La voix du cardinal Martini s’est éteinte
Le cardinal Carlo Maria Martini est mort vendredi 31 août à l’âge de 85 ans L’archevêque émérite de Milan, exégète de réputation mondiale, n’aura cessé de faire résonner une voix singulière dans l’Église.

« Le moment est venu pour moi de me retirer des choses terrestres et de me préparer à l’avènement du Royaume. » C’est en ces termes que, le 16 juillet dernier, le cardinal jésuite Carlo Maria Martini a pris congé, à 85 ans, de ses lecteurs du grand quotidien turinois, le « Corriere della Sera », auxquels il s’adressait encore toutes les semaines depuis trois ans.

En dépit de la maladie de Parkinson, dont il était atteint depuis de longues années, devenu ces derniers mois quasiment aphone, l’ancien archevêque de Milan (de 1979 à 2002) avait ten à conserver ce lieu de parole, mais surtout d’écoute.

Une passion pour la Parole

La Parole et l’écoute : toute la vie spirituelle de celui dont on dit que, n’était la maladie, il aurait pu devenir pape en avril 2005, s’est alimenté grâce à la tension qu’il a toujours créée et entretenue entre ces deux pôles.

Avant tout bibliste et exégète de renommée internationale, ancien recteur de l’Institut Biblique, puis de l’Université pontificale Grégorienne à Rome, Carlo Maria Martini a publié plusieurs dizaines de livres, diffusés à plus d’un million d’exemplaires en Italie, consacrés à l’unique question qui l’animait : « Es-tu disposé à donner foi à mes paroles comme paroles provenant de Dieu ? », faisait-il dire à Jésus dans un entretien à La Croix en 1997.
De cette passion pour la Parole et son étude est née également une passion pour la Terre Sainte, et plus particulièrement pour Jérusalem, où il a vécu ses presque dernières années, avant de rentrer se faire soigner, en 2008, près de Milan. C’est face à la vallée de Josaphat que l’attend aujourd’hui sa dernière demeure, la tombe qu’il s’est choisie, en terre biblique.

« Troubler la fausse paix des consciences »

Et puis l’écoute. Lorsque Jean-Paul II l’a nommé, le 29 décembre 1979, à la tête du plus grand diocèse d’Italie, à Milan, qui avait déjà donné deux papes à l’Église (Pie XI et Paul VI), beaucoup se sont interrogés : comment, alors même que ce jésuite n’a aucune expérience pastorale, allait-il animer ce diocèse, forteresse du mouvement « Communion et Libération », dans une Lombardie marquée par une sécularisation galopante, une corruption et une violence politique alors courante en Italie ?

C’est dans la Parole, plus précisément la prière de saint Ambroise, fondateur du diocèse, que Mgr Martini, puisa son élan pastoral : « Seigneur, donne toujours à ton peuple des pasteurs qui troublent la fausse paix des consciences. »

Une « éthique de l’humilité »


Lors du synode romain sur la Parole, en octobre 1999, il en tira les conséquences et appela à « répéter une expérience de rencontre universelle entre les évêques qui permette de défaire certains nœuds disciplinaires et doctrinaux ». Plus d’un y virent un appel à réunir un nouveau concile, ce dont le cardinal jésuite se défendit toujours.
À Milan, il multiplia les initiatives : « Écoles de la Parole », séminaires pour les non-croyants, « Lettre aux jeunes que je ne rencontre pas », synode diocésain, etc. Lors de l’un de ses discours annuels « à la Cité », toujours très attendus, il appela, en 1998, l’Église à vivre selon « une éthique de l’humilité, de la modestie, de la miséricorde, du pardon. »À son départ, le 11 juillet 2002, il répéta : « Toute époque est un moment de grâce. L’Église doit créer des espaces nouveaux, dans le respect réciproque, entre le frère, le citoyen et l’étranger. »

Une Eglise qui « donne du courage »

Créé cardinal par Jean-Paul II le 2 février 1983, à seulement 56 ans, sa parole a très largement débordé les limites de son diocèse. Président du Conseil des Conférences épiscopales européennes de 1987 à 1993, à l’aise dans une dizaine de langues, il n’a cessé, jusqu’à ses derniers écrits, de jouer la « statue du Commandeur », faisant entendre sa différence, allant jusqu’à paraître, aux yeux de beaucoup, en opposant loyal à Benoît XVI.
Sur les questions éthiques (préservatif, homosexualité, recherche sur les embryons, fécondation in vitro), disciplinaires (accueil des divorcés remariés, ordination d’hommes mariés, célibat sacerdotal) ou liturgiques (libéralisation de la messe de saint Pie V), il eut toujours le souci de faire circuler un courant d’air, de ne rien figer, pour que « l’Église puisse donner du courage à ceux qui se sentent petits et pécheurs ».
SUITE "La Croix"

APIC/KIPA Une figure emblématique de l’Eglise catholique au 20e siècle

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 1 Septembre 2012 à 18:24 | 7 commentaires | Permalien



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