L'Etat sarkozyen est-il vraiment "laïc" ?
Le président Sarkozy avait évoqué le "long manteau d'églises et de cathédrales qui recouvre notre pays", et participé à la décision en faveur de la construction de notre cathédrale à Paris; en recevant le patriarche Alexis II il avait fait une profession de foi chrétienne qui a impressionné le chef de l’Eglise de Russie: i[« Cette démarche inédite et exceptionnelle [la visite d’Alexis II] est un signe majeur et tangible de la volonté des chrétiens d'Europe de se rapprocher et d'unir leurs efforts, autour des racines chrétiennes de l'Europe, pour construire une société plus humaine »]i, a déclaré Sarkozy.
(C’est une excellente nouvelle, et il n’y a plus qu’à attendre que cette conviction présidentielle se traduise dans les choix de société de la Ve République). Par ailleurs, Sarkozy a dit relever «l’importance du renouveau spirituel en Russie et le rôle que joue l’Eglise orthodoxe dans la reconstruction de la société russe » ( Alexis II à Paris)

Le 14 janvier 2008 a Ryad (Arabie Saoudite) il n'avait pas hésité à célébrer "le Dieu unique des religions du Livre. Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme. Dieu qui n'asservit pas l'homme mais qui le libère. Dieu qui est le rempart contre l'orgueil démesuré et la folie des hommes. Dieu qui par-delà toutes les différences ne cesse de délivrer à tous les hommes un message d'humilité et d'amour, un message de paix et de fraternité, un message de tolérance et de respect." Et il a "récidivé" hier: la "chrétienté a laissé" à la France "un magnifique héritage de civilisation", et ajouté: "président de la République laïque, je peux dire cela". …

Bien entendu, notre "Pensée Unique" ne pouvait le laisser passer et un chroniquer du "Nouvel Observateur" a instruit un procès en laïcité. Ce document constitue, pour moi, une bonne récapitulation des actions à mettre à l'actif de "l'accusé" et je vous propose d'en prendre connaissance ICI (Nicolas Sarkozy au Puy-en-Velay: «La chrétienté a laissé un magnifique héritage de civilisation»)

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 4 Mars 2011 à 19:41 | 6 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Irénée le 04/03/2011 23:35
Pas de polémiques inutiles à la veille du début du Carême, mais je ne crois pas que le christianisme soit "une religion du livre", si ce n'est dans la vision qu'ont les musulmans du monde chrétien...

2.Posté par vladimir le 05/03/2011 10:32
Bien cher Irénée.
Sans polémiquer du tout, je voudrais comprendre cette position que vous affirmez souvent. Je ne sais pas exactement quelle vision ont les Musulmans du monde chrétien et donc quel sens ils donnent à "une religion du livre" qu'ils sont probablement les premiers à employer, "Ahl al-Kitab" (« gens du Livre ») désignant les Juifs et les Chrétiens dans le Coran.

Je pense en tout cas que cette expression a aussi un sens chrétien: une religion issue du Livre donc de l'Ancien Testament, commun aux Chrétiens, Juifs et Musulmans. Le Christ dit: ''N'allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abroger mais accomplir'' (Mt 5,17). Il affirme bien, et toute notre Tradition le confirme, que les lois bibliques, entendues sous le terme Livre, sont en vigueur mais, alors que pour les Juifs ils sont TOUTE la religion, et ils attendent le reste, pour les Chrétiens le Christ est venu les accomplir et c'est par Sa vision que nous les regardons.Pour ce que j'en sais (très peu!) les Musulmans se placent différemment: ils prennent l'Ancien et le Nouveau Testaments "sans les altérations que leur ont fait subir Juifs et Chrétiens" (citation de mémoire). Dans tous les cas le Livre est incontournable comme point de départ.

Je pense que vous voulez OPPOSER le Livre à la Parole: "Si au centre de la Révélation divine se situe l’événement du Christ, on doit aussi reconnaître que la création elle-même, le "liber naturae", fait aussi essentiellement partie de cette symphonie à plusieurs voix dans laquelle le Verbe unique s’exprime. En même temps, nous affirmons que Dieu a communiqué sa Parole dans l’histoire du salut, qu’il a fait entendre sa voix; par la puissance de son Esprit, «il a parlé par les prophètes».La Parole divine se révèle donc au cours de l’histoire du salut et elle parvient à sa plénitude dans le Mystère de l’Incarnation, de la mort et de la Résurrection du Fils de Dieu. La Parole de Dieu est encore celle qui est prêchée par les apôtres, dans l’obéissance au Commandement de Jésus ressuscité: «Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création» (Mc 16, 15). La Parole de Dieu est donc transmise dans la Tradition vivante de l’Église. Enfin, la Parole divine, attestée et divinement inspirée, c’est l’Écriture Sainte, l’Ancien et le Nouveau Testament. Tout cela nous fait comprendre pourquoi, dans l’Église, nous vénérons beaucoup les Saintes Écritures, bien que la foi chrétienne ne soit pas une «religion du Livre»: le Christianisme est la «religion de la Parole de Dieu», non d’«une parole écrite et muette, mais du Verbe incarné et vivant». L’Écriture doit donc être proclamée, écoutée, lue, accueillie et vécue comme la Parole de Dieu, dans le sillage de la Tradition apostolique dont elle est inséparable." (Benoît XVI in l’Exhortation apostolique »Verbum Domini » (2010) numéro 7 et http://charismata.free.fr/?p=1390. voir aussi une excellente démonstration là par le lien). Mais pourquoi faut-il opposer? Il est évident, pour un Chrétien, "que la Parole de Dieu a une extension beaucoup plus grande que ce qui peut en être consigné dans la Bible" (ibid), et que le Christianisme ne saurait donc être enfermé dans aucun Livre, mais pourquoi ne pas garder cette expression, comme le fait ici le président Sarkozy, pour souligner ce qui nous rassemble au lieu de mettre systématiquement en avant ce qui nous oppose?

Il y a aussi d'autres interprétations chrétiennes de cette expression: ainsi l'historienne et membre de l’Association catholique française pour l'étude de la Bible MF. Baslez écrit "Le christianisme du IIIe siècle, religion du Livre et religion de l’entraide" et souligne le rôle du "lecteur, qui est trop souvent oublié mais dont l’influence est patente dans les Actes des martyrs. C’est lui qui détient, le plus souvent chez lui, les livres sacrés utilisés dans les assemblées liturgiques ..." (in , "Comment notre monde est devenu chrétien" p. 142 et http://www.bernard-meha.fr/spip.php?article569)... mais, à vrai dire, c'est juste une interprétation marginale...

Vos commentaires vont sans doute me donner un nouvel éclairage. Merci d'avance.

3.Posté par Irénée le 05/03/2011 17:04
Merci Vladimir pour cette réponse riche et bien documentée.
Je ne cherche pas à oppser quoi que ce soit, mais à rappeler que pour le chrétien, c'est l'Incarnation du Seigneur, le Verbe fait chair qui est au coeur de l'nseignement et de la vie dans le Christ..
Les Evangiles et les épitres ne nous ont pas été transmis par un ange ou bien gravés sur la pierre.
Le statut de la Bible n'est pas le même dans les trois religions monothéiste...
Quand l'ange Gabriel se manifeste, c'est pour annoncer à Marie la naissance du Seigneur, pas pour lui remettre l'écriture.
Je me méfie un peu du baratin des politiciens de tous bords...et des propos simplistes en général...

4.Posté par vladimir le 05/03/2011 22:55
Vous êtes vraiment en excellente compagnie, avec Benoit XVI :-) , et je suis en fait d'accord avec vous: vous m'avez poussé à chercher et y voir claire. En effet, si le Livre est un point de départ commun pour les 3 religions, la Révélation Chrétienne va bien eu delà, comme vous le dites, et la simplification au nom des bons sentiments conduit en fait à occulter, voire à trahir ce message unique. Vous faites bien d'y veiller car nous ne le répéterons jamais assez.

Merci encore et bon Carnaval!

5.Posté par Daniel le 06/03/2011 09:22
Autre expression à bannir : "Les 3 religions monothéistes". Mais non, sur terre il existe d'autres religions monothéistes notamment en Afrique subsaharienne (qu'on présent comme animiste sans savoir ce qu'est l'animisme au passage et en oubliant que le shintoïsme a des aspects animistes) qui n'ont aucune origine chrétienne ou autre. Par ailleurs, pour le christianisme, la Bible n'est pas le point de départ, le point de départ est l'Eglise. Pour le judaïsme que je ne connais pas bien, je l'ignore...

6.Posté par vladimir le 06/03/2011 16:06
Daniel, vous avez évidement raison... dans l'absolu. Mais je ne crois pas que Sarkozy s'adressait à la terre entière: les questions du Moyen Orient suffisent!

Et pour le départ, je pense que la Loi de la Bible, que le Christ est venu accomplir, existait avant l'Église, qu'Il a fondée... Il prend d'ailleurs Lui même la Bible comme point de départ en citant les Écritures...

Mais je trouve de toute façon que l'essentiel est ailleurs: je crois bien que c'est la première fois depuis 1905 que le "président de la République laïque" accorde autant d'importance au fait religieux. Est-ce vraiment le tournant que dénoncent le chroniqueur du "Nouvel Observateur" et tout le chœur de gauche? "Sarkozy rabâche son credo" titre "L'Humanité": "Si Nicolas Sarkozy s’est nettement inscrit en deçà de son discours du Latran de 2007, en filigrane il en a cependant conservé la vision en choisissant clairement sa version de l’histoire. Celle d’un supposé continuum chrétien censé se prolonger dans des liens unissant le passé au présent. Corollaire : le risque de rupture de ces liens constitue une menace pour l’identité française. " et "La laïcité revisitée par Nicolas Sarkozy hérisse le Net" pour "rue89.com" dés 2008 (http://www.rue89.com/2008/01/20/la-laicite-revisitee-par-nicolas-sarkozy-herisse-le-net: ce florilège mérite lecture!). C'est bien là le défi que la sécularisation ultra-laïque nous pose à tous, quelle que soit notre religion: "Nous sommes tous sur le même navire" rappelait récemment Mgr Hilarion de Volokolamsk

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