SAINT NICOLAS DANS L’AUTOBUS - 1965
Un jour du mois de Février 1965, un autobus rempli de voyageurs se rendait à la ville la plus proche. Le voisin immédiat du conducteur était un vieillard, grand et solide, d’environ soixante-quinze ans, à la barbe blanche. Il portait un chaud manteau à col de fourrure et un bonnet à oreillettes.

L’autobus avançait lentement car la neige tombait. Arrivé à un tournant de la route, ses chaînes arrière cassèrent. L’autobus freina et faillit s’écraser contre un autre autobus plein de monde, tout cela en l’espace d’un éclair. Notre conducteur perdit le contrôle de sa machine ; tous les cœurs frémirent. Les deux autobus s’arrêtèrent à un centimètre l’un de l’autre.

Le vieillard fît alors un signe de croix en s’écriant : «Gloire à Toi, Seigneur, gloire à Toi ! Que Ton nom soit béni, о sainte Mère de Dieu, Toi qui nous as sauvés !»...

SAINT NICOLAS DANS L’AUTOBUS - 1965
Quelques minutes plus tard, l’autre autobus repartait tandis que notre conducteur et son aide descendaient remettre les chaînes.

Un jeune homme commença alors, en souriant, à parler au vieillard. «Pardonnez-moi grand-père, mais je n’ai pu m’empêcher de rire lorsque je vous ai entendu invoquer des forces célestes inexistantes et que je vous ai vu faire votre signe de croix ! Habitude, évidemment ! Seconde nature ! Et je vois cependant que vous êtes un homme instruit. Mais, actuellement, en cette année 1965, c’est vraiment absurde !»

Le vieillard, sans paraître aucunement troublé, reprit la parole :
«C’est avec plaisir que je vous répondrai, jeune camarade, et je suis même prêt, si vous le désirez, à faire mon autocritique...»

«D’ou savez-vous ce que je pense ? Nous sommes tous, en quelque sorte, des simulateurs. Nous prétendons tous être des athées, des membres dévoués du Parti, de profonds connaisseurs du marxisme et de bien d’autres choses encore, mais il arrive un moment où l’homme authentique qui est caché en nous se dévoile. C’est justement ce qui vient de se produire.

De la place que vous occupez, vous ne pouviez pas voir ce qui se passait derrière vous, mais moi, assis de côté, j’ai vu au moins huit ou dix personnes faire le signe de croix.
Il y a quelque chose qu’on ne pourra jamais couper de sa racine car ce serait comme si on arrachait nos entrailles.
C’est ainsi que tous, nous tombons chaque jour dans la «faute» qui consiste en ce que, nous rappelant qu’il existe une certaine force mystérieuse, puissante et bonne, nous prétendons ne pas la connaître».

- «Avec moi, rien de tel ne m’arrivera jamais !» dit le jeune homme.

SAINT NICOLAS DANS L’AUTOBUS - 1965
Le vieillard se mit à rire et continua : «Permettez-moi de vous prouver que vous vous trompez, cher camarade. Vous venez de dire qu’un tel comportement est tout à fait absurde en 1965. Qu'est-ce qui vous fait dire qu’il s ’est passé 1965 ans depuis la naissance de Jésus-Christ, le Sauveur du monde ? »

- «C’est, reprit le jeune homme un peu embarrassé, le souvenir d’un mauvais passé révolu et qu’il faut définitivement rayer. De la façon dont vous parlez, on croirait que vous voulez nous persuader que les miracles existent !»

- Le vieil homme se tut un instant, puis il reprit : «Oui ! mon cher ami, il existe des miracles de Dieu, auxquels vous serez vous-même obligé de croire, ainsi que tous ceux qui sont ici, mais quand vous aurez vu, vous serez obligés de garder le silence, car si vous parliez, vous risqueriez d’être envoyé dans une clinique psychiatrique».

L’autobus arriva sur la route principale. L’enneigement cessa et le conducteur put donner de la vitesse. A ce moment précis, les voyageurs qui regardaient le vieillard et qui l’écoutaient ne le virent plus. Sa place était vide...

Deux ou trois des compagnons les plus proches du jeune homme firent alors le signe de la croix en disant : «Saint ! Saint ! Saint ! est le Seigneur tout-puissant !» L’un d’eux se tourna vers les voyageurs de l’arrière en criant : «Comprenez-vous maintenant qui nous a sauvés de la collision ? C’est ce grand-père à la barbe blanche, le protecteur de notre peuple, Saint Nicolas !»

- «Je ne sais pas ce que nous allons faire, camarades, dit encore un autre, mais partout où j’irai, je raconterai ce miracle de Saint Nicolas. On peut me jeter dans un asile d’aliénés si l’on veut. Je vous ai tous comme témoins et surtout vous, camarade». Le jeune communiste se cacha la figure dans les mains pendant un long moment.

SAINT NICOLAS DANS L’AUTOBUS - 1965
Deux heures plus tard, l’autobus s’arrêtait. Tous les passagers descendirent pour boire du thé chaud. Le jeune communiste, très ému, s’approcha de quelques-uns de ses compagnons de route pour leur demander leur adresse et pour leur donner la sienne. Les autres passagers firent de même.

«Savez-vous ce que je vous propose» dit une jeune femme «ne perdons pas contact entre nous. Ce que nous avons vu et entendu de nos propres oreilles est un grand événement. Que peut-il annoncer ? A coup sûr quelque chose de bon puisque ce vieux grand-père était le protecteur de notre peuple».

Le miracle raconté ici a été relaté par écrit par un témoin oculaire. «Je ne peux rien écrire de plus, ajouta-t-il, car je suis submergé par l’émotion et je pleure. J’étais aussi dans l’autobus».

"Les nouveaux martyrs de la terre russe", éditions Résiac, archiprêtre Michel Polsky, 1976
Lire aussi Le couvent de femmes de Pokrov dans les années trente du XX siècle
et La croix de la grand-mère – Moscou 1965

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 23 Décembre 2017 à 20:30 | 0 commentaire | Permalien



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