L'Espagne a fait un premier pas vers l'interdiction des crucifix à l'école avec l'approbation mercredi soir d'une initiative parlementaire demandant au gouvernement d'appliquer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Saisie par une mère de famille italienne, la CEDH qui siège à Strasbourg avait condamné début novembre l'Italie pour la présence de crucifix dans les salles de classe, jugée contraire au droit des parents à éduquer leurs enfants selon leurs convictions et au droit des enfants à la liberté de religion.

L'initiative espagnole, lancée par les députés du petit parti de gauche catalan ERC, a été approuvée en commission parlementaire, par 20 voix pour et 16 contre, avec le soutien des députés du Parti socialiste (PSOE) et des Galiciens du BNG. Le principal parti d'opposition, le Parti populaire (droite), a voté contre.
Les députés d'ERC avaient annoncé, le lendemain de la condamnation de l'Italie par la CEDH, leur intention de promouvoir cette initiative.
Le ministre de l'Education, Angel Gabilondo, a déclaré jeudi qu'il voyait "d'un bon oeil que l'on demande à faire une loi" qui respecte l'article 16 de la Constitution, assurant le caractère aconfessionnel de l'Etat espagnol.
Le président de la Conférence épiscopale, Antonio Maria Rouco Varela, a regretté quant à lui cette initiative, espérant qu'elle en reste "au stade de la commission" parlementaire.
Le retrait des crucifix reviendrait "à priver les familles et les enfants espagnols inscrits dans les écoles de l'Etat de pouvoir voir le signe le plus fondamental et caractéristique de leur foi, foi qui a configuré leur histoire personnelle, celle de leur famille et de leur peuple", a-t-il estimé.

Début novembre, les organisations regroupant les écoles privées espagnoles s'étaient insurgées contre la décision de la CEDH, "inadmissible et surprenante", estimant que "si quelque chose de la sorte devait se passer en Espagne, il faudrait manifester avec force".
A l'inverse, l'association Espagne laïque avait estimé que la CEDH avait fait "honneur à son nom", demandant au gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero, en délicatesse avec l'Eglise catholique sur de nombreux sujets, de s'en inspirer.
En 2008, un tribunal de Valladolid, saisi par un parent d'élève, avait, pour la première fois en Espagne, ordonné à une école publique de "retirer les symboles religieux des salles de classe", en l'espèce des crucifix.

Malgré la constitution de 1978, les symboles catholiques restent très présents dans le pays, 30 ans après la dictature qui avait fait du catholicisme une religion d'Etat.

MADRID, 3 déc 2009 AFP

Rédigé par l'équipe rédaction le 3 Décembre 2009 à 18:13 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par vladimir le 06/12/2009 22:55
C'est le mouvement de pendule dans notre civilisation occidentale qui est particulièrement curieux: au XXe siècle nous avons vu la déchristianisation forcée de l'Europe orientale, le comble étant atteint en Albanie où le gouvernement annonça en 1967 qu'elle était le seul véritable état athée au monde: tous les lieux de culte avaient été fermés et toute expression visible de la religion éliminée. Depuis 1990 on assiste à un retour en force de la religion dans cette partie de l'Europe, avec des aumôneries dans toutes les institutions, des églises dans les universités et des cours de religion dans les écoles. Mais dans le même temps c'est l'Europe occidentale qui semble sombrer dans l'athéisme forcené... encore que: en France, qui était à la pointe de l'anticléricalisme, le président de la république envisage un retour du religieux. "Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas" aurait déjà dit Malraux (pourtant athée)... et c'est donc dans les derniers bastions du catholicisme, l'Italie et l'Espagne, que le balancier antireligieux va le plus loin.

2.Posté par l'équipe rédaction le 09/12/2009 11:53
L’Espagne débat de la place du crucifix à l’école
Une initiative parlementaire demande que le gouvernement espagnol prenne des mesures pour faire retirer les croix des écoles publiques, ce qui soulève une nouvelle querelle dans ce pays de tradition catholique

A la sortie de l’école de Pinar del Rey, dans le quartier de Hortaleza, au nord de Madrid, tout le monde a entendu parler de l’initiative parlementaire demandant au gouvernement espagnol de faire retirer les crucifix des écoles. Dans cette école publique madrilène, les avis divergent. « Je ne considère pas normal qu’il y ait un crucifix dans une école publique, je comprends qu’il y en ait dans des écoles religieuses », lance ainsi Maria Dolores, 35 ans. Les parents catholiques, eux, s’interrogent. La présence de ce symbole, « ça m’est égal », affirme Cristina. Mais pour Raquel, mère de deux enfants, qui a un crucifix à la maison, l’enlever de l’école la « gênerait ».

Son amie Conchi, pourtant athée, considère que le retirer serait « une bêtise ». Selon elle, « il reste juste un symbole, à garder par tradition, par habitude ». Juan Carlos, lui aussi, préférerait que le crucifix reste. « Mais sincèrement, si on l’enlève, il faut être logique, il faut arrêter de faire la crèche à la fin de l’année aussi, et puis franchement il y a des choses plus importantes en ce moment non ? », lâche ce père catholique.

La question du crucifix n’avait pourtant pas créé de polémique en Espagne, avant qu’elle ne se pose en Italie. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par une mère de famille finlandaise vivant en Italie, avait condamné début novembre l’Italie pour la présence de crucifix dans les salles de classe. Peu après, les députés du petit parti de gauche indépendantiste catalan ERC lancent une initiative parlementaire demandant au gouvernement Zapatero d’appliquer la jurisprudence de la CEDH sur le crucifix. Elle a été approuvée le 3 décembre dernier, en commission parlementaire, avec le soutien, entre autres, des députés du Parti socialiste.

"Pas à l'agenda du gouvernement"
Aussitôt, le président de la Conférence épiscopale, le cardinal Antonio Maria Rouco Varela, a regretté cette initiative, espérant qu’elle en reste au stade de la commission parlementaire. Le président du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, socialiste, a dû intervenir, pour préciser que « le retrait des crucifix des écoles n’est pas à l’agenda du gouvernement », tentant de freiner la polémique.

Manuel de Castro, président de la Fédération espagnole de l’enseignement catholique (Fere), se veut nuancé. « Si cette mesure s’applique uniquement aux écoles publiques, la mesure me semble légale, mais inopportune et incompréhensible, car j’ai du mal à croire que ce symbole dans un pays de tradition chrétienne dérange. De plus, très peu d’écoles en possèdent encore. Il n’existe pas de demande sociale. Ce devraient être les parents qui décident finalement. »

La question devient plus épineuse en ce qui concerne les écoles sous contrat, le plus souvent catholiques, mais qui reçoivent des fonds publics. D’autant plus que l’initiative parlementaire ne précise pas si elles seraient concernées ou non. « Pour ces écoles, la mesure serait anticonstitutionnelle, le tribunal constitutionnel a confirmé que ces centres peuvent posséder l’idéologie qu’ils veulent, cela n’aurait aucun sens alors de retirer un crucifix », estime Manuel de Castro.

«Le pays est aconfessionnel»
De son côté, Luis Carbonel, président de la Confédération catholique des parents d’élèves, se réfère à la Constitution qui précise que « le pays est aconfessionnel ». Pour lui, « le gouvernement prétend qu’il est laïque : tout cela sert à diviser la société ». Pour sa part, Pedro Rascon, président de la Ceapa (Confédération espagnole des parents d’élèves, laïque), évite toute polémique : « L’arrêt de la CEDH nous a plu, l’école publique doit être un endroit neutre. Le problème en Espagne, c’est que l’éducation sert d’arme en politique. Soyons réalistes, il reste peu de crucifix et dans les écoles de construction nouvelle, les parents ne le réclament pas. » Mais, lorsqu’ils en demandent le retrait, ils obtiennent gain de cause. En 2008, un tribunal de Valladolid saisi par un parent d’élève, avait pour la première fois en Espagne ordonné à une école publique de retirer les symboles religieux des salles de classe.

Pour beaucoup, cette initiative parlementaire ressemble à un ballon d’essai pour sonder l’opinion. Le ministre de l’éducation, Angel Gabilondo, a déclaré qu’il voyait « d’un bon œil que l’on demande de faire une loi » qui respecte à la fois l’article 16 de la Constitution, assurant le caractère aconfessionnel de l’État espagnol et les croyances religieuses de la population. Si mesure il doit y avoir, elle risque fort, en tout cas, de se trouver dans la future loi sur la liberté religieuse, pour laquelle aucune date n’est encore avancée.
Valérie DEMON, à Madrid

Nouveau commentaire :



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile