Antoine Sfeir ( journaliste et professeur franco-libanais de confession chrétienne)

La Russie veut soutenir les chrétiens d’Orient dans leur ensemble, catholiques et orthodoxes réunis, devant ce qui semble être une posture incertaine de l’Église catholique. En effet, le patriarche d’Antioche et de tout l’Orient maronite, en tentant de donner du temps au régime syrien de Bachar el Assad, s’est fait attaquer par toutes les chancelleries occidentales, et notamment par le président français Nicolas Sarkozy lui-même.
Il n’a pas reçu de véritable soutien du Vatican. La position du Vatican s’explique par beaucoup d’hésitations. Certains sont plutôt pour un engagement ferme des chrétiens d’Orient, de plus en plus de laïques devant l’attitude frileuse du Vatican, d’autres arguent qu’il est impossible de secourir le monde entier… Benoît XVI a évoqué ce sujet à plusieurs reprises, il était dans son rôle et n’a pas été repris par les médias.

Moscou a voulu s’insérer dans la brèche, sachant que les chrétiens de Syrie craignent la chute du régime et l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans à l’instar de ce qui s’est passé en Libye et qui pourrait également arriver en Tunisie. Malgré le fait qu’un dirigeant historique de l’opposition syrienne Michel Kilo soit lui-même chrétien, l’atomisation des partis d’opposition laïques en Syrie rend en effet les Frères musulmans maîtres du terrain.

Mais la Russie n’a pas attendu les événements de Syrie pour faire de la chrétienté d’Orient en général, et de l’orthodoxie en particulier, une diplomatie parallèle.

Forts d’une communauté orthodoxe grecque majoritaire parmi les chrétiens en Syrie, et également fortement présente au Liban (13% environ), les Russes avaient déjà entamé depuis le début du troisième millénaire une approche communautaire de ces populations. Leur importance n’est pas à négliger, puisqu’il s’agit des notables des grandes îles du Proche-Orient, qui détiennent une bonne partie du pouvoir économique. De plus, la Russie a maintenu des contacts étroits avec les orthodoxes émigrés sous prétexte de judaïté en Israël. Ils disposent d’ailleurs d’une télévision ainsi que de deux quotidiens à Ashdod. Les Russes ont également des relations très étroites avec des orthodoxes grecs, naturellement, mais également chypriotes
A travers cette diplomatie parallèle, Moscou a réussi, en une décennie, à se réimplanter en Méditerranée orientale.

De plus, l’existence d’une poche de gaz importante au large de la Palestine, d’Israël et du Liban, donne également l’occasion à la Russie, et particulièrement à son bras économique Gazprom, de s’installer durablement, à travers ses réseaux et ses contacts, dans cette partie du monde.
Pour toutes ces raisons, et également parce que le siège du patriarcat grec orthodoxe, d’Antioche et de tout l’Orient, se trouve à Damas, les Russes estiment qu’ils sont incontournables dans la défense des chrétiens d’Orient, d’autant que l’Occident, et notamment la France, à laquelle était naturellement dévolue ce rôle, semble y avoir renoncé : la France a libéré la Libye de Kadhafi pour la livrer au chaos tribal et régional, en défendant la population de Benghazi, mais en laissant massacrer celle de Syrte, laissant le chemin libre à l’Islamisme.
Le départ du régime Assad, haï dans toute la région, entraînerait par ailleurs une communautarisation de la Syrie, ce qui ne manquerait pas d’avoir des conséquences directes au Liban, où la partition du pays des cèdres serait institutionnalisée.

A telle enseigne que la visite de l’ambassadeur de France aux communautés chrétiennes de Syrie s’est faite sous les drapeaux russes, ce qui montre à quel point la peur des chrétiens est réelle, et à quel point surtout ils sont prêts à tendre la main à quiconque prétend les protéger.... SUITE Atlantico

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 21 Novembre 2011 à 17:00 | 5 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Daniel le 21/11/2011 19:09
Historiquement, la France soutenait les chrétiens CATHOLIQUES. Historiquement car pendant la Guerre du Liban, la France les a lâchés préférant ses accointances avec les soi-disant pelestino-progressistes et laissant au final le Liban à la Syrie. Je renvoie à "Une Croix sur le Liban" de Jean-Pierre Péroncel Hugoz

2.Posté par T. Schakhovskoy le 21/11/2011 23:12
"des contacts étroits avec les orthodoxes émigrés sous prétexte de judaïté en Israël. " - qu'est-ce que cela veut dire ? Ils sont orthodoxes ou israélites ? S'ils sont orthodoxes, pourquoi leur "judaïté" les aurait-elle obligés à s'installer en Israël ?
Cher Vladimir, je ne sais pas si ce texte est de vous, mais je n'y retrouve pas votre clarté de langage habituelle. Merci de bien vouloir me préciser ce point plutôt obscur.

3.Posté par Daniel le 22/11/2011 14:46
Je pense que les personnes sont émigrés sous prétexte de judaïté. La judaïté a permis d'obtenir l'immigration en Israël sachant que ces personnes n'étaient pas juives d'un point de vue religieux. Il existe ainsi une paroisse orthodoxe où l'on célèbre en hébreu, pour des immigrés russes... Cela n'est pas propre aux Russes : beaucoup de falachas, juifs éthiopiens, n'étaient plus juifs mais chétiens avec des ancêtres juifs. Ils ont pu s'installer en Israël...

4.Posté par Marie Genko le 22/11/2011 17:48
Pour mieux mesurer la dramatique extinction du christianisme d'Orient, je ne peux que vous recommander la lecture d'un livre qui retrace le voyage, fait en 1994, d'un écossais sur les pas du moine Jean Moschos, ce dernier ayant vécu au VIèe siècle.

Ce qui se joue en Syrie aujourd'hui c'est peut être le dernier acte de la tragédie de la chute de l'empire byzantin!

Voici quelques extraits de ce qu’écrit William Dalrymple dans son livre :

Dans l’Ombre de Byzance, sur les traces des chrétiens d’Orient, éditions Libretto

Au bout de deux heures, nous sommes arrivés à Homs.
A l’époque de Jean Moschos la ville s’appelait Emèse et abritait des personnages aussi variés que Romanos le mélode et saint Syméon le fol …………………………………………………………………………………………………………….....…….J’ai résolu, au lieu d’y passer la nuit, de pousser jusqu’au couvent de Seidnaya, le plus important des trois monastères byzantins qui fonctionnent encore en Syrie de nos jours…………………………………..
………………………………………………………………………………
Il est facile aujourd’hui de se représenter l’Occident comme le berceau de la liberté de pensée et de culte, en oubliant que tout récemment encore, au XVIIIème siècle, les huguenots fuyant les persécutions dressaient un portrait élogieux de la tolérance religieuse prônée dans tout l’empire ottoman – tolérance qui permit à cet empire d’accueillir des centaines de milliers de Juifs sans le sou, chassés d’Espagne et du Portugal par le fanatisme des rois catholiques, et de protéger les chrétiens d’Orient sur leur terre natale malgré les croisades et l’hostilité continuelle des chrétiens occidentaux. C’est seulement au XXème siècle que cette ouverture d’esprit traditionnelle a disparu devant le durcissement de l’affirmation islamique.
Et il y a peu de temps finalement que le syncrétisme de Cyr et de Seidnaya passe pour une rareté.
…………………………………………………………………………………. ;
A la fin des vêpres, les fidèles sont sortis en silence ; je suis resté seul avec mon sac à dos au fond de l’église. C’est alors qu’une jeune religieuse en balaclava noir est venue me trouver……………………………………………………….
……………………………………….Sœur Tecla avait des yeux noirs respirant l’intelligence, un regard audacieux et confiant ; elle parlait couramment l’anglais avec un léger accent français. Elle a voulu savoir d’où je venais ; après l’avoir renseignée, j’ai fait une remarque sur le nombre de musulmans présents dans l’assemblée en demandant si c’était la règle.
« Ils viennent demander des enfants, m’a-t-elle informé tout simplement. Notre Dame a fait preuve de son pouvoir en guérissant beaucoup de musulmans. Ils en ont parlé autour d’eux, et maintenant nous en avons plus que de chrétiens. S’ils font appel à elle, elle sera là pour eux. »
Un couple de musulmans est venu nous rejoindre. La femme était voilée – seule sa bouche était visible entre les plis de tissus noir – et lemari, un costaud barbu sans moustaches, ressemblait de manière frappante aux rebelles du Hezbollah qu’on voyait dans les reportages sur le Sud-Liban. Quelles que fussent ses opinions politiques, il tenait dans une main un lourd bidon d’huile d’olive et dans l’autre une grande cuvette en plastique pleine de pains frais ; il remit le tout à la moniale en baissant la tête comme un écolier timide, avant de battre en retraite d’un air gêné.
« Ils viennent le soir a poursuivi la religieuse. Ils font un vœux, puis les femmes restent passer la nuit ici. Elles dorment sur une couverture devant la sainte icône de Notre Dame peinte par Saint Luc. Parfois elles mangent la mèche de la lampe qui a brûlé devant l’icône, ou bien elles boivent l’huile sacrée. Le lendemain matin elles boivent à la fontaine de la cour. Et neuf mois plus tard, elles mettent un enfant au monde.
Extrait des pages 241, 242, 243,244,245 et 246

5.Posté par Rome: Le Saint-Siège dénonce le martyre des chrétiens d’Orient le 01/03/2012 15:10
La Congrégation pour les Eglises orientales, dans une lettre adressée aux évêques du monde entier en vue de la collecte ’Pro Terra Sancta’, souligne les hostilités dont sont victimes, chaque jour, les chrétiens d’Orient. Le message, publié le 1er mars 2012, évoque le martyre des disciples du Christ au Moyen-Orient.

Le cardinal Leonardo Sandri et Mgr Cyril Vasil, signataires de la lettre publiée en vue de la quête du Vendredi saint, rappellent aux évêques du monde entier "la requête pressante du pape Benoît XVI à soutenir généreusement la mission de l’Eglise dans les Lieux Saints".

Le préfet et le secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales évoquent aussi les souffrances du Moyen-Orient. "Pour les disciples du Christ, les hostilités sont le pain quotidien qui nourrit

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