A la suite de la récente rencontre le 7 octobre au Mont Athos du patriarche de Constantinople avec le Président ukrainien Yanoukovitch nous publions une très intéressante analyse de la situation en Ukraine et les relations entre le Vatican et l’Eglise orthodoxe russe telles que vues par un auteur greco-catholique.

L'Ukraine sert d'arbitre entre le pape et le patriarche de Moscou

Dans la pratique, toutefois, il y a un obstacle qui entrave encore les relations entre Rome et Moscou et qui empêche le pape et le patriarche russe de se rencontrer. Rencontre qui n’a jamais eu lieu au cours de l’histoire mais que Benoît XVI et Kirill Ier désirent tous les deux de tout leur cœur.Cet obstacle, c’est l'Ukraine!

Pour les Russes, l’Ukraine est la terre natale. La Russie est née à Kiev, il y a plus d’un millénaire, de la principauté viking des Rus’, et c’est là qu’elle s’est convertie au christianisme ; c’est là que se trouvent encore les archétypes de sa foi, de son art, de sa liturgie, de son monachisme ; c’est là qu’elle puise beaucoup de ses vocations et une part importante de ses ressources économiques.

C’est la chute du mur de Berlin, en 1989, qui a permis à l’Église gréco-catholique ukrainienne de sortir en masse des catacombes, évêques, prêtres et fidèles. Et elle a immédiatement réclamé à l’Église orthodoxe la restitution d’églises et de maisons. Dans certains cas, peu nombreux, la restitution a eu lieu de manière pacifique. Mais, en beaucoup d’endroits, on en est arrivé au conflit physique, avec des occupations et des expulsions violentes. Un conflit qui, à l’heure actuelle, n’est que partiellement réglé.
Les catholiques furent galvanisés par le pape Jean-Paul II qui se rendit en Ukraine en 2001 et canonisa 27 martyrs du régime communiste, dont l’un avait été jeté dans de l'eau bouillante jusqu’à ce que mort s’ensuive, un autre crucifié en prison et un troisième emmuré vivant.

Parmi ces décisions, aucune ne pouvait provoquer plus de haine et d’inquiétude que l’élévation de l’Église gréco-catholique ukrainienne au rang de patriarcat, avec siège à Kiev. En effet rien n’est plus intolérable pour l'ecclésiologie russe qu’un patriarcat "romain" devenant un rival sur un territoire où existe déjà un patriarcat orthodoxe. À plus forte raison lorsqu’il y a déjà le patriarcat de Moscou qui, depuis le XVIe siècle, se donne le titre de "troisième Rome".

À la fin de 2003, l’élévation de l’Église gréco-catholique ukrainienne au rang de patriarcat paraît presque réalisée. Le successeur de Slipyj, l'archevêque majeur et cardinal Lubomyr Husar, part s’installer à Kiev, à côté de sa nouvelle église "patriarcale" en construction. Et le cardinal Walter Kasper, président du conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, envoie de Rome au patriarche de Moscou, Alexis II, une lettre dans laquelle il annonce que le pape Jean-Paul II a l’intention de créer à Kiev un patriarcat gréco-catholique. Un long document qui est joint à la lettre donne les preuves historiques et canoniques qui appuient cette décision.

Catastrophe ! Alexis II montre la lettre de Kasper au patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier. Celui-ci écrit à Jean-Paul II une réponse enflammée, donnant à prévoir une crise très grave pour le dialogue œcuménique au cas où le patriarcat gréco-catholique de Kiev deviendrait une réalité. La lettre de Bartholomée Ier au pape, datée du 29 novembre 2003, est rendue publique par le mensuel catholique international "30 Giorni", publié à Rome, dirigé par le sénateur Giulio Andreotti et considéré comme une lecture indispensable au Vatican.

Le Vatican donne un coup de frein. Kasper se précipite à Moscou pour indiquer que le patriarcat gréco-catholique ukrainien n’est plus à l’ordre du jour......SUITE Chiesa.espresso

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 14 Octobre 2011 à 10:59 | 6 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Marie Genko le 14/10/2011 14:48

Il est très intéressant de cliquer sur le lien et de lire cet article en entier.
Il est manifeste que, si pour l'Eglise de Russie la notion de territoire canonique est de toute première importance, il semble que cette notion n'ait que peu, ou pas du tout d'importance pour l'Eglise catholique...!
Il y a certainement là matière à réflexion commune entre orthodoxes et catholiques, et il serait sage d'adopter aussi des démarches identiques dans ce domaine.

2.Posté par Boris le 14/10/2011 15:07
Bravo "PO"! L’article est passionnant!

3.Posté par vladimir le 14/10/2011 20:28
Je trouve personnellement le début de l'article très intéressent et positif en montrant les progrès dans le dialogue entre nos Eglises (je le copie ci-dessous). Par contre l'article sous estime l'effet désastreux du prosélytisme continu des Gréco-catholiques au dépends des orthodoxes: des clercs et des communautés entières se convertissent régulièrement...

Voici le début
"ROME, le 28 juin 2010 – Depuis plusieurs années, la fête des saints apôtres Pierre et Paul est un important moment de dialogue entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes d'Orient, marqué par la présence de délégués du patriarcat œcuménique de Constantinople aux liturgies que célèbre le pape, quand ce n’est pas par celle du patriarche en personne.

Avec Benoît XVI, ce dialogue a fait des progrès considérables. Même la primauté du pape – principale raison historique du schisme d’Orient – n’est plus un tabou et elle est devenue l’objet de rencontres œcuméniques d’études.

Au cours de l’actuel pontificat on a également enregistré une nette amélioration des relations entre l’Église de Rome et la partie la plus importante de l'orthodoxie, l’Église russe. Elles sont de plus en plus d’accord l’une avec l’autre dans leur volonté d’accomplir ensemble ce qu’elles considèrent comme le devoir prioritaire des chrétiens dans l'Europe d’aujourd’hui : une nouvelle évangélisation de tous ceux qui sont loin de la foi. Cette nouvelle évangélisation à laquelle Benoît XVI a décidé de consacrer un service spécifique de la curie romaine.

Dans la pratique, toutefois, il y a un obstacle qui entrave encore les relations entre Rome et Moscou et qui empêche le pape et le patriarche russe de se rencontrer. Rencontre qui n’a jamais eu lieu au cours de l’histoire mais que Benoît XVI et Kirill Ier désirent tous les deux de tout leur cœur."

4.Posté par Marie Genko le 14/10/2011 21:04
Cher Vladimir,

Quelles informations avez-vous, qui vous permettent d'affirmer que des clercs et des communautés entières se convertissent régulièrement à la religion gréco-catholique en Ukraine?

5.Posté par vladimir le 14/10/2011 22:20
Bien cher Marie,
Je ne peux retrouver cela maintenant mais, il y a environ deux ans, il y avait eu un article important sur un blog ukrainien en russe qui traitait de ce sujet. De plus le patriarche Cyrille et Mgr Hilarion en font régulièrement état (par exemple ici, http://www.interfax-religion.ru/?act=news&div=25041, http://www.newsru.com/religy/02jul2002/kyrill_vatican.html, http://ria.ru/p_news/20090131/160632468.html) même si la question semble moins aiguë qu'il y a dix ans...

6.Posté par Večernje novosti (Serbie) Patriarche Cyrille - Vladimir le 14/02/2012 12:56
Dans son interview publié le 29 janvier 2012 par Večernje novosti (Serbie) Sa Sainteté le Patriarche Cyrille parle aussi des relations avec Rome:

Citation:
Q: De nombreux journaux ont récemment parlé d’une possible rencontre avec le pape Benoît XVI. Continuez-vous à insister sur le fait qu’il faut d’abord résoudre les questions qui posent problèmes, cette rencontre n’ayant aucun sens dans le cas contraire ?

R: Oui, j’estime toujours que le succès de cette rencontre dépend de la résolution, au moins partielle et énergique des problèmes qui existent entre nous.

Les médias soulignent uniquement l’aspect sensationnel d’une éventuelle rencontre. J’aimerais justement éviter que son effet se limite au sensationnel. Pour qu’elle serve réellement le développement des relations entre l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine, il faut améliorer radicalement l’atmosphère de ces relations en réglant les problèmes qui existent entre nous.

Q: A l’époque du Pape prédécent, les représentants du Vatican disaient souvent qu’ils n’avaient pas d’influence sur les Gréco-catholiques ukrainiens qui avaient confisqués des églises orthodoxes. La situation a-t-elle changée, ou en sommes-nous au même point ?

R: Bien que les Gréco-catholiques ukrainiens aiment à soulignent par tous les moyens leur loyauté au Siège de Rome, ils insistent également sur leur autonomie. Lorsqu’une commission quadripartite regroupant des représentants du Vatican, du Patriarcat de Moscou, de l’Église orthodoxe d’Ukraine et de l’Église gréco-catholique ukrainienne avait été fondée en 1990 pour régler la situation en Ukraine occidentale, les Grécos-catholiques en avaient volontairement gêné le travail. Nous avons proposé très récemment de relancer cette commission, mais les catholiques se sont montrés très réticents.

Lors de nos contacts réguliers avec la direction de l’Église catholique romaine, nous revenons sans arrêt sur le problème des églises orthdoxes en Ukraine occidentale. Le Pape, de même que les chefs des congrégations vaticanes se montrent compréhensifs envers notre préoccupation, mais le problème reste sans solution.

Q: En 1997, la ville de Graz, en Autriche, aurait dû accueillir la rencontre du Patriarche russe avec le pape. Dix jours avant la rencontre, le Vatican a rayé du document qui devait être signé toute la partie sur la nocivité du prosélytisme et sur le conflit des orthodoxes et des uniates en Ukraine. Dans les années 1990, des églises catholiques ont été ouvertes dans plus de 200 villes russes. Les positions de Rome et de Moscou se sont-elles rapprochées sur la question du prosélytisme ou en sommes-nous toujours au même point ?

R: Il faut souligner que les relations entre orthodoxes et catholiques se sont nettement améliorées en Russie ces dix dernières années. Le problème du prosélytisme n’est plus autant d’actualité que dans les années 1990, à l’époque où les missionnaires catholiques venaient en Russie et y déployaient une grande énergie. Le Groupe mixte sur les problèmes des relations entre l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine en Russie, créé en 2004, a joué un rôle positif. Il sert d’espace à une franche discussion entre représentants des deux Églises sur des problèmes complexes concrets, et permet d’élaborer des recommandations en vue de leur résolution.

Il importe également de développer la collaboration entre orthodoxes et catholiques, gardiens de la tradition chrétienne, partageant les mêmes opinions sur l’éthique personnelle et sociale, le progrès technique et scientifique, la bioéthique, etc. Le problème de la christianophobie, des persécutions contre les chrétiens devient de plus en plus actuel. Dans le domaine de la défense des droits des chrétiens, une étroite collaboration entre orthodoxes et catholiques me paraît porteuse de perspectives, importante et actuelle.
Fin de citation

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