l’archiprêtre Georges Mitrofanov: "La Renaissance n’a pas eu lieu"
L’archiprêtre Georges Mitrofanov, Académie de théologie de Saint Pétersbourg
Traduction Nikita Krivocheine

Il va sans dire que les médias russes ne bénéficient pas ces dernières années d’une liberté sans limites. Et cependant on ne saurait parler d’une ample campagne anti-ecclésiale. Nous constatons un phénomène d’une autre nature. La société avait placé dans les années 1980-1990 tous ses espoirs dans le renouveau de l’Eglise. De larges couches de la société nourrissaient sincèrement, ou parfois non sans une sorte de malice, à l’égard de l’Eglise des espoirs manifestement hypertrophiés. De son coté l’Eglise avait à l’égard de la société des attentes souvent irréelles. Nous étions tous en quelque sorte dans l’illusion en nous disants que l’Eglise, partout dans le pays, connaissait une renaissance de grande ampleur. Nous nous disions que 70 ans de régime athée n’étaient qu’une parenthèse dans notre histoire.

Mais la Renaissance n’a pas eu lieu. Force nous est aujourd’hui de constater qu’entre l’Eglise et la société il y a une forte aliénation. Il y a également des rapports, pour certaines choses du moins, aliénation dans les relations entre l’Eglise et l’Etat. Les médias reflètent généreusement cet état de chose.

Lorsqu’il s’avère que l’Eglise doit faire face à des problèmes dont sont en partie responsables ses représentants et, pour une autre part, le poids du passé un désir mesquin se manifeste de mettre en évidence les zones d’ombre de la vie ecclésiale. Cette déception réciproque entraîne, à mon grand regret, laisse apparaître un état d’esprit d’acharnement et de distanciation délibérés.

L’opération « Pussy Riots » est précisément un exemple de réaction inadéquate de certains groupes sociaux envers leur propre déception à l’égard de l’Eglise ! Les porte-parole officiels de l’Eglise se sont prononcés pour une condamnation de ces donzelles à une peine avec sursis. Il serait en effet absurde, voire immoral, de leur infliger une peine de prison ferme. D’autre part l’Eglise, sujette pendant 70 ans, à des brimades de toute sorte ne peut se permettre de faire semblant que rien ne s’est passé.

Rien de surprenant dans tout cela au regard de mon expérience de prêtre et d’historien de l’Eglise. Tout ce qui était latent depuis le milieu des années 1990 s’est révélé au grand jour : la Russie, l’un des pays déchristianisés du monde, sa reécclésialisation toute en surface n’est certes pas suffisante. Notre Eglise reste, hélas, l’Eglise d’une minorité. La mise en place d’associations religieuses n’a pas apporté de résultats tangibles. Nous sommes environnés par des groupes socio-religieux relevant de la marginalité. La cause n’en est pas exclusivement dans notre passé communiste.

Souvenons-nous de l’écclésialisation lacunaire de la société avant 1917. De nos jours ces tendances ont refait surface alors que l’Eglise a pu reprendre ses activités. Il ne s’en suit nullement qu’il conviendrait de revenir à une posture de passivité et de se contenter de satisfaire la demande religieuse rudimentaire des philistins postsoviétiques déboussolés. Il nous faut rester offensifs tout en étant conscients des résistances auxquelles nous allons devoir faire face. Ce n’est pas l’assistance de l’Etat qui permettra à l’Eglise de s’enraciner dans la société mais sa propre volonté et son propre travail.
Nous devons nous appuyer sur nos fidèles les plus actifs. Les publications critiques qui déferlent dans les médias ne doivent pas être nous un objet de soucis : des épreuves bien plus réelles nous attendent.

"Ogoniok"
..................................
"Parlons d'orthodoxie"
Un nouveau livre de l’archiprêtre Gueorguy Mitrofanov: 29 Résultats pour votre recherche

Rédigé par Nikita Krivocheine le 5 Juillet 2012 à 10:33 | 1 commentaire | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile