Mgr Hilarion s'exprime sur l'actualité
Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des Relations Ecclésiastiques Extérieures du Patriarcat de Moscou, a parlé de la situation au Proche-Orient, du dialogue orthodoxe-catholique, de l'Orthodoxie en Chine, des problèmes actuels de la société et des relations de l'Eglise avec l'État en Russie dans une longue interview à bâtons rompus au journal «Asia News» du 1 septembre 2013. Voici une traduction de ses propos - Vladimir GOLOVANOW

1. Le Moyen Orient

− La situation est très inquiétante en Syrie: ce long conflit armé n'est pas réellement une guerre civile, mais une guerre que se livrent des états tiers sur le territoire de la Syrie déclare Mgr Hilariion. Les groupes armés baptisés "l'opposition" comprennent les mercenaires étrangers et sont financés par l'étranger. L'Eglise orthodoxe Russe est évidement alarmée par le sort des populations civiles, y compris des chrétiens, et nous voyons que les forces extrémistes qui tentent actuellement de prendre le pouvoir ont clairement pour objectif la destruction totale du christianisme en Syrie: là où ils prennent provisoirement le dessus, la population chrétienne est pratiquement décimée ou chassée, les églises chrétiennes sont détruites ou profanées.

L'Eglise russe collabore avec le patriarcat d'Antioche, qui est l'Église de la Syrie et du Liban à un programme d'aide humanitaire, mis en place par "la société Impériale orthodoxe palestinienne" qui livre des médicaments, des produits alimentaires et de première nécessité.

Nous sommes particulièrement inquiets pour les deux métropolites enlevés, continue le porte parole de l'Eglise russe. Je connais personnellement ces deux hiérarques depuis plusieurs années. Ils jouissent d'une grande autorité parmi les chrétiens et, au-delà du fait même de leur enlèvement, l'absence de toute nouvelle depuis si longtemps, déjà quatre mois, est très inquiétant. On ne où ils se trouvent ni même s'ils sont en vie.

− L'escalade de la violence en Égypte est très préoccupante et nous considérons que les "Frères musulmans" portent la responsabilité des attaques contre les églises des différentes confessions chrétiennes. Nous espérons beaucoup que les forces modérées triompheront et sauront préserver l'équilibre interconfessionnel qui était maintenu depuis plusieurs siècles.

2. Le dialogue entre les catholiques et les orthodoxes

La prochaine rencontre de la Commission Mixte sur le dialogue théologique devrait avoir lieu en 2014. La commission s'est attaquée au sujet très complexe de la primauté dans l'Église et du rôle de l'évêque de Rome durant le premier millénaire et il apparait que des divergences très importantes existent non seulement entre les parties orthodoxes et catholiques, mais aussi parmi les Eglises orthodoxes.

Le document qui est actuellement préparé par la commission se trouve malheureusement sous embargo et il est très difficile d'en débattre en dehors de la commission. Il me semble qu'en l'état actuel le document discuté ne correspond pas du tout au mandat que la commission a reçu des Églises et n'aborde pas le sujet de façon telle que les orthodoxes et les catholiques puissent clairement comprendre en quoi leurs positions divergent et en quoi elles convergent.

− Mais le dialogue et la coopération entre les orthodoxes et les catholiques va aujourd'hui bien au-delà du travail de la commission théologique. Nous avons une collaboration clairement plus efficace dans la sphère sociale et dans l'élaboration de positions communes sur les questions morales et sociétales importantes. Et là, je trouve, que nous avons bien avancé. Je voudrais en particulier souligner le travail du "forum orthodoxe-catholique" créé il y a quelques années: nous avons eu plusieurs réunions dans de différents pays sur des sujets comme l'éthique familiale et nous sommes parvenus à des résultats impressionnants qui témoignent de positions communes, de la volonté et de la capacité de l'Eglise orthodoxe et de l'Église Catholique à travailler ensemble pour la protection des valeurs chrétiennes traditionnelles.

− J'ai parlé au nouveau Pape le lendemain de son intronisation et je lui ai indiqué quels étaient les points essentiels de la coopération entre l'Église Catholique et l'Eglise orthodoxe Russe. J'ai reçu de sa part d'abord la compréhension de l'importance de ces questions, et d'autre part il était évident que ces questions n'étaient pas nouvelles pour lui. Je pense que ses connaissances du dialogue orthodoxe-catholique, ainsi que son expérience en Argentine, quand il rendait visite à l'Eglise orthodoxe Russe à Buenos-Aires plusieurs fois par an et, après les offices divins, restaient perler avec les paroissiens, laisse espérer un développement positif de nos relations pendant son pontificat.

− Il faut préparer sérieusement une rencontre entre le Pape et le patriarche de Moscou. Il faut régler les questions qui font problème entre nous différends. Cette rencontre ne doit pas être simplement protocolaire mais amener nos relations à un nouveau niveau de confiance, de coopération et de compréhension mutuelle. Notre plus grand différent porte sur une question récente: c'est le problème de l'Ukraine Occidentale où dans les années 1980 - 90 il y eut une série d'événements très tristes. Ils ont carrément privé d'église les communautés orthodoxes dans certaines villes et villages et, malheureusement, cette situation perdure… Mais il est certain que le jour de cette rencontre se rapproche…

- Relations entre Rome et Constantinople: le patriarche Bartholomée a invité le Pape à une rencontre à Jérusalem; cela fait partie des relations bilatérales entre Rome et Constantinople qui ont une longue histoire, malheureusement assombrie par les événements tragiques qui ont brisé le monde chrétien en deux communautés qui n'ont plus de relations eucharistiques entre elles il y a presque mille ans. Je pense que les rencontres entre les chefs de l'Église Romaine et de l'Église de Constantinople sont très utiles et importantes pour refermer ces blessures portées à l'unité de l'Eglise dans le passé.

4. De Chine en Italie

− L'Eglise orthodoxe a une très longue histoire en Chine, commencée au XVIIe siècle, quand les prisonniers de guerre russes se sont trouvés à Pékin et ont permis la création d'une mission spirituelle Russe à l'emplacement actuel de l'ambassade de Russie. Une Eglise orthodoxe Chinoise Autonome dans la juridiction du Patriarcat de Moscou a été instituée dans les années 1950, peu de temps avant le début de «la révolution culturelle», , dans qui recouvrait toute la Chine, mais toute l'infrastructure de cette Église a été détruite pendant «la révolution culturelle». Et depuis maintenant plus de vingt ans nous essayons de reconstruire cette infrastructure en menant un dialogue avec les autorités chinoises pour obtenir la normalisation de la situation des orthodoxes en Chine.

− Je pense qu'il y au moins un million d'Orthodoxes en Italie et l'Eglise Russe y compte plus de cinquante paroisses. Elles sont enregistrése comme diocèse mais nous n'avons pas encore d'évêque et nos paroisses sont dirigées par un évêque depuis Moscou, mais je pense que dans les deux-quatre prochaines années nous y aurons un évêque.

5. La loi interdisant la propagande de l'homosexualité devant des mineurs

Je crois que cette loi est nécessaire et qu'elle arrive au bon moment. Et je pense même qu'il faudrait des lois similaires dans d'autres pays à la place de ces normes qui sont introduites dans plusieurs pays de l'Union Européenne donnant le droit à l'adoption à des couples homosexuels. Je trouve que cette politique des États occidentaux est suicidaire parce que la destruction de l'institut de la famille et l'attribution de tels privilèges aux unions homosexuelles, dans nos conditions de crise démographique, signe l'arrêt de mort d'états entiers, de peuples entiers.

Actuellement on observe une crise démographique aiguë dans plusieurs pays d'Europe sous l'effet de l'idéologie laïque, de la publicité, du comportement consumériste vis à vie de la vie et d'une éducation qui n'est pas orienté sur l'élévation de la moralité des gens, mais sur une émancipation maximale des instincts,. La population de ces pays diminue ce qui est, pour moi, le signe d'une profonde maladie spirituelle et si cette maladie n'est pas soignée elle amènera à la mort comme toute maladie incurable.

Je pense que la Russie peut servir d'exemple sur ce plan: les lois qui sont mises en œuvre chez nous aujourd'hui sont justement orientées vers la préservation de ce que nous considérons comme l'héritage génétique de la nation, ce qu'on peut appeler le potentiel humain. Nous voulons que la famille solide renaisse en Russie, que dans nos familles il y ait beaucoup d'enfants pour que les vaste espaces de la Russie soient peuplés de préférence par leur population autochtone.

6. La coopération entre l'Église et l'État

− La population ne se plaint pas de cette coopération, par contre les journalistes posent la question. «Ne vous semble-t-il pas qu'il y a une union trop étroite entre l'État et l'Église ?» m'ont-ils ainsi demandé lors d'une interview à la BBC. J'ai répondu qu'elle n'est pas plus étroite qu'en Grande-Bretagne, où le chef de l'Église anglicane et les évêques sont nommés par la reine sur proposition du premier-ministre. Ils m'ont alors demandé : «Ne pensez-vous semble pas qu'une personne ne devrait pas garder si longtemps le pouvoir ?» et j'ai répondu que personne chez nous n'est encore au pouvoir depuis 60 ans comme la reine d'Angleterre… Mais la démocratique Angleterre a simplement coupé les passages de mon interview qui ne l'arrangeaient pas: elle est passée à l'antenne sans ces réponses, parce qu'ils n'ont pas plu à la censure britannique.

Les relations entre l'Église et l'État en Russie sont construites aujourd'hui sur deux principes:

- Le premier est une non-intervention mutuelle de l'État et de l'Église dans les affaires intérieures réciproques. Ainsi, l'Église n'intervient pas dans la politique, ne soutient pas une formation politique quelle qu'elle soit. Elle peut donner son avis sur les organisations politiques et leurs leaders, leurs programmes ou des points particuliers de ces programmes, puisqu'elle participe au processus social. Mais l'Église ne participe pas au gouvernement de l'Etat ni à la lutte politique. De son côté l'État ne se mêle pas de la direction de l'Église, c'est-à-dire, par exemple, n'intervient pas dans l'élection des évêques et du Patriarche, dans le statut interne de l'Église. Ainsi est respecté le premier principe – la non-intervention mutuelle dans les affaires intérieures.

- Il y a un deuxième principe aussi important: le principe de collaboration entre l'Église et l'État dans les questions où c'est opportun et nécessaire. Cela s'applique d'abord aux questions sociales, celles qui concernent directement la vie de tous les jours. Et ces questions sont aujourd'hui nombreuses: citons par exemple la politique démographique, l'éthique familiale, la question des enfants vagabonds et d'autres problèmes similaires. L'État et l'Église collaborent sur ces sujets et il y a là un champ très large pour la coopération.

Liien MOSPAT
Митрополит Иларион дал интервью итальянскому информационному порталу AsiaNews

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 6 Septembre 2013 à 18:52 | 0 commentaire | Permalien



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