Certains commentateurs occidentaux ont été surpris que la déclaration commune du patriarche de Moscou et de toute la Russie et du président de la conférence des évêques de Pologne a été signée le 17 août au château royal de Varsovie, sans aucune solennité religieuse ni prière commune et surtout sans messe ou Liturgie. Il s'agit bien évidement d'un manque d'information sur les fondements théologiques de l'Eucharistie, qui est le fondement de la messe comme de la Liturgie, et je propose cet article du père Jean Breck* qui en explique parfaitement les éléments les plus importants.

P. Jean Breck:

En particulier au moment de Pâques (Pascha), des Chrétiens non-Orthodoxes nous demandent pourquoi ils ne peuvent pas recevoir la Sainte Communion dans les paroisses Orthodoxes. Aussi douloureux que soit ce refus, il est basé sur notre compréhension de la véritable signification du Sacrement, telle que révélée par l'Écriture Sainte et l'expérience ecclésiale.

Il y a quelque mois, quelqu'un m'a transmis un article d'un site internet qui traitait du problème de la Communion parmi diverses confessions chrétiennes. Répondant à la question du refus de donner le sacrement à une Protestante, à Pâques, dans la paroisse catholique-romaine de son petit ami, l'auteur déclarait que les non-catholiques-romains ne croyaient pas dans "la présence du corps de Dieu dans l'hostie après transsubstantiation." Dès lors, "ils ne peuvent pas prendre la communion."

Et l'auteur d'ajouter: "Il n'existe qu'une exception à cette règle. Les Chrétiens Orthodoxes (tels que les Chrétiens Grecs Orthodoxes) peuvent prendre la communion dans toutes les paroisses catholiques-romaines. La raison est que le Christianisme Orthodoxe enseigne aussi la présence réelle de Dieu dans l'hostie."

Cette manière d'envisager le problème, bien que fort répandue, n'est cependant pas exacte, et elle requiert plusieurs mises au point, tant théologiques que pastorales. On pourrait écrire un volume entier pour expliquer tout cela, mais voici quelques uns des éléments les plus importants. Au cours des 2 articles à venir, nous en explorerons quelques autres.

En premier lieu, il nous faut reconnaître que nombre de Protestants (en ce compris nombre d'Anglicans) croient en fait que la sainte Communion leur offre une véritable participation au Corps et Sang du Christ. Ils peuvent ne pas exprimer leur croyance comme les catholiques-romains ou les Orthodoxes le voudraient; mais leur foi dans la "présence réelle du Christ dans l'Eucharistie" est authentique et ne devrait pas être dénigrée ou niée.

Ensuite, la théologie eucharistique Orthodoxe n'explique pas le changement du pain et vin en Corps et Sang du Christ comme un résultat d'une sorte de "transsubstantiation.", cet enseignement disant que les propriétés visibles des éléments restent inaltérées, alors que leur "substance" ou essence interne devient actuellement Corps et Sang. La tradition Orthodoxe parle d'un "changement" ou d'une "transformation" – "metamorphôsis", dans la prière eucharistique de la Divine Liturgie cela donne "metabalôn", "en les changeant" – mais toujours avec le souci de préserver le mystère de l'exploration de la raison humaine. Elle parle aussi du Corps et du Sang du Christ glorifié, expliquant clairement que notre communion est en l'être personne du Seigneur Ressuscité et Exalté, et non pas dans la chair et le sang de Jésus incarné, brisé et répandu sur la Croix. Le Jésus incarné et le Christ ressuscité sont bien sûr une seule et même Personne – "Jésus-Christ est Seigneur," déclare saint Paul (Philippiens 2,11). Mais notre communion est dans la réalité radicalement transformée du Christ Ressuscité, Qui est monté aux Cieux et qui Se rend accessible à nous par la présence et l'inhabitation du Saint Esprit au sein de l'Église.

Un autre point doit être mis en exergue. Il est vrai que les Chrétiens Orthodoxes sont considérés par certains prêtres catholiques-romains comme étant dans les conditions requises pour recevoir la communion dans leurs paroisses; mais cette pratique n'est pas officiellement admise par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (Saint Office ou Magisterium) [1]. D'un autre côté, les Églises Orthodoxes, unies par dessus tout par leur foi et pratique Eucharistique, n'acceptent à la communion que les baptisés Chrétiens Orthodoxes, et encore, elle n'est prévue que pour ceux qui se sont préparés par la prière, par une jeûne approprié et – dans la plupart des traditions – par la confession des péchés. De plus, les évêques Orthodoxes et autres docteurs ont clairement stipulé aux fidèles qu'ils ne peuvent correctement recevoir la communion que d'un prêtre ou évêque canoniquement ordonné, dans le contexte d'une Divine Liturgie Orthodoxe traditionnelle (ce qui inclut la communion portée aux malades).

Cependant, il n'est pas suffisant de déclarer que les Orthodoxes n'enseignent pas une "transsubstantiation" (bien que le terme apparaisse dans certains de nos livres liturgiques) et, si ils sont fidèles à leur tradition, ne reçoivent pas la communion hors de leur propre Église. Il y a aussi le problème crucial "d'identité ecclésiale." Nul Chrétien Orthodoxe ne reçoit la Sainte Communion en étant isolé. Nous sommes incorporés dans une communauté universelle d'humains, tant vivants que défunts, que la foi et la pratique commune unissent en l'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Notre existence dans le Corps du Christ, notre identité ecclésiale en tant que Chrétiens Orthodoxes, est telle que nous représentons l'Église en tout ce que nous sommes et faisons. Si je défie les décrets de ma tradition ecclésiale et je reçois la communion dans une autre Eglise, ou comme prêtre j'invite un non-Orthodoxe à venir recevoir l'Eucharistie dans ma paroisse, j'agis en violation de ma propre tradition, à laquelle je me suis consacrée devant Dieu. Et du fait de ma solidarité avec tous les autres membres de l'Église Orthodoxe, je les implique implicitement dans mon acte de désobéissance.

Le fond du problème n'est cependant pas une question d'obéissance ou de désobéissance à des règles et dispositions. Si les Orthodoxes préservent la sainteté de l'Eucharistie comme une obligation suprême, c'est à cause de cette vérité souvent exprimée que la communion au Corps et Sang du Christ est la fin même ou l'accomplissement de l'existence Chrétienne. Elle ne peut pas, par exemple, être réduite à un moyen par lequel parvenir à "l'unité chrétienne" - en tout cas, l'histoire de l'Église a clairement montré que le partage de la communion entre Eglises aux enseignements théologiques contradictoires n'a jamais amené à une unité durable.

L'Eucharistie est la vie elle-même. Elle est la vie du Christ qui nous permet de vivre notre vie en Christ. Participer à l'Eucharistie comme nous sommes appelés à le faire, cela requiert notre acceptation d'une position doctrinale et d'un engagement qui est spécifiquement "orthodoxe", enraciné dans les Écritures et transmis à travers les âges sous la guidance et l'inspiration du Saint Esprit. Cela requiert de même l'acceptation d'une discipline ascétique, qui comporte la prière personnelle, la célébration liturgique, le jeûne, la confession des péchés, et des actes de charité: les ingrédients d'une vie de repentance et d'une quête incessante de la sainteté. Et cela requiert que nous honorions notre "identité ecclésiale" particulière, en plus de la soumission à l'autorité ecclésiale représentée avant tout par nos évêques: des personnes canoniquement ordonnées et établies, qui sont appelées par leurs actions et enseignements à préserver et à transmettre la vérité de la Foi Orthodoxe tout en maintenant un lien d'unité au sein du Corps du Christ. Une unité qui n'est pas enracinée dans le pouvoir, mais dans le respect mutuel et l'amour fraternel, partagés par tous les membres de l'Église.

Dans cette perspective, "l'intercommunion", l'accueil de non-Orthodoxes pour partager la célébration Eucharistique, n'est simplement pas possible sans miner la signification même du Sacrement. Cela n'implique pas un jugement particulier sur les offices eucharistiques d'autres églises. Cela reconnaît plutôt que pour les Orthodoxes, la Divine Liturgie est ce que son nom implique. Elle est à la fois le moyen et la fin de l'existence Chrétienne, une existence qui résulte de la Foi Orthodoxe, de la repentance continuelle, de la discipline ascétique, de l'identité ecclésiale, et des œuvres de charité. A ceux qui acceptent cette "Voie Orthodoxe", l'Eucharistie offre une véritable participation à la Vie même du Christ Ressuscité et Glorifié, de même qu'elle offre le pardon des péchés, la guérison de l'âme et du corps, et un avant-goût du Banquet céleste dans la présence éternelle de Dieu.

P. Jean Breck
* L'archiprêtre Jean Breck a été professeur de Nouveau Testament et d'Ethique au Séminaire Saint-Vladimir et est actuellement professeur d'Exégèse Biblique et de Bio-éthique à l'Institut de théologie Orthodoxe Saint-Serge à Paris, France. Avec son épouse, Lyn, il est le directeur du centre de retraite Saint Silouane en Caroline du Sud.

* * *
SAINT SILOUAN RETREAT CENTER
Orthodox Church of America
6102 Rockefeller Rd.,
Wadmalaw Island, SC 29487, USA
Tel. : (843) 559-1404
Centre recommandé au clergé par le Saint-Synode de l'OCA en 1998

Note de traduction :


[1] Cette "Congrégation pour la Doctrine de la Foi" est un des principaux départements de l'État du Vatican; elle était anciennement appelée "Saint Office", et avant ça, "(sainte) Inquisition"; après la suppression de l'Inquisition en Espagne, en 1820, il y a eu changement de nom et un peu de méthodes, mais pas de but.

Traduit et publié par st Materne le 06 juin 2007




Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 29 Août 2012 à 10:47 | 17 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir le 01/09/2012 13:41
J'ai trouvé ce rappel de l'importance ecclésiale de l'Eucharistie particulièrement intéressant et instructif d'abord par la grande différence de sens entre la foi dans l'Eucharistie et sa signification pour les Orthodoxes et les autres confessions chrétiennes. Toutefois il y a aussi des théologiens orthodoxes qui défendent une position opposée (voir par exemple l'exposé très documenté d'Antoine Arjakovsky, directeur de l'Institut d'Etudes Oecuméniques, Lviv dont le titre est particulièrement explicite: "L'inter-communion entre chrétiens catholiques, protestants et orthodoxes au corps et au sang du Christ est possible"(*)). Il serait donc essentiel que les Eglises orthodoxes prennent fermement une position commune et claire sur ce sujet qui "interpelle" un grand nombre d'Orthodoxes au quotidien.

(*) http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:CNlEMPdpCrMJ:antoinearjakovsky.blogspirit.com/media/01/02/2261c9903154e00dd1f66b4cff84f366.rtf+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&lr=lang_en|lang_fr

2.Posté par Daniel le 01/09/2012 21:42
La meilleure façon de se procurer l'article d'Antoine Arjakovsky est de faire une recherche google avec
"L'inter-communion entre chrétiens catholiques, protestants et orthodoxes au corps et au sang du Christ est possible". Cela conduira directement à la page où le télécharger.

J'ignore si un grand nombre d'orthodoxes sont interpellés par la question de la possibilité ou pas de l'intercommunion. Ceux qui le sont doivent être les oecuménistes, car à partir du moment où dans la doctrine oecuméniste, officielle et officieuse, les hétérodoxes ont des mystères, une succession apostolique, et tout le reste, pourquoi ne communierait-on pas chez eux et eux chez nous? Pour les orthodoxes normaux, droits dans leurs bottes qui savent qu'hors de l'église, il n'y a pas des usccession apostolique, pas de mystères etc, la question de l'intercommunion ne sepose même pas, et n'interpelle même pas...

3.Posté par Vladimir le 02/09/2012 22:16
Bien cher Daniel,
Merci pour le tuyau, effectivement efficace...

Pour la position sur l'intercommunion, elle me parait loin d'être si simple: vivants au milieu d'hétérodoxes, nous et nos enfants sommes souvent questionnés et invités, et il me parait important de connaitre une position claire et argumentée. Or cela n'est pas le cas puisque des positions très documentées provenant de personnalités reconnues, comme celles d'Antoine Arjakovsky, prônent l'intercommunion alors que la plupart de nos pasteurs s'y opposent avec différents arguments dont ceux du père Jean Breck ou les vôtres.

Faisant partie de l'Eglise russe, vos arguments "qu'hors de l'Eglise /orthodoxe/, il n'y a pas des succession apostolique, pas de mystères etc," n'est pas satisfaisant puisque nos conciles affirment le contraire: tant pour ce qui concerne l'Eglise catholique romaine que pour les Anglicans, les "Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie" (1), adoptés par le concile épiscopal et le concile local de l'Eglise russe leur reconnaissent la validité des sacrément et de la succession apostolique.

Sur l'intercommunion cette déclaration est claire:
"1.8. L'unité ecclésiale se trouve en lien indissoluble avec le sacrement de l'Eucharistie, dans lequel les fidèles, par la communion à l'unique Corps du Christ, sont rassemblés authentiquement et effectivement en un corps un et universel, dans le sacrement de l'amour du Christ et la force transfigurante de l'Esprit. "Car si 'nous avons part à un seul pain', alors tous nous formons un seul corps (1 Co 10, 17), car le Christ ne peut être divisé. C'est pourquoi l'Église est appelée Corps du Christ et nous des membres distincts, selon la conception de l'apôtre Paul (1 Co 12, 27)" (s. Cyrille d'Alexandrie).
Et dans l'annexe "Participation aux organisations et aux dialogues chrétiens internationaux dans le cadre du "mouvement œcuménique" ": "…selon l'enseignement de l'Église orthodoxe, là où il n'y a pas communauté de foi, il ne peut y avoir communion dans les sacrements. Je ne connais pas d'affirmation aussi claire de la part des autorités canoniques des autres Eglises.

(1) http://orthodoxeurope.org/page/7/5/2.aspx

4.Posté par Daniel le 03/09/2012 11:07
Faisant partie de l'Eglise orthodoxe, l'affirmation de l'Eglise de Russie selon laquelle les églises anglicanes et catholiques ont une succession apostolique et des mystères "valides" n'est pas non plus satisfaisante car elle contredit le principe général que l'on retrouve dans les canons (Canon 1 de Saint Basile et un canon des apôtres dont le numéro m'échappe) et dans des écrits des pères, principe selon lesquels les communautés sorties de l'église que ce soit via des hérésies, des schismes ou le statut de parasynagogue, n'ont ni succession apostolique ni sacrements.

5.Posté par Nikolas le 03/09/2012 13:49
C'est aussi ce que disait récement le Métropolite d'Etolie dans une encyclique au vétéro-calendariste :
"les "évêques" des vétéro-calendaristes n'ont ni la succession apostolique, ni ordination canonique, ni la validité des saints Mystères."
"the "Bishops" of the Old Calendarists neither have apostolic succession, nor canonical ordination, nor do their Mysteries have validity."
http://www.johnsanidopoulos.com/2012/08/metropolitan-of-aitolia-encyclical-on.html

Donc si cela est vrai pour les parasynagogue orthodoxe qui dire des autres groupes hétérodoxes, qui eux en plus d'être schismatique, sont hérétiques.

6.Posté par Vladimir le 03/09/2012 17:15
Pour moi, et pour ceux qui interprètent correctement la position de l'Eglise russe (1), il y a une très grande différence entre les clercs qui ont été condamnés et déchus de leur ordination par leur instance canonique (cas général des shismatiques cités: "Se séparer de la sainte hiérarchie c'est se séparer du Saint Esprit, du Christ lui-même." Ibid.) et ceux qui se sont écartés pour différentes raisons mais n'ont pas fait l'objet de condamnation ou déchéance. Cela est d'autant plus vrai que les anathèmes personnels de 1054, que l'on pouvait à la rigueur étendre à l'ensemble de l'Eglise romaine et aux confessions qui en sont issues, dont les anglicans, ont été levés le 7 décembre 1965.

Quand à la position de l'Eglise russe, elle est particulièrement claire sur les Catholiques: "Le dialogue avec l'Église catholique romaine est fondé et doit rester fondé à l'avenir sur le maintien de la succession apostolique des ordinations. En même temps il apparaît indispensable de prendre en considération le caractère du développement des bases doctrinales et de l'ethos de l'Église catholique romaine qui va assez souvent à l'encontre de la Tradition et de l'expérience spirituelle de l'Église Ancienne.". (2t)

Pour les Anglicans " La Troisième Conférence panorthodoxe préconciliaire, dans son Décret, a considéré comme "satisfaisant le travail accompli par la Commission théologique mixte (… qui) a élaboré des textes communs sur la triadologie et l'ecclésiologie ainsi que la vie, le culte et la Tradition de l'Église."(ibidem 2)

(1) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Expliquer-l-attitude-de-l-Eglise-russe-envers-l-heterodoxie_a2015.html
(2) In "Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie". Cf commentaire 3

7.Posté par Daniel le 03/09/2012 18:55
@ Vladimir (message 6)

Ne mélangeons pas les choux et les carottes! La levée des anathèmes ne concerne que l'Eglise de Constantinople et ne concerne que les anathèmes de 1054. Mais les anathèmes de 1054 ne sont pas les seuls visant l'Eglise romaine (rajouter ceux des conciles palamites, ceux interdisant une modification du symbole de Nicée entre autre). Il est faux de dire qu'il n'y a pas eu de condamnations conciliaires (que le concile soit locale ou pas) formelles de certaines doctrines catholiques... condamnations accompagnées d'anathèmes, à savoir affirmation que la personne est hors de l'Eglise.


8.Posté par Nikolas le 04/09/2012 14:26
L'on peut par exemple cité cette condamnation conciliaire, ou plutôt ce rappel des antiques condamnations, des hérésies soutenu par l'Eglise Romaine, dans l'Encyclique des Patriarches Orientaux de 1848.
Dans son article 4 nous lisons:
"Parmi les hérésies qui se sont répandues, selon les desseins que Dieu seul connaît, sur la plus grande partie de l'Univers, émergeait jadis l'arianisme. De nos jours c'est le papisme. Mais ce dernier, de même que le premier qui a complètement disparu (et bien qu'il soit encore vigoureux), ne tiendra pas, il passera et s'effacera et une voix forte venue du ciel dira de lui : il a été précipité (Apoc. 12 : 10)."

Cette encyclique qui fut ratifiée par les Patriarches de Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem et leurs Synodes, constitue un excellent résumer des condamnations frappant l’Église de Rome. Encyclique, rappelons le, qui constitue encore aujourd'hui une référence en Dogmatique sur ces sujets.

Comme nous le savons tous, hors de la Foi de l'Eglise = Hors de l'Eglise. Et Hors de l'Eglise = pas de sts mystères, donc pas d'ordination valide, donc pas de succession apostolique.
De même comme le disent les canons : si quelqu'un professent une autre Foi, qu'il soit anathème. Si il est clerc qu'il soit déposé.
Ce que disait très clairement le Métropolite de Limassol (Chypre) lors de la visite du pape de Rome sur son île : "Pour nous ce n'est même pas un évêque".

9.Posté par Vladimir le 05/09/2012 21:06
Je serais bien curieux de voir quelle Eglise soutiendrait de nos jours ce texte de 1848? Le Métropolite de Limasol allait clairement contre son synode... La position de l'Eglise russe a l'avantage d'être claire et de recueillir un quasi consensus de fait: seule l'Eglise de Bulgarie a suspendu sa participation au dialogue, sans parler de rupture, toutes les autres continuant de participer.

10.Posté par Daniel le 05/09/2012 23:41
@ Vladimir

Le fait de participer au dialogue ne signifie pas reconnaissance des mystères hors de l'Eglise... L'Eglise de Grèce ne reconnapit pas non plus les mystères hors de l'Eglise, c'est le cas aussi en Géorgie, à Jérusalem. Le synode de Chypre n'a jamais dit reconnaître non plus les mystères romains. Dialoguer est une chose, reconnaître les mystères latins un autre.

Si des églises ne soutiennent pas le texte de 1848 et celui de 1895 qui s'appuie sur des conciles locaux plus anciens et des écrits plus anciens, cela ne fait que décridibiliser l'église orthodoxe, église qui au cours des siècles ne saurait donc même pas s'il est la seule église, quels sont les attributs de l'église, qui les possède et ne les posséde pas et changerait sans cesse d'opinion sur ces questions... comme un vulgaire partie politique... peut-être au gré des tendances et forces en présence... Mais une telle chose est-elle encore l'église?

11.Posté par Vladimir le 06/09/2012 12:26
Je ne vois pas que la question des sacrements soit traitée dans ce texte de 1848 et je ne sais pas quand leur reconnaissance mutuelle a été abordée; peut être par la Commission théologique mixte avec la Anglicans "(… qui) a élaboré des textes communs sur la triadologie et l'ecclésiologie ainsi que la vie, le culte et la Tradition de l'Église." (cf. mon commentaire précédant).

Par contre la question de la considération mutuelle entre Catholiques et Orthodoxes me semble avoir profondément changé quand les Catholique ont fait volteface sur ce sujet à Vatican II. Ainsi la Déclaration commune de la Commission théologique orthodoxe-catholique d’Amérique du Nord (25 octobre 2003(1)) mentionne-elle spécifiquement dans ses Recommandations: "3. Que dans l’avenir, en raison des progrès faits dans la compréhension réciproque durant les dernières décennies, les orthodoxes et les catholiques s’abstiennent d’étiqueter comme hérétiques les traditions les unes des autres sur la procession du Saint-Esprit"

Et, de son côté, la position conciliaire de l'Eglise russe est particulièrement claire sur ce sujet comme indiqué dans mon commentaire précédant.

(1) http://www.scoba.us/assets/files/FilioqueStatement-FR.pdf

12.Posté par justine le 06/09/2012 13:20
Nous devons nous rendre à l'évidence qu'il existe aujourd'hui à l'intérieur de l'Eglise Orthodoxe une profonde déchirure du fait de l'œcuménisme, introduit en son sein au début du 20e siècle par le Patriarcat de Constantinople (par l'Encyclique du patriarche Ioachim III de 1902 et la Proclamation de 1920 notamment) et sans cesse développé depuis par ce même patriarcat; entrainant à sa suite beaucoup d'autres Eglises locales (mais pas toutes, heureusement !). Nos théologiens-historiens orthodoxes qui ont soigneusement étudié le phénomène, constatent une très nette rupture dans l'attitude de la Hiérarchie orthodoxe envers l'Hétérodoxie après cette introduction, au point qu'ils jugent légitime d'appeler cette rupture "auto-révocation", c'est à dire révocation de tout ce que cette Hiérarchie avait jusque là cru, enseigné et pratiqué en la matière. Et ils montrent aussi que ce fait est conditionné surtout par des facteurs politiques. Comme tant de fois dans l'Histoire de l'Église, une partie de ses dirigeants terrestres tentent de résoudre des difficultés d'ordre politique et séculier au détriment des Saints Dogmes et de la Sainte Tradition. Mais comme précédemment, la plus grande partie, fort heureusement, du clergé et du peuple fidèle refuse de les suivre dans cette auto-révocation.
Voir a ce sujet p. ex. l'exposé de l'Archiprêtre Georges Metallinos, Professeur émérite de l'Université d'Athènes, lors de la Journée théologique au Pirée du 29 février 2012 (en grec) : http://aktines.blogspot.gr/2012/02/blog-post_29.html#more.

13.Posté par Daniel le 06/09/2012 15:21
Je pense que nous ne nous comprenons pas. Je résume les échanges. Nikolas et moi-même mettons en évidence qu'hors de l'Eglise, il n'y a point de mystère quand bien même ce 'hors de l'église" correspondrait à des communautés ayant une dogmatique orthodoxe. Vladimir semble avoir émis la réserve que cela ne pouvait concerner l'Eglise romaine qui n'a pas fait l'objet de condamnation formelle, ce à quoi Nikolas et moi-même avins rétorqué que ces condamnations de doctrines latines assorties d'anathèmes existaient nonobstant la levée des anathèmes de 1054, levée n'impliquant d'ailleurs que Constantinople.

De ce fait, la position de l'Eglise de Russie est tout sauf claire car elle contredit le syllogisme suivant :

- certains conciles locaux ou pas orthodoxes mettent sous anathème des doctrines ou pratiques catholiques, l'anathème signifiant être en dehors de l'église . Je passe sous silence la question de savoir s'il faut bien une condamnation formelle, surtout quand une séparation a duré si longtemps

- Or les communautés hors de l'Eglise ne dispose ni de grâce "mystérielle", ni de succession apostolique, de façon générale

-Donc, cela concerne au l'Eglise catholique qui n'a donc ni succession apostolique ni mystère valide


Quant à la déclaration "s’abstiennent d’étiqueter comme hérétiques les traditions les unes des autres sur la procession du Saint-Esprit", elle invite à se demander si l'une ou l'autre de ces entités est véritablement l'église. L'Eglise étant infaillible dogmatiquement, elle est censé savoir ce qui est faux ou pas en matière de dogme, et donc là où se situe l'hérésie mais aussi dénoncer l'hérésie. Est-ce trop en demander?

14.Posté par Irénée le 06/09/2012 17:57
Je trouve personnellement les propos de Justine un peu trop catégoriques et simplificateurs...
Il ne faut pas oublier plusieurs choses :
tout d'abord l'époque et le contexte dans lequel l'encyclique de 1920 a été rédigée par l'Eglise de Constantinople. Juste après la première Guerre Mondiale, alors que l'Europe était à feu et à sang. Tout effort en vue d'une meilleure entente entre les peuples et les cultures était alors plus que bienvenu...Je ne doute pas personnellement que sans la révolution russe, l'Eglise de Russie ne se soit engouffrée dans ce mouvement de dialogue dès les années 20-30.
Ensuite il ne faut pas minimiser la place tenue par l'Eglise de Russie dans le COE et les mouvement oecuménique en général. De nombreux postes des instantes dirigeantes du COE sont tenus par des personnalités de tout premier plan (comme le métropolite Hilarion) et le propre neveu du patriarche Cyrille est le représentant permanent de l'Eglise de Russie auprès du COE à Genève.
Les relations entre l'église catholique romaine et Moscou sont somme toutes assez bonnes, et cette fameuse reconnaissance de la succession apostolique et des "mystères" qu'elle dispense en est un signe très concret et significatif.
Faire pesez toute la responsabilité de l'engagement oecuménique de l'orthodoxie sur Constantinople me semble très excessif !

15.Posté par Vladimir le 06/09/2012 23:08
Merci Irénée pour cette mise au point.

Je pense avoir montré cette importante implication des Orthodoxes dans le mouvement œcuménique dès son origine dans mon article "Quelques étapes de l'œcuménisme orthodoxe", publié il y a trois mois en trois parties (*), et l'Eglise russe y a aussi participé dès le début avec Mgr Euloge (alors responsable des paroisses orthodoxes russes à l’étranger) et les théologiens de l'Institut Saint Serge, ainsi que l'Eglise de Serbie avec saint Nicolas d'Ohrid, et bien d'autres. Avec la fermeture du rideau de fer cette participation de l'Eglise russe s'était interrompue mais le patriarcat de Constantinople, l’Église de Grèce et les patriarcats d’Alexandrie et d’Antioche sont membres fondateurs du COE en 1948, rejoints en 1961 par l’ensemble des Églises orthodoxes d’Europe de l’Est, l’Église russe en tête (rappelons que l'Eglise catholique ne participe au COE que depuis 1965 et seulement comme observateur; auparavant sont attitude vis-à-vis du mouvement œcuménique était clairement hostile…). A ce jour, toutes les Eglises orthodoxes sont membres du COE, celles de Bulgarie et de Géorgie ayant toutefois suspendu leur participation.


(*) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-1_a2514.html; http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-2_a2526.html; http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Quelques-etapes-de-l-oecumenisme-orthodoxe-Partie-3_a2536.html

16.Posté par Irénée le 07/09/2012 10:45
Merci Vladimir pour cette réponse.
Je voudrais simplement préciser, concernant les relations entre le COE et l'église romaine, que l'église romaine participe pleinement aux travaux du département "Foi et Constitution" au sein du COE qui travaille sur le dialogue théologique entre les églises. Et qu'il existe un groupe permanent de travail entre le COE et l'église romaine qui publie régulièrement des rapports sur ses travaux.

17.Posté par Vladimir le 07/09/2012 13:01
Merci Irénée. Vous avez absolument raison.

Les Orthodoxes participent bien entendu pleinement à ces travaux et les "Principes fondamentaux régissant les relations de l'Eglise orthodoxe russe avec l'hétérodoxie" (*) mettent clairement l'accent dessus. Je cite:

"Au long des nombreuses années de dialogue avec le mouvement œcuménique, les orthodoxes ont souligné le caractère prioritaire des travaux touchant la restauration de l'unité dans le domaine de la foi, des institutions et des principes de la vie spirituelle de l'Église, par rapport à une collaboration dans les œuvres pratiques, que l'on peut appeler "horizontalité ". C'est pourquoi les orthodoxes attache une valeur particulière à leur participation à la Commission " Foi et Constitution" du COE. La Commission " Foi et Constitution " est le prolongement institutionnel et, dans une certaine mesure, autonome dans le cadre du COE, du mouvement du même nom qui existait depuis 1910, comme l'une des plus importantes orientations dans le mouvement œcuménique, avec le mouvement " Vie et Action " et le Conseil missionnaire international.

L'activité de " Foi et Constitution ", à la différence des autres courants du mouvement œcuménique (et en cela réside sa valeur particulière et sa signification pour le témoignage orthodoxe), était conçue dès son origine en vue de la mise en place d'un dialogue théologique multilatéral. C'est dans le cadre du courant " Foi et Constitution " que les participants orthodoxes ont pu présenter à leurs partenaires dans le dialogue théologique une vision catholique des thèmes abordés. Celle de l'Église et de son unité, de la conception des sacrements du Baptême, de l'Eucharistie et de l'ordination sacerdotale ; de l'Écriture et de la tradition, du rôle et de la signification des Symboles de foi, de l'incidence des facteurs dits " non théologiques " sur le problème de la division et de l'unité des chrétiens. Dans le cadre de " Foi et Constitution ", le dialogue théologique devient plus large et plus significatif grâce à la participation de l'Église catholique romaine qui n'est pas membre du COE. En raison de la pertinence particulière de la Commission " Foi et Constitution " pour le témoignage orthodoxe et aussi par suite de l'autonomie historique et structurelle de la Commission par rapport au COE, l'Église orthodoxe russe peut envisager de continuer à en faire partie, même au cas où serait modifié son statut d'appartenance au Conseil œcuménique des Églises."

(*) http://orthodoxeurope.org/page/7/5/2.aspx

Nouveau commentaire :



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile