Une journée  dans le monde de Saint Jean Chrysostome
Par le père Jean Valentin Istrati (prêtre roumain)

Tout autour de nous est en changement constant : la vie, la mort, le passé, le vieillissement, tout ce que nous vivons est en mutation. Les personnes deviennent peu à peu ce qu’étaient leurs parents. Les enfants grandissent, puis se transforment en adultes. Vient un jour où l’on quitte ce monde. Il en a toujours été ainsi, depuis que l’univers est ce qu’il est. Ces mutations influencent nos modes de vie, cet éternel kaléidoscope nous est douloureux, s’emploie à altérer nos âmes immortelles, y projette les ombres du non être.

Essayons de nous imaginer ce que pouvait être une journée de travail dans le monde où vivait Saint Jean Chrysostome. La somme de ses écrits dépasse en volume ce que seraient aptes à rédiger une dizaine de personnes. Il ne faut pas moins d’une éternité pour assimiler son œuvre. Le saint vivait dans un monde où les bruits mécaniques étaient inexistants, pas de lumières électriques, de télévision, d’internet, de téléphonie mobile, de trains, de klaxons…. Seule les rayons d’un lumignon solitaire fixé au dessus d’un tome volumineux des Ecritures relié de cuir de mouton. Les seuls bruits qu’on entendait étaient le cliquetis des sabots d’un cheval sur les pavés.


C’était un monde « sans fil », ignorant les signaux sonores mécaniques mais saturé de sons pleins de grâce, du bourdonnement des abeilles, du chant des oiseaux, et du scintillement des étoiles.

La journée de Saint Jean commençait très tôt ce n’était pas avec la sonnerie du réveil mais avec le chant du coq. Dans ce monde la divine liturgie était chantée sur des tons lents et rassérénant, sans micros et amplis. Je me souviens du saint starets Dionysos qui, au Mont Athos, me racontait en chuchotant que lorsque le grand Nectaire chantait le psautier un puissant flux d’air se formait engendré par son souffle ainsi que par la sonorité qu’il émettait. Un véritable vent saturé de la mélodieuse harmonie byzantine. On disait de ce chant qu’il était à même de faire revenir à la vie les reliques des saints de l’Athos.

Mais revenons en à une journée dans la vie de Saint Jean Chrysostome.

Après avoir communié des dons célestes quelques milliers d’affamés se rassasiaient des dons recueillis grâce aux virulentes homélies du grand antiochien. La journée se prolongeait dans l’étude des textes, par l’écriture et la glose, les destinataires des missives qu’il rédigeait habitaient les régions les plus diverses de l’Empire. La rapidité du courrier étant ce qu’elle était ces lettres étaient lues un an après leurs envoi, au plus tôt. Il y avait aussi les entretiens avec les prêtres du diocèse, d’abondantes prières, la lecture du bréviaire quotidien selon la règle monastique. Puis, l’obscurité venue, à la lumière d’une bougie la lecture et le sommeil, sur un banc ou un châlit en bois.

Les pièces séparées n’existaient pas. Il y avait un grand local destiné à un usage commun et qui servait en même temps de chambre de vie, de cuisine et de dortoir. C’était une vie en communauté où l’on partageait tout, l’écuelle, le manger, les cris des enfants au milieu de la nuit. Les moines vivaient cependant seuls dans des cellules remplies de la lumière de la prière et de l’humilité.

Il est évidemment possible de recréer de nos jours cette atmosphère si particulière de renoncement au monde. Mais seulement dans une certaine mesure. En allant pour une période de temps vivre dans un monastère éloigné nous nous immergeons dans sa mystique de prière et de sérénité. Mais il faudra bien réintégrer le tumulte de la ville. C’est une expérience que j’ai faite. J’ai passé deux mois d’été dans la Sainte Montagne. Et j’ai du reprendre mes itinéraires terrestres, aller jusqu’à Thessalonique. Assourdi par des bruits terribles. Auditeur involontaire de verbiages privés de sens dont les locuteurs voulaient assourdir leurs solitudes. Les gens autour de moi clamaient leur non être. Avant que je m’y réaccoutume ces jacassements m’ont infligés plusieurs jours de migraines incessantes. Le XXI siècle est celui des bruits futiles…

Décider de revenir à une existence authentique ne signifie pas court-circuiter les liaisons technologiques mises en place par l’humanité moderne. Il nous faut pour ressentir l’infini amour que nous porte Dieu prêter l’oreille à la voix de la terre, aller le plus souvent possible à la campagne comme le conseillait Saint Païssios l’Athonite. Il nous faut pour consolider les assises de nos âmes revenir à l’ancienne tradition.

Traduction Nikita KRIVOCHEINE
Pravoslavie.ru

"Parlons d'orthodoxie" père Jean Valentin

Rédigé par Nikita Krivocheine le 28 Octobre 2013 à 06:29 | 1 commentaire | Permalien



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