Le rapprochement entre Rome et Moscou est freiné par des dissensions entre l’Église russe et le Patriarcat de Constantinople

Moscou et Constantinople, frères ennemis ? Exagéré, sans doute. Mais les relations entre le Patriarcat œcuménique de Constantinople – qui bénéficie d’une primauté d’honneur au sein de l’orthodoxie – et celui de Moscou – le plus important numériquement – sont très tendues depuis quelques années. L’Église russe reproche à Constantinople de vouloir s’ériger en une sorte de papauté orthodoxe. À tel point que le dialogue avec les catholiques se voit aujourd’hui ralenti par ces désaccords internes à l’orthodoxie.

En 2007, lors la réunion de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique catholiques-orthodoxes à Ravenne, les tensions ont atteint leur paroxysme quand l’évêque Hilarion de Vienne quitte brusquement la table à cause de la présence d’un représentant estonien dans la délégation de Constantinople.

En effet, l’Estonie reste un nœud dans les relations entre les deux patriarcats. Deux Églises s’y opposent : l’une sous juridiction de Constantinople, l’autre – la plus nombreuse – sous celle de Moscou.

La diaspora a bouleversé la géographie orthodoxe

Plus largement, la question de la diaspora en Europe occidentale divise Moscou et Constantinople. Le XXe siècle a entraîné l’émigration vers l’Occident de communautés orthodoxes de Russie, d’Europe de l’Est, de Grèce et du Proche-Orient.
Cette diaspora a bouleversé la géographie orthodoxe, posant des problèmes de juridiction entre les patriarcats. Car si la responsabilité des fidèles hors de leurs territoires canoniques relève théoriquement de Constantinople, dans les faits, chaque juridiction s’est dotée de structures propres.
Ainsi, aux États-Unis, l’Église orthodoxe d’Amérique a proclamé son autocéphalie, reconnue par le Patriarcat de Moscou mais pas par Constantinople. C’est tout l’enjeu des conférences interorthodoxes, qui ont repris en juin dernier à Chambesy (Suisse), après vingt années de blocages, et qui doivent aboutir à un grand concile panorthodoxe, dont la tenue semble encore bien incertaine.

François-Xavier MAIGRE

La Croix

Rédigé par l'équipe de rédaction le 7 Février 2010 à 21:15 | 14 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Marie Genko le 08/02/2010 10:11

Je suppose qu'en tant que journaliste du journal "La Croix" F.X. Maigre doit savoir que les premiers conciles de l'Église, encore indivise, ont reconnu des territoires canoniques attribués aux évêques des premiers temps de la chrétienté.
En Occident nous sommes sur le territoire canonique de l'évêque de Rome.
Les Orthodoxes issus des différents mouvements migratoires sont une diaspora rattachée aux Eglises mères, dont ces fidèles sont issus.
Et cela demeure impératif pour ne pas nuire à l'OECUMENISME des Églises.
Car nous sommes sur le territoire canonique de l'Église Catholique en devenir d'Orthodoxie.

2.Posté par Irénée le 08/02/2010 12:48
Excusez-moi Marie, mais ces affirmations me semblent un peu simplistes et pas tout à fait justes.
Un chrétien orthodoxe habitant Lyon ou Lille devrait dépendre d'un évêque orthodoxe ayant juridiction sur cette région. Or il y a bien en France des évêques orthodoxes dont la juridiction est clairement définie comme couvrant ces régions.
Si Rome revenait à l'orthodoxie, la juridiction des chrétiens de Lyon ou Lille serait celle de l'évêque catholique local, pas celle de l'évêque de Rome, sinon on se trouverait dans une ecclésiologie plus qu'étrange...
Il n'est pas non plus juste de dire que les chrétiens orthodoxes descendant d'immigrés devraient dépendre de l'Eglise de leur pays d'origine. C'est tout à fait contraire aux usages de l'Eglise ancienne. Il y a en France des évêques ayant juridiction sur le territoire français, et c'est là qu'est l'autorité ecclésiale, pas en Grèce ou en Géorgie...

3.Posté par Cathortho le 08/02/2010 16:25
Chère Marie, cher Irénée,
Votre souci de voir Rome " revenir " à l'orthodoxie est louable mais vain,car Rome n'a jamais perdu l'orthodoxie. Rome, comme Constantinople, comme Moscou, comme tous les patriarcats qui n'ont pas rompus avec la sainte succession apostolique et qui confèrent les saints et salvateurs sacrements; Rome, déchirée par son excès de centralisation est l'Eglise du Christ avec l'Eglise orthodoxe déchirée par son excès de décentralisation. L'une et l'autre, ensembles, sont l'Eglise Une Sainte Catholique et Apostolique. Séparées elles ne sont qu'une partie de l'Eglise Une Sainte Catholique et Apostolique.

4.Posté par Irénée le 08/02/2010 22:09
Cher Cathortho,
Je respecte tout à fait votre point de vue, mais permettez moi quand même de vous faire remarquer que ce vous dites là n'est pas du tout ce qu'enseigne l'Eglise orthodoxe (ni l'Eglise romaine à ce que j'en sais).
La succession apostolique c'est bien entendu important, mais suffisant sans confesser la Foi orthodoxe et être en parfaite communion eucharistique. Il ne peut pas y avoir de branches de l'Eglise, mais une Eglise UNE, confessant la Foi des Pères, en complète communion, et bien entendu possédant la succession depuis les apôtres.

5.Posté par vladimir le 08/02/2010 23:16
Je soutien ce que dit Irénée: du point de vue Orthodoxe, en n'étant plus en communion avec l'Église, Rome s'est placé en dehors. Il n'y a qu'une Église, et on ne peut être simultanément dedans et dehors...

6.Posté par Marie Genko le 08/02/2010 23:44
Cher Irénée,
Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous écrivez que si Rome revenait à l'orthodoxie, les chrétiens orthodoxes de Lyon, ou de Lille, dépendraient de l'évêque local catholique, (lui-même sous l'omophore du patriarche de Rome).
Cependant, il me semble qu'une certaine diaspora resterait toujours attachée, ne serait-ce que pour des raisons linguistiques et cultuelles à des prêtres de son église d'origine, Serbe pour les Serbes, Roumaines pour les Roumains etc...
Évidemment, il s'agira de petites communautés comme celles que nous sommes aujourd'hui.
Je comprends que cela soit contraire aux usages de l'Église ancienne, mais l'orthodoxie a toujours été pour moi et pour de nombreuses personnes déplacées la maison du Seigneur autant que ma propre maison!
Comment voulez-vous arracher un enfant à l'orthodoxie dans laquelle il est né?
C'est cette dimension cultuelle et identitaire qui attachera toujours pour une, deux ou même trois générations les fidèles orthodoxes à leurs église mères respectives.
Je comprends qu'il s'agisse là d'un fait nouveau, mais j'espère que nos pasteurs et nos théologiens, auront pour les troupeaux, sous leur garde, la sollicitude d'un père aimant pour ses enfants.

7.Posté par vladimir le 09/02/2010 20:24
Je voudrais revenir à l'article lui même.
- Dissensions: François-Xavier MAIGRE écrit que les tensions ont atteint leur paroxysme en 2007. Je ne pense pas que ce soit vraiment le cas, puisque la communion avait été rompue en 1996 et rétablie depuis. 2007 a néanmoins marqué un pic et la suite, dont l'article ne parle pas, me semble nettement plus sereine: ces deux dernières années ont été marquées par de nombreuses rencontres à tous les niveaux, des décisions communes à Chambésy, des concélébrations... Nous en avons parlé sur d'autres fils et j'ai vraiment l'impression que la tension est retombée et qu'on se dirige, pas à pas, vers la résolution de la plupart des problèmes et la préparation du Saint Concile pan-orthodoxe.
- Diaspora: là encore, je ne pense pas que ce soit le seul enjeu des discussions actuelles et je pencherais plutôt vers la conclusion de l'article cosigné avec Nicolas SENEZE (1): "Mais leurs juridictions mères, confrontées à la reconstruction de l’après-communisme (pour les Églises slaves) ou à une situation politique délicate (au Proche-Orient), ne font pas de l’organisation de la diaspora une priorité."
- L'autocéphalie de l’Église orthodoxe d’Amérique a été plus que reconnue par Moscou: elle a été octroyée par un tomos du patriarche de Moscou en 1970.
- Enfin une erreur concernant la réunion de 2007: la représentation estonienne, dont François-Xavier MAIGRE souligne à juste titre la faible représentativité dans son pays, ne faisait pas partie de la délégation de Constantinople, mais avait été invitée à siéger comme une Église autocéphale à part entière. C'est cela que le Patriarcat de Moscou ne pouvait accepter et c'est le premier accord qui a été atteint: les représentants de cette Église ne siègent plus dans les instances où sont représentées les Églises autocéphales.

(1) Cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Les-dix-defis-de-l-orthodoxie_a718.html

8.Posté par Irénée le 10/02/2010 10:03
Chère Marie,
Encore une fois je ne vous suis pas complètement...
- Si L'europe de l'ouest avait fonctionné suivant une ecclésiologie plus proche de l'orthodoxie, nous aurions très probablement des Eglises autonaumes dans la plupart des pays.
- Concernant les communautés russes, serbes ou autre, il ne faut pas confondre les questions pastorales et le cadre canonique. Rien n'empêche, par exemple, l'existence de paroisses célébrant en slavon ou en roumain dans le patriarcat de Jérusalem, là ou les deux langues "historiques" de l'Eglise locale sont le grec et l'arabe. Mais tous ne mentionnent qu'un seul évêque.
- En France, rien n'empêcherait que dans une métropole semi-autonome, et quelle que soit la nationalité de ce métropolite, il y ai des paroisses, des prêtres et des monastères utilisant différentes langues liturgiques et suivant leurs propres usages.
J'espère que ces quelques lignes sot claires, sinon continuons le dialogue !

9.Posté par Daniel le 10/02/2010 10:58
@ A Marie Genko

D'un point de vue orthodoxe, tout le monde se trouve dans la juridiction de l'évêque local y compris les immigrés dans le pays d'accueil. Je précise aussi que le terme "diaspora" ne fait pas sens : c'est un terme qui s'applique aux Juifs pour lesquels il existe une terre promise au sens géographique sur laquelle ils rêvent de retourner. Mais ce n'est pas le cas des orthodoxes... La diaspora orthodoxe n'existe donc pas; il faut parler d'émigrés ou d'expatriés, temporaires ou définitifs, pour être rigoureux.

Le principe d'organisation est territorial et non ethnique. Naturellement, si le nombre d'immigré est important et si les besoins d'une population sont spécifiques, en terme de langue, ils peuvent constituer des paroisses mais qui dépendront de l'évêque local. Il existe ainsi une paroisse de langue géorgienne en Ukraine mais elle dépend de l'évêque ukrainien local. Vouloir dépendre de l'église de mon pays hors de son territoire, parce que j'en ai la nationalité ressemble fort au phylétisme des Bulgares qui voulaient chapeauter les Bulgares demeurant à Constantinople. Cela fut condamné en 1872 et formellement les Bulgares furent considérés comme schismatiques jusqu'à 1945, je pense... Comme quoi, les questions liées aux flux migratoires sont anciennes et la réponse qui y a a été donné a été invariablement la même.

Dans une église catholique devenue orthodoxe, il n'est pas certains que l'évêque de Lyon dépendent de celui de Rome... On voit à l'époque où l'occident était orthodoxe beaucoup de conciles locaux, sous les Mérovingiens, sous les Wisigoths en Espagne, qui laissent à penser que ces églises étaient autocéphales. C'est le pape Grégoire VII qui a réellement établi l'emprise du siège de Rome sur ces églises. Ainsi, en Espagne, il a imposé la suppression de la liturgie mozarabe (qui subsiste toutefois jusqu'à nos jours mais fort "romanisée"). Quant à l'Eglise d'Irlande, orthodoxe, elle ne semble jamais avoir dépendu de Rome et avait ses propres pratiques dont un calcul original de la date de Pâques qui justifia d'ailleurs l'invasion anglaise (catholique). Il va de soi que si l'Eglise de Rome devenait orthodoxe, le pape ne nommerait pas les différents évêques comme de simples fonctionnaires mais qu'ils devraient être élus par un synode, ou par le peuple (usage ancien à ne pas confondre avec la démocratie).

10.Posté par Irénée le 10/02/2010 11:44
Merci à Daniel pour son excellente explication, que je partage totalement.
Le phylétisme semble être de retour ! soyons vigilants...

11.Posté par Marie Genko le 10/02/2010 11:48
Cher Irénée,

Merci de vous donner la peine de m'instruire.
Il me semble que je comprends ce que vous voulez dire:
En supposant que nos frères catholiques redeviennent orthodoxes, tous les fidèles orthodoxes d'Europe occidentale , quel que soit leur appartenance cultuelle (russe, grecque, roumaine etc.) devront commémorer l'évêque catholique du lieu.
Cela me semble tout à fait logique et vous avez raison d'écrire que nous serons alors en accord avec les canons de notre Église.
En attendant cet état de grâce, que nous souhaitons tous, nous sommes confrontés à l'organisation de la diaspora.
Si j'ai bien compris la situation telle qu'elle se présente actuellement:
Cette diaspora peut suivre deux routes:
1/ l'union des fidèles de tradition russe dans une métropole dépendant du patriarcat de Moscou, (proposition de Sa Sainteté Alexis II de bienheureuse mémoire). Les Roumains, les Grecs et les autres restant provisoirement sous l'omophore de leurs patriarcats respectifs, en attendant le retour des Catholiques à l'orthodoxie.
2/ l'union de toute la diaspora orthodoxe sous l'omophore de Sa Sainteté Bartholomé (solution chère à la Frat), qui, pour ne pas être en contradiction avec les canons de l'Église désignant l'évêque de Rome en charge des fidèles locaux ne pourrait être qu'une SOLUTION PROVISOIRE de toutes façons! En attendant le retour de Rome à l'orthodoxie!
Comme l'a écrit Vladimir Golovanow dans le message publié hier projet 1:
RÊVE D'AUTOCEPHALIE
Je crois comme Vladimir que les Grecs, les Roumains et les autres ne sont majoritairement pas prêts à se ranger sous l'omophore du patriarche Bartholomé!
Par contre la métropole russe d'Europe occidentale aurait l'immense avantage de ramener la paix entre les orthodoxes russe de Russie et d'Europe occidentale en ce qui concerne les litiges de propriétés d'églises!
Litiges, qui nous font tous souffrir, et qui couvrent de scandale notre sainte religion.
Je serais heureuse d'avoir votre opinion à ce sujet et je vous en remercie par avance.



12.Posté par Marie Genko le 10/02/2010 12:05
Cher Daniel,

Je viens de poster ma réponse au message d'Irénée (message 8) et je crois qu'il est aussi une réponse à votre message.
Merci infiniment pour toutes les précisions que vous donnez!
Dans l'hypothèse d'une Église Locale LATINE devenue à nouveau orthodoxe, comme je l'ai écrit à Irénée, il sera tout à fait normal et indiscutable pour tous de commémorer l'évêque local.
Ce qui n'empêchera pas les fidèles de rester attachés à leurs cultes et langues respectives.
En attendant ce jour béni, il nous faut nous organiser de la façon la plus proche de l'ecclésiologie, la façon qui nous permettra de vivre notre foi orthodoxe sans heurts, ni litiges, ni scandales!
Car, comme le disait récemment un saint prêtre de l'archevêché,
" LE PLUS IMPORTANT EST NOTRE FOI et la façon dont nous la vivons! "
Et les querelles nous font courir le risque de perdre cette Foi!
Pour moi c'est l'image et le témoignage de l'Orthodoxie toute entière qui est en jeu ici!


13.Posté par vladimir le 10/02/2010 12:58
J'ai en effet proposé une analyse des différentes solutions proposées pour répondre au "scandale" de la diaspora dans 2 fils séparés et j'y espère vos commentaires éclairés.

Je voudrais simplement préciser que "diaspora" (avec une minuscule) est le terme utilisé dans les instances orthodoxes, en particulier les réunions pré-conciliaires de Chambésy, pour désigner les Orthodoxes qui se trouvent en dehors des territoires canoniques de l'Orthodoxie. Pour les Juifs on utilise plutôt "Diaspora" avec une majuscule (dictionnaires Rober et Larousse).

14.Posté par vladimir le 11/02/2010 17:26
POUR LE PATRIARCHE CYRILLE DE MOSCOU SA VISITE AU PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE A OUVERT UNE NOUVELLE PAGE DANS LES RELATIONS ENTRE LES DEUX PATRIARCATS

Une nouvelle sur orthodoxie.com continue ce que j'écrivais sur la récente amélioration des relations (commentaire 7):
Le 2 février dernier, lors de la conférence épiscopale à Moscou, le patriarche Cyrille est revenu sur sa visite en juin 2009 au Patriarcat de Constantinople et sur sa rencontre à cette occasion avec le patriarche œcuménique Bartholomée. Il a précisé: "Il y a des raisons d'espérer qu'une nouvelle page s'est ouverte dans les relations entre les deux patriarcats". Celles-ci a-t-il dit doivent se construire dans une atmosphère de confiance et de coopération. La discussion a notamment porté sur la pastorale pour la diaspora russophone en Turquie qui regroupe 15 000 personnes. Comme exemple de la bonne évolution des relations fraternelles, il a évoqué la consécration, par les deux patriarches, de l'église Saints Constantin et Hélène située dans la résidence d'été du consulat général de Russie, près d'Istanbul. Un accord a été conclu pour organiser régulièrement des pèlerinages en Turquie de clercs de l'Église russe. Le patriarche a aussi rapporté qu'il avait le plein appui du premier ministre turc, qu'il a également rencontré, pour les questions liées à la pastorale des russophones dans ce pays et pour les pèlerinages.

Source: Patriarcat de Moscou
http://www.orthodoxie.com/2010/02/pour-le-patriarche-cyrille-de-moscou-sa-visite-au-patriarcat-de-constantinople-a-ouvert-une-nouvelle.html

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