L’archiprêtre Nicolas Balachov, raconte le dialogue qui a précédé la réunification: " Comment avons-nous pu rester séparés aussi longtemps ?"
Il y a 5 ans l’Eglise Orthodoxe Russe Hors-Frontières et l’Eglise Orthodoxe Russe du Patriarcat de Moscou ont signé l’acte de réunion canonique. Vice-président des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, l’archiprêtre Nicolas Balachov, raconte le dialogue qui a précédé la réunification.L’enregistrement est fait pour le film « Unité des fidèles », studios « Néophyte »

-Père Nicolas, comment se sont déroulés les négociations, comment a travaillé la commission chargée de préparer la réunion des Eglises ?


Du côté de l’EORHF la commission était présidée par l’archevêque Marc de Berlin, d’Allemagne et de Grande-Bretagne. Son approche déterminait en grande partie les positions de l’EORHF. Du côté du Patriarcat de Moscou la commission était présidée par l’archevêque Innocent de Chersonèse devenu depuis archevêque de Vilnus et de Lituanie. Les secrétaires en étaient Alexandre Lebedev, recteur de la cathédrale de la Transfiguration à Los Angeles et moi-même, pour le Patriarcat de Moscou

Le travail de la commission était passionnant, parfois très difficile. Il y a eu des moments où nos interlocuteurs estimaient que la poursuite des négociations est difficile, voire impossible. Il me semble que pendant ces moments la prière silencieuse et concentrée de Mgr Innocent ainsi que sa réserve sauvaient la situation.
Parfois dès le lendemain nous pouvions trouver un accord pour élaborer des libellés qui sont devenus la base réelle de la réunification.

Il y a eu des moments très touchants. Souvent ils suivaient des difficultés qui semblaient insurmontables pour trouver une solution susceptible d’exprimer de façon adéquate les convictions des deux églises.
Les sessions de la commission avaient lieu tantôt en Russie tantôt à l’étranger : en France – en banlieue parisienne, en Allemagne – à Cologne et à Munich, à Nyack, Etat de New York.Chaque fois nous avons prié ensemble.

Nous nous sommes tous pour ainsi dire rodés à ces négociations. La crispation que l’on ressentait au début lorsqu’il était question de la première venue en Russie d’une délégation de l’EORHF a disparu. A la fin du processus il paraissait étrange aux deux parties que nous ne puissions toujours pas concélébrer la liturgie.
Nous avons vécu des moments émouvants. Je me rappelle la pose de la première pierre dans le fondement de l’église de Nouveaux Martyrs Russes au polygone de Boutovo. La cérémonie a eu lieu pendant la première visite d’une grande délégation de l’EORHF en Russie présidée par le métropolite Laure au printemps de 2004.
Cet événement était ajouté au programme au dernier moment. Les représentants de l’Eglise Hors-Frontières ont rappelé que le métropolite Laure n’était plus très jeune. Le vol New York - Moscou le fatiguerait, aussi ils souhaité ne rien prévoir pour son premier jour de visite.

Sa Sainteté le défunt Patriarche Alexis II qui avait envisagé de célébrer la liturgie ce jour-là à Boutovo a suggéré d’inviter le métropolite Laure. Nous avons répondu que l’on nous avait prié de laisser le métropolite se reposer ne serait-ce qu’une demie journée après le vol. Mais Sa Sainteté a dit : « Oui, mais dîtes-le lui tout de même, je pense qu’il sera intéressé ». Et en effet, le métropolite est allé à Boutovo accompagné de toute la délégation.
Ils étaient tous très émus. Boutovo est un endroit où a coulé le sang de tant de martyrs. Une véritable multitude s’était assemblée pour participer à la prière alors que les conditions météorologiques étaient plus que défavorables. Inopinément le Patriarche Alexis a invité le métropolite Laure à le rejoindre pour bénir ensemble la première pierre de la nouvelle église.

Si nous avions élaboré le protocole de cet événement au préalable, il n’aurait sûrement pas eu lieu car à l’époque l’Eglise Russe Hors-Frontières s’abstenait de prier avec nous. Les secrétaires de la commission n’auraient pas réussi. C’était un pas charismatique du Patriarche auquel le métropolite Laure a répondu avec ferveur.
Le jour de l’Ascension la délégation de l’Eglise Russe Hors-Frontières assistait à la liturgie célébrée par le patriarche à l’église de la Grande Ascension à Nikitskije vorota. Sa Sainteté le Patriarche Tikhon y avait également officié un jour à la même occasion.

Après le repas qui a suivi la liturgie, la dernière dans la série des offices prévus pendant la visite de la délégation le protopresbytre Alexandre Lebedev a dit : « Votre Sainteté, après tout ce que j’ai vu et entendu ici je voudrais me confesser J’ai beaucoup parlé et écrit sur l’Eglise Russe en Russie. Je vois maintenant que tout n’était pas vrai. Je vous prie de me pardonner ».
Après cela il est devenu particulièrement facile de travailler avec cet homme capable d’un acte si sincère et difficile. En effet, il avait parlé en public en présence d’un grand nombre de personnes.
C’était un miracle Divin, toute animosité s’est dissipée dès l’instant où nous avons tous ressenti l’action de la volonté Divine.
Cela s’est passé en 2003 lorsque les évêques hors-frontières, encore réservés et distants, nous ont rendu visite. C’est alors qu’ils ont éprouvé quelque chose qui a complètement changé leur attitude envers l’Eglise Russe et son passé. Nous avions, certes, changé nous aussi.Nos confrères estimaient que l’Eglise était asservie en Union soviétique. Et qu’il était possible de pardonner certaines choses à ses évêques et à ses prêtres puisqu’ils se trouvaient dans des conditions très difficiles. Ils ont accepté beaucoup de compromissions et se sont distanciés de la pureté.

Nous avons essayé de transmettre une autre vision. Il y a eu l’Eglise en Russie, il y a eu l’Eglise au-delà du rideau de fer. Ni là-bas ni ici l’Eglise Orthodoxe n’a pas vécu en liberté. Ni là-bas, ni ici elle n’a pas été une religion d’Etat, notion si chère aux représentants de l’Eglise Russe Hors-Frontières.Les représentants des deux Eglises étaient soumis à des pressions se trouvant dans des camps opposés pendant la guerre froide. Cet état de chose, cette opposition politique marquaient la vie ecclésiale à l’étranger comme en Russie.

Peu à peu ce point de vue est devenu commun et a, dans une certaine mesure, été accepté. Nous avons convenu, toutefois, dès le départ, qu’une vision commune de l’histoire et d’autant plus de la politique n’est pas une condition indispensable à notre réunification.

Je pense qu’il était important pour nos confrères de connaître la réalité des relations entre l’Eglise et l’Etat en Russie. Ils ont avoué que la description théorique des relations entre l’Eglise et l’Etat qui est à la base de la conception sociale de l’Eglise Orthodoxe Russe satisfaisait leurs critères les plus rigoureux.Vous n’êtes pas sans savoir que le premier article des Dispositions de l’Eglise Orthodoxe Russe Hors-Frontières stipule que « l’Eglise Orthodoxe Russe Hors-Frontières est une partie inaliénable de l’Eglise Orthodoxe Russe locale. Elle doit se gérer temporairement elle-même par l’intermédiaire des conciles jusqu’à ce que le pouvoir athée en Russie soit aboli. »
Or, ceux qui ne se sont jamais rendus en Russie et qui ne considéraient pas l’Union Soviétique comme une héritière de la Russie historique, ont gardés leur vision des choses. Cela s’est manifesté surtout dans les pays éloignés de la Russie. Ainsi, en Amérique Latine et en Australie beaucoup n’acceptaient même pas le principe même de la réunification de deux branches de notre Eglise.

Le sens de la responsabilité propre avant tout aux hiérarques les faisait avancer sans hâte dans le chemin de la réunification. En Russie, nous le comprenions parfaitement.

Certes, le 17 mai 2007 est un jour mémorable à jamais. La cathédrale du Christ Sauveur était pleine de personnes qui pleuraient de bonheur. Tout ce qui nous séparait avait disparu. Cinq ans se sont passés. Il y a eu des années où la réconciliation avec l’Eglise Russe Hors-Frontières semblait inimaginable suite au degré du désaccord, des accusations réciproques et de l’intransigeance.

Actuellement, il est difficile de croire qu’il y a encore 5 ans nous n’avons pas célébré la liturgie ensemble et que nous n’étions pas une Eglise unie. L’aboutissement du processus de la renaissance ecclésiale, de la réunification spirituelle, de la réconciliation de notre peuple avait une immense importance.

Aujourd’hui, nous faisons, certes, face à d’autres problèmes.
Nous travaillons sur des questions techniques : comment l’Eglise Russe Hors-Frontières doit construire ses relations avec les différents départements de l’autorité ecclésiale en Russie, les personnes à contacter pour telle ou telle question et ainsi de suite. Ce sont des difficultés qui n’ont rien à voir avec celles d’antan. Il est impossible d’énumérer tous les pèlerinages conjoints, les concélébrations, les conférences réunissant nos clergés et les initiatives des jeunes ! C’est devenu une partie inaliénable de notre vie.

A l’époque soviétique et cela malgré nos différences de perception nous étions reconnaissants en Russie à l’Eglise Russe Hors-Frontières pour les livres qu’elle éditait, pour leur envoi en Russie, pour la préservation de la tradition russe et la dignité avec laquelle elle a vécu la croix de l’exil…

Actuellement, la situation s’est inversée. Avant des livres étaient transmis en cachette de Jordanville en URSS et maintenant nous réfléchissons comment transporter des tonnes de littérature orthodoxe aux EU. L’essentiel est que nous nous sommes imprégnés de l’expérience de l’émigration russe. Des archevêques, des clercs et des paroissiens de l’Eglise Orthodoxe Hors-Frontières font partie du Concile des Archevêques, du Concile de l’Eglise Orthodoxe Russe, des autorités collégiales différentes de l’Eglise Russe ainsi que de pratiquement toutes les structures ecclésiales.

Il y a eu beaucoup d’attentes. Quelle sera la perception de la commémoration du Patriarche de Moscou et de toute la Russie ?
La vie liturgique est très conservatrice. Les hommes s’habituent à ce qu’ils ont appris au départ. Certains disaient qu’en dépit de la raison les paroles qu’ils entendaient étaient différentes de celles qu’ils avaient l’habitude d’entendre pendant des décennies. En effet, la célébration commençait toujours par une prière pour l’archevêque de l’Eglise Russe Hors-Frontières. Ces appréhensions se sont avérées exagérées. Tout s’est mis en ordre rapidement et actuellement, il est de plus en plus difficile de comprendre notre si longue séparation.

"PRAVOSLAVIE I MIR"
К годовщине восстановления единства: Как мы могли так долго не быть вместе!

TRADUCTION pour "Parlons d'orthodoxie" Elena Tastevin
...................................
"PO" La philocalie de la mégapole (partie I ) et La philocalie de la mégapole (partie II )











Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 18 Mai 2012 à 18:14 | -2 commentaire | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile