Être moine, c'est plutôt un état d'esprit – et de cœur
Vladimir GOLOVANOW

Continuant ma recherche sur l'état monastique, j'ai trouvé cette réflexion qui nous vient d'Amériques mais s'applique tout aussi bien à notre situation ici: Il y a une dimension monastique, contemplative, en chaque vie humaine. Par les Moines de Skete (OCA - Eglise Orthodoxe d'Amériques) (1)

Bien que la plupart des gens pensent probablement que la vie d'un moine est entièrement différente de la leur, la réalité pourrait bien les surprendre. L'auteur russe Dostoïevski avait bien raison lorsqu'il affirma qu'un vrai moine, ce n'était rien d'autre que ce que tout un chacun avait à devenir. Il se référait à une attitude de cœur, à une manière de voir la vie.Ce qui fait que quelqu'un est vraiment un moine, c'est son attitude intérieure, non pas les pratiques externes associées à son état de vie.

Les cheveux longs et longues barbes sont "monastiques" dans certains milieux, alors que les têtes rasées sont la norme dans d'autres; certains moines ne mangent pas de viande alors que d'autres le font, certains portent une tenue alors que d'autres non. Tenter de déterminer ce qui est monastique sur base de tels critères est futile; l'essence de leurs vies plonge ses racines bien plus profondément que de telles banalités.

Les questions qui nous consument, auxquelles tout être humain doit faire face à un degré ou l'autre s'il veut espérer atteindre la maturité et la véritable joie – voilà ce qui caractérise les moines et moniales. Il y a une dimension monastique, contemplative, en chaque vie humaine. Les moines ont simplement choisit de s'y livrer de manière officielle et radicale, à plein temps.

Le mot "moine" vient du grec "mónachos", qui vient de "monos", "seul, tout seul". Bien que cette étymologie a été utilisée pour justifier la vie solitaire de l'ermite en tant que vision la plus pure de ce qu'est le moine, une telle interprétation est erronée. Les moines vivent habituellement ensemble dans des communautés très unies, non pas vivant d'eux-mêmes seuls. Reconnaissant qu'il y a toujours eu des moines-ermites, cependant, depuis les temps les plus anciens, "mónachos" s'est vite appliqué à ces moines vivant ensemble et partageant tout en commun.

Mónachos veut aussi dire "uniquement avec, un avec le Christ". Cela traduisait le mot hébreux "yahid", qui veut dire "exil", quelqu'un qui est déplacé loin de sa véritable patrie. Voici ce qui, plus que tout, caractérise le véritable moine. Pour rencontrer le véritable Dieu et trouver notre véritable demeure dans cette réalité, c'est la tâche perpétuelle du moine, en faisant un voyageur par nature (bien que vivant en un endroit), un pèlerin (bien que goûtant déjà au but final), explorant les vastes déserts du cœur humain (bien que guidé par ceux qui l'ont précédé).

Ainsi donc, la plus profonde réalité du moine se trouve au-delà des définitions simplistes et les manières variées de la vie monastique manifestent cela. Au contraire, un moine tente d'incarner une vision particulière de ce que la vie est, avec une intense singularité de but. En particulier, le moine Chrétien met l'accent sur la relation avec le divin et l'humain, et inspiré par l'exemple de Jésus, il est consumé par la signification et l'expérience de ce mystère à chaque moment de sa vie. C'est sa joie et son ravissement, et cependant, ça devient une passion inextinguible qui lui refuse tout repos.

NB: je n'ai pas totalement identifié les auteurs du texte. La traduction provient de Saint Materne (octobre 2006) et j'ai trouvé une communauté monastique de New Skete (White Creek, état de New York), anciennement Franciscains de rite byzantin, déçus par Vatican 2, qui ont rejoint l'OCA "grâce aux talentueux et visionnaire pères-théologiens Alexander Schmemann et Jean Meyendorff". Je pense qu'il s'agit bien des auteurs de ce texte.
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1.Par les Moines de Skete (OCA - Eglise Orthodoxe d'Amériques) ICI

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 13 Octobre 2011 à 10:48 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Benoît SIBILLE le 13/10/2011 17:44
Sur ce monachisme intériorisé et universel il me semble très intéressant de lire "les âges de la spirituel" de Paul Evdokimov.

2.Posté par Le photographe italien Carlo Bevilacqua est allé à la rencontre des ermites de différents pays. le 25/07/2013 10:40
Le photographe italien Carlo Bevilacqua est allé à la rencontre des ermites de différents pays. « La Croix » publie cette semaine cinq de ses reportages photo, accompagnés d’un texte, aujourd’hui signé par le P. Placide Deseille, théologien

Le P. Maxime est un moine orthodoxe né il y a une soixantaine d’années à Chiatura, localité de Géorgie dans la région d’Imereti. Une ancienne région minière, non loin de l’éperon rocheux de Katskhi où il s’est retiré comme ermite en 1995. Deux années plus tôt, il avait prononcé ses vœux de moine au sein de l’Eglise orthodoxe. La structure administrative de l’Eglise orthodoxe a toujours considéré avec condescendance les souhaits du P. Maxime et lui a toujours refusé un transfert définitif sur l’éperon, le considérant trop jeune pour une telle entreprise. « Maintenant, ils diront que je suis trop vieux », dit avec humour le P. Maxime dans un entretien. Ici, il se trouve dans une des salles du petit monastère qui se trouve sous le rocher.

Dès que la paix fut assurée à l’Église par l’empereur Constantin, au lendemain des trois siècles de persécution que les chrétiens avaient subi de la part de l’Empire romain païen, l’exemple du Christ lui-même et l’inspiration de l’Esprit Saint incitèrent un grand nombre d’hommes et de femmes à se retirer au désert et à inventer la vie monastique. Ce furent ceux qu’on a appelés les Pères (et les Mères !) du désert. Ce qu’ils trouvaient au désert, ce n’était pas d’abord le repos paisible en Dieu, mais la lutte.

Dans la solitude en effet se révèlent, sous forme de pensées et d’imaginations mauvaises, toutes les tendances déréglées que l’homme porte en lui-même, souvent trop distrait et trop diverti pour y prêter attention, tant qu’il reste au milieu du monde. Révélation bienfaisante, car elle rend possible la résistance aux tendances déréglées de l’ego, et aide ainsi le chrétien à développer en lui la vie divine qu’il a reçue comme en germe aubaptême.

L’âme est alors rendue plus attentive à la présence du Christ qui vit et agit en elle, et aux attraits intérieurs vers le bien que suscite en elle l’Esprit Saint et à travers lesquels elle entrevoit le visage lumineux de l’Époux divin.
L’ÉRÉMITISME DEMANDE UN CARACTÈRE FORTMENT TREMPÉ

On donne le nom d’ermite (ou d’anachorète) à ceux d’entre ces hommes et ces femmes qui ont été attirés à mener complètement seuls ce retrait du monde. Une telle vie au désert est très difficile et demande des caractères fortement trempés. C’est pourquoi un plus grand nombre ont choisi de vivre soit en petits groupes, autour d’un ancien (semi-érémitisme), soit en communautés, dans des monastères.

Mais cette vie communautaire ou « cénobitique », pour rester vraiment monastique, doit intégrer des éléments de l’érémitisme, c’est-à-dire être vécue dans un retrait effectif du monde, grâce à la clôture, à la pratique du silence et à la fuite de toute source de distraction, afin de préserver la vigilance intérieure et une prière aussi continuelle que possible.
LES ERMITES ONT AUSSI LE SENS DE L’EGLISE

Leur solitude n’empêchait aucunement les ermites d’avoir le sens de l’Église, et de grands évêques, comme saint Athanase d’Alexandrie, étaient très conscients de l’importance de la prière de ces solitaires pour le monde entier.

Dès le VIIe siècle, saint Isaac le Syrien écrivait : « Que beaucoup aient plu à Dieu en soulageant autrui, je n’y contredis pas ; mais ils étaient inférieurs à ceux qui l’ont fait par la prière et le renoncement à toutes choses. Car l’aide que nous apportent ceux qui vivent dans la solitude est évidente ; ils nous aident (…) en offrant pour nous leurs prières. (…) Aussi le moine ne doit-il se soucier de rien qui puisse agiter son esprit et l’empêcher de se tenir constamment devant la face de Dieu. » (Discours 75, 15.) Ce sera la doctrine constante de l’Église, en Occident comme en Orient.

Au XXe siècle encore, le pape Pie XI redira, en s’adressant aux chartreux :« Tous ceux qui font profession de mener une vie de solitude, loin du fracas et des folies du monde (…), ont certainement, comme Marie de Béthanie, choisi la meilleure part. Si le Seigneur y appelle, il n’y a pas, en effet, de condition ni de genre de vie que l’on puisse proposer comme plus parfait au choix et à l’ambition des hommes (…). Ceux qui s’acquittent assidûment de l’office de la prière et de la pénitence, bien plus que ceux qui cultivent par leur travail le champ du Seigneur, contribuent au progrès de l’Église et au salut du genre humain » (bulle Umbratilem).
MOINES ET ERMITES SE RÉPANDENT DANS TOUT L’OCCIDENT.

À l’origine, c’est l’Égypte qui fut la terre d’élection du monachisme, avec saint Antoine le Grand, le « Père des moines » (v. 250-356), les moines des déserts de Scété et de Nitrie, saint Pachôme (v. 292-348), fondateur de la vie cénobitique. Mais, très vite, l’érémitisme et le cénobitisme se répandirent dans toutes les régions christianisées.

L’érémitisme et le cénobitisme se répandront dans tout l’Occident, surtout sous l’influence de saint Martin de Tours (315-397), des moines de l’île de Lérins, de Benoît de Nursie (v. 480-547), jusqu’à nos jours. Moines et ermites se répandront largement aussi dans le monde slave, où ils exerceront une influence très bénéfique sur le peuple chrétien.

Aujourd’hui comme hier, les vocations à la solitude pour Dieu restent indispensables à l’Église. Mais, selon des modalités diverses, l’appel du désert s’adresse aussi à chacun d’entre nous. Appel au silence du cœur, à faire taire nos bavardages, à restreindre le temps que nous passons devant la télévision ou Internet, et, pourquoi pas, à passer de temps en temps quelques jours de retraite dans un monastère.

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BIOGRAPHIE

Né en 1926, le p. Placide Deseille choisit la vie monastique dès l’âge de 16 ans. En 1966, il fonde avec des amis moines un monastère de rite byzantin. Dix ans plus tard, il devient moine du monastère de Simonos Petra, au Mont Athos. De retour en France, le P. Placide fonde et devient l’higoumène du monastère Saint-Antoine-le-Grand, dans le Vercors.

Il a enseigné la patristique à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris. Il est fondateur de la collection « Spiritualité orientale » aux Éditions de l’abbaye de Bellefontaine et il est l’auteur de nombreux livres et articles sur la théologie et la spiritualité orthodoxes.

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