par Sandro Magister

Renouvellement du baiser de paix entre Rome et Constantinople. Toutefois un document publié par le patriarcat de Moscou gèle la discussion entre catholiques et orthodoxes à propos des pouvoirs du pape sur l’Église universelle

Un demi-siècle exactement après le baiser de paix échangé à Jérusalem par Paul VI et le patriarche de Constantinople Athénagoras, le pape François a annoncé qu’il se rendrait, lui aussi, en Terre Sainte du 24 au 26 mai prochains, afin de renouveler ce geste œcuménique avec le successeur d’Athénagoras, Barthélemy.

Samedi 4 janvier, veille de cet anniversaire, "L'Osservatore Romano" a publié de nouveau le texte intégral de l’entretien qu’avaient eu Paul VI et Athénagoras, entretien qui devait rester confidentiel mais qui fut enregistré par la télévision italienne, celle-ci ayant "par erreur" laissé ses micros branchés.

Paul VI n’avait pas gardé le silence à propos du point crucial qui sépare Rome de l'Orient : "la constitution de l’Église" et, dans le cadre de celle-ci, le rôle du pape.

Il avait promis à Athénagoras :

"Je vous dirai ce que je crois être vrai, qui découle de l’Évangile, de la volonté de Dieu et de l’authentique tradition. Je l’exprimerai. Et s’il y a des points qui ne coïncident pas avec votre pensée à propos de la constitution de l’Église…".

"Je ferai de même", déclara Athénagoras.

Et Paul VI d’ajouter : "On discutera, nous nous efforcerons de trouver la vérité… Aucune question de prestige, de primauté, qui ne soit ce qui a été établi par le Christ. Absolument rien qui traite d’honneurs, de privilèges. Nous voyons ce que le Christ nous demande et chacun prend sa position ; pas du tout avec l’ambition humaine de dominer, d’obtenir de la gloire, des avantages. Mais avec celle de servir".....

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Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 9 Janvier 2014 à 15:10 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir.G le 09/01/2014 18:46
COMPLEMENT D'INFORMATION

Document intéressant qui fait bien le point sur ce débat théologique avec, toutefois, une interprétation légèrement faussée: si l’Église russe accepta de s’unir au dialogue après l'exclusion des délégués estoniens qui avaient été imposés par Constantinople, elle n'a jamais accepté le document de Ravenne, qui vient donc d'être officiellement rejeté par le synode "pour ce qui concerne la partie concernant la conciliarité (« sobornost ») et la primauté au niveau de l’Église universelle" (1er § du document approuvé par la synode (1)). Comme je l'ai écrit ailleurs, ce document n'a, à ma connaissance, jamais été accepté par aucune Eglise orthodoxe; il l'aurait été par la Curie romaine...

Pour la suite Mgr Hilarion de Volokolamsk écrit: "Le 'document de Crète' est exclusivement historique et, parlant du rôle de l’évêque de Rome, il ne fait presque pas mention des évêques des autres Églises locales au cours du premier millénaire, donnant ainsi une image erronée de la répartition des pouvoirs dans l’Église primitive. De plus ce document n’affirme pas clairement que la juridiction de l’évêque de Rome ne s’étendait pas à l'Orient pendant le premier millénaire. Il est à espérer que ces erreurs et omissions soient corrigées lors d’une révision du texte".(2) et, les participants aux discussions de Vienne ont convenu de constituer "une sous-commission chargée d’examiner les aspects théologiques et ecclésiologiques de la primauté par rapport à la synodalité".

De fait les la position du patriarcat de Moscou sur le rôle du pape au cours du premier millénaire est très restrictive comme le montre le document du synode et comme l'explicitait Mgr Hilarion: "Pour les orthodoxes, il est clair que, pendant le premier millénaire, la juridiction de l’évêque de Rome ne s’est exercée qu’en Occident, tandis qu’en Orient les territoires étaient répartis entre quatre patriarches, ceux de Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. L’évêque de Rome n’exerçait aucune juridiction directe en Orient, bien que, dans certains cas, les hiérarchies orientales aient fait appel à lui comme à un arbitre lors de controverses théologiques. Ces appels n’étaient pas systématiques et ils ne pouvaient en aucun cas être interprétés comme signifiant que l’évêque de Rome était considéré en orient comme l'autorité suprême dans toute l’Église universelle. On espère que, lors des prochaines réunions de la commission, les catholiques seront d’accord avec cette prise de position qui est confirmée par de nombreuses preuves historiques". (ibid.)

Sauf erreur de ma part, la dernière réunion du dialogue théologique eut lieu à Rome les 22-25 novembre 2011 sous la forme d'un "Comité de coordination de la Commission théologique mixte internationale pour le dialogue entre les Églises catholique et orthodoxes". Dans son discours, le métropolite Hilarion avait proposé de préciser la méthodologie du travail sur le document consacré à la primauté de l’Evêque de Rome. Selon lui, cette méthodologie doit tenir compte de l’expérience séculaire de polémique orthodoxe contre les prétentions des papes à l’autorité universelle dans l’Église… Il avait aussi rappelé que l’une des conditions à la participation de l’Église orthodoxe russe au processus de dialogue orthodoxe-catholique avait été un retour sur le problème de l’uniatisme(3) et les membres orthodoxes de la rencontre avaient soutenu cette position(4).

Je ne vois pas que les discussions aient repris depuis. Le texte du saint synode russe apparait comme un pas très ferme vers cette "clarification de la conception orthodoxe de la primauté… cette légère modification de l'objet des discussions, avec une attention plus marquée aux aspects théologiques" dont parlait le métropolite Joannis de Pergamme après Vienne (ibid. (2)) et, vu les premières réactions, non officielles, de Constantinople, il parait certains que les Orthodoxes doivent se mettre d'accord entre eux avant de reprendre les discussions avec les Catholiques

Renvois.
(1) http://www.orthodoxie.com/actualites/position-du-patriarcat-de-moscou-au-sujet-de-la-primaute-dans-leglise-universelle/
(2) http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1345026?fr=y
(3) La Commission a adopté en 1993 la Déclaration de Balamand (cf. http://www.catho-theo.net/spip.php?article176) qui affirme que « l'uniatisme ne saurait être un modèle de l'unité ». Cependant ce texte fut un accord d'experts qui n'a jamais été signé ni par les autorités romaines catholiques (le Pape ou le Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens), à la différence des autres textes œcuméniques, ni par aucune Eglise orthodoxe.
(4) http://www.mospat.ru/fr/2011/11/23/news53192/

2.Posté par Vladimir.G le 13/01/2014 23:47
Un commentaire catholique intéressant:
Citation
On ne peut pas être plus clair : deux ecclésiologies, et au-delà de celles-ci, deux cultures religieuses s’affrontent plus que jamais : l’une sensible (comme l’orthodoxie ou l’islam) à l’ordre des choses qui demeurent, l’autre (comme les protestantismes) à la mouvance de l’Esprit dans les consciences. Rome a su faire le milieu. Mais, par les temps qui courent au sein de l’Eglise romaine, beaucoup de catholiques sont aujourd’hui des orthodoxes inavoués et d’autres des crypto- protestants. JPSC BELGICATHO
http://belgicatho.hautetfort.com/archive/2014/01/09/orthodoxie-moscou-dit-niet-a-la-primaute-de-rome-5267241.html

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