Pendant dix siècles, il n'y eut qu'une seule Eglise chrétienne... Les divergences entre Occident et Orient étaient pourtant déjà profondes comme en témoigne le père Jean Gueit, l'un des responsables en France de l'Eglise orthodoxe russe.1 Ces différences seraient à l'origine d'une tout autre conception du droit et du partage du pouvoir entre le prince et l'Eglise encore marquante aujourd'hui. De même qu'elles sont aussi sensibles à travers les pratiques pastorales.

Le père Jean Gueit a conduit parallèlement une activité de prêtre orthodoxe et une carrière de professeur de droit public. Retraité de l'université d'Aix-Marseille, il exerce encore dans plusieurs paroisses, entre Nice et Marseille, en tant que doyen du diocèse du sud-est de la France des Eglises d'origine russe du patriarcat de Constantinople, et de protopresbytre du Trône œcuménique de Constantinople.

Orthodoxie... le mot signifie-t-il que l'idée du droit est incluse dans le dogme ?

Père Jean Gueit: L'idée de droit que contient l'étymologie du mot orthodoxie est celle d'une conformité et non celle du droit dans l'acception juridique à laquelle vous faites allusion. L'orthodoxie, c'est la conformité du dogme à l'enseignement du Christ. Rien d'autre. Je dirais même que le dogme du christianisme orthodoxe, du moins à sa source, est loin de véhiculer une quelconque idée de droit. Et cela pour une bonne raison fondamentale : la notion de droit naturel, et même celle d'un droit divin qui lui serait supérieur, si importantes dans le christianisme romain, n'existent pas dans le monde orthodoxe. A contrario, cela ne veut pas dire que l'orthodoxie se tient loin de la loi de Dieu. Mais loi et droit sont pour nous de deux essences différentes. La loi est donnée par Dieu, le droit est construit par les humains.

La représentation de deux mondes et d'une loi venant d'en-haut n'a pas eu cours en Orient ?

Père Jean Gueit: L'Orient n'a connu ni verticalité descendante, ni verticalité montante – ni soumission, ni subversion. A cette histoire et à la verticalité ou ses avatars qui, en Occident, ont fondé la légitimité du pouvoir en même temps que le droit, l'Orient oppose une autre histoire. Un binôme non plus vertical, mais horizontal où le ciel et la terre se tiennent côte à côte. Et cela, grâce à cet événement inouï qu'est l'Incarnation : Dieu s'est fait homme... Dans l'Incarnation, les deux espaces se rejoignent ; les deux royaumes dont parle le Christ sont contigus et ont vocation à se confondre. Avant que cette confusion ne produise vraiment, la perspective ouverte par la venue du Christ est celle d'une rencontre et d'une coopération, ou tout du moins celle d'une réconciliation, entre Dieu et les hommes. Cette vision horizontale du rapport entre les deux pôles constitue ce qu'on a appelé la symphonie byzantine et que résume le mot de Saint Athanase d'Alexandrie, un contemporain de Saint Augustin : « Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu ». La formule est aussi lapidaire que grandiose ; elle est aussi programmatique et exprime parfaitement l'horizon de la foi orthodoxe.... .SUITE : un court extrait de l'entretien dans le cadre de série « La foi et la loi »

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 7 Novembre 2014 à 10:42 | 0 commentaire | Permalien



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