Questions sur l'Eglise du XXIe siècle en Russie. (2) Nouvelle double foi
Voici le deuxième point traité durant la table ronde consacrée le 10 septembre au livre «l'Église dans la Russie postsoviétique» de Serge Tchapnin cf. "I. Défendre les intellectuels" Il faut noter qu'il ne s'agit pas d'un compte rendu exhaustif mais d'un article rédigé par Marie Senchukova jeune journaliste orthodoxe, docteur en philosophie, professeur des "fondements de la culture et de la religion orthodoxes" et assistant à la chaire d'histoire de l'Université des sciences humaines de Moscou. Elle a visiblement noté uniquement les interventions qui lui semblent les plus intéressantes…

II. Nouvelle double foi

Voici un autre problème spécifiquement postsoviétique dans la vie de l'Eglise russe: la "double-foi".

Serge Tchapnin: "lorsque les prêtres en rasson déposent des gerbes devant la flamme du souvenir, voire même se tiennent simplement à côté, j'y vois un contenu rituel non chrétien. L'Église ne peut avoir aucune action publique hors de l'enceinte de l'église sans prière. Chanter «Mémoire Éternelle» est une demi-mesure c'est la foi de l'Église qui doit se montrer dans la prière".

L'igoumen Nikon Belavenets tente de défendre les membres du clergé qui participent aux cérémonies devant la flamme du souvenir. Pour lui le dépôt de gerbes au monument du soldat inconnu auquel participe le Patriarche, est accompagné d'un bref "litie" et la proclamation de la mémoire éternelle. Ce rituel n'est pas apparu dernièrement mais à la fin des années 1960, quand la flamme du souvenir a été instaurée à Moscou. Et lorsqu'à la fin des années 1980 nous déposions des couronnes au monument des Héros de la division Panfilov ("Panfilovtsy " (1)), ce n'était pas à Moscou mais à Volokolamsk, les civils regardaient avec stupeur ce défilé du clergé dans la rue principale de la bourgade soviétique le métropolite Pitirim Netchaev invitait séminaristes et professeurs des séminaires à participer). Les locaux s'habituèrent mais les touristes pensaient que cela ne devrait pas se produire au pays de Soviets. Je sentais que nous forcions le blocus autour de l'Église.


Sergey Tchapnin a souligné de son côté qu'historiquement tout acte ecclésial hors de l'église, comme les processions religieuses à Byzance, voire la Liturgie elle-même qui débutait historiquement par une procession vers l'église, et commençait donc hors de celle-ci, ne pouvait avoir lieu sans être accompagné de prières. Mais actuellement il y a une substitution des actes non religieux par de la religiosité et pas du tout par des actes chrétiens. Par exemple, l'écrivain orthodoxe Alexandre Prokhanov dira lors de la commémoration du soixante-dixième anniversaire de la bataille Stalingrad à Volgograd : sous la lumière et le feu nous voyions la lutte de deux forces — le bien et le mal" et c'est cela l'église, dont les voutes sont le ciel et le nom du saint — Joseph Staline (2).


La religion laïque nous vole nos valeurs

La religion laïque ne se contente pas de simplement de continuer à exister, elle tente de voler nos valeurs et nos significations, continue Sergey Tchapnin. Même si nous estimons positivement la participation du généralissime Staline à ce fait historique, dire que c'est un saint n'est, pour le moins, pas obligatoire; en disant que Staline est un saint nous donnons un caractère religieux pseudo-chrétien à ce fait historique. En fait nous voyons là l'Église entrainée vers un nouveau culte païen des héros alors que les perceptions de l'héroïsme dans le paganisme et celle de la sainteté dans le christianisme sont clairement opposées. Il y eut dans l'histoire des saints perçus comme des héros, mais jamais l'inverse.

Nous en sommes actuellement au point où, au moins à l'intérieur de notre conscience chrétienne, nous devons faire la distinction entre christianisme et non-christianisme. Le destin de l'Église en dépend: soit notre perception du christianisme dérape dans les idéologies (et ensuite dans le paganisme et les nouvelles pratiques religieuses), soit elle résistera et nous saurons rester chrétiens.

Note

(1) La 316e division d'infanterie de la garde commandée par le général Panfilov résista à l'offensive allemande en octobre 1941 devant Volokolamsk. Plusieurs monuments lui sont dédiés dans la région.

(2) Sergey Tchapnin avait dénoncé en mai dernier l'érection d'un monument à Staline (traduction sur PO reprise sur son blog en français … qui doit beaucoup à PO:-) )

D'après PRAVMIR .


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 1 Octobre 2013 à 17:40 | 0 commentaire | Permalien



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