RENCONTRE AVEC  BRIGITTE DE MONTCLOS,  COMMISSAIRE DE  L’EXPOSITION  « Splendeurs des Romanov »
- Vous étiez déjà la commissaire de l’exposition « Impérial Saint Saint-Pétersbourg » en 2004 qui mettait à l’honneur l’œuvre de dignes représentants des Roma Romanov, à nov, l’image de Pierre le Grand et de Catherine II. Est Est-ce l’histoire qui se répète ?

« Ce n’est pas du tout la même exposition qui recommence. Ici on prend le sujet des
Romanov dans son cœur en focalisant sur Moscou, la vieille capitale qui symbolise le
véritable esprit de la Russie à travers l’Histoire. Pourquoi dans son désir de conquête,
Napoléon est-il allé jusqu’à Moscou et non pas à Saint-Pétersbourg ? Parce qu’il
voulait asservir l’âme de ce pays…Pourtant fondateur de Saint-Pétersbourg, Pierre le Grand lui-même a succombé au souffle historique de Moscou en s’y faisant couronner Tsar mais aussi Empereur.
De nombreux auteurs du XIXè siècle comme Théophile Gautier, Alexandre Dumas,
Jules Verne ont exhorté l’âme russe de Moscou, en opposition à Saint-Pétersbourg
l’occidentale.
- En quoi le terme « Splendeurs des Romanov » va va-t-il prendre ici un caractère exceptionnel ?

« Tout d’abord, il faut rappeler que lorsque Michel, Premier des Romanov, accède au
Trône en 1613, la Russie sort du « temps des troubles » qui a vu se succéder à sa tête des imposteurs et des étrangers et qui ont plongé le pays dans le marasme
économique. Cette splendeur retrouvée va être symbolisée par les cérémonies de couronnement qui se préparaient pas moins d’un an à l’avance, le temps de réunir et de confectionner les plus beaux tissus, les plus riches dentelles, les objets les plus exceptionnels, qui étaient ensuite pieusement rangés au Palais des Armures du Kremlin. C’est dans cette renaissance du faste que va nous entraîner l’exposition du Grimaldi Forum ».


RENCONTRE AVEC  BRIGITTE DE MONTCLOS,  COMMISSAIRE DE  L’EXPOSITION  « Splendeurs des Romanov »
VOYAGE AU CŒUR DE L’EXPOS L’EXPOSITION ITION

Section 1 : Le Couronnement des Romanov

Si depuis le XVIIIème siècle, la dynastie régnante des Romanov partage son temps
entre Saint-Pétersbourg élevé au rang de capitale de l’Empire Russe en 1712 par
Pierre le Grand et les résidences d’été des Tsars (Tsarskoïe Selo, Peterhof, Gatchina,Pavlosk et Oranienbaum), Moscou représente néanmoins l’étape originelle et incontournable, celle du couronnement des Souverains.
C’est pourquoi l’exposition ouvrira de manière majestueuse sur cette cérémonie du
sacre, avec la reconstitution de la Cathédrale de la Dormition sur la place du Kremlin
où tous les souverains sans exception ont été couronnés. Il est vrai que les cérémonies du sacre redonnaient à l’ancienne capitale le lustre dont l’avait dépossédé Saint- Pétersbourg.
Le visiteur revivra ainsi la procession religieuse avec tout son cérémonial et son décorum datant des XVIIè et XVIIIè siècles. Derrière le tsar symbolisé par les robes de couronnement issues des Collections du Musée du Kremlin, on reconnaît toutes les hautes personnalités du régime en costumes d’apparat en train de défiler vers l’iconostase.Sur les côtés, pièces de mobilier et icones étalent toujours plus de richesses. Au fond, domine l’impressionnante iconostase. Clou de la scène, cette cloison, de bois ou de pierre, qui dans les églises de rite byzantin, particulièrement orthodoxes, sépare le clergé célébrant des fidèles, symbolise la porte vers le monde divin. Restauré, cet ensemble de quatre rangées d’icones n’a jamais été montré en Occident.
Non loin de là, la sacristie renferme les objets de culte, véritable orfèvrerie religieuse,
les linges liturgiques ou encore les couronnes de mariage.

Section 2 : Les Splendeurs des Romanov
Dans cette salle circulaire prend place la galerie chronologique des portraits des
principaux souverains de la dynastie des Romanov, depuis Michel Ier (1613-1645)
jusqu’à Nicolas II (1895-1917).Au centre tournoie un kaléidoscope d’objets précieux symbolisant chacune des époques (porcelaines fabriquées à Moscou même, mobiliers, cristallerie moscovite aux armes des Tsars, services à café, flambeaux, robes brodées, trônes, médailles militaires et ordres de couronnement, imposant candélabre dit de la Tsarine créé par Baccarat en 1867).
Le vent de l’histoire balaie cette période de 300 ans, un véritable tourbillon renforcé par les effets de miroirs qui ornent le plafond. Il est intéressant de souligner la mise en exergue des fabrications artisanales moscovites au regard des grandes manufactures occidentales de l’époque.

Section 3 : Moscou, portrait d’une ville
Dans un accrochage épuré, donnant le sentiment de l’observer sous la neige, apparaît ici la ville de Moscou représentée par une trentaine de peintures et gravures provenant du Musée historique de Moscou. Cette section met en regard différentes vues de la cité, avant et après le grand
incendie de 1812 déclenché au moment de l’arrivée des soldats napoléoniens et qui
ravagea la quasi-totalité de la ville construite alors essentiellement en bois.
Avant : nous découvrons le travail du graveur Alexeiev qui dès 1801, à la demande
du Tsar Alexandre Ier, répertorie visuellement des quartiers de Moscou, tel qu’aurait
pu le réaliser un photographe.Après : d’après un travail de commandes auprès de peintres russes et étrangers, le graveur Datsiaro, qui avait également pignon sur rue Boulevard des Italiens à Paris,
entre en action à partir de 1840 et apporte ses témoignages visuels sur le renouveau
de Moscou.

Section 4 : Les Commandes impériales

Les fastes de la Cour sont traités au travers des commandes impériales et de
l’aristocratie russe dans le domaine de la bijouterie et de la joaillerie. Là encore,
l’accent est mis sur la prédominance d’une fabrication « made in Russia » et sur
l’évolution stylistique des grandes manufactures occidentales influencées par ce « goût russe » découvert lors des grandes Expositions internationales. L’utilisation de l’émail est particulièrement probante si l’on prend l’exemple des pendules créées par la Maison Cartier.
Comme Saint-Pétersbourg, Moscou était un grand centre de création qui abritait ses propres bijoutiers ou les filiales des plus importants fournisseurs de la cour impériale (Bolin, Fabergé, Tereshenko, Tschitscheleff…)
La plupart étaient établis sur Kouznetsky Most, une rue « pavée de diamants », centre du luxe moscovite. Leurs créations étaient souvent inspirées du passé national, un goût propre à Moscou, mais elles étaient également tournées vers les modèles occidentaux, capables de séduire une clientèle cosmopolite. La clientèle moscovite appréciant le goût français, est convoitée par les meilleurs créateurs parisiens. Dans un contexte historique favorable qui aboutira à l’alliance
franco-russe, une exposition commerciale française est organisée à Moscou en 1891.
Les bijoux et objets d’art des bijoutiers et joailliers parisiens tels Louis Aucoc, Frédéric Boucheron, Th. Bourdier, L. Coulon et Cie, Vever… suscitent l’enthousiasme et certains sont achetés par la famille impériale. Pour conquérir cette clientèle, Boucheron ouvre même une succursale à Moscou tandis que d’autres fabricants, à l’image de Cartier ou Chaumet, y envoient leur représentant et y exposent leurs œuvres.
Dans la vieille capitale de l’empire, les clients, issus de la Cour ou de l’aristocratie,
étaient les mêmes qu’à Saint-Pétersbourg. On rencontrait notamment à Moscou le
grand-duc Serge Alexandrovitch, gouverneur de la ville et son épouse, la grandeduchesse Elisabeth Feodorovna ou encore les Youssoupov, propriétaires de plusieurs résidences dans la région.
La grande-duchesse Wladimir ou la princesse Paley qui firent les beaux jours des
joailliers parisiens tels Boucheron ou Cartier, seront également évoquées dans cette
section.
Cette clientèle commune aux Russes et aux Français (Fabergé, Bolin, Boucheron,
Cartier, Chaumet…), formée au même goût, peut expliquer les parallèles de formes,
de styles et de techniques tel l’emploi des émaux guillochés ou de la néphrite, que l’on rencontre sur les créations de ces différentes maisons. Le noyau central de cette salle sera constitué par une incroyable exposition d’œufs de Pâques en joaillerie de Fabergé produits pour le compte des tsars Alexandre III et Nicolas II. A l’exception d’un exemplaire conservé dans les collections du Palais
Princier de Monaco, tous ces chefs d’œuvre proviendront d’une fabuleuse collection,
celle de Victor Vekselberg.
En février 2004, l’entrepreneur russe Victor Vekselberg achète la plus importante
collection privée d’Oeufs Impériaux de Pâques créée par Carl Fabergé, qui appartenait jusqu’alors aux descendants du milliardaire américain Malcom Forbes.
Cette collection, qui comprend neuf Oeufs Impériaux (dont 6 seront à Monaco) et près de 190 objets de la Maison Fabergé, fut exposée lors d’une vente Sotheby’s au risque de la voir se disséminer en plusieurs collections privées, si toutefois les enchères avaient eu lieu. La décision de Victor Vekselberg d’acquérir l’ensemble de la collection avant même que la vente ne commence reste en effet une grande première dans l’histoire de la maison Sotheby’s.
Ainsi, ces chefs-d’œuvre d’une valeur historique et culturelle inestimable retournèrent
en Russie où l’on pu les admirer.

Section 5 : Rouskii Style
Le style russe, apparu en 1850-60 prit sa forme définitive dans les années 1870. A
l’origine du style russe, de nombreux artistes remarquables tels que I. Zabiéline,
F.Solntsev, V.Stassov, I.Sakharov, V.Prokhorof, L.Dahl…
Aux XVIIIème et XIXème siècles, Saint-Pétersbourg était le centre artistique principal, mais cette situation changea dès la seconde moitié du XIXème siècle quand apparut à Moscou une culture artistique indépendante fondée sur l’étude de l’art russe ancien.
Malgré la tendance générale de cette période, la différence entre les écoles de Moscou et de Saint-Pétersbourg se fit sentir dans tous les aspects de l’art, y compris dans le travail de l’or et de l’argent. Pour Moscou, ce retour aux racines nationales faisait l’originalité et l’indépendance culturelle de l’ancienne capitale. Ce style russe fut accueilli par toutes les couches de la société, et gagna de nombreux amateurs et mécènes moscovites. Cela détermina le caractère national de l’Ecole de Moscou.
En 1870, le directeur du Musée de l’Ecole Impériale d’art industriel Stroganov,
Boutovski écrit dans son livre Sur l’application de l’éducation esthétique à l’industrie en Europe et en Russie en particulier : « … nos fabriques et métiers ne peuvent pas s’appuyer seulement sur les modèles et les dessins étrangers, voire sur des copies d’œuvres étrangères. Cet emprunt permanent fait notre faiblesse et est aux antipodes de nos conditions techniques… dans ce qui est notre propre bien national nous pouvons trouver des formes et des dessins originaux qui ne le cèdent pas en goût et en grâce aux occidentaux ».
La volonté de restaurer une ligne nationale de développement en se tournant vers
l’héritage russe d’avant Pierre Ier explique l’originalité stylistique de l’art à cette
période. Cette aspiration était bien entendu soutenue par le pouvoir tsariste,
notamment par les empereurs Alexandre III et Nicolas II.
Les orfèvres russes ont donc répondu à un besoin de la société russe d’un art national, on retrouvera l’utilisation de divers motifs comme des vues de villes, de monuments et de sujets historiques. On vit également apparaître différents objets comme des salières de la forme des salières paysannes, des kovch et des bratina avec des ornements du XVIIème siècle, ou des inscriptions de proverbes. Le porte-cigare imitant la moufle populaire en peau s’est également répandu. Ainsi l’art et la vie du peuple devenaient les sujets du décor de l’orfèvrerie russe.
La redécouverte du passé russe et l’émergence de ce style russe sont traitées dans
cette section de l’exposition à travers des objets d’Art : vase en cristal en forme de
kovch, Samovar de Serguei Alexandrovitch, service de table en dorure ciselé de
Constantin Alexandrovitch, coupes d’argent aux motifs russes, etc.

Section 6 : L’école russe des Peintres ambulants
Cette salle fait la part belle à la peinture russe qui trouve également au sein de la capitale un terrain privilégié pour s’exprimer.Des groupes d’artistes indépendants – en dehors du système académique – basés à Moscou constitueront de véritables écoles : « Les Ambulants », « Le Valet de carreau », «La Toison d’or », autant de groupes et d’écoles essentiels à la compréhension de l’art moderne.
L’école représentative des peintres Ambulants ou Itinérants est le terme donné au mouvement réaliste apparu en Russie en 1863 et qui exista jusqu'aux années 1890, en réaction contre l'enseignement, les sujets et les méthodes de l'Académie des beauxarts de Saint-Pétersbourg. Les expositions itinérantes dans les grandes villes russes avaient aussi un but pédagogique, et la volonté de rendre l'art plus accessible à un vaste public. Les peintres ambulants pratiquaient essentiellement une peinture de genre à caractère social et historique : le portrait, le paysage russe et peu de natures mortes. Contemporain des Herzen, Tchernychevski, Tourgueniev, Dostoïevski, Tolstoï, les Ambulants s'intéressèrent à la condition du peuple russe et mirent en évidence les inégalités criantes à l'époque. Les plus radicaux d'entre eux développèrent ensuite ce qui fut connu sous le nom de réalisme critique.

Section 7 : le Destin des Romanov

Cette section nous invite à entrer dans l’intimité du dernier des Romanov ; le Tsar
Nicolas II. Au travers d’un incroyable fond photographique, le public découvre non
sans émotion la vie de famille de Nicolas II avec son épouse Alexandra Feodorovna et leurs cinq enfants, le tsarévitch Alexis Nikolaïevitch et quatre filles, Olga, Tatiana,
Marie et Anastasia. Des extraits de films issus des Archives fédérales de Moscou
viennent compléter ce tableau de famille rendu des plus vivants par la magie du
cinéma... Surgissant de ces images fortes car puisées dans une réalité quotidienne, des objets
emblématiques viennent ponctuer cette découverte, rendant la force de l’histoire
presque palpable : le dernier cadeau d’Alexandra à Nicolas –l’Evangile de Marfa, la
mère de Michel, Premier des Romanov ! L’emblématique robe blanche d’Alexandra, le costume militaire de Nicolas II, le service de verres Baccarat créé spécialement par la cristallerie française pour Nicolas II…Des objets en relief qui donneraient presque une lecture en 3D de ces images
d’époque !

Section 8 : Epilogue de l’exposition avec l’Avant l’Avant-Garde russe
Un changement d’époque se profile, l’histoire est en marche sur le plan politique,
social et économique. Dans le domaine des arts, à Saint-Pétersbourg, le mouvement
de Mir Iskousstva réunit un groupe d’intellectuels à culture européenne, plus
particulièrement française. Après la dissolution du groupe, c’est la revue la Toison d’or qui prend le relais, mais cette fois-ci à Moscou. C’est dans cette revue qu’est publiée une présentation exceptionnelle de l’œuvre de Matisse. Le groupe de la Rose Bleue, héritier de l’influence de Vroubel et de Borissov-Moussatov organise sa première exposition en 1907 chez Paul Kouznetsov à Moscou et c’est encore la Toison d’Or qui rend compte de son activité et qui, l’année suivante, confronte l’art russe et l’art français dans une exposition ou voisinent Larionov, Gontcharova, Braque, Matisse, Vlaminck. Les années suivantes voient l’apparition d’une école russe dont Moscou est le centre. Dès la fin de l’année 1910 se trouvent réunis, dans le cadre de l’exposition restée fameuse du Valet de carreau, tous les artistes regroupés aujourd’hui sous le nom d’avant-garde.

INFORMATIONS PRATIQUES
L’exposition « Moscou : Splendeurs des Romanov » produite par le Grimaldi Forum
Monaco bénéficie du soutien de la Compagnie Monégasque de Banque (CMB).
Commissariat : Brigitte de Montclos
Commiss Commissariat riat adjoint section bijoux : Wilfried Zeisler
Scénographie : François Payet
Lieu : Espace Ravel du Grimaldi Forum Monaco
10, avenue Princesse Grace - 98000 Monaco
Site Internet : www.grimaldiforum.mc
Dates : du 11 juillet au 13 septembre 2009
Horaires :
Ouverte tous les jours de 10h00 à 20h00

Rédigé par Xenia Krivochéine le 25 Juin 2009 à 10:33 | 6 commentaires | Permalien



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