière sexuelle... Si on se contente de déclarations communes, sans actions concrètes d'éducation auprès des fidèles, dans une société qui considère la chose sexuelle comme banale, on a peu de chances de toucher nos propres fidèles.

Nouveau commentaire :



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile