La petite musique roumaine émerge en l'absence des Russes
Vladimir Golovanow

D'après Victor Gaetan* "With Russian Church Absent, New Orthodox Leaders Emerge", 06/25/2016

Malgré les quatre chaises vides le Concile a démontré l'ampleur et la vitalité de l'Orthodoxie avec de jeunes Églises qui proposent des réponses émouvantes aux défis de la modernité.

Le renouvellement postcommuniste

Les deux Églises orthodoxes les plus importantes par le nombre de fidèles, l'Église russe et l'Eglise roumaine(bonne deuxième avec ses 21 millions de fidèles) ont émergé de la période communiste meurtries par leurs compromissions avec pouvoir mais en gardant la confiance de la population. Elles ont toutes deux utilisé ce capital de confiance ainsi que le profond besoin des croyants d'avoir une guide dans la dislocation du milieu social que vivait leurs pays pour se reconstruire et renouveler la foi.

La petite musique roumaine émerge en l'absence des Russes
La résurrection de l'Église russe est bien connue chez nous par nombre d'études et d'articles; celle de l'Église roumaine l'est moins, mais elle n'en est pas moins réelle comme le montrent la construction de l'immense nouvelle cathédrale du salut de la nation roumaine à Bucarest, rivalisant avec le Christ Sauveur reconstruit à Moscou, et la très active diaspora roumaine en occident, dont le retour à son Église mère avait suscité des polémiques en 2010

Lire Nouvelles du patriarcat de Roumanie

Les deux Eglises recherchent de nouvelles formes de catéchèse et d'action sociale, domaines qui leur étaient interdits sous le communisme, mais elles divergent dans la façon dont ils opérationnaliser pouvoir. L'immense église orthodoxe russe semble tentée de considérer ses relations extérieures en termes politiques, de rechercher le pouvoir, et non le Salut, comme question principale.En revanche en Roumanie,considérée aujourd'hui comme le pays le plus religieux d’Europe l'Église est principalement préoccupée par la santé spirituelle de la nation et de son troupeau.

Dans la distribution des alliances orthodoxes, l'Église roumaine ne s'aligne ni sur le pôle grec,majoritaire en nombre d'Églises, ni sur le pôle slave, plus contestataire et auquel appartiennent trois sur quatre des Églises absentes au Concile. L'Eglise roumaine est ainsi perçue comme une voix indépendante dans cette assemblée.

La petite musique roumaine émerge en l'absence des Russes
Renforcer conciliarité

Le métropolite Nifon, archevêque de Târgovişte, membre de la délégation de l'Eglise orthodoxe roumaine qui a participé à la rédaction des documents du Concile, a donné une interview en marge des sessions du Concile qui se tenaient à huis clos. Il a précisé que, pour son Église, cette réunion panorthodoxe est essentielle:"La Conciliarité est la caractéristique centrale de l'Orthodoxie, venant des profondeurs du christianisme dès l'origine, mais nos contact avec les autres églises autocéphales ont jusqu'ici été plutôt sporadiques," a confirmé l'évêque.

Le patriarche roumain Daniel a préconisé la convocation plus fréquente des Conciles lors de la première de la session en Crête en y voyant deux avantages majeurs: le renforcement de la mission de la foi dans le monde, en particulier contre le mal contemporain, et le maintien de la pastorale de la diaspora, deux sujets qui font l'objet de documents spécifiques adoptés par le Concile et ICI

Mission contre le mal

L'archevêque Nifon a rappelé que pendant les cruelles persécutions communistes,les chrétiens savaient exactement qui était l'ennemi et ont réussi à «sauvegarder ingénieusement la vie» de l'Église. Mais aujourd'hui ils sont confrontés à "des maux diffus:athéisme, matérialisme, marxisme culturel, consumérisme et mauvais développement économique» et «l'Église doit marcher devant pour défendre la morale." Ainsi l'Eglise orthodoxe roumaine soutient un référendum national contre le mariage homosexuel; cette initiative a recueilli plus de trois millions de signatures et le soutien des groupes conservateurs dans toute l'Europe.

"Une armée" d'étudiants, de docteurs et de professeurs de théologie se préparent dans 11 instituts théologiques à évangéliser et à combattre les excès laïcistes, dit Mgr Nifon; mais pour réussir la mission doit être globale, d'autant plus que près de 25% de fidèles Roumains vivent à l'étranger…

Normalité

Le jour de l'ouverture, le patriarche Daniel (le seul primate parlant français plutôt que le grec, la langue principale du Concile) a décrit le Concile à la fois comme "un événement rare et aussi comme le début de la normalité."

L'Eglise roumaine considère également le dialogue œcuménique comme normal: l'archevêque Nifona souligné que son église a d'excellente relations avec l'Église catholique et la Roumanie avait été le premier pays orthodoxe visité par le pape Jean-Paul II en 1999.«Certains nous accusent d'être «traîtres à l'Orthodoxie»pour avoir un dialogue avec l'Eglise catholique romaine, et je considère cela comme une énorme bêtise,» dit-il. "L'engagement dans le dialogue ne signifie pas abandonner nos valeurs, mais, au contraire les affirmer…"

Le document sur l'œcuménisme adopté par le Concilereste néanmoins l'objet de controverses notamment de la part des quatre Églises absentes….

Et quid de l'Église russe?

L'archevêque Nifon refuse discuter de la décision "de dernière minute" des Russes en arguant que «chaque église autocéphale est responsable de sa vision et de ses principes."Mais il tient à défendre fermement l'Eglise russe contre ceux qui tentent de diaboliser: «Il n'est pas possible de considérer l'Église russe comme un danger" pour l'unité des chrétiens, dit le prélat roumain.

"Le peuple russe vit sa foi avec beaucoup de mysticisme, beaucoup de sincérité et de foi. Chaque église qui sert la Bible fait partie du plan de salut du Christ ", a-t-il ajouté, montrant un ainsi esprit d'unité lors d'un Concile Saint et Grand mais pas-très-uni…

* Victor Gaetan est le correspondant principal pour le "National Catholic Register", le plus ancien journal catholique des États-Unis /fondé en 1927/, classé plutôt traditionnel car s'alignant sur la doctrine sociale de l'Église pour ce qui concerne les sujets de société (avortement, mariage homosexuel, recherches sur les cellules souches, fécondation in-vitro, GPA. Il est diplômé en études byzantines de la Sorbonne et docteur de l'Université Tufts /Massachusetts, U.S.A./

PHOTOS: Première photo - maquette de la cathédrale du Salut de la nation,
La dernière illustration représente la cathédrale du Salut de la nation roumaine en construction en 2015

La petite musique roumaine émerge en l'absence des Russes

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 30 Juin 2016 à 21:14 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir G: la très grande importance de l'aspect national dans la pratique de l'Église roumaine postcommuniste le 03/07/2016 15:37
Cet article montre en filigrane la très grande importance de l'aspect national dans la pratique de l'Église roumaine postcommuniste. Le nom de sa nouvelle cathédrale est évidement très explicite, mais c'est "l'appel à l’unité de l’Eglise orthodoxe de Roumanie" du 11 février 2010, rappelé dans l'article, qui en donne la tonalité: "Nous regrettons que, pour plusieurs raisons, certains de nos frères orthodoxes roumains, pendant le communisme, sont passés dans d'autres juridictions orthodoxes ; mais ce qui était compréhensible dans le passé est devenu injustifiable et regrettable dans l'époque actuelle, car cela équivaut à un éloignement des Roumains les uns des autres, menant jusqu’à à la division de l’Église," proclame cet appel.

Cette volonté de rassembler tous les Roumains par delà les frontières est en phase avec l'action du gouvernement qui distribue largement des passeports roumains dans les pays voisins – Moldavie, Hongrie, Serbie et Bulgarie, provoquant parfois des tensions diplomatiques. Au plan ecclésial elle se heurte aux protestations des églises Orthodoxes de Russie (pour la Moldavie), Serbie (Banat) et Bulgarie (Dobroudja du sud) qui considèrent que ces territoires font partie de leur territoire canonique…

En diaspora cette doctrine s'affiche aussi: j'ai visité dernièrement deux paroisses roumaines en Sardaigne. Les deux étaient située dans de belles églises anciennes, précédemment catholiques, qui avaient été très intelligemment "orthodoxisées" par des iconostases incomplètes qui laissent voir les retables du XVII-XVIII… Mais le drapeau roumain y figure toujours en bonne place à l'entrée et à l'intérieur… Je ne sais pas si c'est pareil partout mais je n'ai vu cela dans aucune autre paroisse orthodoxe (en Sardaigne, en particulier, j'ai visité des paroisses des patriarcats de Moscou et de Constantinople qui n'arborent pas de drapeau)…

2.Posté par Vladimir G: LE RASSEMBLEMENT DES JEUNES ORTHODOXES ROUMAINS SE CLOS DANS LA CATHEDRALE DU SALUT DE LA NATION le 07/09/2016 10:13
LE RASSEMBLEMENT DES JEUNES ORTHODOXES ROUMAINS SE CLOS DANS LA CATHEDRALE DU SALUT DE LA NATION,

Plus de 2500 jeunes gens âgés de 16 à 35 ans, venus de tous les diocèses du Patriarcat de Roumanie se sont réunis la semaine dernière à Bucarest pour la "Rencontre de la jeunesse orthodoxe du monde entier", point culminant des événements dédiés à la jeunesse, organisés en 2016 au sein du Patriarcat de Roumanie dans le contexte de "l’Année solennelle de l’instruction religieuse de la jeunesse chrétienne orthodoxe." Le but de la rencontre est de donner une expérience de formation aux jeunes participants dans le domaine éducatif, spirituel, culturel et artistique, de telle façon qu’ils puissent à leur tour former d’autres personnes dans les communautés auxquelles ils appartiennent. Dans la vie de chaque nation, la jeunesse joue un rôle crucial dans la sauvegarde de son patrimoine le plus précieux : la foi, les traditions, les valeurs culturelles, etc… Ainsi, les valeurs que les jeunes gens apprennent à promouvoir, de même que les attitudes comportementales qu’ils peuvent générer, peuvent ou bien renforcer la société (par leur engagement, leur soutien mutuel, leur « consommation » culturelle, etc) ou gaspiller les réalisations de leurs prédécesseurs (par manque d’intérêt dans la culture, manque d’engagement dans la communauté, allant aussi loin que « l’autisme » civique). Afin que la jeunesse adopte la première et non la seconde attitude, un effort commun est nécessité pour accroître la conscience de leur responsabilité devant Dieu et l’histoire humaine. (...) Les participants sont sélectionnés selon les critères suivants : jeunes gens orthodoxes, de sexe masculin et féminin, âgés de 16 à 35 ans, engagés dans les activités de jeunesse dans les paroisses ; jeunes membres actifs de mouvements de jeunesse ; étudiants des facultés de théologie et élèves des séminaires ; les jeunes gens âgés de 16 à 18 ans sont sélectionnés sous réserve de l’accord écrit de leurs parents. Le nombre des participants est constitué comme suit : 1600 jeunes de Roumanie (40 participants par département roumain), 130 jeunes des Églises orthodoxes sœurs (10 par Église), 90 jeunes des diocèses orthodoxes roumains de l’étranger (10 par diocèse), 10 jeunes du vicariat orthodoxe ukrainien (5 de Timişoara et 5 de Maramureş), 100 jeunes de la métropole de Bessarabie, 50 jeunes de la Bucovine du Nord (Cernăuţi), 20 jeunes de Bessarabie du Sud, 500 bénévoles de Bucarest et du district d’Ilfov. (cf. http://orthodoxie.com/rencontre-des-jeunes-orthodoxes-du-monde-entier-a-bucarest-du-1er-au-4-septembre-2016/).

La cérémonie de clôture, présidée par le patriarche Daniel, a eu lieu le 4 septembre dans la cathédrale du Salut de la nation, en construction, qui sera la plus grande église orthodoxe d'Europe. Le conseil général de Bucarest a voté une subvention de 15 millions de RON (plus de 3,3 millions d'EUR) pour les travaux de cette cathédrale dont l'achèvement et la consécration auront lieu en décembre 2016.

(Source et photos: http://www.romania-insider.com/first-religious-ceremony-peoples-salvation-cathedral-bucharest/)

3.Posté par Gueorguy le 07/09/2016 15:57
L'article proposé en introduction de cette file de discussion dégage la perception peu agréable que le journaliste, Victor Gaetan, essaye vainement d’entrainer l’interlocuteur roumain qu’il interroge, dans un douteux travers. La « couleur » de ce petit jeu est, même, annoncé dès le titre : « With Russian Church Absent, New Orthodox Leaders Emerge ». En fait, clairement, le journaliste veut pointer sur une quelconque « compétition » entre des Eglises. Ce titre est d’ailleurs en contradiction totale avec ce qu’explique le porte parole du patriarcat de Roumanie, tout au long de cette article et, déjà, dans ce paragrpahe :
<< Explaining why the concept of conciliarity means that each church is equal—i.e., that Russia isn’t more important than smaller churches—Dr. Ionut Mavrichi, spokesman for the Romanian Orthodox patriarchate, told the Register, “There’s no difference between a younger and an older brother.”>>
On ne doit avoir aucun doute que cette affirmation est totalement partagée par n’importe quel hiérarque de l’Eglise russe ; puisse-t-il le premier d’entre eux. Tout comme par n’importe quel hiérarque de n’importe quelle Eglise orthodoxe. Et donc l’Eglise roumaine n’a absolument pas besoin d’une quelconque éclipse de l’Eglise russe pour exister, émerger et être reconnue.

Rappelons, au passage, que cette « éclipse », l’absence de l’Eglise russe à ce concile crétois a, justement, été largement expliqué par l’Eglise russe par la non-prise en compte, non pas de ses mais des positions de différentes Eglises qui avaient, à ses yeux, à être respectées ; quel que soit la « taille » de ces Eglises autocéphales. Tout comme devait être respecté le principe du consensus sur lequel tout le monde s’était accordé et qui a été bien mis à mal. Ce n’est donc jamais l’Eglise russe qui a revendiqué sa position par sa taille mais bien les relais médiatiques qui ont voulu prêter, à cette question de taille, une importance inopportune.

Il faut le déplorer et cela occultait les véritables raisons qu’on n’avait pas voulu résoudre en s’obstinant à sacrifier le caractère pan-orthodoxe de ce concile. Il convient juste de relire, par exemple, les différentes déclarations du primat de l’Eglise d’Antioche et d’autres responsables de cette Eglise qui aurait mérité, pas moins que d’autres Eglises autocéphales, d’être entendue.

Et l’Archevêque Nifon ne dit pas autre chose :
“As a church rooting for more frequent councils, how do the Romanians respond to the Russian decision to boycott?
Archbishop Nifon did not want to speculate about the Russians’ “last minute” decision because “every autocephalous church is responsible for its vision and concept.”
But he did want to defend, strongly, the Russian Orthodox Church from those trying to demonize it: “It is not possible to consider the Russian Church a danger” to Christian unity, the Romanian cleric said.”
Quand bien même on présente l’absence comme un boycott ou bien que cet archevêque perçoit de devoir écarter les aspirations « to demonize » l’Eglise russe.
Vraiment ce journaliste aurait tout tenté mais on ne s’attardera pas sur les motivations de son commanditaire d’avoir conduit cette infructueuse et malencontreuse entreprise. Chacun est libre de s’en faire une idée.

4.Posté par Vladimir G: Nombreuse photos de la "Rencontre de la jeunesse orthodoxe du monde entier" et de la cathédrale en construction le 07/09/2016 18:08
Nombreuse photos de la "Rencontre de la jeunesse orthodoxe du monde entier" et de la cathédrale en construction sur: http://www.vice.com/en_uk/read/launch-romanian-megachurch-876

5.Posté par Vladimir.G: Acceptation du Concile de Crête par le synode de l'église roumaine. C'est, à ma connaissance, la première Église orthodoxe à se prononcer. le 03/11/2016 14:42
Acceptation du Concile de Crête par le synode de l'église roumaine. C'est, à ma connaissance, la première Église orthodoxe à se prononcer.

Citation:
" Est pris acte du contenu des documents dans leur forme approuvée dans le cadre des travaux du saint et grand Concile des Églises orthodoxes, à savoir la mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain ; la diaspora orthodoxe ; l’autonomie et le mode de sa proclamation ; le saint mystère du mariage et ses empêchements ; l’importance du jeûne et son observance aujourd’hui ; les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien, auxquels s’ajoutent l’encyclique et le message du Concile. Le saint et grand Concile des Églises orthodoxes n’a pas formulé de dogmes nouveaux, de canons nouveaux ou de modifications liturgiques, mais a témoigné le fait que l’Église orthodoxe est l’Église une, sainte, catholique et apostolique du Christ. En outre, il a été pris acte du fait que les textes peuvent être expliqués, nuancés ou développés par un futur saint et grand Concile des Églises orthodoxes. Leur explication et la rédaction d’autres textes conciliaires sur différents sujets ne doivent néanmoins pas êtres réalisées sous la pression du temps, mais au cas où il n’existe pas de consensus panorthodoxe, ils doivent être reportés et améliorés jusqu’à ce que le consensus soit réalisé."

Communiqué complet sur: http://orthodoxie.com/roumaine/

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