Vladimir GOLOVANOW

Une analyse ecclésiologique

Malgré l'absence d'explications officielles, les différentes déclarations des représentants autorisés de l'Archevêché au sujet de Nice nous amènent à poser la question de son statut canonique. En effet, le père Jean, recteur en titre, a dit et répété qu'il ne donnerait les clés que sur instruction de son évêque. Les clés ont été données, donc il y a eu instruction… Mgr Gabriel avait annoncé, en particulier lors de sa rencontre avec Mgr Nestor (1) , "qu’il attendait la lettre du patriarcat de Constantinople à ce sujet. Avant d'avoir reçu celle-ci, il ne peut entreprendre aucune action." Une instruction de Constantinople est donc bien arrivée et, dans son message de vœux, Mgr Gabriel (2) a qualifié cela de "passivité du Patriarcat Œcuménique". Nous pouvons donc en conclure que le Saint Trône avait donné instruction de transmettre les clés au représentant de l'Eglise russe, ce qui revient à transférer la paroisse, ce qui allait bien évidement à l'encontre des vœux de Mgr Gabriel. (3)
Comment cela se peut-il alors que les canons, souvent rappelés, précisent bien que seul l'évêque titulaire peut prendre ce genre de décision puisque aucun évêque, fut-il le premier, ne peut interférer dans les affaires d'un autre diocèse que le sien? Pour moi cela revient à poser le statut canonique de cet "Archevêché" et de son évêque.

Le "Bref historique" (4) que donne l'Archevêché lui-même sur son site nous fournit en fait la réponse: " L’Archevêché est le successeur légal et le continuateur direct de l’Administration provisoire des paroisses russes en Europe occidentale" fondée par le saint patriarche Tikhon de Moscou et confiée à l’Archevêque Euloge (décrets du 8 avril 1921, n° 423 & 424) avec l’accord du saint Métropolite Benjamin de Pétrograd qui jusqu’alors exerçait la juridiction sur les institutions religieuses de l’Église orthodoxe russe en Europe occidentale (lettre datée du 21 juin 1921), puis remplacée par un "Exarchat orthodoxe russe temporaire du saint Trône apostolique et patriarcal de Constantinople en Europe occidentale" ouvert à titre provisoire par le patriarche œcuménique Photios II (charte du 17 février 1931) à la demande du Métropolite Euloge." (5)

J'ai mis en gras ce qui me semble important: l'Archevêché n'a jamais été un diocèse mais, comme le précise le tomos patriarcal de 1999, "constitue un organisme ecclésial unifié, dépendant canoniquement et de manière immédiate du Trône Œcuménique". Et Mgr Gabriel n'en est pas l'évêque titulaire, comme l'indique bien son titre d'évêque de Comane. L'Archevêché dépend donc "canoniquement et de manière immédiate du Trône Œcuménique", qui peut à bon droit prendre toute décision le concernant et, en particulier, transférer une de ses paroisses au patriarcat de Moscou.
Voilà, me semble-t-il, l'explication des fondements ecclésiologiques de la solution de Nice et du mécontentement contre Constantinople qui transparait dans le message de vœux de Mgr Gabriel.

Des indications pour la suite?

L'invitation "à resserrer les rangs", venant immédiatement après la dénonciation de "la passivité du Patriarcat Œcuménique" (ibidem) peut amener à penser que le patriarcat de Constantinople entreprend d'autres démarches pour normaliser cette situation "provisoire" qui dure depuis 80 ans. En effet, cet exarchat sans territoire vient empiéter sur l'organisation des métropoles de Constantinople en Europe occidentale; Mgr Gabriel "doublonne" avec les métropolites en place dans plusieurs pays ce qui, en particulier, n'est pas prévu par l'organisation des Assemblées épiscopales telles mises en place par Chambésy IV (6) : le "Comité Exécutif" (art 3) devrait être composé des évêques "principaux" ("Primatial" dans le texte anglais) de chaque Église canonique de la région, Mgr Gabriel en serait donc exclu (tout comme Mgr Michel de Genève et Mgr Marc, évêque vicaire de la métropole roumaine)

Nous somme plusieurs à avoir "entendu parler" l'été dernier d'un projet visant (7) à rattacher le «doyenné de Grande Bretagne et d’Irlande» à l'archevêque de Thyatire et Grande Bretagne (archevêché grec couvrant les iles britanniques) et l'appel à "constituer des passerelles" du message envoyé par le patriarche Bartholomé (8) à l'occasion 150ème Anniversaire de la Cathédrale Saint Alexandre Nevski ne serait-il pas une invitation à suivre l'exemple de la cathédrale de Nice? Nous aurions alors une clarification entre ceux qui veulent rester dans l'Eglise russe, appelés à rejoindre les diocèses du patriarcat de Moscou dans chaque pays, et ceux qui préfèrent Constantinople, qui rejoindraient les métropoles grecques…

Attention! Ce sont là plutôt des supputations que des déductions… mais je pense que cette clarification constituerait une bonne étape à partir de laquelle il serait plus simple d'envisager la construction d'une Eglise locale sur la base et en accord avec les différentes Eglise-mères.

Notes

(1) Mgr Nestor
(2) message de vœux, Mgr Gabriel
(3) Déclaration de Mgr Gabriel
(4) Le "Bref historique"
(5) Métropolite Euloge
(6) Chambésy IV
(7) «doyenné de Grande Bretagne et d’Irlande»
(8) le patriarche Bartholomé



Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 16 Janvier 2012 à 20:11 | 20 commentaires | Permalien



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